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Décisions

CA Aix-en-Provence, 5e ch., 13 février 2008, n° 2008-89

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

R., V.

Défendeur :

Ministère public, Catillon, Toran

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Trille

Conseillers :

Mme Michel, M. Chemla

Avocats :

Mes Teissier, Andrac

T. corr. Aix-en-Provence, du 9 nov. 2005

9 novembre 2005

RAPPEL DE LA PROCEDURE :

LA PREVENTION :

Messieurs Jean-Jacques V et Aldo R ont été cités directement devant le Tribunal correctionnel d'Aix-en-Provence à la requête de Vincent Catillon et Cyrille Toran les 1er avril et 30 mars 2005 afin de comparaître le 27 juin 2005 pour :

"Vu les art. 388 et 390 à 392-1 du Code de procédure pénale,

Vu les art. L. 213-1 et L. 213-2 du Code de la consommation.

LES FAITS DE LA PROCEDURE :

Attendu que Monsieur Catillon et Madame Toran ont acheté ensemble le 20 juillet 2002 auprès de la société Fortis Lease SA, dont le siège se trouve 164, Rue Faubourg St. Honoré 75008 Paris, un véhicule identifié selon les caractéristiques suivantes :

- Marque : Opel

- Immatriculation : 8252 TW 76

- Genre : VP

- N° série : WOLOTGF 3528051470

- Date de première mise en circulation : 05.02.02

- Carrosserie : Break

- Modèle : Astra 2.0 DTI

- Puissance : 06 cv

- Energie : GO

- Kilométrage : 12 517

- Couleur : vert métal

Que ce véhicule, lors de ladite acquisition, était encore garanti jusqu'au 5 février 2003 par la SAV du constructeur,

Attendu qu'en date du 15 novembre 2002, le véhicule susmentionné a été déposé auprès du garage de Monsieur Aldo R "Espace Automobile SA", concession Opel - 13300 Salon de Provence, pour qu'il y soit effectué des réparations dans le cadre de la garantie contractuelle, avec entre autres une consommation d'huile excessive (plus d'un litre aux mille kilomètres selon les constatations du propriétaire).

Attendu qu'une pesée d'huile a été imposé par la concession, sous le couvert de Monsieur V Jean-Jacques, responsable après-vente du garage Espace Auto SA, concessionnaire Opel de Salon, pour savoir si le niveau de consommation dudit liquide se situait au-dessus du seuil préconisé par la marque, engendrant de fait, la mise en œuvre des réparations du moteur.

Que cette pesée d'huile, comme les deux suivantes, s'est effectuée non contradictoirement, à savoir, hors la présence de Monsieur Catillon ou d'une personne nommée par lui, selon la volonté du concessionnaire.

Que cette première pesée d'huile s'est effectuée le 11 décembre 2002.

Que ces résultats, tel qu'il résulte du document remis par la concession à M. Catillon, ont soi-disant caractérisé une consommation de 0,32 litre/1 000 Kms, alors que le seuil fixé par la marque se situait, au dire de M. V, responsable du service SAV de la concession d'Opel Salon, à 0,75 litre/1 000 Kms.

Que par ailleurs, à la réception du véhicule, M. Catillon a eu la désagréable surprise de se voir facturer indirectement la prestation normalement incluse dans la garantie contractuelle, sous le couvert d'une vidange,

Qu'au surplus, ce dernier s'est aperçu que la quantité d'huile utilisée pour accomplir la pesée d'huile effectuée le 11 décembre 2002 était anormalement faible (3 322 gr. d'huile soit 3,691 litre) et qu'elle ne correspondait, ni à la quantité normalement contenue dans le carter du moteur (5,5 litres), ni à la quantité facturée par la concessionnaire, minorant de fait le résultat obtenu lors de la pesée d'huile (le résultat de cette démarche étant obtenu par la différence de la pesée d'huile obtenu avant le test et le résultat de la pesée obtenu après un certain nombre de kilomètres parcourus, l'écart ainsi obtenu, correspondant à la consommation réelle dudit liquide),

Qu'en conséquence, en date du 30 décembre 2002, le propriétaire du véhicule a contesté la véracité des résultats par courrier recommandé avec accusé réception.

Qu'en date du 7 janvier 2003, le responsable du service après-vente de la concession Opel de Salon, a confirmé par courrier une erreur de pesée et a proposé à M. Catillon et Mme Toran une nouvelle mesure.

Attendu que courant janvier 2003, M. Catillon a ramené le véhicule à la concession de Salon de Provence afin d'y faire effectuer la nouvelle pesée.

Qu'en date du 31 janvier 2003, le résultat de cette nouvelle pesée d'huile a prétendu une consommation de 0,72 litre/1 000 Kms,

Que suite à cette pesée d'huile, le responsable du SAV de la concession d'Opel Salon de Provence a alors confirmé que la consommation d'huile dudit véhicule se trouvait être en-dessous des normes constructeurs, qui selon ses dires étaient de 0,75 litre/1 000 Kms comme il l'avait déjà prétendu au mois de décembre 2002 lors de la première pesée d'huile.

Et qu'en conséquence, il n'en découlait aucune anomalie

Et de fait, qu'aucune obligation de réparation ne pesait sur Opel.

