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Décisions

Cass. com., 25 septembre 2012, n° 11-22.685

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Léa institut vital (SAS), Groupe Léa nature (SA), Naturenvie (SAS)

Défendeur :

La Photothèque (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Avocat général :

M. Carre-Pierrat

Avocats :

SCP Fabiani, Luc-Thaler SCP Hémery, Thomas-Raquin

Poitiers, 2e ch. civ., du 24 mai 2011

24 mai 2011

LA COUR : - Attendu selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 24 mai 2011) que la société Groupe Léa nature, qui a pour activité la gestion et l'aide aux entreprises, est titulaire des marques françaises "Le jardin biologique", "Biosilhouette" "Silhouette" "Entouka" "L'herborum" "Grainergie" "Phytosynergie" et de la marque communautaire "Floressance" ,enregistrées pour désigner divers produits et services et principalement des produits liés à l'alimentation et à la diététique ; que la société Léa institut Vital, spécialisée en recherche, fabrication et commercialisation de compléments alimentaires, est titulaire de la marque française semi-figurative "Floressance" enregistrée pour le même type de produits tandis que la société Naturenvie bénéficie d'une licence des marques "Le jardin biologique" "Silhouette" "Entouka" et "l'herborum" ; que ces sociétés (les sociétés du groupe Léa nature) ayant fait constater par huissier de justice que sur deux sites Internet exploités par la société La Photothèque, étaient proposées à la vente des photographies représentant des emballages de produits sur lesquels figuraient les marques susmentionnées, ont fait assigner celle-ci en contrefaçon de marques et de droit d'auteur, et subsidiairement invoqué des faits de parasitisme ;

Sur le premier moyen : - Attendu que les sociétés du groupe Léa nature font grief à l'arrêt d' avoir rejeté leur demande tendant à voir condamner la société La Photothèque pour contrefaçon de marques, alors, selon le moyen : 1°) que sont interdites la reproduction, l'usage ou l'imitation d'une marque pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ; qu'en énonçant, pour rejeter l'action en contrefaçon de marques formée par les sociétés du groupe Léa nature, que la contrefaçon de marques par reproduction ou imitation n'était pas établie en l'espèce dès lors que la société La Photothèque n'offrait à sa clientèle, sur ses sites Internet, que des photographies des emballages des produits commercialisés sous leurs marques par les sociétés du groupe Léa nature, et non les produits eux-mêmes, la cour d'appel a violé les articles L. 713-2 et L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle ; 2°) que sont interdites la reproduction, l'usage ou l'imitation d'une marque pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ; que pour rejeter l'action en contrefaçon de marques formée par les sociétés du groupe Léa nature, l'arrêt retient que la contrefaçon de marques par reproduction ou imitation n'était pas établie en l'espèce dès lors que la société La Photothèque n'offrait à sa clientèle, sur ses sites Internet, que des photographies des emballages des produits commercialisés sous leurs marques par les sociétés du groupe Léa nature, et non les produits eux-mêmes, si bien qu'il n'existait ni identité similarité entre les produits commercialisés par les demanderesses d'un côté et les produits commercialisés par la défenderesse de l'autre ; qu'en statuant ainsi, alors qu'elle relevait dans les motifs de son arrêt que les photographies litigieuses, classées par catégories, étaient référencées sous les rubriques "Diététique" et "Cuisine et Décoration" et que les marques exploitées par les sociétés du groupe Léa nature avaient été déposées "pour des produits ayant un lien avec l'alimentation et la diététique", la cour d'appel n'a pas valablement tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation de l'article L. 713-2 et L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle ; 3°) que les juges du fond doivent répondre aux moyens opérants contenus dans les écritures des parties ; qu'est interdite, sauf autorisation du propriétaire, la suppression ou la modification d'une marque régulièrement apposée ; que les sociétés du groupe Léa nature faisaient valoir, dans leurs écritures d'appel, que la société La Photothèque, elle-même, admettait avoir supprimé la marque des demanderesses sur une des photographies litigieuses, et qu'elle avait opéré des modifications sur les marques en les reproduisant pour partie, ce dont il résultait qu'elle avait commis des actes de contrefaçon par suppression ou modification de marque prohibés par l'article L. 713-2 b) du Code de la propriété intellectuelle ; qu'en rejetant l'action de contrefaçon de marques formée par les sociétés demanderesses sans répondre à ce moyen opérant de leurs écritures délaissées, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, que la contrefaçon par reproduction ou usage d'une marque implique que le signe incriminé soit utilisé pour désigner des produits identiques ou similaires à ceux désignés à l'enregistrement de la marque ; que l'arrêt relève que les marques des sociétés du groupe Léa nature sont enregistrées pour désigner des produits ayant un lien avec l'alimentation et la diététique et que les emballages des produits comportant ces marques sont reproduits sur des photographies commercialisées par la société La Photothèque qui gère un service de vente ou de location de photographies ; qu'il relève encore, par motifs propres et adoptés, que les photographies incriminées n'étaient pas référencées sous les marques des sociétés du groupe Léa nature et qu'il était impossible d'y accéder en entrant, dans un moteur de recherches, des mots-clés correspondant à ces marques ; que de ces constatations et appréciations la cour d'appel a pu déduire que les produits offerts à la vente par la société La Photothèque n'étant ni identiques, ni similaires à ceux couverts par les enregistrements de marques et n'étant pas identifiés par celles-ci, aucun acte de contrefaçon ne pouvait être imputé à la société La Photothèque ;

