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Décisions

CA Bordeaux, 2e ch. civ., 14 décembre 2011, n° 10-02589

BORDEAUX

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Florem (SARL)

Défendeur :

Flora Partner (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bancal (faisant fonctions)

Conseillers :

Mmes Rouger, Faure

Avoués :

SCP Puybaraud, SCP Arsene-Henry Lançon

Avocats :

Mes Benoit, de Saint Pol, Castagnon

T. com. Bordeaux, du 19 mars 2010

19 mars 2010

La société Flora Partner exploite sous la forme d'un réseau de magasins franchisés un concept de vente libre-service assisté de fleurs naturelles sous l'enseigne "Le Jardin des Fleurs".

La société Flora Partner a signé le 12 mai 2005 avec M. Delannoy un contrat de réservation d'une durée de six mois pour obtenir un acte de propriété ou un bail commercial et de six mois supplémentaires pour ouvrir un magasin.

Un contrat de licence d'une durée de sept ans à compter de l'ouverture du magasin à créer a été signé concomitamment.

En 2006 M. Delannoy a constitué la SARL Florem et a signé en qualité de gérant un bail commercial à Carcassonne.

La SARL Florem a ouvert son magasin à l'enseigne "Le Jardin des Fleurs" le 1er février 2007.

Par courriel du 28 février 2009 la SARL Florem a informé la SA Flora Partner qu'elle quittait le réseau "Le Jardin des Fleurs" à compter du 2 mars 2009 et a poursuivi son commerce sous une autre enseigne.

Par acte du 26 août 2009 la société Flora Partner a assigné la SARL Florem et M. Delannoy devant le Tribunal de commerce de Bordeaux aux fins de voir prononcer la résiliation du contrat de franchise à leurs torts exclusifs, de les entendre condamner à restituer sous astreinte tous les éléments distinctifs ainsi qu'à lui payer diverses sommes au titre des redevances contractuelles, des commissions sur achats de marchandises et à titre de dommages et intérêts pour atteinte à l'image du réseau, déstabilisation et perte d'implantation et de les entendre en outre condamner à cesser toute commercialisation de tout produit concurrent pendant 12 mois dans la zone de Carcassonne ainsi qu'à fermer les points de vente concurrents appartenant directement ou indirectement à M. Delannoy exploités à Carcassonne via la SARL Florem.

Par jugement du 19 mars 2010, le Tribunal de commerce de Bordeaux a :

- débouté la SA Flora Partner de ses demandes dirigées contre M. Delannoy et mis M. Delannoy hors de cause

- condamné la SA Flora Partner à lui payer la somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile

- jugé le contrat de franchise résilié aux torts partagés des parties

- condamné la SARL Florem à payer à la SA Flora Partner la somme de 200 000 euro HT au titre de la perte de redevance de franchise

- débouté la société Flora Partner de ses autres demandes

- condamné la SA Flora Partner à rembourser à la SARL Florem l'avoir de 3 962 euro correspondant au matériel acheté

- ordonné la compensation entre les condamnations prononcées

- débouté les parties du surplus de leurs demandes

- condamné la SARL Florem à payer à la SA Flora Partner la somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile

- ordonné l'exécution provisoire nonobstant appel et sans caution

- condamné la SARL Florem aux dépens

La SARL Florem a interjeté appel de cette décision le 21 avril 2010.

La SA Flora Partner a formé appel incident.

Vu les dernières écritures signifiées le 13 mai 2011 par la SARL Florem, appelante, aux termes desquelles elle sollicite l'infirmation du jugement entrepris uniquement en ce qu'il a prononcé la résiliation du contrat de franchise aux torts partagés des parties, l'a condamnée à verser la somme de 200 000 euro à titre de dommages et intérêts et la somme de 1 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, et que la cour, statuant à nouveau:

-constate que la société Flora Partner a commis de graves manquements à ses obligations contractuelles

- juge les demandes de la société Flora Partner infondées et l'en déboute

- condamne la société Flora Partner à lui rembourser la somme de 49 811,69 euro au titre des sommes saisies sur ses comptes bancaires en exécution du jugement entrepris

