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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 7, 31 août 2012, n° 10/01858

PARIS

Ordonnance

PARTIES

Demandeur :

Sobea Environnement (SAS)

Défendeur :

Rapporteure générale de l'Autorité de la concurrence

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Apelle

Avocats :

Mes Hindre Gueguen, Naud

CA Paris n° 10/01858

31 août 2012

Par note en date du 23 novembre 2009, la rapporteure générale de l'Autorité de la concurrence a prescrit une enquête dans le secteur des marchés publics de rénovation, de réhabilitation et d'extension de réseaux d'eaux usées et pluviales, notamment ceux relatifs aux travaux de remplacement des branchements en plomb.

Par ordonnance en date du 7 décembre 2009, le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Paris, saisi par la rapporteure Générale de l'Autorité de la Concurrence, a autorisé des visites domiciliaires au sein de la société Sobea Environnement et des sociétés du même groupe.

Par ordonnance du 10 décembre 2009, les juges des libertés et de la détention des Tribunaux de grande instance de Pontoise et de Créteil, saisis sur commission rogatoire du juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Paris, désignaient les chefs de service de police territorialement compétents pour nommer les officiers de police judiciaire aux fins d'assister aux opérations de visite et de saisie.

Le 14 décembre 2009, le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Paris rendait une ordonnance rectificative, étendant le champ de l'enquête aux marchés publics de rénovation, de réhabilitation et d'extension de réseaux d'eaux potables.

Les opérations de visite et de saisie ont eu lieu le 15 décembre 2009 dans les locaux de la société Sobea Environnement sis <adresse 1> et/ou <adresse 2> et <adresse 3> et ont fait l'objet de procès-verbaux et d'inventaire.

Le 23 décembre 2009, la société Sobea Environnement formait deux recours, l'un aux fins d'annulation des ordonnances des 7 et 14 décembre 2009, l'autre aux fins de contestation du déroulement des opérations de visite et de saisie du 15 décembre 2009.

Le 2 novembre 2010, le juge délégué du premier président de la Cour d'appel de Paris annulait partiellement les ordonnances contestées en ce qu'elles visaient des sociétés du groupe Vinci Construction, lesquelles n'étaient pas identifiées, déclarait valides les ordonnances entreprises autorisant des opérations de visite et de saisie au sein de la société Sobea Environnement et ordonnait avant dire droit sur les demandes de la société Sobea Environnement quant au recours déposé sur les opérations de visite elles-mêmes une mesure d'expertise.

Suite au pourvoi interjeté par l'Autorité de la concurrence, la Cour de cassation a, le 11 janvier 2012, cassé et annulé en toutes ses dispositions l'ordonnance du 2 novembre 2010 en ce qu'elle a ordonné avant dire droit une mesure d'expertise sur les opérations de visite elles-mêmes et a renvoyé l'affaire devant la juridiction du Premier président de la Cour d'appel de Paris autrement composée.

C'est en cet état qu'intervient la présente procédure.

Par conclusions en date du 2 mai 2012, l'Autorité de la concurrence demande au premier président, suite à l'arrêt de la Cour de cassation,

- d'annuler le rapport d'expertise,

- de condamner la société Sobea Environnement à lui payer la somme de quinze mille euros -15 000 euro - de dommages-intérêts pour la divulgation du rapport d'expertise en l'absence de son consentement sans préjudice de l'amende civile que la juridiction voudra bien prononcer pour la divulgation dudit rapport sans autorisation du juge,

- de déclarer régulières les opérations de visite et de saisie effectuées dans les locaux de la société Sobea Environnement tant à <adresse 2> qu'à <adresse 3>,

- de déclarer régulière la saisie de documents papier effectuée dans les locaux de la société Sobea Environnement à <adresse 3>,

- de déclarer régulières les saisies informatiques effectuées dans les locaux de la société Sobea Environnement à <adresse 2>,

