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Décisions

CA Rennes, 3e ch. com., 6 décembre 2011, n° 09-02275

RENNES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Plus International (SAS)

Défendeur :

Districoncept (SARL), Torelli (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Poumarede

Conseillers :

Mmes Cocchiello, André

Avoués :

SCP Castres Colleu Perot Le Couls Bouvet, SCP Brebion Chaudet

Avocats :

Mes Simon, Rey

T. com. Quimper, du 20 févr. 2009

20 février 2009

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 28 février 2008, la Société Plus International a conclu avec la Société Districoncept un contrat de franchise portant sur la distribution de cuisines et d'équipements accessoires sous la marque Cuisine Plus, ce contrat prenant effet au 19 juin 2008 (article 5.1).

Préalablement le 20 décembre 2007, Monsieur Reboul avait rempli une fiche de candidature dans laquelle il déclarait disposer d'un apport de 100 000 euro.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 1er septembre 2008, avant même l'ouverture du magasin programmée pour le 11 septembre, le franchiseur s'inquiétait des difficultés de trésorerie de son franchisé, compte tenu de l'émission de chèques sans provision et du non-respect du plan de trésorerie précédemment élaboré. Il manifestait son intention de se prévaloir de la clause de résiliation anticipée du contrat de franchise à défaut d'obtenir la justification de l'absence d'interdiction bancaire et la présentation d'un nouveau plan de trésorerie.

Le 22 septembre 2008, la Société Plus International a fait délivrer un commandement à la Société Districoncept d'avoir à justifier de l'apport de 100 000 euro initialement prévu et de l'absence d'interdiction bancaire et se prévalant de la clause résolutoire contractuelle.

Le 4 novembre 2008, elle a saisi le juge des référés du tribunal de commerce de Quimper en résolution du contrat. Celui-ci, constatant l'existence d'une contestation sérieuse sur l'applicabilité de la clause résolutoire de plein droit, a renvoyé les parties à saisir le juge du fond.

Saisi par le franchiseur d'une demande tendant au prononcé de la résiliation du contrat de franchise, le tribunal de commerce de Quimper a, le 20 février 2009, rejeté la demande et a condamné la société Plus International au paiement de la somme de 1 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le 10 février 2010, le tribunal de commerce de Nimes a prononcé le redressement judiciaire de la SARL Districoncept, procédure convertie en liquidation judiciaire le 8 juin 2010, Maître Torelli étant désigné en qualité de mandataire liquidateur.

La société Plus International a relevé appel du jugement rendu le 20 février 2009 par le Tribunal de commerce de Quimper. Elle demande à la cour de :

- prononcer la nullité du contrat de franchise signé le 28 février 2009 en raison du dol commis par la société Districoncept ;

- prononcer la compensation des sommes dues au titre des restitutions consécutives à l'annulation du contrat,

- après compensation, fixer la créance de la société Plus International au passif de la liquidation judiciaire de la société Districoncept à la somme de 15 999,36 euro à titre de dommages-intérêts pour dol et à la somme de 64 000 euro à titre de dommages-intérêts pour fautes ;

À titre subsidiaire,

- constater les manquements graves et répétés de la société Districoncept à ses obligations contractuelles ;

- prononcer la résiliation du contrat de franchise signé le 28 février 2008 aux torts exclusifs de la société Districoncept avec toutes les conséquences y attachées,

- fixer la créance de la société Plus International au passif de la liquidation judiciaire de la société Districoncept aux sommes suivantes :

- la somme de 42 974.61 euro HT correspondant aux redevances de publicité et de franchise non payées,

- la somme de 15 999,36 euro à titre de dommages-intérêts pour résiliation à ses torts exclusifs,

- la somme de 64 000 euro à titre de dommages et intérêts pour fautes ;

En tout état de cause,

- rejeter les demandes reconventionnelles de Maître Torelli es-qualité ;

- condamner Maître Torelli es-qualité au paiement de la somme de 15 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner Maître Torelli es-qualité aux entiers dépens de première instance et d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

En réponse, Maître Torelli es qualités conclut à la confirmation du jugement entrepris ainsi qu'à la condamnation de l'appelante à respecter les obligations résultant du contrat de franchise et à payer une somme de 4 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour la société Plus International SAS le 7 juin 2011 et pour Maître Torelli le 14 septembre 2011.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Sur la demande d'annulation du contrat de franchise

La société Plus International SAS reproche à son cocontractant d'avoir commis un dol ayant vicié son consentement en déclarant effectuer un apport personnel de 100 000 euro pour financer la franchise alors que cet apport se serait finalement limité à 20 000 euro.

À l'appui de son argumentation, elle produit la fiche de candidature complétée par M. Reboul le 20 décembre 2007, fiche intitulée "Informations précontractuelles". Dans cette fiche remplie par M. Reboul en son nom personnel et non en qualité de gérant de la société Districoncept, celui-ci, répondant à la question ainsi formulée : "Comment pensez-vous financer votre affaire'', se bornait à indiquer disposer d'une somme de 100 000 euro sans en préciser l'origine tout en déclarant parallèlement ne pas disposer d'un patrimoine.