- juge que la résiliation anticipée du contrat de franchise conclu entre les parties est intervenue aux torts et griefs exclusifs de la société Flora Partner

- condamne la société Flora Partner à lui payer la somme de 348 810,87 euro à titre de dommages et intérêts, la somme de 30 000 euro sauf à parfaire au titre du remboursement de la commission d'achat, la somme de 3 962 euro au titre du rachat du mobilier restitué ainsi qu'une somme de 10 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile

- condamne la société Flora Partner aux entiers dépens avec distraction au profit de son avoué constitué,

Vu les dernières écritures signifiées le 11 octobre 2011 par la SA Flora Partner, intimée, appelante incidente, aux termes desquelles elle sollicite l'infirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et que la cour, statuant à nouveau :

- juge la résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs de la société Florem

- condamne la société Florem à lui payer la somme de 488 829 euro TTC au titre des redevances contractuelles dues jusqu'à l'issue normale du contrat, la somme de 130 024 euro TTC au titre des commissions sur achats de marchandises jusqu'à l'issue normale du contrat, la somme de 100 000 euro TTC à titre de dommages et intérêts pour les préjudices d'atteinte à l'image du réseau, de déstabilisation et de perte d'implantation

- ordonne à la société Florem de cesser toute commercialisation de tout produit concurrent des produits commercialisés par le franchiseur, directement ou indirectement, pendant une durée de 12 mois dans la zone de Carcassonne (11)

- ordonne la fermeture des points de vente concurrents exploités à Carcassonne via la société Florem pendant une durée de 12 mois, sous astreinte de 500 euro par jour d'ouverture constatée à compter de 30 jours après la signification de la décision à intervenir aux adresses suivantes : 32 bis Boulevard Roosevelt 11000 Carcassonne et rue Magellan 11000 Carcassonne

- condamne la société Florem à lui payer la somme de 5 000 euro au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile

- condamne la société Florem aux entiers dépens avec distraction au profit de son avoué constitué,

Vu l'ordonnance de clôture intervenue le 12 octobre 2011,

Sur ce, LA COUR :

1°) Sur la mise hors de cause de M. Delannoy et les dispositions le concernant

Aucune prétention n'est formulée ni aucun moyen soulevé par la SARL Flora Partner à l'encontre des dispositions du jugement entrepris l'ayant déboutée de ses demandes dirigées contre M. Delannoy, mis hors de cause M. Delannoy et l'ayant condamnée à lui payer la somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le jugement entrepris ne peut donc qu'être confirmé en ces dispositions.

2°) Sur la résiliation du contrat de franchise liant les parties

En application des dispositions de l'article 1134 du Code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que du consentement mutuel des parties ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

L'article 18.2.2 du contrat de franchise liant les parties prévoit que le contrat pourra être résilié, de plein droit, par le franchisé, avant son terme normal, aux torts du franchiseur, dans les cas d'inexécution de l'une quelconque de ses clauses, trois mois après une revendication collective du réseau ou un mois après une revendication exclusivement individuelle, adressée par lettre recommandée avec accusé de réception, d'une mise en demeure motivée, restée sans effet, exigeant la mise en conformité par le franchiseur et indiquant son intention de résilier le contrat si le franchisé n'obtenait pas la mise en conformité.

En l'espèce, par lettre recommandée avec accusé de réception du 28 décembre 2008 M. Jean-Michel Delannoy, agissant pour le compte de la société Florem a adressé à la SA Flora Partner une mise en demeure de respecter le contrat à savoir :

- "le franchiseur veillera à ce que la centrale d'achat propose globalement de meilleurs prix de vente aux franchisés que ceux que le franchisé pourrait avoir seul auprès du même fournisseur (article n° 14-1 du contrat de franchise) pour le respect de celui-ci je vous demande le reversement d'une ristourne de plus de 8 % sur la totalité de mes achats des produits vivants jusqu'au 31 mars 2008 et de 6 % depuis le 1er avril 2008

- d'apporter une qualité de services et une réponse à l'ensemble des questions posées dans son courrier du 11 novembre dernier et plus particulièrement de lui communiquer un organigramme complet et actualisé du personnel de la société Flora Partner, de mettre en place une véritable politique de communication efficace et de lui communiquer le plan d'action pour 2009 (article n° 15-3 du contrat de franchise) faute de quoi il se verrait contraint et forcé de faire application de l'article n° 18-2-2 du contrat de franchise et de mettre fin à son contrat de franchise."