- de constater son accord pour restituer, par destruction, les fichiers informatiques surlignés en jaune et en vert dans les pièces 14 et 15 de la société Sobea Environnement à l'exception des trois fichiers suivants : "la société Sade quitus 2.1003.doc", "Stocks matériaux pour revente fin chantier BY-Sobea.xls" et "Budget V3 BRTS.XLS",

- de condamner la société Sobea Environnement à lui payer la somme de quinze mille euros - 15 000 euro - au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par conclusions récapitulatives en date du 12 juin 2012, la société Sobea Environnement demande au premier président :

Vu les articles 6 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme, les articles L. 450-4 et R. 450-2 du Code du commerce, l'article 56 du Code de procédure pénale, l'article 232 du Code de procédure civile,

in limine litis,

- de débouter l'Autorité de la concurrence de sa demande d'annulation du rapport d'expertise en date du 28 août 2011,

- d'entendre l'expert sur les griefs formulés personnellement à son encontre,

- de débouter l'Autorité de la concurrence de sa demande de condamnation au titre de la prétendue divulgation illégale du rapport,

à titre principal,

3- de constater que les opérations de visite et de saisie ont été opérées en violation des dispositions de l'article L. 450-4 du Code du commerce et de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales, en ce que l'ordonnance du 14 décembre 2009 ne lui a pas été notifiée,

- de constater que les saisies opérées dans ce cadre l'ont été en violation des termes des ordonnances des 7 et 14 décembre 2009 autorisant lesdites opérations et des principes posés par les dispositions des articles L. 450-4 et R. 450-2 du Code de commerce, de l'article 56 du Code de procédure pénale et des articles 6 à 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- de constater à ce titre que les données informatiques qui ont été saisies à cette occasion n'ont fait l'objet d'aucun inventaire exhaustif, permettant de les identifier avec certitude et que la quasi-totalité des données informatiques qui ont été saisies à cette occasion n'ont aucun lien direct ou indirect avec l'objet de l'enquête autorisée par les ordonnances des 7 et 14 décembre 2009 du juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Paris,

- de constater qu'il en résulte une atteinte grave et irrémédiable aux droits de la défense,

en conséquence,

- d'annuler dans leur ensemble les opérations de visite et de saisie diligentées le 15 décembre 2009 dans ses locaux ou à tout le moins les saisies informatiques des scellés n° 1 et 2,

- de prendre acte de l'acceptation par l'Autorité de la concurrence de procéder à la restitution de l'ensemble des documents saisis hors champ de l'ordonnance d'autorisation,

- en toute hypothèse, d'ordonner la destruction et la restitution des pièces originales et copies des éléments dont la saisie est annulée et dire qu'il ne pourra en être fait aucune utilisation ni aucune mention à son encontre,

- de condamner l'Autorité de la concurrence à lui payer la somme de quinze mille euro

- 15 000 euro - sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

à titre subsidiaire,

- de désigner un expert judiciaire avec pour mission :

1) d'obtenir contradictoirement les explications techniques sur les modalités auxquelles ont recouru les enquêteurs en l'espèce et que ne décrirait pas leur procès-verbal,

2) de fournir d'une part tous éléments techniques et de fait de nature à permettre au délégué du premier président de déterminer s'il était possible, en l'espèce, pour les rapporteurs de l'Autorité de la concurrence, de réaliser des recherches variées et multicritères de messages élémentaires ou de groupes de messages se trouvant dans chacune des messageries informatiques de type Outlook de MM. A, B, C et de Mme D, ses salariés, de sélectionner et copier individuellement chacun de ces messages obtenus par sélection dans un nouveau fichier.pst créé à cet effet sans en modifier les propriétés, le contenu ou son en tête Internet (signature, cheminement), les propriétés et le contenu de sa pièce jointe le cas échéant, de conserver l'appartenance des messages ainsi copiés à leurs dossiers Outlook d'origine, de créer un inventaire détaillé de chacun des messages sélectionnés sous la forme d'un fichier Excel paramétrable,

3) de manière générale, de fournir tous éléments techniques et de fait permettant de statuer sur la question de saisie sélective de messages dans les messageries électroniques de MM. A, B, C et de Mme D sans compromettre l'authenticité et l'intégrité de ceux-ci,