Attendu qu'au vu des résultats, M. Catillon a trouvé cette nouvelle mesure cynique,

- d'une part, au regard de l'insignifiance de l'écart entre la pesée du SAV de la concession d'Opel Salon (0,72 l/1 000 Kms) et le seuil prétendument fixé par le constructeur (pour la pesée et 0,75 l/1 000 Kms) au dire du responsable SAV d'Opel Salon,

- et d'autre part, par la quantité d'huile que M. Catillon était contraint de continuer à mettre dans son moteur (plus d'un litre/1 000 Kms), du fait de sa consommation excessive.

Attendu alors que, dans le doute d'un seuil prétendument si élevé, M. Catillon a cherché et s'est procuré les normes Opel pour le moteur en question.

Que ces normes, contrairement au propos du responsable SAV de la concession d'Opel Salon, ont révélé une consommation maximale pour ce type de moteur de 0,6 litre/1 000 Kms,

Que M. Catillon a donc mis une fois de plus en demeure la société Opel France et la concession Opel Salon de Provence de faire le nécessaire pour réparer ladite consommation excessive.

Qu'il a rappelé à la concession que son attitude pourrait avoir de fâcheuses conséquences sur l'intégrité physique du propriétaire et celle de sa famille.

Qu'en effet, si ce dernier s'en tenait aux chiffres annoncés par la concession, il pouvait minorer de fait la consommation réelle d'huile, cette appréciation étant altérée par les résultats falsifiés de la concession Opel.

Qu'en conséquence, il aurait pu résulter sans la vigilance de M. Catillon, une diminution de l'apport d'huile qu'il avait l'habitude d'ajouter périodiquement, cette carence en huile pouvant entraîner une rupture du moteur et causer un grave accident au véhicule ainsi que de graves dommages corporels à son conducteur et à ses passagers.

Attendu qu'au vu du courrier, la société Opel Franco a mandaté sa concession, le garage Opel Salon de Provence, pour rechercher les causes de ladite consommation excessive.

Que grâce à la persévérance du propriétaire une intervention sur le moteur a été réalisée le 18 avril 2003 par la concession Opel Salon, dans le cadre de la garantie contractuelle, tel que cela résulte des conclusions expertales, afin de remettre définitivement en état le moteur du véhicule selon les dires de la concession Opel Salon.

Attendu qu'à l'issue des travaux de réparation, soit le 22 avril 2003, la concession a réalisé unilatéralement une nouvelle pesée d'huile,

Qu'il en a résulté une consommation de 0,49 litre/1 000 Kms, soit 0,1 litre en-dessous du seuil, attestant de l'efficacité de l'intervention du garage et lui permettant du même coup de s'affranchir de sa responsabilité en garantie tant légale (art. 1642 e. civ. et suiv.) que contractuelle.

Attendu que déjà échaudé, M. Catillon a, parallèlement à la pesée d'huile dudit véhicule, surveillé attentivement la consommation de cette dernière et n'a constaté aucun changement depuis les travaux de réparation, à savoir une consommation approximative de 1,2 litres/1 000 Kms.

Qu'outré devant le comportement inadmissible et irresponsable de la concession Opel de Salon de Provence, notamment face à son obligation de sécurité, il a une nouvelle fois mis en demeure la société Opel France et la concession Opel Salon de Provence, d'effectuer les réparations,

Que ne dérogeant pas à leur comportement frauduleux, ces derniers lui ont à nouveau répondu, en date du 19 mai 2003, qu'après leur intervention moteur et la pesée d'huile effectuée par leurs soins le 22 avril 2003, ladite consommation était normale du seul fait qu'elle ne dépassait pas les normes constructeurs, à savoir 0,6 litre/1 000 Kms.

Qu'en conséquence, ils étaient dégagés de leur obligation en réparation liée à leur garantie tant légale (art. 1642 c. civ. et suiv.) que contractuelle.

Attendu que devant le comportement manifestement malhonnête de la concession de Salon, M. Catillon contraint, a décidé de mandater le cabinet d'expertise automobile Provence Expertise 305, Av. de la patrouille de France, Le Guynemer, Bât 4 - 13300 Salon de Provence, afin de faire effectuer une expertise pour y faire établir contradictoirement les mesures qu'il constatait depuis le début, malgré les dires et les interventions d'Opel.

Attendu que ladite expertise s'est effectuée dans les locaux du garage Opel de Salon de Provence, les 16 et 25 juin 2003, en présence cette fois-ci du propriétaire et de l'expert.

Que conformément aux constations de M. Vincent Catillon depuis novembre 2002, cette dernière a révélé comme l'attestent les conclusions expertales, une consommation de 1,39 litres/1 000 Kms,

- soit une consommation d'huile supérieure de plus du double de la consommation maximale autorisée par les normes Opel

- et près du triple par rapport à la dernière pesée d'huile effectuée le 22 avril 2003 par le garage Opel Salon suite à son intervention sur le véhicule.

Attendu qu'une telle variation ne peut résulter que d'une manipulation des résultats depuis le début par le responsable du SAV de la concession Opel Salon afin de se soustraire à son obligation de garantie, au motif, dixit M. V après le résultat de l'expertise contradictoire, que M. Catillon et Melle Toran n'avaient pas acheté leur véhicule chez lui,

Que ce comportement s'explique au regard des pratiques de facturation entre constructeurs et concessionnaires, la mise en œuvre d'une réparation dans le cadre de la garantie n'ayant en effet, aucun intérêt financier pour le concessionnaire (avance des frais par ce dernier et taux horaire rétribué par le constructeur au concessionnaire largement en dessous des tarifs en vigueur), si ce n'est la continuité d'une relation déjà entamée avant la mise en œuvre de la garantie, notamment par l'achat d'un véhicule auprès de la concession.