À ce courrier la société Flora Partner répondait le 7 janvier 2009, particulièrement sur les points objets de la mise en demeure :

- que l'objectif fixé par l'article 14.1 du contrat était pleinement atteint, grâce à l'appui de la commission Achats elle avait pu rétablir le cours normal des choses perturbé par les agissements de fournisseurs alliés à certains franchisés violant leurs engagements au détriment du réseau et qu'elle ne s'estimait pas responsable de la malhonnêteté de certains fournisseurs et de la cupidité de certains franchisés complices

- que le nécessaire avait été fait pour que la diversification des fournisseurs référencés par la centrale soit une réussite et que les différentes propositions commerciales permettaient le bon choix en toute circonstance, tant en terme de qualité que de prix suivant les objectifs du moment

- que pour apprécier la demande de reversement d'une ristourne sur la totalité des achats, pour évaluer un quelconque préjudice, il convenait d'apporter les éléments de preuve, sollicitant un inventaire détaillé, factures à l'appui, à analyser par le Conseil National amené à donner une réponse

- que la mise en demeure sur la qualité des services, l'ensemble des questions posées par le courrier du 11 novembre, les demandes étaient générales et imprécises

- que l'organigramme complet et actualisé du personnel de la société Flora Partner était consultable sur l'Intranet de la société

- que la demande de mise en place d'une véritable politique de communication efficace était une observation irréaliste, la communication étant exemplaire

- que le plan d'action 2009 était développé dans les JDF hebdo traitant du sujet

- que l'article 15-3 du contrat ne parle que de plan de communication, les termes en ayant été respectés

En réponse, par courrier du 27 janvier 2009, M. Delannoy indiquait prolonger la mise en demeure jusqu'au 20 février suivant, le temps pour Flora Partner d'examiner ses factures d'achat chez Heemskerk, maintenant sa demande de remboursement de 8 % des dites factures sur la totalité de ses achats de produits vivants du 1er février 2007 jusqu'au 31 mars 2008 et de 6 % depuis le 1er avril 2008 jusqu'au 16 novembre 2008, l'annonce des baisses de prix étant intervenues semaine 47, soit le 17 novembre 2008.

Il résulte des termes de ce courrier que le seul point restant d'actualité au titre de la mise en demeure était la demande de remise jusqu'au 16 novembre 2008, le franchisé reconnaissant qu'une baisse de prix était intervenue à compter du 17 novembre 2008.

Le 6 février 2009, la SA Flora Partner répondait que le conseil national saisi en sa séance du 3 février 2009 avait estimé que le problème soulevé ne relevait pas de la responsabilité de Flora Partner et que les indemnités éventuelles devaient être réclamées directement auprès de la société Heemskerk.

Le 17 février 2009 M. Delannoy réitérait sa demande de remboursement et prolongeait sa mise en demeure jusqu'au 1er mars 2009.

Le 24 février 2009 la SA Flora Partner maintenait que la demande de remboursement ne pouvait être formulée qu'auprès du fournisseur Heemskerk, dès lors que ce dernier avait accordé des remises à des franchisés sortis du réseau, information qui avait été cachée au franchiseur.

Par courriel du 28 février 2009 le Jardin des Fleurs Carcassonne informait Flora Partner de son départ du réseau à compter du 2 mars.

Dans ses écritures devant la cour la société Florem présente une demande de remboursement par Flora Partner d'une somme de 30 000 euro au titre des commissions indûment perçues. Il s'agit du seul point subsistant de sa mise en demeure du 28 décembre 2008 dont l'effet a été prorogé au 1er mars 2009, relatif au caractère injustifié de la commission de 8 % HT sur le montant HT des achats effectués par le franchisé en application de l'article 14.6 du contrat de franchise.

