CA Colmar, 3e ch. civ. B, 14 novembre 2007, n° 06-00450
COLMAR
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
La cuisine par éléments R-V (SA)
Défendeur :
Monteiro da Fonte, Discount cuisines 67 (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Leiber
Conseillers :
Mmes Schirer, Weber
Avocats :
SELARL Arthus Conseil, Mes Delerue, Torro, Harnist
En date du 3 février 1999, M. Monteiro da Fonte a passé commande auprès de la société Discount cuisines 67 d'une cuisine par éléments pour un montant de 61 000 francs.
Il a, le 4 décembre 2002, fait citer la société Discount cuisines 67 devant le Tribunal d'instance de Brumath pour la voir condamner à procéder à la remise en état intégrale des éléments de cuisine souffrant de désordres sous astreinte et, à défaut, à la voir condamner aux frais de remise en état par une entreprise tierce.
La société Discount cuisines 67 a, le 3 mars 2003, appelé en garantie le fabricant, la société Cuisine par éléments R-V.
Par jugement du 25 juin 2003, le Tribunal d'instance de Brumath a ordonné une expertise confiée à M. Robert Beck pour déterminer les causes et origines de l'écaillement de la peinture des éléments de cuisine et a déclaré recevable l'appel en garantie.
L'expert judiciaire, M. Beck, a déposé son rapport le 26 février 2004 duquel il ressort que la cause principale des désordres constatés serait une surchauffe de façon continue du local liée à un état hygrométrique anormalement bas.
Par jugement du 6 octobre 2004, le Tribunal d'instance de Brumath a ordonné une vue des lieux de la cuisine de M. Monteiro da Fonte en présence d'un sachant, M. Rapp, architecte.
La vue des lieux s'est déroulée le 8 novembre 2004, M. Rapp appelé à titre de sachant s'étant fait assister par M. Eschlimmann, maître peintre.
Par jugement du 19 janvier 2005, le Tribunal d'instance de Brumath a ordonné une expertise du tiroir de la cuisine des époux Monteiro da Fonte qui avait été emporté lors de la vue des lieux et a confié cette mesure d'instruction au Laboratoire d'Etude des Matériaux (LEM) à Saverne.
Le LEM a déposé son rapport le 13 juin 2005.
Par jugement du 14 décembre 2005, le Tribunal d'instance de Brumath:
Sur l'instance principale
- a condamné la société Discount cuisines 67 à procéder à la remise en état intégrale des éléments de cuisine souffrant de désordres et à procéder à ses frais au remplacement de ceux-ci sous astreinte;
- à défaut d'exécution dans un délai de trois mois suivant la signification du jugement, a condamné la société Discount cuisines 67 aux entiers frais de remise en état et de remplacement des éléments souffrant de désordres sur présentation d'un devis d'une entreprise tierce mandatée par M. Monteiro da Fonte;
- a condamné la société Discount cuisines 67 à payer à M. Monteiro da Fonte 800 euro de dommages-intérêts et 1 000 euro au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile;
- a condamné la société Discount cuisines 67 aux dépens.
Sur l'appel en garantie
- a dit et jugé que la SA La Cuisine par éléments R-V devra garantir la société Discount cuisines 67 de toute condamnation à son encontre;
- a condamné la SA La Cuisine par éléments R-V aux dépens et au paiement à la société Discount cuisines 67 de la somme de 700 euro au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.
La SA La Cuisine par éléments R-V a, le 18 janvier 2006, interjeté appel dudit jugement.
Elle demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau:
- de dire et juger que les désordres constatés ne sont pas imputables à un défaut de fabrication,
- de dire et juger, à titre infiniment subsidiaire que, si sa responsabilité devait être retenue, l'action de la société Discount cuisines 67 dirigée contre elle est tardive et qu'elle n'est en tout état de cause redevable qu'à concurrence du prix de vente au fournisseur,
- de dire et juger, en conséquence, que sa garantie ne peut être accordée à la société Discount cuisines 67,
- de condamner les époux Monteiro et la société Discount cuisines 67 aux dépens y compris ceux d'expertise ainsi qu'au paiement de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.