4) de dire que l'expert pourra, de manière générale, se faire communiquer par les parties tous documents et pièces qu'il estimera utiles à l'accomplissement de sa mission, entendre les parties en leurs dires et explications sur les points ci-dessus et y répondre, entendre tous sachant,

5) d'autoriser l'expert, le cas échéant, à se faire assister par tous sapiteurs de son choix sur les questions techniques ne relevant pas de son domaine de compétence technique,

6) de dire que l'expertise sera mise en œuvre et que l'expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du Code de procédure civile et dressera un rapport d'expertise écrit dans un délai de quatre mois qui sera déposé au Greffe du Premier président de la cour d'appel et remis aux parties,

- de dire que la consignation à valoir sur la rémunération de l'expert et sur les frais d'expertise devra être effectuée par elle,

- de dire qu'il en sera référé au premier président de la Cour d'appel de Paris en cas de difficultés,

ce faisant,

- de surseoir à statuer dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise,

- de réserver les dépens.

SUR CE

Considérant que les parties ont déposé des notes en délibéré ; que ces actes n'ayant pas été sollicités à l'issue de l'audience de plaidoiries, il convient de déclarer ces notes produites en cours de délibéré irrecevables ;

Considérant que l'Autorité de la concurrence demande en premier lieu que l'expertise ordonnée le 2 novembre 2010 soit annulée ;

Considérant que ladite ordonnance a été cassée et annulée en toutes ses dispositions et ce aux motifs que le juge "ne pouvait ordonner une mesure d'instruction sans rapport concret avec le litige comme tendant à apprécier la possibilité pour les enquêteurs de procéder autrement qu'ils ne l'avaient fait" ;

que dès lors l'annulation de l'ordonnance entraîne ipso facto l'annulation de la mesure d'expertise ;

Que la demande de l'Autorité de la concurrence tendant à voir ordonner l'annulation de cette mesure d'expertise et les motifs invoqués à l'appui de cette demande d'annulation sont dès lors sans objet ;

Considérant, par contre, que les renseignements contenus dans ce rapport d'expertise peuvent être considérés comme éléments de fait s'ils sont corroborés par d'autres éléments du dossier dès lors qu'ils ont été régulièrement communiqués au débat, ce qui est le cas ;

Or considérant que la société Sobea Environnement produit comme autre élément de fait la note de son conseiller technique M. Migayron, sur la présentation des fonctions de recherche dans une messagerie du logiciel Encase, un procès-verbal de constat d'huissier de justice portant sur les fonctionnalités du logiciel Encase en date du 30 mars 2012, éléments qui corroborent les renseignements contenus dans le rapport d'expertise qui ne peut donc qu'être retenu comme élément de fait ;

Considérant que s'agissant d'un élément de fait, l'audition de l'expert sollicitée par la société Sobea Environnement ne peut qu'être rejetée ;

Considérant que ce rapport étant un élément de fait, l'Autorité de la concurrence ne peut qu'être déboutée de sa demande tendant à voir condamner la société Sobea Environnement sur le fondement de l'article 247 du Code procédure civile pour une prétendue divulgation de sa part sur un site Internet, l'article 247 du Code de procédure civile ne visant que le rapport de l'expert en tant que rapport d'expertise et non comme élément de fait et concernant la protection de l'atteinte à la vie privée qui n'est pas en cause en la présente instance ;

Considérant qu'il n'y a lieu par ailleurs à aucune amende civile, du fait de cette prétendue divulgation de cet élément de fait, cette dernière, si elle était avérée, ne caractérisant pas un abus du droit d'agir ;

Considérant que la société Sobea Environnement soutient que les opérations de visite et de saisie sur son site <adresse 3> ont violé les dispositions de l'article L. 450-4 du Code du commerce et de l'article 6-3 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales et ce aux motifs que l'ordonnance du 14 décembre 2009 ne lui a pas été notifiée avant le début des opérations de visite et de saisie ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 450-4 du Code du commerce, "l'ordonnance est notifiée verbalement et sur place au moment de la visite à l'occupant des lieux ou à son représentant qui reçoit copie intégrale contre récépissé ou émargement au procès-verbal" ;

