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Décisions

ADLC, 5 septembre 2012, n° 12-DCC-129

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

Relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Keolis par la société SNCF-Participations

ADLC n° 12-DCC-129

5 septembre 2012

L'Autorité de la concurrence,

Vu la demande de renvoi présentée le 25 juin 2012 par SNCF-Participations et la décision de renvoi de la Commission européenne du 23 juillet 2012 prise en application de l'article 4 paragraphe 4 du règlement (CE) n° 139-2004 du Conseil ; Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 30 juillet 2012, relatif à la prise de contrôle exclusif du groupe Keolis par la société SNCF-Participations (ci-après "SNCF-P"), formalisée par un protocole de partenariat conclu entre SNCF-P et la Caisse de Dépôt et Placement du Québec (ci-après "CDPQ") le 31 mai 2012 ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Adopte la décision suivante :

I. Les entreprises concernées et l'opération

1. SNCF-P est une société dont le capital est détenu à hauteur de 99,97 % par la Société Nationale des Chemins de Fer ("SNCF"), société de tête du groupe SNCF. Ce groupe est organisé autour de cinq branches d'activité : les branches SNCF Voyages et SNCF Proximités dédiées au transport de voyageurs, la branche SNCF Infra (expertise et ingénierie dans le transport), la branche Gares et Connexions (exploitation et développement des 3 000 gares françaises) et la branche Geodis, incluant notamment les services de transport de marchandises. Le transport de voyageurs, plus spécifiquement concerné par la présente opération, regroupe notamment les activités suivantes :

- le transport ferroviaire international de voyageurs entre la France et différents pays européens grâce aux trains Thalys, Eurostar, Artésia, Elipsos, Lyria et Alleo ;

- le transport ferroviaire national longues distances de voyageurs entre différentes villes françaises grâce aux trains TGV, Corail-Teoz et Lunéa ;

- le transport ferroviaire, pour les moyennes distances, de voyageurs destiné à relier des villes françaises de taille moyenne grâce aux trains Corail Intercités ;

- les services conventionnés de transport ferroviaire qui regroupent les TER (Trains Express Régionaux), le réseau de trains de banlieue exploité par la SNCF en Ile-de-France (Transilien) et les Chemins de Fer de la Corse.

2. Le groupe Keolis est actuellement placé sous le contrôle conjoint de la société Kebexa (elle-même contrôlée de manière exclusive par la CDPQ (1)) et de SNCF-P (2). Depuis 2010, il est composé de la société Keolis et de la société Effia. Keolis propose en France (3) des services de transport public urbain et interurbain de voyageurs. Cette société exerce également des activités liées au transport telles que le conseil, la location de vélos, la gestion de gares routières et de parcs-relais. Elle exerce l'ensemble de ses activités dans le cadre de délégations de service public ou de marchés publics attribués par les collectivités territoriales suite à des appels d'offres. La société Effia, par le biais de ses différentes filiales (Effia Concessions, Effia Stationnement, Effia Synergies, Effia Transport, Effia Mobilité Territoires Intermodalité, Canal TP et Effia Services) propose des services variés destinés à faciliter la mobilité des voyageurs (solutions de stationnement, assistance pour la gestion de la relation client, assistance à l'offre multimodale de transport, etc.) ainsi que des prestations de services aux collectivités territoriales et aux opérateurs de transport (contrôle qualité d'opérateurs de transport public, gestion d'offres de transport, d'information multimodale des voyageurs, de billettique et de parcs de vélos).

3. Au terme du protocole de partenariat conclu le 31 mai 2012 entre SNCF-P et CDPQ, plusieurs opérations seront réalisées consistant en la sortie du capital des sociétés Kebexa et Groupe Keolis des actionnaires autres que SNCF-P et CDPQ (4). A l'issue de ces opérations, SNCF-P disposera de 69,7 % du capital de groupe Keolis, CDPQ de 30 %, le solde étant détenu par un FCPE (0,3 %). De plus, conformément au projet de pacte d'actionnaire conclu ente SNCF-P et CDPQ, SNCF-P pourra exercer à elle seule une influence déterminante sur les décisions stratégiques du groupe Keolis. [Confidentiel]. Toutefois, certaines décisions seront prises à la majorité qualifiées. Celles-ci concernent notamment [confidentiel]. Toutefois, compte tenu des seuils spécifiés et de la nature de l'activité du groupe Keolis, il apparaît que ces droits de véto ne vont pas au-delà de la protection des intérêts financiers de CDPQ en tant qu'investisseur minoritaire.

4. Ainsi, à l'issue de l'opération, SNCF-P disposera du contrôle exclusif du groupe Keolis. En ce qu'elle se traduit par le passage d'un contrôle conjoint à un contrôle exclusif sur le groupe Keolis, l'opération notifiée constitue une opération de concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce.

5. Cette opération est de dimension communautaire en application de l'article 1 paragraphe 2 du règlement (CE) n° 139-2004 du Conseil sur les concentrations. En effet, les entreprises concernées ont réalisé ensemble un chiffre d'affaires hors taxes consolidé sur le plan mondial de plus de 5 milliards d'euro (SNCF : 28,2 milliards d'euro pour l'exercice clos le 31 décembre 2011 ; Keolis : 4,4 milliards d'euro pour le même exercice). De plus, chacune d'entre elles a réalisé un chiffre d'affaires dans l'Union supérieur à 250 millions d'euro (SNCF : 26,5 milliards d'euro pour l'exercice clos le 31 décembre 2011 ; Keolis : 4 milliards d'euro pour le même exercice). Enfin, seule la SNCF a réalisé plus des deux tiers de son chiffre d'affaires communautaire dans un seul et même Etat membre (en France).