Attendu enfin que confirmant les doutes de M. Catillon sur la gravité des réparations à entreprendre et de fait sur le comportement du responsable du SAV de la concession Opel Salon, l'expert a préconisé dans son rapport comme seule alternative possible pour résoudre la consommation excessive d'huile, le changement du bloc embiellé, pour un montant de 5 220 euro TTC.

Attendu que M. Catillon a tenté une dernière fois de résoudre à l'amiable ce grave différend,

Qu'il a demandé au cabinet d'expertise mandaté par M. Catillon et Mlle Toran, de contacter le constructeur Opel France et la concession Opel Salon.

Que l'expert a, en date du 3 juillet 2003 par lettre recommandée avec accusé de réception, contacté Opel France pour leur communiquer les résultats de l'expertise et leur demander une prise de position de leur part dans cette affaire,

Qu'Opel n'a jamais pris la peine de lui répondre malgré ses nombreuses relances téléphoniques.

Attendu qu'excédés, M. Catillon et Mlle Toran ont mis en demeure avant assignation en date du 8 septembre 2003, le constructeur Opel France et la concession Opel Salon de Provence d'exécuter sous quinzaine les réparations requises par l'expert, à savoir le changement du bloc embiellé évalué à 5 220 euro TTC.

Que suite à une conversation téléphonique avec M. Benhamou, chargé de clientèle d'Opel France en date du 9 octobre 2003, ce dernier lui a précisé avec mépris qu'il était hors de question que tant la concession Opel Salon qu'Opel France suivent les recommandations expertales.

Qu'après plusieurs mises en demeure répétées, M. V par l'intermédiaire de la concession Opel Salon, contraint devant l'obstination de M. Catillon et de sa compagne, leur a répondu en date du 19 janvier 2004, qu'il entendait effectuer de nouvelles recherches dans le cadre de la garantie contractuelle à la demande du constructeur Opel France, alors que ledit constructeur, dans un courrier adressé à M. Catillon en date du 16 janvier 2004, affirmait n'être pas tenu de se conformer aux recommandations expertales, et qu'ils n'entendaient pas au surplus (tant la concession que le constructeur) réparer l'intégralité des frais et dommages occasionnés par le comportement de la concession d'Opel Salon, notamment les frais d'expertises de surconsommation d'huile ou d'immobilisation du véhicule.

Que cette nouvelle demande de recherche et d'intervention de la part de la concession Opel Salon est d'autant plus surprenante qu'elles avaient déjà été effectuées avec "succès !!!" par la concession Opel Salon lors de son intervention du 18 avril 2003 aux dires de M. V dans son courrier du 19 mai 2003, au vu de la troisième pesée d'huile qui lui avait succédé, (mais qui se sont avérées falsifiées aux yeux des conclusions expertales).

Attendu qu'au surplus, tant Opel France que la concession de Salon de Provence ne pouvait ignorer ce problème de surconsommation d'huile sur ce type de motorisation. Qu'il résulte des recherches effectuées par M. Catillon sur des sites spécialisés, que ce problème de consommation excessive d'huile sur les moteurs Opel 2.0 DTI était récurrent et inhérent à ce type de moteur.

Et qu'il ressort desdites recherches, que l'attitude d'Opel s'est avérée être toujours identique dans ce type de dossier afin (dixit l'article) de "se dégager de toute responsabilité et rejeter toute demande de prise en charge au titre de la garantie" (sic !!!).

Qu'il est indéniable .que le dernier courrier de M. V à M. Catillon en date du 19 janvier 2004 n'avait pour seul et unique but de se soustraire une nouvelle fois à son obligation de garantie au mépris de l'intégrité corporelle de M. Catillon et de sa famille, le responsable du SAV dc la concession d'Opel Salon et son PDG ne pouvant ignorer d'une part, les problèmes rencontrés sur ce type de motorisation et d'autre part, que la seule alternative était le changement du bloc embiellé.

Qu'en conséquence, ces nouvelles recherches n'avaient pour seule finalité de réaliser à l'issue desdits travaux, une nouvelle pesée d'huile, falsifiée comme les précédentes par la concession Opel Salon, afin d'anéantir par ces nouveaux résultats, l'expertise effectuée en juin 2003.

Attendu enfin que MM. V et R ne pouvaient ignorer le vice de construction affectant l'ensemble des moteurs dont le véhicule des requérants est équipé, notamment au regard des articles sus mentionnés,

Qu'il est donc indéniable qu'ils ont agi en toute connaissance de cause, falsifiant délibérément les pesées d'huile successives dans le seul but de tromper M. Catillon et Mme Toran, afin de s'exonérer de toute responsabilité au titre de leur garantie, et ce, au mépris de l'intégrité corporelle de M. Catillon et Mme Toran ainsi que celle de leurs 3 enfants en bas âge.

Qu'en conséquence, la concession Opel Salon leur ayant fait savoir qu'il n'avait rien à perdre dans un procès civil, M. Catillon et Mme Toran ont été contraints de saisir la juridiction répressive pour tromperie aggravée afin de faire valoir leur droit et demander la réparation de leur entier préjudice.