En revanche elle motive sa résiliation anticipée du contrat de franchise par divers autres manquements de la SA Flora Partner à savoir :

- l'absence de réelle centrale d'achat qui ne constituerait qu'un service de refacturation

- l'absence de compétitivité de ladite centrale d'achat et des prix d'achat élevés voire supérieurs à ceux obtenus par achat indépendant auprès du fournisseur référencé par Flora Partner (Heemskerk) et l'absence consécutive d'avantage concurrentiel

- l'absence de service ou d'avantage fourni par la "centrale d'achat"

- l'absence de remises de fin d'année en exécution de l'article 14.7 du contrat de franchise

- le manquement à l'obligation d'assistance du franchiseur en application de l'article 8.3 du contrat

- la rupture du lien de confiance

Il appartient en conséquence à la société Florem de justifier d'une part des manquements contractuels invoqués à l'encontre de la SA Flora Partner, d'autre part du bien-fondé de sa prétention à l'application de l'article 18.2.2 du contrat de franchise relative à la clause résolutoire de plein droit au titre des commissions perçues par Flora Partner sur ses achats, et à défaut, s'agissant des autres manquements, d'une gravité suffisante de ces manquements pour justifier la validation a posteriori de sa résiliation anticipée du contrat en application de l'article 1184 du Code civil.

a) Sur la centrale d'achat, la compétitivité et l'assistance

L'article 14.1 du contrat de franchise signé entre les parties prévoit :

"Compte tenu de la spécificité du marché des fleurs coupées et des plantes d'agrément, et afin de créer une puissance d'achat commune au réseau le franchiseur a créé une centrale d'achat et de référencement.

Le rôle de cette centrale d'achat et de référencement est donc de sélectionner les produits et de négocier avec les fournisseurs et les prestataires de services pour correspondre aux évolutions du marché, pour obtenir les meilleures conditions possibles globalement en terme de qualité, de choix, de prix et de conditions d'approvisionnement, en particulier par rapport à la concurrence, pour centraliser les commandes et les règlements, pour contrôler l'application des accords passés, la qualité des produits livrés aux magasins et la qualité des conditions d'approvisionnement tels que le conditionnement et la logistique.

Le franchiseur veillera à ce que la centrale d'achat propose globalement de meilleurs prix de vente au franchisé que ceux que le franchisé pourrait avoir seul auprès du même fournisseur. La comparaison se fera en tenant compte des catégories, des variétés, des tailles, des prix normaux, des prix promotionnels et des prix d'opportunité. Il ne peut être exclu que certains franchisés puissent bénéficier de prix plus attractifs dans des conditions très particulières : fin de tournée, grossistes hollandais, ces cas spécifiques étant alors analysés en commission produit sur présentation de tout justificatif. En tout état de cause, aucune comparaison de prix produit par produit ne peut être mise en avant pour analyser les performances de la centrale d'achat."

Les modalités de facturation par le franchiseur des achats de fleurs dont il assure l'approvisionnement sont par ailleurs développées à l'article 14.5 du contrat de franchise, lequel précise qu'ils sont soumis à de fréquentes variations dues au cours des marchés locaux, régionaux, nationaux ou internationaux, qu'ils peuvent être différents pour des lots identiques au cours d'un même marché en fonction de la provenance, du producteur, de la qualité, du stade d'épanouissement du produit et des prix fluctuants en cours de marché.

Concernant l'existence de la "centrale d'achat" prévue au contrat de franchise, il apparaît qu'effectivement il n'existe pas de structure autonome de la SA Flora Partner constitutive d'une centrale d'achat au sens propre du terme.

Il ressort néanmoins des pièces versées aux débats, des échanges de courriers, et des écritures mêmes de la société Florem qu'au sein de la structure Flora Partner existe un département Achats comportant un responsable "achats", trois assistantes, trois acheteurs dont deux sectorisés (Pays-Bas et ASF) et deux magasiniers, que la société Florem a passé des commandes par l'intermédiaire de cette structure, laquelle détenait des fournisseurs référencés (Heemskerk, Van der Kwaak, Hilverna de Boer, Movrie, La Garréjade) et constituait bien une centrale d'approvisionnement organisée du réseau franchisé.