6. Toutefois, le 25 juin 2012, la SNCF a demandé à la Commission européenne, au moyen d'un mémoire motivé, le renvoi total de l'opération à l'Autorité de la concurrence, en application de l'article 4, paragraphe 4 du règlement (CE) n° 139-2004 du Conseil. Par une décision en date du 23 juillet 2012, la Commission européenne a considéré que les conditions de renvoi étaient réunies.

7. La prise de contrôle exclusive de Keolis par la SNCF est donc soumise, en application du point IV de l'article L. 430-2 du Code de commerce, aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.

II. Délimitation des marchés pertinents

A. LES MARCHÉS DE SERVICES

8. L'opération envisagée concerne principalement les marchés français du transport public de voyageurs. Le groupe Keolis (y compris Effia) développe également des activités accessoires aux activités de transport public telles que la gestion des parcs de stationnement et des gares routières, le conseil en transport public routier, la fourniture de systèmes billettique et d'information en matière de transport et enfin l'audit d'opérateurs de transport public routier. Ces activités ne présentent pas de lien de connexité avec les activités ferroviaires de la SNCF et ne sont donc pas directement concernées dans le cadre de l'examen de la présente opération, les effets liés au rapprochement entre les activités d'Effia et de Keolis ayant été examinés par l'Autorité de la concurrence en 2010 (5). Toutefois, dans sa décision de renvoi, la Commission considère que l'opération pourrait affecter la concurrence sur les marchés du transport public de voyageurs par le biais d'effets congloméraux entre ces marchés et celui de l'audit d'opérateurs de transport routier, effets mis en évidence en 2010 et ayant fait l'objet d'engagements, dans la mesure où elle "ne peut exclure que le caractère obligatoire de ces engagements ne soit remis en cause par une acquisition de contrôle exclusif dûment autorisé de Groupe Keolis par SNCF-P" (6). Dès lors, le marché de l'audit d'opérateurs de transport public sera considéré comme concerné.

9. Sur l'ensemble des marchés concernés par l'opération, la concurrence s'exerce entre les opérateurs lors de leurs réponses aux appels d'offres lancés par les autorités organisatrices dans leur zone géographique de compétence. Par conséquent, l'Autorité de la concurrence considère que ces marchés doivent être analysés au moment de l'attribution de ces services (7).

10. En ce qui concerne le transport public de voyageurs, la LOTI fixe les principes généraux de l'organisation du service public des transports pour la France, à l'exception de l'Ile-de-France. Dans ce cadre, les communes et leurs groupements sont compétents pour l'organisation des transports urbains de voyageurs, les départements pour les transports interurbains de personnes, à l'exclusion des liaisons d'intérêt régional ou national, et les régions pour les services routiers réguliers non urbains d'intérêt régional.

11. Pour l'ensemble des services routiers, la LOTI dispose que l'exécution du service peut être assurée soit en régie par une personne publique, soit par une entreprise ayant passé à cet effet une convention à durée déterminée avec l'autorité organisatrice (délégation de service public ou marché public). Dans le cas d'une délégation de service public, une procédure d'appel d'offres est obligatoire conformément aux dispositions de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 modifiée relative à la prévention et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, dite loi Sapin. Dans le cas d'un marché public, un appel d'offres est également obligatoire conformément au Code des marchés publics.

12. Dans le cas particulier de l'Ile-de-France, l'ordonnance de 1959 relative à l'organisation des transports de voyageurs en Ile-de-France (8) ("l'ordonnance de 1959") établit, pour cette région, une autorité organisatrice unique, le Syndicat des Transports d'Ile-de-France, ou "STIF", rassemblant l'Etat et les collectivités locales concernées.

13. Compte tenu des différences substantielles de régimes législatifs et réglementaires (qui ont une incidence directe sur l'organisation du transport public) ainsi que des différences dans les matériels utilisés, l'Autorité de la concurrence considère qu'il convient d'opérer une distinction entre le transport public de voyageurs en Ile-de-France et le transport public de voyageurs hors Ile-de-France.

1. LE MARCHÉ DU TRANSPORT PUBLIC DES VOYAGEURS EN ILE-DE-FRANCE

14. Comme l'Autorité l'a rappelé dans plusieurs décisions (9), le marché du transport public de voyageurs en Ile-de-France possède une organisation très spécifique. En effet, la LOTI n'y est pas applicable et la région dispose d'un cadre législatif particulier fixé par l'ordonnance de 1959. Tout d'abord, les transports publics d'Ile-de-France sont organisés par le STIF, établissement public local à caractère administratif, qui exerce ses prérogatives pour le compte de la région Ile-de-France, de la ville de Paris et des départements des Hauts-de-Seine, de l'Essonne, des Yvelines, du Val-d'Oise et de Seine-et-Marne. Ensuite, le STIF est soumis à un régime juridique qui le dispense de mettre en concurrence les opérateurs routiers pour l'exploitation des services réguliers de transport de voyageurs : il procède simplement par inscription d'un transporteur au plan de transport, ce qui confère à ce dernier un droit exclusif d'exploitation pluriannuel. Cependant, l'article 5 de la loi n° 2009-1503 du 8 décembre 2009 relative à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires et portant diverses dispositions relatives aux transports a modifié l'ordonnance de 1959. Il précise que les nouveaux contrats de transport public, intervenant à partir du 3 décembre 2009, doivent être passés conformément à la LOTI. Les contrats en cours se poursuivent conformément aux règles applicables avant le 3 décembre 2009, jusqu'au 1er janvier 2025 pour les services routiers de transport, au 1er janvier 2030 pour les services de transport par tramway et au 1er janvier 2040 pour les services de transport par métro. En ce qui concerne le transport ferroviaire, c'est la SNCF qui exploite l'essentiel du Réseau Express Régional ainsi que les Transilien, conformément aux termes du contrat passé avec le STIF. Enfin, la RATP jouit d'un monopole historique sur les services routiers (bus) mais aussi sur le ferroviaire léger (métro, tram) à Paris et en proche banlieue. De ce fait, les transports publics dans cette région sont largement structurés autour du réseau RATP. Celle-ci exploite également, conjointement avec la SNCF, deux lignes du Réseau Express Régional (RER A et B). L'ensemble des entreprises privées exploitant des lignes régulières de bus inscrites au Plan Régional de Transport, soit à ce jour 84 entreprises ou centres d'exploitation dont Keolis, sont regroupées au sein d'OPTILE (Organisation Professionnelle des Transports d'Ile-de-France).