II DISCUSSION

- Vu les art. L. 213-1 et L. 213-2 du Code de la consommation

Article L. 213-1

(Lot n° 92-1336 du 16 décembre 1992 art. 322 Journal Officiel du 23 décembre 1992 en vigueur le 1er mars 1994)

(Ordonnance n° 2000-916 du 19 septembre 2000 art. 3 Journal Officiel du 22 septembre 2000 en vigueur le 1er janvier 2002)

Sera puni d'un emprisonnement de deux ans au plus et d'une amende de 37 500 euro au plus ou de l'une de ces deux peines seulement quiconque, qu'il soit ou non partie au contrat, aura trompé ou tenté de tromper le contractant, par quelque moyen en procédé que ce soit, même par l'intermédiaire d'un tiers :

1) Soit sur la nature, l'espèce, l'origine, les qualités substantielles, la composition ou la teneur en principes utiles de toutes marchandises ;

2) Soit sur la quantité des choses livrées ou sur leur identité par la livraison d'une marchandise autre que la chose déterminée qui a fait l'objet du contrat ;

3) Soit sur l'aptitude à l'emploi, les risques inhérents à l'utilisation du produit, les contrôles effectués, les modes d'emploi ou les précautions à prendre.

Article L. 213-2

Les peines prévues à l'article L. 213-1 sont portées au double :

1) Si les délits prévus audit article ont eu pour conséquence de rendre l'utilisation de la marchandise dangereuse pour la santé de l'homme ou de l'animal ;

2) Si le délit ou la tentative de délit prévu à l'article L. 213-1 ont été commis :

a) Soit à l'aide de poids, mesures et autres instruments faux au inexacts ;

b) Soit à l'aide de manœuvres ou procédés tendant à fausser les opérations de l'analyse ou du dosage, du pesage ou du mesurage, ou tendant à modifier frauduleusement la composition, le poids ou le volume des marchandises, même avant ces opérations ;

c) Soit enfin à l'aide d'indications frauduleuses tendant à faire croire à une opération antérieure et exacte.

Vu les peines complémentaires de mesures de publication ou d'affichage du jugement de condamnation et de déchéances d'exercer le commerce prévus par l'article 131-10 du Code pénal

Article 131-10

(Loi n° 98-468 du 17 juin 1998 art. 5 Journal Officiel du 18 juin 1998)

(Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 art. 2 III Journal Officiel du 22 juin2004)

Lorsque la loi le prévoit, un crime ou un délit peut être sanctionné d'une ou de plusieurs peines complémentaires qui, frappant les personnes physiques, emportent interdiction, déchéance, incapacité ou retrait d'un droit, injonction de soins ou obligation de faire, immobilisation ou confiscation d'un objet, fermeture d'un établissement ou affichage de la décision prononcée ou diffusion de celle-ci soit par la presse écrite, soit par tout moyen de communication au public par voie électronique.

SUR LA CONDITION PREALABLE DU DELIT : CONTRAT PORTANT SUR LES MARCHANDISES OU LES SERVICES

- Attendu que la condition préalable de la tromperie comprend deux éléments : un contrat et un objet sur quoi porte ce contrat.

Attendu qu'un constructeur automobile est tenu au titre de la garantie légale (articles 1642 et suiv. du c. civ.) et par extension, de la garantie contractuelle, d'effectuer les réparations inhérentes à un vice caché de fabrication.

Qu'au titre des contrats qui lient les concessionnaires avec leur constructeur, les premiers sont tenus de rechercher et d'effectuer les réparations incombant au titre de la garantie légale du constructeur.

Sur l'existence du contrat :

Qu'en l'espèce; l'existence du contrat ne fait aucun doute entre M Catillon, Mme Toran et le constructeur Opel, les premiers ayant acheté le véhicule à la société Avis cinq mois après sa première mise en circulation et se substituant donc dans tous les droits et obligations de leur auteur.

Que par ailleurs, en ce qui concerne les personnes responsables, la responsabilité est selon la loi, imputable à "quiconque qu'il soit ou non partie au contrat", la responsabilité des tiers non contractants ayant été introduite par la loi du 10 janvier 1978, complétant la loi du 1er août 1905.

Qu'en conséquence et à ce titre, la responsabilité de MM. R et V ne peut faire l'ombre d'un doute et doit être reconnue par le tribunal.

Sur l'objet du contrat :

Qu'il résulte de la loi que l'objet du contrat peut porter soit sur la livraison d'une marchandise ou d'un produit, soit sur une prestation de services.

Qu'en conséquence, l'objet du délit, à savoir les manipulations, des interventions ont été effectuées sur ledit véhicule de M. Catillon et Mme Toran et tombent donc sous le coup des articles ci-dessus précités.

SUR LES ELEMENTS CONSTITUTIFS DE LA TROMPERIE

Sur l'élément matériel de la tromperie :

Sur le comportement incriminé

Attendu que l'article L. 213-1 du Code de la consommation réprime le fait de tromper "par quelque moyen ou procédé que ce soit" au cours de l'exécution du contrat.

Que le mensonge constitutif de la tromperie peut être exprès ou non.

Qu'il peut par ailleurs être oral ou écrit.

Qu'en ce qui concerne le mensonge exprès, s'il est écrit, qu'importe que le support soit le contrat ou un autre document, contractuel ou non.

Qu'en l'espèce, le mensonge de MM. R et V résulte de la production de mesures falsifiées, appuyées par un ensemble de courriers adressé par M. V au propriétaire.

Sur le siège de l'erreur provoquée par le mensonge

Attendu que le siège de l'erreur doit porter sur une qualité substantielle de la marchandise.

Que la tromperie n'avait pour seul but pour MM. R et V que de s'exonérer de leur obligation en garantie, alors que la mise en œuvre de cette dernière avait pour finalité de changer le bloc embiellé.