Or le fait que la centrale d'achat soit en réalité un département de Flora Partner et non pas une structure indépendante, n'est pas constitutif en soi d'une faute contractuelle, dès lors qu'il était offert effectivement au franchisé une possibilité de s'insérer dans un réseau permettant un regroupement des achats et nécessairement une négociation avec les fournisseurs, ainsi qu'une centralisation des règlements.

En ce qui concerne les tarifs, ainsi que l'ont retenu les premiers juges, l'obtention de prix compétitifs n'était pas le critère unique pour juger de l'efficacité de la centrale d'approvisionnement Flora Partner. Au regard de l'ensemble des critères pris cumulativement dans le contrat pour la sélection des produits : qualité, choix, prix, conditionnement, approvisionnement, le seul fait qu'il soit possible de trouver à un instant T un meilleur prix hors de la centrale ne permet pas de caractériser une faute contractuelle. Or précisément les éléments versés aux débats par la société Florem pour justifier d'un manque de compétitivité de la centrale d'approvisionnement Flora Partner ne constituent qu'un comparatif de prix à l'exclusion de tout autre critère justifié.

En outre, s'il apparaît que Heemskerk était un fournisseur dominant du réseau il n'était pas exclusif.

Il convient de relever que le contrat de franchise liant les parties ne prévoyait qu'une exclusivité partielle des achats auprès de la centrale d'approvisionnement Flora Partner (75 %), le franchisé pouvant pratiquer des achats extérieurs à hauteur de 25 % et il n'est nullement justifié par la société Florem qu'elle ait suggéré à son cocontractant à l'issue de ses négociations personnelles des fournisseurs potentiels présentant globalement un meilleur service en terme de prix, de qualité, de conditionnement et d'approvisionnement.

Par ailleurs, la comparaison entre le prévisionnel du 7 décembre 2005 dressé lors de l'étude de faisabilité de l'installation du magasin de Carcassonne sous franchise Le Jardin des Fleurs par les époux Delannoy et les résultats effectifs réalisés sur les trois premières années d'exploitation établit que les chiffres d'affaires liés au concept étaient plus que cohérents (estimation entre 559 000 et 694 000 euro sur les trois premières années d'exploitation, alors qu'il a été réalisé dès la première année d'exploitation un chiffre d'affaires de 658 933 euro avec une marge brute globale de 55,9 % et un résultat courant d'exploitation de 31 361 euro au lieu de celui initialement estimé à 446 euro sur la première année ; chiffre d'affaire porté dès le deuxième exercice de l'année 2008 à 816 984 euro avec une marge brute globale de + 28,4 %, un résultat courant de + 129,7 %, dépassant largement les prévisions initiales même de la 3e année)

C'est en conséquence à juste titre que les premiers juges ont écarté comme non justifié le grief fait par la société Florem à son partenaire tenant à l'absence de centrale d'achat et de compétitivité. Et il en résulte consécutivement que le caractère injustifié des commissions perçues par la SA Flora Partner sur les achats conformément au contrat n'est pas établi, de sorte que la société Florem ne peut ni se prévaloir de la clause résolutoire de plein droit prévue au contrat des suites de sa mise en demeure revendiquant les remises de commissions qu'elle estimait indues, ni prétendre à la restitution des commissions perçues par Flora Partner sur ses achats en exécution du contrat de franchise.

En ce qui concerne l'assistance, la société Florem soutient qu'il n'a été réalisé qu'une visite du magasin par le franchiseur au cours de l'année 2008 alors que l'article 8.3 du contrat prévoit l'engagement du franchiseur d'une visite au moins trois fois par an.

Aux termes du contrat ces visites ont pour objectif pour le franchiseur, de s'assurer de l'application correcte du savoir-faire Le Jardin des Fleurs et pour le franchisé, d'obtenir sur place des compléments d'informations qu'il souhaiterait obtenir et des conseils adéquats pour l'aider à utiliser correctement le Concept et le Savoir-Faire afin d'optimiser la gestion de son magasin.