15. L'Autorité a néanmoins relevé que la mise en œuvre du règlement communautaire n° 1370-2007 du 23 octobre 2007 relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route ("règlement OSP") devrait aboutir à une convergence graduelle de la réglementation applicable en Ile-de-France et dans les autres régions françaises et qu'il ne pouvait être exclu qu'il n'y ait plus lieu, à terme, d'opérer une distinction entre le transport public de voyageurs en l'Ile-de-France et hors Ile-de-France.

16. A la date d'examen de la présente opération et au regard des évolutions à moyen terme du secteur, il n'y a pas lieu de remettre en cause cette analyse partagée par la partie notifiante.

2. LE TRANSPORT PUBLIC DES VOYAGEURS HORS ILE-DE-FRANCE

17. Dans le secteur du transport public de voyageurs hors Ile-de-France, l'Autorité de la concurrence a relevé (10) qu'il convient de distinguer le transport ferroviaire sur le réseau ferré national (hors tramway et métro) du transport routier. Ces deux modes de transport sont en effet complémentaires et non substituables, notamment en raison de leur cadre législatif distinct, de leurs fonctions différentes dans la politique de transport mais également du fait que leurs coûts d'exploitation présentent des écarts significatifs (2 à 5 fois plus élevés pour le ferroviaire selon les estimations fournies). En outre, le transport ferroviaire nécessite des investissements importants dans des infrastructures spécifiques lourdes, si bien qu'une fois ces investissements réalisés, la substitution d'un transport routier au transport ferroviaire est difficilement envisageable.

18. Au sein du transport routier de voyageurs hors Ile-de-France, les autorités de concurrence nationales distinguent le transport urbain du transport interurbain. En effet, il appartient à des autorités organisatrices différentes d'organiser le transport urbain (communes ou leurs groupements) et le transport interurbain (départements ou régions). En outre, ces deux marchés se différencient en raison de la spécificité des matériels (bus pour le transport urbain, autocars pour le transport interurbain), des compétences requises pour l'exploitation de ces réseaux de transports (11) et du mode de propriété du matériel (propriété de l'opérateur en général pour le transport interurbain, propriété de l'autorité organisatrice en général pour le transport urbain).

19. Ainsi, en ce qui concerne le marché du transport public des voyageurs hors Ile-de-France, il convient de distinguer (a) le transport urbain (12), (b) le transport interurbain routier (13) et (c) le transport ferroviaire de passagers.

a) Le marché du transport public urbain de voyageurs hors Ile-de-France

20. L'Autorité de la concurrence considère qu'il convient de retenir un marché du transport public urbain de voyageurs hors Ile-de-France, tous modes confondus (14).

21. En effet, dans son avis n° 09-A-55 du 4 novembre 2009 sur le secteur du transport public terrestre de voyageurs, l'Autorité de la concurrence a relevé qu'"en France, les délégations de service public de transport urbain sont le plus souvent allouées par des appels d'offres portant sur l'intégralité du réseau concerné. Ainsi, sur un territoire déterminé, l'exploitation de l'ensemble du réseau de transport urbain de voyageurs est confiée à un opérateur unique". Le même constat a été fait par l'Autorité à l'occasion de ses décisions n° 10-DCC-02, n° 10-DCC-83 et n° 10-DCC-198 relatives à des opérations de concentration dans le secteur du transport de voyageurs : ces dernières ont relevé en outre l'existence d'une certaine substituabilité entre les différents modes de transport public urbain, et notamment entre autobus, tramway et métro.

22. En outre, s'agissant d'une segmentation plus fine, conduisant à distinguer les réseaux selon que ceux-ci font intervenir des modes de transport dits "lourds" (métro, tramway), l'Autorité a relevé à plusieurs reprises que l'ensemble des opérateurs de transport actifs sur le marché français sont capables de répondre à un appel d'offres de transport urbain, indépendamment de la nature des modes concernés.

b) Le marché du transport interurbain routier de voyageurs hors Ile-de France

23. Conformément au cadre juridique "du transport routier non-urbain de personnes" défini à l'article 29 de la LOTI du 30 décembre 1982, le ministre chargé de l'économie a généralement distingué, au sein de sa pratique décisionnelle, quatre catégories de services de transports non urbains de voyageurs : les services réguliers publics, au sein desquels se distinguent les lignes régulières proprement dites et les transports scolaires, les services à la demande, les services occasionnels, et les services privés.

24. Lors de ses précédentes décisions (15), l'Autorité de la concurrence a noté que les spécificités de ces différents services de transports routiers interurbains tendaient à s'estomper au profit d'un marché global du transport routier interurbain de voyageurs. Elle a en particulier remarqué que le transport scolaire et le transport interurbain régulier proprement dit font l'objet d'appels d'offres selon des procédures similaires, qu'ils relèvent de la même autorité adjudicatrice, qu'ils bénéficient également d'une tarification identique (les usagers des lignes régulières peuvent emprunter les lignes de transport scolaire). S'agissant des services à la demande, l'Autorité a noté qu'ils dépendent, tout comme la majeure partie des services réguliers interurbains, de la même entité adjudicatrice, à savoir le département.