Elle expose:
- que l'appel en garantie dirigé contre elle ne l'a pas été dans le bref délai exigé par l'article 1648 du Code civil ; qu'il est par conséquent tardif,
- que le laboratoire de Saverne n'a fait que confirmer les conclusions de M. Beck qui attribuait les désordres à la surchauffe de la cuisine et à l'insuffisance d'hygrométrie,
- que par voie de conséquence, la responsabilité des désordres incombe exclusivement aux utilisateurs,
- qu'il est apporté aucune justification de ce que les défauts invoqués trouvent leur origine dans un défaut de fabrication,
- que subsidiairement, le montant de sa garantie devra être limité, en application de l'article 1646 du Code civil au prix payé par Discount cuisines 67 pour les éléments détériorés en raison d'un vice de fabrication.
La société Discount cuisines 67 a formé un appel incident et a conclu au débouté des demandes des époux Monteiro da Fonte et à leur condamnation aux entiers dépens et au paiement de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.
Elle a subsidiairement conclu à la confirmation du jugement entrepris sur l'appel en garantie et à la condamnation de l'appelée en garantie aux dépens et au paiement de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.
Elle expose:
- que le laboratoire LEM n'a fait que conforter les constatations de l'expert Beck,
- que l'appel en garantie diligenté dans les deux mois de l'assignation qui lui avait été délivrée, se situe dans le bref délai de l'article 1648 du Code civil,
- que l'appelée en garantie qui est un professionnel doit se voir appliquer l'article 1645 du Code civil de sorte qu'elle doit sa garantie pour la totalité des condamnations prononcées;
Monsieur Monteiro da Fonte a conclu à la confirmation du jugement entrepris et à la condamnation solidaire ou in solidum de la société Discount cuisines 67 et de la SA Cuisine par éléments R-V à lui payer 2 500 euro de dommages-intérêts et 5 000 euro en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Il expose:
- que l'expertise de M. Beck est nulle, les mesures prises n'étant pas contradictoires,
- que les conclusions de M. Beck qui procède par voie d'affirmations et non de démonstrations doivent être écartées,
- que les conclusions du LEM établissent que l'origine des défauts est imputable au fabricant,
- que la somme de 2 500 euro de dommages-intérêts sollicitée a pour but de réparer la privation de jouissance et les désagréments à l'occasion du démontage des éléments détériorés et de la réinstallation d'autres éléments.
Sur ce:
Vu la décision entreprise,
Vu les conclusions des parties auxquelles il est expressément renvoyé pour plus ample exposé des faits de la procédure et des moyens invoqués devant la cour,
Vu l'ordonnance de clôture du 29 mai 2007,
Sur la demande de M. Monteiro da Fonte dirigée contre la société
Discount cuisines 67
Attendu que la cuisine commandée par M. Monteiro da Fonte est décrite par l'expert Beck; qu'il s'agit d'une cuisine à façades en frêne recouvertes de vernis avec moulures prises dans la masse, portes à chapeau de gendarme, de couleur blanche et saumonée;
Attendu qu'il est constant que les principaux défauts constatés se manifestent par des écorchures sur teinte et vernis laissant apparaître le bois brut notamment au niveau des façades de tiroirs;
Attendu que l'expert judiciaire, M. Beck constatant que le bois est desséché, a imputé ces désordres à une surchauffe de façon continue du local liée à une hygrométrie anormalement basse ; qu'il a indiqué que la structure du bois, vu son dessèchement, s'est très fortement modifiée entraînant une fragilisation de l'élasticité du vernis qui se fendille, se casse même et de ce fait s'écaille au moindre choc;
Attendu que M. Beck a abouti à ces conclusions au vu des seuls relevés de température (19,8°), d'hygrométrie de l'air (54 %) et d'humidité du bois (relevé par piquage: 6,3 à 8 %) le jour de l'expertise;
Qu'estimant que les relevés de température et d'hygrométrie le jour de l'expertise ne peuvent refléter l'ambiance moyenne du local, vu le dessèchement du bois, il en a déduit que seule une surchauffe des locaux allant jusqu'à 25 à 27° liée à une hygrométrie anormalement basse des locaux se situant entre 30 et 45 % pendant au minimum trois semaines, peut expliquer les désordres affectant le bois;
Qu'il en résulte que ses conclusions ne reposent sur aucune véritable démonstration ou analyse mais sur un simple postulat;