Que l'élément moteur est pour un véhicule sa qualité substantielle, outre le caractère dangereux que peut provoquer sa rupture par une absence d'huile.

Sur l'élément moral de la tromperie :

Sur la consistance de l'élément moral de la tromperie

Attendu que la tromperie est un délit intentionnel, mais que dans l'état actuel du droit positif l'élément requis est bien plus mince que le dol général.

Qu'il résulte que le dol éventuel suffit à caractériser l'élément moral.

Qu'il résulte de la jurisprudence que l'industriel ou le commerçant qui n'opère pas des vérifications soigneuses affronte consciemment le risque de tromper ses clients, faute de pouvoir les informer sur les qualités substantielles de sa marchandise et qu'il est donc animé par le dol éventuel qui en la matière, est suffisant pour soutenir une condamnation (J. Pradel, droit pénal général, 12° éd., Cujas 1999)

Sur la désignation des responsables des tromperies commises au sein de l'entreprise

Attendu que le responsable est celui qui avait le pouvoir d'empêcher la tromperie.

Attendu par ailleurs que ce délit n'est pas un délit que l'on puisse imputer à une personne morale. Que lorsqu'il est commis au sein d'une entreprise, les coupables doivent être recherchés parmi des personnes physiques.

Attendu que d'une part, M. R en qualité de chef d'entreprise et au regard de la taille de son entreprise, ne peut s'exonérer de sa responsabilité au motif qu'il ignorait les pratiques de son subalterne.

Qu'il a été alerté,

- d'une part, par les multiples courriers envoyés par M. Catillon, par ceux de l'expert, M. Caranta ainsi par les nombreuses correspondances avec Opel France à propos du dossier.

- d'autre part, au regard de la longueur et de la répétition de la commission de l'infraction (plus de 10 mois avec trois pesées d'huile falsifiées),

Qu'en conséquence, il n'a jamais employé en qualité de chef d'entreprise, tous les moyens qui étaient à sa disposition pour empêcher la falsification desdites pesée d'huile et d'autre part, pour que puisse être mise en œuvre une pesée d'huile sincère et véridique, afin d'effectuer les réparations nécessaires.

Attendu d'autre part, que le délit de tromperie est une infraction purement matérielle.

Qu'il y a lieu en conséquence de rechercher parallèlement à la responsabilité du chef d'entreprise, la responsabilité du cadre en charge du service après-vente de la concession Opel de Salon de Provence.

Qu'il résulte des procès-verbaux de pesée d'huile incriminés, qu'ils ont tous été signés par M. V Jean-Jacques, et qu'il est donc également l'auteur de l'infraction.

Qu'en conséquence, M. V doit également être reconnu coupable du délit de tromperie aggravé.

SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE L. 213-2 DU CODE DE LA CONSOMMATION AGGRAVANT LE DELIT DE TROMPERIE

Sur le fondement de l'art. L. 213-2, 1° du Code de la consommation portant sur la notion de marchandises ou de prestations de services dangereuses pour la santé de l'homme

Attendu que c'est au comportement des prévenus qu'est attachée la circonstance aggravante du délit.

Que pour ladite imputation, il faut montrer que ce sont leurs mensonges qui ont donné au consommateur une fausse impression de sécurité (CA Paris, 25 mars 1996 : Jurisdata n° 020725).

Qu'il résulte du comportement tant de M. V que de M. R que leurs productions de mesures falsifiées, ont induit les propriétaires en erreur sur leur impression de sécurité,

Que ce n'est qu'à la vigilance consciencieuse de M. Catillon, vérifiant constamment le niveau d'huile, qu'une rupture moteur ne s'est pas produite.

Attendu enfin qu'il n'est pas nécessaire de prouver que le danger s'est réalisé, puisque même la tentative peut-être assortie de cette circonstance aggravante. (Cass. crim., 29 juin 1999, dr. Pén. 1999)

Sur le fondement de l'article L. 213-2, 2° du Code de la consommation, portant sur la notion d'emplois de moyens frauduleux.

Attendu que le faux mesurage, au regard de l'article L. 213-2, 2°, b, est une cause d'aggravation du délit de tromperie.

Que ses appareils étant justes, le fraudeur qui les fait fonctionner de manière à obtenir un résultat faux réalise une circonstance aggravante.

Attendu qu'en conséquence, la falsification des pesées d'huile a eu lieu au moyen d'un faux mesurage (fausses pesées).

Que d'autre part l'exactitude des instruments utilisés par la concession Opel de Salon de Provence n'est pas en cause, l'expertise du cabinet "Provence expertise" s'étant réalisée au sein de la concession Opel Salon avec les mêmes outils que ceux effectués lors des mesures frauduleuses.

Qu'en conséquence, et notamment au vu des recherches de M. Catillon, il résulte que MM. V et R ne pouvaient ignorer le vice de construction qui affectait l'ensemble des moteurs dont le véhicule de M. Catillon et Mme Toran était équipé.

Qu'il en résulte que tous leurs actes subséquents, notamment les falsifications délibérées des pesées d'huile, n'avaient pour seul but de tromper M. Catillon et-Mme Toran, afin de s'exonérer de toute responsabilité au titre de leur garantie, et ce, au mépris de l'intégrité corporelle de M. Catillon et Mme Toran ainsi que celle de leurs 3 enfants en bas âge.

Attendu qu'en conséquence, les faits énoncés constituent le délit prévu et réprimé par les articles L. 213-1 et L. 213-2 du Code de la consommation,

Qu'ils sont à ce jour non prescrits.