25. Du point de vue de l'offre, l'Autorité a relevé que les services de transport occasionnel ou à la demande, de même que les services de transport scolaire, sont généralement proposés par des opérateurs également actifs sur le transport interurbain régulier proprement dit (16).

26. L'analyse portera donc sur le marché de service englobant l'ensemble du transport interurbain routier de voyageurs hors Ile-de-France.

27. Par ailleurs, dans ses précédentes décisions, l'Autorité de la concurrence a souligné l'existence de transports routiers liés au transport ferroviaire, à savoir :

- les transports routiers "assimilés à des services ferroviaires" qui recouvrent, d'une part, les services routiers temporaires organisés pour assurer la continuité du service public en cas de perturbation du transport ferroviaire et, d'autre part, des "services routiers mixtes" organisés en alternance avec un service ferroviaire lorsque la fréquentation de la ligne est faible ;

- les transports routiers de "substitution à des services ferroviaires" mis en place en vue du remplacement d'une ligne TER complète.

28. Hormis les services routiers temporaires mis en place à titre exceptionnel par la SNCF, les services mixtes et de substitution sont organisés par la région, qui peut choisir de donner mandat à la SNCF pour attribuer ces marchés. Dans tous les cas, la procédure d'attribution prévoit une mise en concurrence des opérateurs par appel d'offres. Ces services routiers ont vocation à venir suppléer le transport ferroviaire et pourraient, de ce fait, être assimilés à des services ferroviaires. Toutefois, dans la mesure où ces services ne relèvent pas du monopole d'exploitation de la SNCF, ils sont accessibles à l'ensemble des transporteurs routiers actifs dans le transport interurbain. A ce titre, ils présentent des caractéristiques permettant d'envisager un rattachement de ces services au marché des transports routiers.

29. En l'espèce, la question de savoir si les services de transport routier liés au transport ferroviaire constituent un marché distinct ou s'il convient de les rattacher au marché des transports routiers interurbains peut demeurer ouverte, dans la mesure où, quelle que soit l'hypothèse retenue, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeureront inchangées.

c) Le marché du transport ferroviaire de voyageurs

30. L'organisation réglementaire du transport ferroviaire se décline en fonction de la dimension géographique des liaisons concernées. La LOTI établit, d'une part, le monopole d'exploitation par la SNCF des services ferroviaires sur le réseau national. Le transport international de passagers a toutefois été ouvert à la concurrence le 13 décembre 2009. D'autre part, la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain (loi "SRU") (17) de 2000 a, entre autres, transféré aux régions la compétence relative aux services ferroviaires régionaux de voyageurs.

31. Les gares ferroviaires relèvent également du monopole de la SNCF. Elles sont gérées par la filiale Gares et Connexions, créée en avril 2009, qui a vocation à permettre l'accès en gare à des entreprises ferroviaires autres que la SNCF.

32. Concernant le transport ferroviaire régional, le règlement OSP précité, entré en vigueur en France le 3 décembre 2009, organise les conditions dans lesquelles les autorités organisatrices auront la possibilité d'ouvrir progressivement à la concurrence les dessertes ferroviaires régionales. Toutefois, le règlement n'est pas contraignant en ce qui concerne le transport ferroviaire, par exception aux dispositions s'appliquant au transport routier de voyageurs. Ainsi, une ouverture du marché à la concurrence pourrait conduire à envisager une segmentation entre le transport ferroviaire national et régional en raison des différences réglementaires portant sur leur organisation respective.

33. Toutefois l'Autorité de la concurrence a examiné un marché global du transport ferroviaire lors de l'acquisition du contrôle conjoint de Keolis et Effia par la SNCF et la CDPQ en 2010.

3. LES MARCHÉS ACCESSOIRES

34. Comme cela a été expliqué, le seul marché accessoire concerné par l'opération est celui de l'audit d'opérateurs de transport public. L'Autorité a considéré qu'un tel marché, regroupant des prestations de contrôle et d'enquête qualité visant à vérifier la conformité du service fourni par l'opérateur avec le contrat conclu avec l'autorité organisatrice, pouvait être envisagé (18).

B. LES MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES

1. LE MARCHÉ DU TRANSPORT PUBLIC DE VOYAGEURS EN ILE-DE-FRANCE

35. En ce qui concerne le transport public de voyageurs en Ile-de-France, la partie notifiante estime, conformément à la pratique décisionnelle, qu'à l'heure actuelle, compte tenu des spécificités réglementaires existant dans cette région, le marché du transport public de voyageurs en Ile-de-France doit être appréhendé dans cette seule région.

36. L'analyse concurrentielle sur ce marché sera ainsi menée au niveau de l'Ile-de-France.

2. LE MARCHÉ DU TRANSPORT PUBLIC URBAIN DE VOYAGEURS HORS ILE-DE-FRANCE

37. Les autorités, aussi bien nationales que communautaire, ont considéré que la concurrence pour les marchés publics de transport urbain s'exerçait essentiellement entre l'ensemble des entreprises présentes au niveau national. En effet, lorsque les collectivités locales délèguent l'exploitation de services de transport urbain de voyageurs, elles organisent des appels d'offres auxquels peuvent répondre l'ensemble des opérateurs nationaux.

38. Il a par ailleurs été constaté que la spécificité du cadre juridique dans lequel sont organisés ces appels d'offre, leur publication en langue française dans des journaux dont la diffusion est, hormis pour les appels d'offres lancés par les très grandes villes, limitée au territoire national ainsi que les délais de réponse relativement courts qui sont laissés aux candidats constituent des obstacles à l'entrée des opérateurs étrangers sur ce marché (19). Les parts de marché très restreintes détenues par les deux opérateurs étrangers confirment que la concurrence est limitée au territoire national.