Tant les termes employés dans la demande de renseignements que le peu de précision apporté dans la réponse ne permettent pas d'attribuer à ce document, qui n'a pas été annexé au contrat de franchise, la valeur d'un engagement contractuel ferme au respect duquel le franchiseur avait clairement subordonné son consentement à la conclusion du contrat.

D'ailleurs, cette fiche de candidature n'émane pas du cocontractant lui-même dont le franchiseur pouvait aisément vérifier la solvabilité, au moment de la signature du contrat, en s'assurant que le capital social de 100 000 euro était effectivement libéré, ce qu'elle n'a pas fait.

La société Plus International ne démontre donc pas qu'elle a été trompée par des déclarations mensongères effectuées de manière délibérée par son cocontractant dans le but de surprendre son consentement. La demande d'annulation du contrat pour dol sera en conséquence rejetée.

Sur la demande de résiliation du contrat

Le franchiseur n'invoque plus la clause résolutoire contractuelle mais demande le prononcé de la résiliation du contrat en raison des manquements graves et répétés commis par le franchisé dans l'exécution de ses obligations.

La société Plus International se prévaut notamment du défaut de paiement des factures dues par le franchisé qui a uniquement réglé le droit d'entrée initial. Mais, l'article L. 622-21 du Code de commerce, auquel renvoie l'article L. 631-14 du même Code, ne permet pas de poursuivre l'action en résiliation du contrat sur ce fondement.

En revanche, la société Plus International démontre que la SARL Districoncept n'a pas respecté les autres engagements qui découlaient du contrat de franchise. Ainsi, de la lettre recommandée avec accusé de réception du 24 juillet 2009, demeurée sans réponse, il ressort que le magasin n'était pas en état de marche et ne répondait pas aux critères du concept de l'enseigne Cuisine Plus, que le franchisé faisait appel à des fournisseurs non référencés par la centrale au risque de tromper les clients puisque les produits vendus ne correspondaient pas aux produits décrits dans les documents émanant du franchiseur et qu'en l'absence des logiciels qu'il s'était engagé à acquérir (cf. annexe informatique du contrat), l'étiquetage des expositions n'était pas réalisé.

De manière plus générale, il ressort des nombreux courriers émanant des clients et des fournisseurs ainsi que des constats d'huissier réalisés à la demande de l'appelante, que la société Districoncept a exercé son activité commerciale de manière déloyale, en profitant de la confiance suscitée par la notoriété de l'enseigne pour obtenir de ses clients des acomptes importants sans exécuter, dans les délais promis, son obligation de livraison correspondante, qu'elle a fermé l'établissement temporairement au mois d'août, puis définitivement au mois de septembre 2009 au mépris des obligations contractées, qu'elle a remis à un client un chèque sans provision, qu'elle a également effectué au moins une livraison non conforme à la commande et qu'elle ne réglait pas les fournisseurs agréés par le franchiseur.

Or aux termes de l'article 1135 du Code civil, les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligation d'après sa nature.

La signature du contrat de franchise imposait au franchisé, au-delà du respect des conditions spécifiques du contrat, un exercice de l'activité commerciale dans des conditions ne portant pas atteinte à l'image du réseau.

En application de l'article 1184 du Code civil, la clause résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques pour le cas où l'une des deux parties ne satisfait pas à son engagement.

En l'occurrence, le non-respect par la SARL Districoncept de ses obligations, non financières, découlant du contrat de franchise, justifie la résiliation du contrat de franchise à ses torts.

Sur la demande de fixation de créances

La société Plus International se prévaut des factures suivantes :

- redevance de franchise du 1er septembre 2008 au 31 décembre 2009 pour 25 513,65 euro TTC, calculée conformément aux stipulations contractuelles (article 4.2), sauf régularisation ultérieure qui n'est pas sollicitée, l'intimée n'ayant pas produit ses documents comptables ;

- quatre factures de redevance de publicité nationale pour la même période dont le calcul et le bien-fondé ne sont pas discutés.

Sa créance à ce titre sera donc fixée à 42 974,61 euro HT.

La cour possède des éléments d'appréciation suffisants pour fixer à 15 000 euro le préjudice subi par le franchiseur du fait de la résiliation du contrat aux torts de la SARL Districoncept.

Au regard de la situation économique des parties, l'équité ne commande pas en l'espèce l'application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : LA COUR, Infirme le jugement rendu le 20 février 2009 par le Tribunal de commerce de Quimper ; Prononce la résiliation du contrat de franchise signé le 28 février 2008 aux torts de la SARL Distri Cash ; Fixe la créance de la société Plus International au passif de la liquidation judiciaire de la société Districoncept : à la somme de 42 974,61 euro HT au titre des factures de redevances de franchise et de publicité impayées ; à la somme de 15 000 euro à titre de dommages-intérêts ; Déboute les parties de toutes autres demandes contraires ou plus amples ; Condamne Maître Torelli, es-qualité de liquidateur judiciaire de la société Districoncept aux dépens de première instance et d'appel ; Accorde à la SCP Castres Colleu Perot & Le Couls-Bouvet, avoués associés, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile pour le recouvrement des dépens de la procédure d'appel.