Attendu par ailleurs qu'il existe un lien de subordination entre le commettant M. R et son préposé M. V au moment des faits, M. V se trouvant être le salarié, en qualité de responsable du SAV, de M. R, PDG de la concession automobile Espace automobiles SA,

Que M. V a agi pour les faits qui lui sont reprochés, dans ses fonctions de subordonné de M. R,

Que les actes délictueux de MM. R et V avaient pour seul but de priver directement M. Catillon et Mme Toran de la réparation du bloc embiellé de leur véhicule,

Qu'en conséquence, MM. R et V ont directement privé M. Catillon et Mme Toran de la réparation des dommages de leur véhicule, les obligeant à engager des frais afin de faire valoir leurs droits, et ce au mépris de l'intégrité physique des propriétaires et de leur famille.

Que M. Catillon Vincent et Mme Toran Cyrille sont donc recevables et bien fondés à se constituer partie civile et demander la condamnation in solidum de MM. R Aldo Michel et V Jean-Jacques, sur le fondement des articles 1382, 1383 et 1384 al. 5 du Code civil, pour réclamer réparation du préjudice qu'ils ont subi, à savoir :

- du préjudice matériel correspondant à la remise en état du moteur sur les dires de l'expert, à savoir la somme de 5 220 euro,

- du préjudice correspondant aux frais d'expertise, à la consommation excessive d'huile (environ 180 litres, soit 1 litre et demi pour 114 000 Kms), et aux véhicules de remplacement nécessités par les nombreuses immobilisations du véhicule objet du litige, à savoir la somme de 3 000 euro,

- du préjudice moral, notamment au regard des risques encourus par les requérants et leurs enfants et qu'ils continuent d'encourir, à savoir la somme de 15 000 euro,

- la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 475-1 du CPP,

- les dépens sur le fondement de l'article 696 du NCPC.

- Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir, nonobstant toutes voies de recours sur le fondement de l'article 515 du NCPC.

Vu la réquisition de Monsieur le Procureur de la République,

Faire application de la loi pénale ;

Par conséquent,

- Déclarer coupable M. V Jean-Jacques du délit de tromperie aggravée,

- Déclarer M. Catillon Vincent et Mme Toran Cyrille recevables et bien fondés en leur constitution de partie civile,

- Déclarer M. V Jean-Jacques responsables des faits qui lui sont reprochés par la partie civile,

- Condamner in solidum MM. R Aldo Michel et M. V Jean-Jacques à payer à M. Vincent Catillon et Mme Cyrille Toran la somme de 23 200 euro à valoir sur la réparation des préjudices subis, toutes causes confondues, sur le fondement des articles 1382, 1383 et 1384 al. 5 c. civ,

- Condamner in solidum MM, R Aldo Michel et V Jean-Jacques à 3 000 euro sur le fondement de l'article 475-1 du CPP,

- Condamner in solidum MM. R Aldo Michel et V Jean-Jacques aux dépens sur le fondement de l'article 696 du NCPC.

- Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir, nonobstant toutes voies de recours sur le fondement de l'article 515 du NCPC.

LE JUGEMENT DU TRIBUNALCORRECTIONNEL D'AIX-EN-PROVENCE DU 9 NOVEMBRE 2005 :

Relaxe Aldo R des fins de la poursuite.

Requalifie les faits de tromperie sur une marchandise entraînant un danger pour la santé de l'homme ou de l'animal et de tromperie sur une marchandise à l'aide de faux poids ou mesures ou procédés frauduleux, reprochés à Jean-Jacques V en délit de tromperie sur la nature, la quantité, l'origine ou la qualité d'une marchandise, faits prévus et réprimés par les art. L. 213-1, L. 216-2 et L. 216-3 du Code de la consommation,

Déclare Jean-Jacques V coupable des faits ainsi requalifiés qui lui sont reprochés.

Condamne Jean-Jacques V à une amende délictuelle de 6 000 euro,

SUR L'ACTION CIVILE :

Statuant publiquement, en premier ressort et par jugement contradictoire, à l'égard de Vincent Catillon et par jugement contradictoire à signifier à l'égard de Cyrille Toran.

Déclare recevable et régulière en la forme la constitution de la partie civile de Vincent Catillon et Cyrille Toran.

Déboute Vincent Catillon et Cyrille Toran de leurs demandes dirigées contre Aldo R en raison de la relaxe prononcée.

Déclare Jean-Jacques V entièrement responsable du préjudice subi par Vincent Catillon et Cyrille Toran.

Condamne Jean-Jacques V à payer à Vincent Catillon et Cyrille Toran conjointement la somme de 3 000 euro à titre de dommages et intérêts avec exécution provisoire.

Condamne V à payer aux parties civiles la somme de 1 200 euro sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

LES APPELS :

Le prévenu V a interjeté appel en date du 15 novembre 2005.

Le ministère public a interjeté appel en date du 15 novembre 2005.

Les parties civiles ont interjeté appel le 22 novembre 2005 à l'encontre de Jean-Jacques V et de Aldo R.

RAPPEL DES FAITS :

Monsieur Vincent Catillon et Madame Cyrille Toran ont acquis le 20 juillet 2002 de la SA Fortis Lease un véhicule Opel Astra 2.0 DTI mis en circulation le 5 février 2002, garanti jusqu'au 5 février 2003.

Monsieur Catillon ayant constaté une consommation d'huile excessive, s'est rapproché du constructeur qui lui a demandé de s'adresser au concessionnaire le plus proche de son domicile la SA Espace Automobile à Salon de Provence (13).