39. Il n'y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation au cas d'espèce.

3. LE MARCHÉ DU TRANSPORT PUBLIC ROUTIER INTERURBAIN DE VOYAGEURS HORS ILE-DE-FRANCE

40. L'Autorité de la concurrence a retenu (20) une dimension départementale du marché des transports routiers interurbains de voyageurs hors Ile-de France. En effet, la détention de dépôts de véhicules ainsi que leur localisation adéquate par rapport aux lignes mises en concurrence est un facteur déterminant dans la compétitivité des offres remises. Pour cette raison, les principaux opérateurs sur ce marché sont de grands opérateurs français mais aussi des PME ou des groupements de petits opérateurs interurbains implantés localement.

4. LE MARCHÉ DU TRANSPORT FERROVIAIRE DE VOYAGEURS HORS ILE-DE-FRANCE

41. En ce qui concerne le transport ferroviaire national et régional de voyageurs, les parties considèrent que l'existence, à l'heure actuelle, d'un monopole légal de la SNCF pour l'exploitation des services de transport ferroviaire, justifie de retenir une dimension nationale de ces marchés en France.

42. Concernant les services ferroviaires internationaux, marché récemment ouvert à la concurrence, il ne peut être exclu que ce marché ait une dimension supranationale. En l'espèce toutefois, la question de la dimension géographique précise du marché du transport ferroviaire international de voyageurs peut être laissée ouverte, dans la mesure où, quelle que soit l'hypothèse retenue, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeureront inchangées.

5. LES MARCHÉS ACCESSOIRES

43. L'Autorité, dans sa décision n° 10-DCC-02, a considéré que la question de la délimitation du marché de l'audit d'opérateurs de transport public pouvait être laissée ouverte, l'analyse concurrentielle menée au titre des effets congloméraux étant menée au niveau national.

44. Cette approche est toujours applicable pour l'examen de la présente opération.

III. Analyse concurrentielle

45. Cette opération se traduit par le passage d'un contrôle conjoint de SNCF-P et CDPQ sur Keolis à un contrôle exclusif de SNCF-P sur Keolis. Dans plusieurs affaires précédentes, les autorités de concurrence tant nationale que communautaire ont souligné que le passage d'un contrôle conjoint à un contrôle exclusif n'est généralement pas en lui-même susceptible de modifier significativement les conditions de l'exercice de la concurrence. Cependant, dans des affaires plus complexes concernant en particulier des parties en situation de concurrence avant la concentration, le fait que l'acquéreur exerce déjà un contrôle conjoint n'a pas empêché les autorités de concurrence d'analyser soigneusement les effets de l'opération sur la concurrence (21).

46. Au cas d'espèce, l'Autorité avait noté en 2010, que "dans la mesure où la CDPQ ne dispose d'aucune participation contrôlante dans des sociétés actives sur les mêmes marchés que la SNCF, Keolis et Effia, ni sur des marchés amont, aval ou connexes à ceux sur lesquels interviennent les sociétés cibles ainsi que la SNCF, l'analyse concurrentielle portera essentiellement sur l'impact du rapprochement entre la SNCF, Keolis et Effia. En outre, compte tenu de l'absence de chevauchement et de liens verticaux ou congloméraux entre les activités de la SNCF et de la CDPQ, tout risque d'atteinte à la concurrence par une coordination du comportement des sociétés mères peut être écarté" (22).

47. La Commission européenne relève toutefois, dans sa décision de renvoi, que la perte du contrôle conjoint du groupe Keolis par la CDPQ a pour conséquence de modifier les incitations de la nouvelle entité dans la mesure où "CDPQ, qui n'a pas d'activités sur les marchés du transport public de voyageurs en France, n'a pas nécessairement les mêmes intérêts que la SNCF-P. En particulier, il n'est pas nécessairement de l'intérêt de CDPQ de permettre à la SNCF de s'appuyer sur Keolis pour assoir sa présence sur le transport ferroviaire de voyageurs, surtout si un tel comportement devait nuire aux résultats financiers de Keolis. La perte de contrôle en commun de CDPQ pourrait donc renforcer les effets congloméraux identifiés par l'Autorité de la concurrence lors de son examen de la prise de contrôle en commun de Keolis et Effia par SNCF-P et CDPQ".

48. L'analyse concurrentielle prendra donc en compte ce risque et tiendra compte des évolutions éventuellement intervenues sur les marchés concernés, soit, au titre des effets horizontaux, sur le marché du transport ferroviaire, et au titre des effets congloméraux, sur les marchés de l'audit d'opérateurs de transport public et sur les différents marchés de transport public de voyageurs.

A. EFFETS HORIZONTAUX : LE MARCHÉ NATIONAL DU TRANSPORT FERROVIAIRE DE VOYAGEURS

49. Actuellement, la SNCF est en monopole sur le marché du transport ferroviaire de voyageurs. Toutefois, dans la perspective d'une ouverture possible à la concurrence, il convient de déterminer si l'opération aurait un impact concurrentiel négatif sur ce marché en entraînant la disparition d'un concurrent potentiel, Keolis, sur ce marché.

50. L'Autorité de la concurrence a eu l'occasion d'examiner cette question en 2010 lors de la prise de contrôle conjoint de Keolis et Effia par SNCF-P et CDPQ. Elle a écarté ce risque dans la mesure où Keolis n'était pas le seul entrant potentiel sur ce marché, d'autres opérateurs français ou étrangers étant susceptibles de se développer sur ce marché dès qu'il serait libéralisé.

51. L'Autorité ainsi que la partie notifiante considèrent que cette analyse demeure valable en 2012, aucun changement majeur dans le secteur ne remettant en cause ces conclusions.