Et attendu, en second lieu, que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à de simples allégations quant aux modifications qui auraient été apportées aux marques a, en relevant que sur une des photographies la marque "silhouette" n'était pas visible, répondu en l'écartant au grief de suppression de marque ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le troisième moyen : - Attendu que les sociétés du groupe Léa nature font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur demande pour actes de concurrence déloyale, atteinte à leur image de marque et parasitisme, alors, selon le moyen : 1°) qu'engagent la responsabilité de son auteur les agissements parasitaires commis au détriment d'une société, même en l'absence de toute situation de concurrence entre l'auteur et la victime de ces agissements ; que les sociétés du groupe Léa nature faisaient valoir dans leurs écritures qu'elles figuraient parmi les entreprises leader sur le marché de l'alimentation diététique, que les clichés incriminés représentant les marques qu'elles exploitent était répertoriés sur les sites Internet litigieux dans des rubriques thématiques ("Alimentation", "Agriculture biologique", "Biscuit", "Conditionnement", etc.), ce qui les rendait accessibles, notamment par leurs concurrents, et qu'ainsi la société La Photothèque avait cherché à tirer profit, à leur détriment, de la notoriété sur le marché de leurs marques et de leurs produits, ce sans contrepartie financière et sans bourse délier ; qu'en se bornant à énoncer, pour débouter les sociétés demanderesses de leur action indemnitaire, qu' il est impossible de parvenir sur les sites Internet de la défenderesse aux photographies litigieuses en entrant dans un moteur de recherche des sites les signes distinctifs dont la protection est revendiquée, ce qui démontre que la société La Photothèque n'a pas entendu tirer parti de la présence sur son site de photographies des produits des sociétés du groupe Léa nature, ce sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si le fait qu'il était possible d'accéder aux photographies litigieuses sur les sites Internet incriminés grâce aux rubriques thématiques sous lesquelles ces dernières étaient répertoriées ne permettait pas à la société La Photothèque de tirer profit, sans bourse délier, de l'activité des sociétés demanderesses et de la notoriété des marques exploitées par ces dernières sur le marché alimentaire et diététique, la cour d'appel a privé sa décision de base au regard de l'article 1382 du Code civil ; 2°) qu'engagent la responsabilité de son auteur les agissements parasitaires commis au détriment d'une société, même en l'absence de toute situation de concurrence entre l'auteur et la victime de ces agissements ; que pour rejeter la demande indemnitaire des sociétés du groupe Léa nature, l'arrêt énonce que ces dernières "ne démontrent pas quelle influence pourraient exercer leurs produits sur les résultats de la société La Photothèque, et notamment sur la façon dont la notoriété de ses produits pourrait bénéficier à la société La Photothèque, dont l'activité consiste en la vente de photographies, destinées à un public de professionnels de l'information" ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si la décision de la société La Photothèque d'utiliser les clichés litigieux sur ses sites Internet n'était pas motivée par le seul profit qu'elle comptait tirer, sans la moindre contrepartie et sans bourse délier, de l'activité déployée par les sociétés du groupe Léa nature et de leur notoriété sur le marché de l'alimentation diététique, alors même qu'elle constatait que des photographies de produits commercialisés sous les marques des sociétés défenderesses figuraient sur les sites Internet de la société La Photothèque et que ces marques disposaient d'une certaine notoriété sur le marché en cause, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt relève par motifs propres et adoptés que les clichés incriminés sont reproduits au milieu d'autres photographies de produits agro-alimentaires et qu'il n'est pas possible d' avoir accès aux sites de la société La Photothèque en entrant dans un moteur de recherches les marques des sociétés du groupe Léa nature ; que de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a procédé aux recherches prétendument omises, a pu déduire que la société La Photothèque n'avait pas cherché, en vendant ses photographies à un public de professionnels de l'information, à tirer profit, sans contrepartie financière, de l'activité et de la notoriété des sociétés du groupe Léa nature sur le marché alimentaire et diététique et a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et attendu que le deuxième moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.