Ainsi que l'ont retenu les premiers juges, il ne ressort d'aucune des pièces produites que la société Florem ait réclamé à la société Flora Partner des visites. Il ne résulte en outre d'aucune pièce que la société Florem se soit trouvée en difficulté au cours de l'exercice 2008 pour l'utilisation du concept ou en terme de savoir-faire. Les données comptables de l'exercice 2008, telles que rappelées ci-dessus, témoignent au contraire de ce que la société Florem ne rencontrait aucune difficulté particulière quant à l'optimisation de la gestion de son magasin en terme de concept ou de savoir-faire Le Jardin des Fleurs. La lettre de mise en demeure du 28 décembre 2008 ne vise d'ailleurs aucune réclamation relative à un défaut d'assistance de la part du franchiseur.

Il convient de relever en outre que dès lors que par courrier du 18 novembre 2008 M. Delannoy a fait part d'observations sur la cohérence de la politique du siège, la communication, le suivi et l'efficacité de la centrale en termes d'approvisionnement et de coûts, M. Postulka s'est rendu dans son magasin le 3 décembre 2008.

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont estimé qu'aucune faute contractuelle n'était établie sur ce point à l'égard de Flora Partner.

b) Sur les remises de fin d'année

L'article 14.7 du contrat de franchise prévoit qu'au titre du partenariat entre les membres du réseau Le Jardin des Fleurs, la centrale d'achat et de référencement procédera sur la base d'une comptabilité analytique au partage par moitié des bénéfices réalisés entre le franchiseur et le réseau au prorata des achats effectués par chacun des franchisés à la centrale d'achat et de référencement tel que défini à l'article 14.5 et que ce partage des bénéfices interviendra sous forme de remises de fin d'année versées après l'arrêté fiscal.

Il est constant que depuis l'ouverture de son magasin le 1er février 2007, la société Florem n'a jamais perçu la moindre remise de fin d'année sur les bénéfices de la centrale d'approvisionnement du réseau.

Dans un courrier du 17 février 2009 la société Florem a indiqué vouloir savoir quand la centrale d'achat avait été bénéficiaire et combien elle avait reversé de bénéfices aux franchisés sur les dernières années.

Cette demande est restée sans réponse, et, dans le cadre de la présente procédure, la société Flora Partner n'apporte aucune précision quant aux résultats de la centrale d'achat et aux reversements de bénéfices. Elle ne produit par ailleurs aucun document comptable permettant de vérifier l'existence ou non de bénéfices et leur répartition éventuelle au profit des franchisés conformément au contrat.

Cette absence de transparence sur les résultats effectifs de la centrale et le droit des franchisés à la répartition des bénéfices telle que prévue au contrat, alors que par ailleurs le franchisé est tenu de régler pour sa part à la centrale la commission contractuelle sur les achats constitue un manquement à l'exécution de bonne foi de la convention de nature à remettre en cause l'idée même de partenariat sur lequel se fonde le contrat de franchise.

c) Sur la perte de confiance

Il résulte de l'échange de messages électroniques versés aux débats par la société Florem (pièce 129) qu'au mois de juillet 2008 Flora Partner a informé Florem de la disponibilité d'un local sur Carcassonne, demandant à M. Delannoy de signer, avant toute information sur la localisation et les spécificités de ce local, un contrat de réservation et de franchise.

Le message de M. Postulka sur ce point est dénué de toute ambiguïté : "concernant notre proposition de nouveau local, je pense m'être fait mal comprendre. Dans un premier temps, nous souhaitions simplement savoir si vous étiez intéressé. Si vous l'êtes, nous poursuivrons la méthodologie applicable et vous transmettrons :

- un dossier de candidature

- un projet de contrat de réservation

- un projet de contrat de franchise

À réception de ces documents remplis et signés, s'ils vous conviennent, nous pourrons reprendre nos discussions à ce sujet"

Il résulte de cet échange que la société Flora Partner avait la possibilité d'ouvrir sur la même localité de Carcassonne un nouveau magasin sous franchise Le Jardin aux Fleurs mais qu'elle voulait imposer la signature préalable d'un contrat de réservation et de franchise à M. Delannoy avant toute précision sur la localisation et les spécificités de ce local.