B. EFFETS CONGLOMÉRAUX

1. ENTRE LES MARCHÉS DE L'AUDIT D'OPÉRATEURS DE TRANSPORT PUBLIC ET DU TRANSPORT PUBLIC ROUTIER DE VOYAGEURS

a) Risques d'atteinte à la concurrence identifiés en 2010

52. Effia, par l'intermédiaire de sa filiale Effia Synergies, exerçait notamment des activités de contrôle qualité sur des réseaux de transport public routier et ferroviaire pour le compte des autorités organisatrices. Dans le cadre de ces missions, Effia auditait aussi bien des réseaux exploités par la SNCF ou Keolis (pour un chiffre d'affaires annuel d'environ [...] d'euro) que des réseaux opérés par des transporteurs concurrents (chiffre d'affaires d'environ [...] d'euro).

53. A l'occasion de l'opération de prise de contrôle conjoint par SNCF-P et CDPQ de Keolis et d'Effia, l'Autorité avait considéré qu'Effia pourrait avantager Keolis en lui permettant de bénéficier d'un accès privilégié aux informations qu'elle collecte à l'occasion des contrôles effectués sur les réseaux exploités par ses concurrents. Par ce biais, Keolis était susceptible de proposer des réponses plus pertinentes aux appels d'offres, du fait de sa meilleure connaissance du fonctionnement des réseaux. Keolis aurait également pu bénéficier d'une meilleure connaissance des exigences du contrat liant le transporteur à l'autorité organisatrice (notamment sur le caractère plus ou moins contraignant des objectifs de qualité de service), de telle sorte que Keolis aurait été mieux informée de la profitabilité des différents marchés et plus à même de négocier à son avantage les termes du contrat d'exploitation avec l'autorité organisatrice. Enfin, l'Autorité a considéré qu'il ne pouvait être exclu qu'Effia soit incitée à biaiser ses rapports d'audit en défaveur de l'opérateur concurrent en place, de manière à favoriser les candidatures alternatives au moment du renouvellement du contrat d'exploitation.

54. Afin de lever ces doutes, les parties se sont engagées, par une lettre en date du 8 janvier 2010, à ce qu'Effia ne réponde plus aux appels d'offres des autorités organisatrices portant sur des prestations de contrôle qualité à effectuer sur des réseaux de transport public de voyageurs urbains ou interurbains, exploités par des concurrents de Keolis. Des engagements spécifiques ont été pris afin de résoudre les cas particuliers des contrats en cours, des changements d'opérateurs de transport public en cours de contrat et des appels d'offres portant sur différents types de prestations de services (23).

55. Ces engagements ont été souscrits pour une durée de 5 ans et peuvent être prolongés pour une durée maximum de 5 ans.

b) Analyse concurrentielle à l'occasion de la présente opération

56. L'Autorité ainsi que la partie notifiante considère que l'analyse concurrentielle reste d'actualité à l'occasion de la présente opération, aucun changement structurel n'étant intervenu sur ces marchés depuis 2010. Les risques d'atteinte à la concurrence identifiés en 2010 persisteraient donc en l'absence de mesures correctives et le caractère nécessaire des engagements définis en 2010 n'est pas remis en cause par le passage d'un contrôle conjoint de SNCF-P et CDPQ à un contrôle exclusif de SNCF-P sur Keolis.

57. En revanche, la prise de contrôle exclusif de SNCF-P sur le groupe Keolis ne modifie pas les incitations de SNCF-P du fait d'une évolution des interactions entre les activités de Keolis et d'Effia, cette dernière ayant été intégrée au sein du groupe Keolis en 2010. L'opération notifiée ne remet donc pas en cause le caractère suffisant des engagements

2. ENTRE LE MARCHÉ DU TRANSPORT FERROVIAIRE ET LES MARCHÉS DU TRANSPORT URBAIN ET INTERURBAIN DE VOYAGEURS

a) Risques d'atteinte à la concurrence identifiés en 2010

58. Lors de son examen de la prise de contrôle conjoint de Keolis et Effia par SNCF-P et CDPQ, l'Autorité avait identifié quatre risques d'atteinte à la concurrence par le biais d'effets congloméraux entre le marché du transport ferroviaire et les marchés du transport urbain et interurbain de voyageurs :

- un premier risque lié au fait que la SNCF est gestionnaire des gares ferroviaires. A l'issue de cette opération, l'Autorité a estimé que la SNCF pourrait favoriser sa filiale Keolis concernant la mise en place de points d'information et de vente dans les gares ;

- un deuxième risque découlant du fait que la SNCF est détentrice d'informations essentielles à l'organisation des transports routiers de voyageurs, à savoir l'information sur les horaires de ses trains. L'Autorité a considéré qu'à l'issue de l'opération, Keolis était susceptible de bénéficier d'un accès privilégié à cette information, au détriment de ses concurrents ;

- un troisième risque lié à l'attribution des services routiers "assimilés à du ferroviaire" ainsi que des services routiers de "substitution". L'Autorité a considéré que l'opération pourrait engendrer une incitation supplémentaire pour la SNCF, mandatée par les régions pour l'attribution de ces marchés, à privilégier sa filiale Keolis au détriment de ses concurrents ;

- le quatrième risque découlant du fait que, dans la perspective d'une ouverture possible à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs, la SNCF pourrait s'appuyer sur Keolis pour asseoir sa présence sur le transport ferroviaire de voyageurs.

59. L'Autorité avait alors considéré qu'il existait des doutes sérieux d'atteinte à la concurrence résultant des deux premiers types de risque. SNCF-P et CDPQ avait alors soumis des engagements de nature à lever ces doutes. Ainsi, les parties s'étaient engagées à garantir un accès transparent et non discriminatoire aux opérateurs de transport routier concernant les services en gares24. Les parties s'étaient également engagées à mettre à disposition de tout transporteur public routier de voyageurs qui en ferait la demande, pour les besoins d'une réponse à un appel d'offres ou dans l'exécution d'un contrat de transport public, dans des conditions transparentes et non discriminatoires :

- les horaires prévisionnels de l'ensemble de ses trains de voyageurs (TER, Transilien, TGV et Grandes Lignes) pour l'année à venir (horaires de service entrant en vigueur le deuxième dimanche du mois de décembre) ;

- les informations relatives aux modifications apportées par le gestionnaire d'infrastructure au plan de transport théorique en cours de l'ensemble de ses trains de voyageurs (TER, Transilien, TGV et Grandes Lignes).