Qu'il résulte de la présente procédure que si l'ordonnance du 7 décembre 2009 a été régulièrement notifiée avant le commencement des opérations de saisie, il n'est pas mentionné que l'ordonnance rectificative du 14 décembre 2009 ait été notifiée à ce stade de la procédure ;

Que l'Autorité de la concurrence ne saurait se retrancher derrière une simple omission matérielle au moment où les opérations ont débuté du fait de la mention de la notification des deux ordonnances précitées dans le procès-verbal de visite ; qu'en effet, le procès-verbal de visite est établi à la fin des opérations de visite et de saisie et non par définition au début et le silence du représentant de la société lors de l'établissement de ce procès-verbal ne signifie pas qu'il ait renoncé à se prévaloir de ladite omission au moment de la notification de l'acte autorisant la visite ;

Que, par ailleurs, l'ordonnance du 14 décembre 2009, du fait de la rectification matérielle, étend le champ d'investigations permis à l'Autorité de la concurrence puisqu'elle vise en plus du secteur des marchés publics de rénovation, de réhabilitation et d'extension de réseaux d'eaux usées et pluviales, le secteur des marchés publics de rénovation, de réhabilitation et d'extension de réseaux d'eaux usées potables ;

Qu'enfin, il est justifié que la société Sobea Environnement n'a pas eu connaissance verbalement, avant le commencement des opérations de visite et de saisie, de l'étendue exacte des opérations autorisées puisque le procès-verbal de notification, dressé à 9 h 40, précise clairement qu'ont été notifiées l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Paris en date du 7 décembre 2009 et l'ordonnance du juge des libertés de la détention du Tribunal de grande instance de Pontoise du 10 décembre 2009 prise sur commission rogatoire du juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Paris ; que l'Autorité de la concurrence ne saurait donc, devant ce procès-verbal, affirmer que l'ordonnance du 14 décembre 2009 a été notifiée antérieurement aux opérations de visite et de saisie puisqu'elle figure uniquement sur le procès-verbal établi à la fin des opérations de visites et des saisies ; qu'il s'agit de deux documents distincts qui ne peuvent se substituer l'un à l'autre ; que l'omission de la notification de l'ordonnance avant le début des opérations est d'autant plus grave que la requête de la rapporteure de l'Autorité de la concurrence ne visait pas le secteur des eaux potables ;

Que dès lors l'absence de notification de l'ordonnance du 14 décembre 2009, avant le déroulement des visites et saisies, viole les dispositions de l'article L. 450-4 du Code du commerce et entraîne ipso facto l'annulation des opérations de visite sur le site <adresse 3>, ces opérations n'ayant porté que sur le réseau d'eaux potables ;

Que la demande de la société Sobea Environnement, tendant à voir dire par ailleurs que cette omission viole les dispositions de l'article 6-3 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales et que la saisie sur le site d'Herblay est de ce fait irrégulière, est dès lors sans objet ;

Considérant que la société Sobea Environnement demande au premier président de déclarer les opérations de visite et de saisie effectuées sur le site de <adresse 2> irrégulières et ce aux motifs que, pour une partie d'entre elles, les saisies informatiques ont été opérées dans des locaux non visés par les ordonnances des 7 et 14 décembre 2009, que l'inventaire des pièces saisies ne satisfait pas aux exigences des dispositions des articles L. 450-4, R. 450-2 du Code de commerce et 56 du Code de procédure pénale, que les saisies informatiques n'ont pas respecté les termes des ordonnances des 7 et 14 décembre 2009, dans la mesure où elles ont permis aux enquêteurs de l'Autorité de la concurrence de saisir un nombre important de documents qui sortent du champ de l'enquête autorisée ou sont couverts par le secret professionnel, que les saisies informatiques ont été effectuées en violation des dispositions des articles 6-1 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