La SA Espace Automobile lui a proposé une pesée d'huile pour s'assurer de la réalité de la consommation et des mesures à envisager en cas de dépassement du seuil préconisé par la marque.

La première pesée a été effectuée le 11 décembre 2002. Le document alors élaboré et signé de Monsieur V, responsable du service après-vente, a fait état d'une consommation de 0,32 litre aux 1 000 kilomètres, pour un seuil fixé à 0,75 l/1 000 Kms.

Monsieur Catillon a contesté ce résultat en faisant valoir que la quantité d'huile utilisée pour accomplir la pesée lui paraissait anormale, ne correspondant ni à la contenance du carter, ni à la quantité facturée.

Monsieur V a reconnu le 7 janvier 2003 une possible erreur de lecture du poids de l'huile et a proposé un nouveau rendez-vous.

Le 31 janvier 2003, à la suite d'une nouvelle pesée, le résultat annoncé a été de 0,72 litre.

Monsieur Catillon s'étant renseigné sur le seuil fixé par le constructeur (0,6 litre et non 0,75 litre/1 000 Kms), a sollicité d'Opel France la mise en œuvre des réparations nécessaires pour assurer une consommation d'huile normale.

La société Opel France a demandé à la concession SA Espace Automobile de rechercher la cause du désordre.

La SA Espace Automobile a réalisé des travaux de dépose et repose du moteur, changement des durites, des joints, le 18 avril 2003 et établi le 22 avril 2003, un nouveau contrôle de consommation d'huile qui a fait apparaître une consommation de 0,49 litre pour 1 000 kilomètres.

Cette mesure ne correspondant toujours pas aux observations faites par Monsieur Catillon, celui-ci a à nouveau alerté la société Opel France par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 mai 2003 ;

La société Opel lui a adressé une fin de non-recevoir après avoir pris attache avec Monsieur V.

Une expertise contradictoire amiable a été réalisée par Monsieur Bruno Caranta, à l'initiative de Monsieur Catillon, à l'atelier de la SA Espace Automobile, le 16 juin 2003.

L'expert, Monsieur V et le représentant de la SA Espace Automobile ont constaté une consommation de 1,39 l/1 000 Kms le 25 juin 2003.

L'expert a émis l'hypothèse d'un défaut d'alésage des cylindres et proposé le remplacement du bloc embiellé pour une somme de 5 220 euro TTC,

Le rapport a été transmis à la société Opel France.

Monsieur Catillon et Madame Toran ont mis en demeures la société Opel France de procéder aux réparations prescrites par l'expert, en septembre et octobre 2003 et de les indemniser des frais de mission de l'expert, des frais d'huile, et de leur préjudice moral.

La société Opel France a accepté une prise en charge des frais de remise en état du véhicule et refusé les frais annexes.

C'est dans ces conditions que les parties civiles ont cité Messieurs V et R devant le Tribunal correctionnel d'Aix en Provence.

LES DEMANDES :

Les parties civiles reprennent en cause d'appel l'argumentation contenue dans la citation,

Elles demandent la condamnation de Monsieur V pour "tromperie aggravée".

Le Ministère public estime que l'infraction reprochée au prévenu n'est pas constituée.

Monsieur V demande:

- in limine litis la nullité du jugement

- au fond la relaxe

- reconventionnellement 3 000 euro au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Monsieur R

- la nullité de la citation délivrée le 30 mars 2005.

- la confirmation de la relaxe

- subsidiairement sa mise hors de cause.

- 1 000 euro au titre de l'article 472 du Code de procédure pénale et 1 196 euro au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

LES MOTIFS:

- En la forme,

Attendu que les appels sont réguliers et recevables.

Attendu que la décision sera contradictoire à l'égard de toutes les parties.

Sur l'exception de la nullité de la citation :

Attendu que la citation directe délivrée tant à Monsieur V qu'à Monsieur R est extrêmement confuse au niveau de la forme mais énoncée de façon précise :

Les dates et faits reprochés (19 décembre 2002, 31 mars 2003 et 22 avril 2003).

Le fait poursuivi : falsification délibérées des pesées d'huile successives dans le but de tromper les parties civiles afin de s'exonérer de toute responsabilité au titre de leur garantie.

Les textes de loi reprenant le délit : les art. L. 213-1 et L. 213-2 du Code de la consommation.

Sur l'exception de nullité du jugement :

Attendu que Monsieur V soutient qu'il n'a pas été en mesure de présenter sa défense sur la requalification opérée par le tribunal correctionnel,

Attendu que Monsieur V était poursuivi pour :

- Tromperie sur une marchandise entraînant un danger pour la santé de l'homme et de l'animal.

- Tromperie sur une marchandise à l'aide de faux poids ou mesure ou procédés frauduleux.

Faits prévus et réprimés par les articles L. 213-1 et L. 213-2 du Code de la consommation.

Que dans son dispositif, le tribunal correctionnel d'Aix-en-Provence a considéré que l'article L. 213-2 du Code de la consommation ne pouvait recevoir application et a requalifié les faits reprochés à Monsieur Jean-Jacques V en tromperie sur la nature, la quantité, l'origine ou la qualité d'une marchandise, faits prévus et réprimés par les articles L. 213-1, L. 216-2 et L. 216-3 du Code de la consommation.