Dans son courrier du 18 novembre 2008 (pièce 33), M. Delannoy relève qu'il est parfaitement inélégant d'annoncer dans le dernier JDF Hebdo que Flora Partner dispose d'un emplacement exceptionnel sur la ville de Carcassonne et qu'avant de lui proposer de remplir un dossier de candidature pour un local dont il ne connaissait ni l'emplacement ni les spécificités, il aurait été normal qu'ils en parlent ensemble cordialement.

Ainsi que l'ont retenu à juste titre les premiers juges, cette situation caractérise un manque de loyauté du franchiseur à l'égard de son partenaire et une défiance à son encontre justifiant une perte de confiance du franchisé.

Cette situation, ajoutée au manque de transparence retenu ci-dessus remettant en cause l'idée même de partenariat inhérente au contrat de franchise, caractérise des fautes du franchiseur suffisamment graves et réitérées pour justifier une rupture anticipée du contrat de franchise par le franchisé.

La SA Flora Partner ne formule quant à elle aucun reproche à la société Florem dans l'exécution du contrat de franchise jusqu'à la notification de la résiliation.

Au contraire elle écrit même (page 7 de ses dernières écritures) "jusqu'au mois de juillet 2008 le contrat s'est parfaitement exécuté". Or c'est précisément au mois de juillet 2008 que M. Delannoy a informé M. Postulka qu'avec l'association des franchisés du Jardin des Fleurs dont il était le secrétaire, ils auraient trouvé des fournisseurs plus compétitifs et que M. Postulka informait M. Delannoy d'un nouveau local disponible sur Carcassonne, lui proposant de signer un contrat de réservation et de franchise dans les conditions rappelées ci-dessus.

Il ressort des pièces produites par la société Flora Partner que les redevances contractuelles ont par ailleurs été réglées par la société Florem jusqu'à la notification de la rupture du contrat, le premier impayé datant du 25 février 2009 et la première lettre de mise en demeure datant du 3.03.2009. Ces arriérés ont par ailleurs été régularisés.

En conséquence, la rupture anticipée du contrat par la société Florem étant justifiée ainsi qu'il a été dit ci-dessus et aucune faute ne lui étant imputable antérieurement à cette rupture dans l'exécution du contrat de franchise, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la rupture du contrat ne peut être validée qu'aux torts exclusifs de la société Flora Partner.

3°) Sur les conséquences de la résiliation

a) A l'égard de Flora Partner

La résiliation anticipée du contrat de franchise intervenant aux torts exclusifs de la société Flora Partner, cette dernière ne peut réclamer ni le paiement des redevances contractuelles dues jusqu'à l'issue normale du contrat de franchise, ni des commissions sur achats de marchandises jusqu'à l'issue normale du contrat ni des dommages et intérêts pour des préjudices d'atteinte à l'image du réseau, de déstabilisation et de perte d'implantation.

Par ailleurs, ainsi que l'ont à juste titre retenu les premiers juges, l'article 16.3 du contrat de franchise ne prévoit une obligation de non-concurrence à la charge du franchisé que dans l'hypothèse où le contrat de franchise est résilié avant son terme aux torts du franchisé.

Cette clause de non-concurrence n'a donc pas vocation à s'appliquer en l'espèce dès lors que la résolution du contrat intervient aux torts exclusifs du franchiseur.

Le jugement doit donc être infirmé en ce qu'il a condamné la société Florem à payer à la société Flora Partner la somme de 200 000 euro HT au titre de la perte de redevance de franchise mais confirmé en ce qu'il a débouté la société Flora Partner de ses demandes au titre de la perte de commissions sur achats de fleurs, pour atteinte à l'image du réseau, déstabilisation et perte d'implantation, non-respect de la clause de non-concurrence ainsi que de sa demande de fermeture judiciaire des magasins de la société Florem.