Que le Laboratoire LEM à Saverne qui s'est vu confier un tiroir particulièrement abîmé par le Tribunal, aux termes d'une analyse minutieuse des désordres affectant la peinture a conclu que le système de peinture mis en place constitué par un vernis superficiel d'une dizaine de micromètres, une couche de peinture blanche d'environ 30 micromètres et un primaire d'accroche d'une épaisseur de 5 micromètres, présente des fissurations profondes de l'ensemble et une décohésion du support bois, processus de déformation qui se trouvait déjà initié lors de la mise en place du vernis de surface puisqu'est relevée une pénétration du vernis dans certaines micro-fissures présentes à l'interface;
Que le LEM en relevant la présence de résine de vernis dans les fissures de la couche de peinture expose en effet qu'il s'agit d'une preuve indéniable d'une mise en place d'un vernis sur un support de peinture offrant déjà des altérations microscopiques;
Qu'il en résulte que les désordres affectant la cuisine de M. Monteiro da Fonte sont imputables à un vice affectant la couche de peinture au niveau de laquelle s'est amorcée la rupture du système, bien avant l'utilisation de la cuisine;
Que le fait que par la suite, la cuisine ait été soumise à des variations de température n'a rien d'anormal et correspond à l'usage normal d'une cuisine dont la température est nécessairement plus élevée lorsque fonctionnent les appareils de cuisson;
Que dans ces conditions, la cuisine livrée étant affectée de vices, c'est à juste titre que le tribunal a condamné la société venderesse, à savoir la société Discount cuisines 67, à remplacer les éléments souffrant de désordres et, en cas d'inexécution, a autorisé M. Monteiro da Fonte à procéder à leur remplacement aux frais de son cocontractant;
Que pour les désagréments liés à cette remise en état, le tribunal a, par une parfaite appréciation des faits de la cause, chiffré le préjudice de M. Monteiro da Fonte à la somme de 800 euro;
Sur l'appel en garantie
Attendu que l'appel en garantie formé par la société Discount cuisines 67 contre la société Cuisine par éléments R-V, notifié à l'appelée en garantie le 3 mars 2003, trois mois après la citation en justice reçue par l'appelante en garantie de M. Monteiro da Fonte a manifestement été engagé dans le bref délai de l'article 1648 du Code civil.
Que ce délai ne peut en effet commencer à courir en matière d'action récursoire qu'à partir du jour où le demandeur à l'action récursoire a lui-même été assigné;
Que les défauts constatés résultant d'un vice de fabrication, la société Cuisine par éléments R-V doit garantir la société Discount cuisines 67 pour la totalité des condamnations prononcées contre elle;
Que les montants dus à l'occasion de l'appel en garantie ne sauraient se limiter au prix de vente des éléments de cuisine à la société Discount cuisines 67;
Que le fabricant étant un professionnel, c'est en effet l'article 1645 du Code civil qui trouve à s'appliquer;
Attendu que le jugement entrepris doit par conséquent être confirmé en toutes ses dispositions.
Que l'issue du litige conduit la cour à condamner la société Cuisine par éléments R-V à payer à la société Discount cuisines 67 la somme de 1 000 euro au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile pour l'instance d'appel;
Que la société Discount cuisines 67 succombant dans son appel incident formé dans le cadre de l'instance principale est en outre condamnée à payer M. Monteiro da Fonte la somme de 1 000 euro au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile pour l'instance d'appel;
Que M. Monteiro da Fonte doit par contre être débouté de sa demande formée à ce titre contre la société Cuisine par éléments R-V à l'égard de laquelle il n'a aucun lien juridique;
Que les dépens d'appel seront supportés intégralement par la SA Cuisine par éléments R-V.
Par ces motifs, LA COUR, En la forme, Reçoit l'appel de la SA Cuisine par éléments R-V, Au fond, Confirme le jugement entrepris du Tribunal d'instance de Brumath du 14 décembre 2005, Condamne la société Discount cuisines 67 à payer à Monsieur Monteiro da Fonte la somme de 1 000 euro (mille euro) au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile, Condamne la société Cuisine par éléments R-V à payer à la société Discount cuisines 67 la somme de 1 000 euro (mille euro) au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile, La condamne aux dépens d'appel.