Attendu qu'il est constant que Monsieur V n'a pas été en mesure de se défendre sur cette nouvelle qualification mais il n'a subi aucun grief puisque le tribunal s'est contenté en fait d'abandonner la circonstance aggravante prévue par l'article 213-2 du Code de la consommation, condamnant Monsieur V sur le fondement du seul article 213-1.

Attendu que l'exception sera en conséquence rejetée.

- Au fond :

Attendu que pour entrer en voie de condamnation à l'encontre de Monsieur V le premier juge s'est contenté d'énoncer "l'importance des erreurs, leur caractère répété, l'affirmation d'un seuil de consommation inexact (...) constituent des présomptions précises et concordantes permettant de conclure à une modification délibérée des résultats et à une mauvaise foi avérée dans la rédaction des documents" (...) "que Monsieur V ne pouvait ignorer que les résultats ne reflétaient pas la vérité" ;

Attendu que cette décisions sera réformée et le prévenu renvoyé des fins de la poursuite ;

Attendu en effet qu'au moment des faits reprochés, par les parties civiles Monsieur V exerçait la fonction de chef d'atelier, qu'il ne disposait d'aucune délégation de responsabilité ni d'aucune délégation de pouvoir ;

Attendu que les pesées d'huile ont été effectuées non pas par Monsieur V mais par un technicien ;

Attendu qu'à la suite de la première pesée litigieuse le chef d'atelier Monsieur V indiquait à Monsieur Catillon par lettre du 7 janvier 2003 qu'il y avait pu avoir une erreur de la part du technicien ayant effectué la pesée et proposait un nouveau rendez-vous ;

Attendu que la nouvelle pesée intervenait le 31 janvier 2003 et laissait apparaître une consommation du 0,72 litre ;

Attendu que Monsieur Catillon s'étant ouvert auprès de la société Opel France de la difficulté, celle-ci a demandé à la concession de Salon de Provence de rechercher la cause du désordre ;

Attendu que la SA Espace Automobile a réalisé des travaux sur le véhicule le 18 avril 2003 et établi un nouveau contrôle de consommation d'huile le 22 avril 2003 soit à une période où Monsieur V était en congé (17.04.03 au 23.04.03) ;

Attendu que la mauvaise foi et l'intention de tromper de Monsieur V ne concerne donc que les pesées des 11 décembre 2002 et 31 janvier 2003 (la pesée du 25 juin 2003 ayant été réalisée après expertise), que le prévenu n'a fait que retranscrire à deux reprises les résultats constatés par le technicien à une époque où le véhicule des parties civiles était sous garantie de la société Opel France ;

Attendu que Monsieur V a agi en qualité de préposé dans la limite de ses fonctions en faisant systématiquement, remonter les informations à Opel France ;

Attendu que les pesées d'huile ont bien été établies sous son contrôle mais il n'est pas prouvé "qu'il ne pouvait ignorer que les résultats ne reflétaient pas la vérité" ;

Attendu en effet, que les constatations des 11 décembre 2002 et 31 janvier 2003 sont insuffisantes pour conclure à une modification délibérée des résultats et à la mauvaise foi de Monsieur V ;

Attendu que la tromperie reprochée qui n'aurait eu pour finalité que d'empêcher la réparation du véhicule, à savoir le changement du bloc embiellé, alors que le véhicule était encore sous garantie, ne peut être reprochée au simple salarié, même si en qualité de chef d'atelier il était responsable du service après-vente, alors qu'une telle pratique ne pouvait être mise en œuvre que par Opel France ou son concessionnaire de Salon de Provence ;

Attendu qu'en l'absence d'élément moral l'infraction reprochée par les parties civiles à Monsieur V n'est donc pas constituée ;

L'appel des seules parties civiles à l'encontre de Monsieur R :

Attendu que la citation directe à l'origine des poursuites n'a pas été délivrée à Monsieur R en sa qualité de gérant de la société Espace Auto, mais en son nom personnel ;

Qu'en vertu de l'article 121-1 du Code pénal "nul n'est responsable que de son propre fait" ;

Que seule la société Espace Auto est concernée par le litige ;

Que conformément à l'article 706-43 du Code de procédure pénale la présente action aurait dû être exercée à l'encontre de la personne morale prise en la personne de son représentant légal ce qui n'a pas été le cas ;

Attendu qu'il n'existe aucun fait personnel constitutif de l'infraction ou établissant la participation personnelle de Monsieur R à sa commission ;

Attendu qu'il échet en conséquence de confirmer le jugement qui a débouté les parties civiles de leurs demandes formulées à l'encontre de Monsieur R ;

- Sur la demande formulée au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Attendu que seules les parties civiles peuvent formuler des demandes sur le fondement dudit article ;

- Sur la demande formulée par Monsieur R au titre de l'article 472 du Code de procédure pénale.

Attendu que Monsieur Catillon et sa concubine Madame Toran n'ont pas agi de mauvaise foi ni de façon téméraire ;

Attendu qu'excédés par le comportement à leur égard des sociétés Opel France et Espace Automobile, ils ont choisi par erreur la voie pénale sans intention de nuire à Monsieur R ;

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière correctionnelle, après en avoir délibéré conformément à la loi, Reçoit les appels ; Infirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré Monsieur V coupable et l'a condamné à une peine d'amende et aux intérêts civils ; Le renvoie des fins de la poursuite ; Déboute les parties civiles de leurs demandes à son égard ; Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté les parties civiles de leurs demandes formulées à l'encontre de Monsieur R. Rejette les demandes formées par Monsieur V et Monsieur R sur le fondement des articles 475-1 et 472 du Code de procédure pénale.