CA Versailles, 14e ch., 4 juillet 2012, n° 11-05874
VERSAILLES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Laboratoire de contactologie appliquée (SA)
Défendeur :
Laboratoires Genevrier (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Marcus
Conseillers :
M. Boiffin, Mme Dabosville
Avocats :
Mes Couste, Gorny, Dumeau
Vu l'ordonnance de référé rendue contradictoirement le 19 juillet 2011 par le président du Tribunal de commerce de Chartres ayant essentiellement interdit, sous astreinte, à la SA Laboratoire de contactologie appliquée à compter de sa décision, et ce sur minute, d'utiliser et d'exploiter les documents publicitaires incriminés ainsi que la lettre d'accompagnement, ordonné la publication de l'ordonnance dans trois revues médicales spécialisées, ainsi que, selon certaines modalités, l'envoi d'un courrier (dont il a précisé le texte) par la société LCA à chacun des rhumatologues ayant reçu les documents incriminés, et condamné la société LCA aux dépens, ainsi qu'à payer à la sa Laboratoire Genevrier la somme de 3 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu l'appel de cette décision interjeté par la société LCA le 26 juillet 2011, ses dernières conclusions, du 24 avril 2012 et celles de la société Laboratoire Genevrier du 6 avril 2012 ;
Vu l'ordonnance de clôture du 13 juin 2012 ;
Considérant qu'il est rappelé que la société Laboratoires Genevrier, qui commercialise sous l'appellation "Sinovial" une solution à base d'acide hyaluronique pour injection intra-articulaire, estimant que constituaient une publicité comparative déloyale et une pratique commerciale trompeuse des documents publicitaires et une lettre d'accompagnement diffusés par la société LCA qui, sous le nom "Arthrum H 2 %", met en vente un dispositif médical du même ordre a, par assignation du 9 juin 2011, introduit à son encontre l'instance ayant abouti à l'ordonnance susvisée, aujourd'hui attaquée par celle-ci, laquelle a obtenu le 19 septembre 2011 du délégataire du premier président de la cour d'appel de ce siège l'arrêt de l'exécution provisoire se rapportant à l'envoi du courrier aux rhumatologues destinataires des informations incriminées ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu de répondre aux arguments de la société Laboratoires Genevrier se rapportant à une demande de sursis à statuer émanant de la société LCA, laquelle ne figure pas dans le dispositif des dernières conclusions de celle-ci ;
Considérant que la société Laboratoires Genevrier reproche à la société LCA d'avoir diffusé un tableau comparatif concernant neuf spécialités, dont "Sinovial" et "Arthrum H 2 %" dont il ressort que le prix "au mg" de cette dernière, présentée comme la moins onéreuse de toutes, n'est que de 0,83 euro, tandis que celui du "Sinovial", mentionné comme étant le produit le plus cher, atteint 2,08 euro ;
Qu'elle fait valoir que la concentration et la quantité ne constituent pas des éléments valables pour comparer l'efficacité thérapeutique des différentes solutions et que le tableau confectionné de façon malhonnête à partir de données non pertinentes en vue de faire croire que le dispositif "Arthrum H 2 %" est tout à la fois le moins cher et celui qui aboutit aux résultats les plus satisfaisants est trompeur, étant ajouté que le prix limite de vente des deux spécialités a été fixé à 100 euro par la Haute Autorité de Santé, laquelle n'a donc manifestement pas reconnu un avantage quelconque à l'une d'elles sur le plan thérapeutique ;
Considérant toutefois que le tableau en question, qui prend en compte la concentration de chacun des neuf dispositifs, son poids moléculaire, son prix limite de vente et les quantités de produit en milligrammes pour trois seringues, ne comporte aucune comparaison se rapportant aux éventuels mérites des dispositifs sur le plan des traitements et qu'il y est seulement procédé à un calcul objectif dans le cadre d'une comparaison d'ordre purement économique dont le caractère trompeur n'est pas démontré ;