60. Les parties s'étaient enfin engagées à répondre de manière transparente et non discriminatoire à toute demande visant la conclusion d'une convention de correspondances garanties avec l'ensemble des trains SNCF (TER, Transilien, TGV et Grandes Lignes) qui lui serait faite par un opérateur de transport public routier de voyageurs, quel qu'il soit, sur la base d'une charte type.

61. L'ensemble des engagements ont été souscrits pour une durée de 5 ans et peuvent être prolongés pour une durée maximum de 5 ans.

62. L'Autorité avait ensuite écarté les deux derniers types de risques. En ce qui concerne l'attribution des services routiers, l'Autorité avait relevé que ces services représentaient une faible part dans l'ensemble des services de transport routier urbain, qu'il existait un cadre légal contraignant et enfin que les régions reprenaient en main la procédure d'attribution des services routiers assimilés et de substitution. En ce qui concerne la possibilité pour la SNCF de s'appuyer sur Keolis pour assoir sa présence sur le transport ferroviaire régional, l'Autorité avait relevé, dans le cas où les régions attribueraient dans un même appel d'offre les services ferroviaires régionaux et les services routiers d'intérêt régional, que d'une part, les services routiers d'intérêt régional représentaient une faible part du marché routier interurbain de voyageurs et que, d'autre part, les régions n'avaient pas intérêt à coupler ces deux types de services au sein d'un même appel d'offre.

63. La SNCF pourrait également se prévaloir de la position de Keolis dans le cas où les différentes autorités organisatrices privilégieraient un opérateur intégrant des services ferroviaires et des services routiers, afin de coordonner au mieux leurs offres de transport. En effet, la SNCF pourrait se prévaloir de la possibilité de garantir un ajustement des transports offerts par Keolis avec son trafic ferroviaire (l'inverse étant peu probable). Toutefois, l'Autorité avait considéré que compte tenu des engagements pris par la SNCF et la CDPQ concernant la transmission de l'information et l'accès aux services en gares, la SNCF ne pourrait bénéficier d'un réel avantage concurrentiel en se prévalant de ses liens avec Keolis lorsque la libéralisation du transport ferroviaire régional sera effective.

b) Analyse concurrentielle à l'occasion de la présente opération

64. L'Autorité ainsi que la partie notifiante considèrent que l'analyse ci-dessus est toujours d'actualité. En effet, le marché du transport ferroviaire comme les marchés du transport public de voyageurs n'ont pas connu de changements structurels majeurs. En outre, la position de la nouvelle entité et de ses principaux concurrents n'ont pas sensiblement évolué depuis l'examen de la précédente opération, comme l'indique le tableau ci-dessous :

65. Sur le marché du transport urbain routier hors Ile de France de voyageurs, Keolis a gagné [...] nouveaux contrats depuis 2010 et en a perdu [...]. Au total, Keolis détient un contrat de gestion du transport urbain de voyageurs dans [...] villes.

66. Sur le marché du transport public de voyageurs en Ile-de-France hors monopole de la RATP, Keolis a remporté [...] nouveaux contrats et en a perdu [...]. Toutefois, la partie notifiante estime que la part de marché en valeur de Keolis est restée stable depuis 2010.

67. En ce qui concerne le marché du transport interurbain de voyageurs, la partie notifiante n'a pas été en mesure de fournir une estimation des parts de marché de la nouvelle entité au niveau départemental. Elle a toutefois indiqué les lignes perdues et gagnées ([...] contrats gagnés, [...] perdus pour un chiffre d'affaire global stable) dans les [...] départements où elle est présente ainsi que l'évolution du nombre de véhicules entre 2010 et 2012.

68. Veolia-Transdev, principal concurrent de Keolis, a formulé un certain nombre d'observations relatives à l'opération selon lesquelles "le groupe SNCF se présente, grâce à Keolis, comme étant présent sur tous les modes de transport, y compris le transport routier interurbain et le transport urbain (tram, bus, etc.). Cette présence multimodale renforce la capacité d'intermodalité du groupe SNCF et renforce l'attractivité des offres de transport de Keolis vis-à-vis des autorités organisatrices, dès lors qu'il lui est aisé de faire fonctionner ensemble, autour des gares qu'il exploite, les différents réseaux de transport gérés par Keolis, et leur interconnexion "seamless" avec le train." (25). Les craintes ainsi exprimées par cette société correspondent cependant aux problèmes de concurrence déjà identifiés en 2010 et rappelés ci-dessus, pour lesquels les parties notifiantes se sont engagées à mettre en place des mesures correctives. Or, Veolia n'apporte aucun élément de nature à indiquer que l'opération notifiée remettrait en cause le caractère approprié de ces mesures correctives ou leur efficacité ou à suggérer que les engagements pris ne seraient pas respectés.

69. Au total, l'Autorité de la concurrence considère que les risques d'atteinte à la concurrence identifiés en 2010 persisteraient en l'absence de mesures correctives et que le caractère nécessaire des engagements définis en 2010 n'est pas remis en cause par le passage d'un contrôle conjoint de SNCF-P et CDPQ à un contrôle exclusif sur Keolis.

70. En revanche, l'examen auquel il a été procédé n'a pas montré que les effets congloméraux identifiés seront aggravés à l'issue de l'opération notifiée et ne permet donc pas de remettre en cause le caractère suffisant des engagements pris.