Devant la cour, la société Flora Partner ne formule aucune prétention au titre de la restitution des éléments distinctifs. Le jugement entrepris doit donc être aussi confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande à ce titre.

b) A l'égard de la société Florem

La société Florem a effectivement versé lors de la signature du contrat de franchise un droit d'entrée de 17 000 euro HT outre 7 000 euro HT au titre de la formation.

Ses dirigeants, les époux Delannoy, étaient avant la mise en œuvre du contrat de franchise, totalement novices dans le métier de fleuriste puisque M. Delannoy était ancien directeur régional de visiteurs médicaux tandis que son épouse était consultante marketing ainsi qu'il résulte de leur dossier de candidature auprès de Flora Partner. Ils ont dès lors été formés au métier de fleuriste et ont bénéficié de l'expérience et du réseau Flora Partner pendant deux ans pour devenir performants ainsi qu'en attestent les résultats des exercices 2007 et 2008 sous l'enseigne Le Jardin des Fleurs.

La société Florem a fait le choix, en raison de sa perte de confiance dans le réseau Le Jardin aux Fleurs de quitter le réseau et a immédiatement de nouveau exploité un commerce de libre-service de fleurs au même lieu mais sous une autre enseigne "Fleurs et Nuances".

La société Flora Partner affirme par ailleurs sans être démentie que M. Delannoy a personnellement ouvert un autre point de vente sur Carcassonne au lendemain de sa dénonciation du contrat de franchise.

Il résulte de ces éléments que les époux Delannoy qui ont constitué la société Florem ont bénéficié de la formation, de l'expérience et du savoir-faire du réseau Flora Partner pendant deux ans ce qui leur a permis de s'installer dès la rupture du contrat de franchise à leur propre compte, soit au nom de Florem soit au nom de M. Delannoy.

Les résultats des magasins maintenus sur Carcassonne après la rupture du contrat ne sont pas produits, ni le coût des investissements supplémentaires réalisés par la société Florem justifiés.

En conséquence, le préjudice invoqué des suites de la rupture du contrat de franchise dont la société Florem a pris l'initiative n'est pas justifié et il convient de la débouter de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

Le jugement entrepris doit en revanche être confirmé en ce qu'il condamné la SA Flora Partner à rembourser l'avoir de 3 962 euro au titre du matériel racheté.

Le présent arrêt infirmatif sur le montant mis à la charge de la société Florem en première instance constituant le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de la société Florem tendant à la condamnation de la société Flora Partner à lui rembourser le montant des sommes saisies sur ses comptes bancaires en exécution du jugement du 19 mars 2010.

4°) Sur les dépens et les frais irrépétibles

La SA Flora Partner qui succombe supportera les dépens de première instance et d'appel.

Le jugement entrepris doit être infirmé en ce qu'il a condamné la société Florem à payer à la société Flora Partner une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Flora Partner se trouve en revanche redevable d'une indemnité sur ledit fondement dans les conditions définies au dispositif de la présente décision.

Par ces motifs : LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement et contradictoirement : Infirme le jugement entrepris uniquement en ce qu'il a : - jugé le contrat de franchise résilié aux torts partagés des parties, - condamné la société Florem SARL à payer à la société Flora Partner la somme de 200 000 euro HT au titre de la perte de redevance de franchise, - ordonné la compensation, - condamné la SARL Florem à payer à la société Flora Partner la somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, - condamné la SARL Florem aux dépens, Le confirme pour le surplus de ses dispositions, Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant, Dit et juge justifiée la résiliation par la SARL Florem du contrat de franchise liant les parties aux torts exclusifs de la SA Flora Partner, Déboute la SARL Florem tant de sa demande de remboursement des commissions perçues sur les achats à hauteur de 30 000 euro que de sa demande de dommages et intérêts, Dit n'y avoir lieu de statuer sur la restitution des sommes versées par la SARL Florem en exécution du jugement entrepris, Condamne la SA Flora Partner à payer à la SARL Florem la somme de dix mille euro (10 000 euro) sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la SA Flora Partner aux dépens de première instance et d'appel avec autorisation de recouvrement direct au profit de la SCP Michel Puybaraud, avoué, en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.