Considérant que force est de constater que les saisies des messageries de MM. A, B, et Cainsi que de Mme D, salariés de la société Sobea et travaillant dans les locaux de <adresse 2> ont été mises à disposition de l'Autorité de la concurrence par le représentant lui-même de la société Sobea Environnement ; qu'aucune mention du procès-verbal ni aucune des réserves qu'a fait porter le représentant de la société Sobea Environnement sur ce procès-verbal n'indiquent que ces messageries étaient inaccessibles ; que la recherche de la preuve des agissements présumés dans les lieux désignés impliquait la possibilité d'examiner en ce lieu tous les documents et supports d'information susceptibles d'y être consultés et exploités, en ce compris ceux transmis par la société-mère ; qu'aucune irrégularité quant à ces saisies ne peut donc être relevée ;

Considérant, sur l'autre point invoqué par la société Sobea Environnement, soit le défaut d'inventaire, que force est de constater que les messages électroniques visés sont stockés par l'entreprise sur un fichier unique sur le réseau informatique de l'entreprise ; que dès lors ne peut être saisie que la globalité de ce fichier dès lors qu'il contient des éléments pour partie utiles à la preuve des agissements présumés, ce qui est le cas en la présente instance ; que les éléments permettant de garantir au bénéfice de l'entreprise visitée l'origine des données saisies et l'absence de modification au cours de la procédure ont été indiqués par l'Autorité de la concurrence ; que ces éléments sont constitués par le nom du fichier, la taille du fichier, l'empreinte numérique du fichier et le chemin complet permettant de vérifier que ces pièces proviennent bien de la saisie effectuée ; que copie intégrale de ce qui a été saisi a été remis par ailleurs au représentant de la société Sobea Environnement pour permettre à cette dernière d'effectuer une vérification des fichiers qui ont été appréhendées et d'exercer un recours, cette remise de copie ayant été actée au procès-verbal de visite et de saisie ; que cette copie, qui fait partie intégrante de la procédure, puisque son existence est attestée par le procès-verbal de visite et de saisie, a été réalisée en présence et sous le contrôle de l'officier de police judiciaire ; que l'inventaire des éléments saisis, tel que prévu légalement, n'a pas à comporter la liste exhaustive des messages électroniques saisis, pouvant viser des groupes de messages ; que par ailleurs ces messages contenaient pour partie des éléments d'information entrant dans le champ de l'autorisation et qu'il s'agissait de messageries uniquement professionnelles dont la vocation est de contenir seulement des messages professionnels ; que le fait que ces messageries aient contenu des messages personnels est sans incidence sur la régularité desdites saisies ; que la saisie intégrale des messageries pertinentes, dans le cadre d'une enquête dûment autorisée dans l'intérêt économique, même si elle est susceptible d'inclure des documents personnels des salariés, ne s'avère pas disproportionnée compte tenu de l'impérieuse nécessité de garantir l'effectivité des droits de chacune des parties ; que certaines informations personnelles sont susceptibles par ailleurs de constituer des éléments, renseignements ou données utiles à l'enquête ;

Que, par voie de conséquence les prescriptions des articles L. 450-4, R. 450-2 du Code de commerce et 56 du Code de procédure pénale ont été respectées et ce sans qu'il soit besoin d'étudier les éléments de fait produits qui n'auraient leur importance que si l'inventaire avait été peu clair, non remis à l'entreprise saisie ou non identifiable ;

Considérant qu'aux termes de l'article 450-4 du Code du commerce, l'Autorité de la concurrence peut saisir tous supports d'informations ; qu'il est constant en l'espèce que l'Autorité de la concurrence a saisi seulement 941 fichiers informatiques et quatre contenus de messageries ; que la saisie n'a donc pas été massive et indifférenciée ;

Que le fait que certains mails seraient hors champ de l'autorisation ne remet pas pour autant en cause la validité de la saisie des messageries elle-même à partir du moment où il a été vérifié préalablement que ces messageries, formant un tout indissociable, contenaient des éléments en rapport avec l'enquête, ce qui n'est pas sérieusement contesté ;