IV. Renouvellement des engagements

71. Comme cela a été vu ci-dessus, l'analyse concurrentielle des effets de l'opération notifiée à laquelle il a été procédé n'a pas remis en cause le caractère nécessaire et suffisant des engagements qui avaient été pris en 2010 par SNCF-P et la CDPQ.

72. Toutefois, ces engagements ont été souscrits par SNCF-P et la CDPQ dans le cadre de leur prise de contrôle conjoint du groupe Keolis. A l'issue de la présente opération, SNCF-P détiendra désormais seule le contrôle exclusif de Keolis. Afin de lever tous les doutes qui pourraient naître sur la portée ou l'effectivité de ces engagements du fait de la modification qui vient d'être évoquée, la partie notifiante a réitéré les engagements souscrits en 2010 dans le cadre du contrôle de la présente opération par lettre en date du 9 août 2012.

73. Par conséquent, dans le cadre de la présente procédure, la SNCF s'engage à poursuivre la mise en œuvre des engagements pris dans le cadre de la décision n° 10-DCC-02 du 2 janvier 2010 dans toutes leurs dispositions et aux mêmes conditions, pour le temps restant à courir pour leur exécution.

DECIDE

Article unique : L'opération notifiée sous le numéro 12-107 est autorisée, sous réserve des engagements ci-dessus et annexés à la présente décision.

Notes :

1 La société Kebexa est détenue à 50 % par la CDPQ, à 43,6 % par AXA PE et à 6,4 % par Pragma.

2 SNCF-P détient 56,5 % du capital, Kebexa, 40,7 %, le reste du capital étant détenu par Keos Management (2,3 %) et de manière marginale par un FCPE et des personnes physiques

3 Keolis est également présent en Suède, au Danemark, en Belgique, au Royaume-Uni, en Allemagne et au Portugal dans le secteur du transport routier et ferroviaire de passagers.

4 Ces opérations consistent précisément en : la cession à SNCF-P par AXA et Pragma de leurs titres dans Kebexa ; le rachat par Kebexa des titres de Keos Management et groupe Keolis détenus par les managers ; l'acquisition par CDPQ de titres Kebexa et la souscription-augmentation du capital de Kebexa ; la fusion absorption de Keos Management par groupe Keolis ; la fusion absorption de Kebexa par groupe Keolis.

5 Décision de l'Autorité de la concurrence n° 10-DCC-02 du 12 janvier 2010.

6 Voir la décision de renvoi de la Commission européenne du 23 juillet 2012, paragraphe 26.

7 Décisions de l'Autorité de la concurrence n° 10-DCC-02 du 12 janvier 2010 relative à la prise de contrôle conjoint des sociétés Keolis et Effia par les sociétés SNCF-Participations et Caisse de Dépôt et de Placement du Québec ; n° 10-DCC-83 du 27 juillet 2010 relative à la prise de contrôle exclusif de certains actifs des groupes Transdev et Veolia Transport par le groupe RATP ; n° 10-DCC-198 du 30 décembre 2010 relative à la création d'une entreprise commune par Veolia Environnement et la Caisse des Dépôts et Consignations.

8 L'ordonnance n° 59-151 du 7 janvier 1959 relative à l'organisation des transports de voyageurs dans la Région parisienne, et le décret n° 59-157 du 7 janvier 1959 relatif à l'organisation des transports de voyageurs en Ile-de-France.

9 Décisions de l'Autorité de la concurrence n° 10-DCC-02, n° 10-DCC-83 et n° 10-DCC-198 précitées.

10 Voir la décision de l'Autorité de la concurrence n° 10-DCC-02 précitée.

11 Le transport urbain implique notamment de mobiliser un plus grand nombre de personnels et des conducteurs capables, pour les réseaux concernés, de conduire des tramways et des métros. En outre, l'optimisation des moyens de transport au sein d'un réseau urbain est plus complexe que dans l'interurbain, dans la mesure où dans ce dernier cas, le réseau est généralement moins dense (moins de correspondances entre les différentes lignes).

12 Défini par la LOTI comme le transport sur un "périmètre de transport urbain (PTU) qui comprend le territoire d'une commune ou le ressort territorial d'un établissement public ayant reçu mission d'organiser les transports publics de personnes".

13 Les transports interurbains s'effectuent à une échelle supérieure à celle d'un périmètre de transport urbain, départementale ou régionale par exemple.

14 Voir décision n° 10-DCC-198 précitée.

15 Voir les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 10-DCC-02, n° 10-DCC-83 et n° 10-DCC-198.

16 Voir les décisions n° 10-DCC-02 et n° 10-DCC-83 précitées.

17 Loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000, applicable également au Syndicat des Transports d'Ile-de-France (STIF).

18 Décision n° 10-DCC-02 précitée.

19 Décision de l'Autorité de la concurrence n° 10-DCC-02 du 12 janvier 2010 relative à la prise de contrôle conjoint des sociétés Keolis et Effia par les sociétés SNCF-Participations et Caisse de dépôt et placement du Québec.

20 Décision n° 10-DCC-198 précitée.

21 Voir par exemple, au niveau national, la décision de l'Autorité n° 11-DCC-34 du 25 février 2011 relative à l'acquisition du contrôle exclusif de Ne Varietur par GDF Suez et, au niveau européen, la décision de la Commission européenne du 17 décembre 2008 n° COMP-M.5141 KLM/Martinair.

22 Décision n° 10-DCC-02 précitée.

23 Voir paragraphe 99 de la décision n° 10-DCC-02.

24 Voir paragraphe 108 de la décision n° 10-DCC-02.

25 Observations de Veolia-Transdev du 21 août 2012 concernant l'opération de prise de contrôle exclusif de Keolis par la SNCF.