Considérant que la société Laboratoire Genevrier fait également grief à la société LCA d'avoir diffusé des informations vantant les avantages du dispositif "Arthrum H 2 %" au motif qu'il renferme "un principe actif", le hyaluronate de sodium, dont a été mis en avant "le haut poids moléculaire (l'un des plus élevés disponibles actuellement) combiné avec une haute concentration de l'acide hyaluronique", ce qui constitue, selon ce qui inscrit, "un facteur essentiel d'efficacité dans le traitement de l'arthrose" ;
Qu'elle indique que n'aurait pas dû être employée l'expression "principe actif" qui ne peut se rapporter qu'aux médicaments ; que, par ailleurs, les résultats annoncés ne sont en réalité pas démontrés et que, contrairement à ce que sa concurrente soutient aussi, rien ne permet de dire que le dispositif dont celle-ci assure la commercialisation permettrait aux patients de réduire leur consommation d'analgésiques et d'anti-inflammatoires non stéroïdiens ;
Que la société LCA répond que les avantages dont elle se prévaut sont avérés et, subsidiairement, sollicite que soit sur le point de contestation dont il s'agit ordonnée une mesure d'instruction confiée à un expert en chimie, dans la mesure du possible spécialisé en rhéologie ou, à défaut, assisté d'un technicien possédant des compétences en cette matière ;
Considérant, cela étant exposé, que si au début du texte contesté il est certes mentionné, concernant "Arthrum H 2 %", qu'il s'agit d'un dispositif viscoélastique, sont ensuite apportées des précisions qui tendent à l'assimiler à un médicament dont le principe actif particulier ("dérivé naturel de l'acide hyaluronique obtenu par génie génétique de haut poids moléculaire 2 800 000 daltons et de haute concentration 20 mg/ml") est "un facteur essentiel d'efficacité dans le traitement de l'arthrose", ce qui en réalité n'est pas démontré ; qu'une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer à la carence d'une partie dans l'administration de la preuve ;
Qu'en vain la société LCA prétend que la société Laboratoires Genevrier n'est pas en droit de se plaindre du caractère trompeur des publicités litigieuses, dès lors qu'elle ne subit aucun dommage, puisqu'elle ne prouve pas qu'un nombre significatif de praticiens ont décidé, au vu de ces réclames, d'acheter la spécialité "Arthrum H 2 %", de préférence à la sienne ;
Qu'en effet cette société, qui commercialise un dispositif du même ordre, ne réclame pas la réparation d'un dommage, mais seulement qu'il soit mis fin à un trouble manifestement illicite, lequel s'avère patent ;
Considérant que le premier juge a exactement déterminé les mesures propres à faire cesser ce trouble, exception faite toutefois de l'envoi, qui n'apparaît pas s'imposer, du courrier destiné aux praticiens, lesquels de par leur formation ont nécessairement été à même d'avoir leur propre opinion au sujet des affirmations émanant de la société LCA ;
Que la majoration de l'astreinte demandée par la société Laboratoires Genevrier n'est pas nécessaire ;
Considérant que la société LCA, pour l'essentiel partie perdante, doit supporter la charge des dépens d'appel ;
Que des raisons tirées de l'équité ou liées au sens de cet arrêt conduisent à écarter l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile respectivement sollicitée par les parties ;
Par ces motifs : LA COUR, statuant contradictoirement, en dernier ressort, Confirme l'ordonnance attaquée sauf en ce qui concerne le tableau litigieux et l'envoi du courrier aux rhumatologues ; La réformant sur ces points et statuant à nouveau, Dit que la mesure d'interdiction ne s'applique pas à ce tableau ; Dit n'y avoir lieu à envoi d'un courrier aux rhumatologues ; Rejetant toute autre prétention condamne la société Laboratoire de contactologie appliquée aux dépens d'appel dont le recouvrement pourra être poursuivi par la SCP d'avocats Bommart Minault, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.