Que, par contre, en ce qui concerne les fichiers informatiques, il est constant que le contenu des pièces 14 et 15 est hors champ de l'autorisation accordée à l'exception des trois fichiers notés par l'Autorité de la concurrence soulignés en jaune et vert ; qu'il sera par voie de conséquence ordonné la restitution par destruction des fichiers surlignés en jaune et vert contenus dans les pièces 14 et 15 à l'exception de ces trois fichiers ;

Que force est de constater que la société Sobea Investissement ne produit en revanche aucune liste des autres mails qu'elle estime personnels ;

Considérant enfin que les dispositions de l'article L. 450-4 du Code du commerce ne contreviennent pas à celles de l'article 6 de la Convention européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elles assurent la conciliation du principe de la liberté individuelle et des nécessités de la lutte contre les pratiques anti-concurrentielles et que les droits à un procès équitable et à un recours effectif sont garantis tant par l'intervention du juge des libertés et de la détention qui vérifie le bien-fondé de la requête de l'administration que par le contrôle exercé par la cour d'appel ;

Considérant qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, il n'y a pas lieu à titre subsidiaire à une mesure d'expertise ;

Considérant que, par voie de conséquence il échet :

- de déclarer irrecevables les notes en délibéré déposées par les parties,

- de déclarer sans objet la demande de l'Autorité de la concurrence tendant à voir annuler le rapport d'expertise déposé,

- de débouter l'Autorité de la concurrence de sa demande tendant à se voir reconnaître des dommages intérêts du fait d'une divulgation dudit rapport d'expertise,

- de dire n'y avoir lieu à amende civile,

- d'annuler les saisies effectuées dans les locaux de la société Sobea Environnement sis à Herblay et d'ordonner la restitution entre les mains de la société Sobea Environnement par destruction des pièces saisies dans ces locaux,

- d'ordonner la restitution entre les mains de la société Sobea Environnement par destruction des fichiers informatiques surlignés en jaune et vert contenus dans les pièces 14-15 de la société Sobea Environnement à l'exception des trois fichiers suivants : "La Société Sade quitus 2 1003.doc", "Stocks matériaux pour revente fin chantier BY-SOBEA.xls" et "Budget V3 BRTS-XLS",

- de débouter la société Sobea Environnement de ses autres demandes,

- de débouter l'Autorité de la concurrence de ses autres demandes,

- de laisser à la charge de chacune des parties les dépens qu'elles ont engagés, chacune succombant pour partie, les frais de l'expertise étant par contre conservés par la société Sobea Environnement.

Par ces motifs : Déclarons irrecevables les notes en délibéré déposées par les parties. Déclarons sans objet la demande de l'Autorité de la concurrence tendant à voir annuler le rapport d'expertise déposé. Déboutons l'Autorité de la concurrence de sa demande tendant à se voir reconnaître des dommages intérêts du fait d'une divulgation dudit rapport d'expertise. Disons n'y avoir lieu à amende civile. Annulons les saisies effectuées dans les locaux de la société Sobea Environnement sis à Herblay - 95220 - et ordonnons la restitution entre les mains de la société Sobea Environnement par destruction des pièces saisies dans ces locaux et ce dès que la présente décision sera devenue définitive. Ordonnons la restitution entre les mains de la société Sobea Environnement par destruction des fichiers informatiques surlignés en jaune et vert contenus dans les pièces 14-15 de la société Sobea Environnement à l'exception des trois fichiers suivants : "La Société Sade quitus 2 1003.doc", "Stocks matériaux pour revente fin chantier BY-SOBEA.xls" et "Budget V3 BRTS-XLS" et ce dès que la présente décision sera devenue définitive. Disons qu'il ne pourra être fait aucun usage ou mention des pièces restituées et ce pour quelque raison que ce soit. Déboutons la société Sobea Environnement de ses autres demandes. Déboutons l'Autorité de la concurrence de ses autres demandes. Disons que chaque partie conservera la charge des dépens qu'elle a engagés, en ce non compris les frais d'expertise. Laissons la totalité des frais d'expertise à la charge de la société Sobea Environnement.