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Décisions

Commission, 20 décembre 2011, n° 2012-540

COMMISSION EUROPÉENNE

Décision

Concernant l'aide d'État C 25-08 (ex NN 23-08) - Réforme du mode de financement des retraites des fonctionnaires de l'État rattachés à France Télécom mise à exécution par la République française en faveur de France Télécom

Commission n° 2012-540

20 décembre 2011

LA COMMISSION EUROPÉENNE,

Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et notamment son article 108, paragraphe 2, premier alinéa (1), vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 62, paragraphe 1, point a) (2), après avoir invité les intéressés à présenter leurs observations (3) conformément auxdits articles et vu ces observations, considérant ce qui suit :

1. PROCÉDURE

(1) Par une plainte en date du 4 octobre 2002 complétée le 16 janvier 2003, la Commission a été saisie d'allégations selon lesquelles la République française avait mis à exécution une aide en faveur de France Télécom qui aurait allégé partiellement ses charges financières, notamment celles liées au financement des retraites. Par lettre du 17 mars 2004, la République française a communiqué à la Commission des informations que celle-ci lui avait demandées concernant la plainte.

(2) Par courriers en date du 2 avril 2004 et du 24 février 2006, les plaignants ont fourni des informations complémentaires relatives à la plainte.

(3) Par lettre du 20 mai 2008, la Commission a informé la République française de sa décision d'ouvrir la procédure prévue à l'article 108, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) à l'encontre de cette aide.

(4) La République française a présenté ses observations le 18 juillet 2008.

(5) La décision de la Commission d'ouvrir la procédure a été publiée au Journal officiel de l'Union européenne (4). La Commission a invité les intéressés à présenter leurs observations sur l'aide en cause.

(6) Le 22 septembre 2008, la Commission a reçu des observations de la part de France Télécom et, après prorogation du délai, elle a reçu des observations des plaignants et d'un opérateur de télécommunications le 1er et le 16 octobre 2008, respectivement. La Commission les a ensuite transmises à la République française en lui donnant la possibilité de les commenter, et a reçu les commentaires de la République française par lettre du 13 février 2009.

(7) Le 16 février 2009, France Télécom a présenté des observations attirant l'attention de la Commission sur un arrêt du Tribunal du 28 novembre 2008 (5) qui, selon elle, confirme ses arguments. Le 14 mai 2009, l'opérateur de télécommunications mentionné au considérant 6 a présenté un complément d'information par rapport à ses observations en cours de procédure, en se référant à une décision de la Commission en date du 11 février 2009 (6) qui, selon lui, conforte ses observations.

(8) Des réunions entre les représentants de la Commission et de France Télécom se sont tenues, à la demande de cette dernière, le 17 décembre 2009, le 23 septembre 2010 et le 12 octobre 2010. France Télécom a transmis des observations supplémentaires le 18 octobre 2010.

(9) Le 18 mars 2010, à la demande de la Commission, la République française a fourni des précisions et une mise à jour de certaines données contenues dans ses observations initiales, qu'elle a assorties d'un rappel du contenu de celles-ci.

(10) Le 22 septembre 2010, les autorités françaises ont fait part à la Commission de nouvelles observations et demandé une réunion, qui s'est tenue le 22 octobre 2010. Par lettre du 28 octobre 2010, la Commission leur a transmis des précisions factuelles évoquées lors de cette réunion et les observations supplémentaires de France Télécom, en invitant la République française à formuler ses observations éventuelles. La Commission a transmis le 17 novembre 2010 des précisions supplémentaires demandées par les autorités françaises pour préparer leurs observations le 10 novembre 2010.

(11) Par lettre du 9 décembre 2010, complétée le 24 juin 2011, la République française a transmis ses observations supplémentaires, assorties d'une mise à jour de certaines données contenues dans ses observations initiales. Des réunions se sont tenues avec les autorités françaises les 28 juin et le 4 juillet 2011. De nouvelles observations ont été présentées le 7 octobre 2011.

2. DESCRIPTION DÉTAILLÉE DE L'AIDE

(12) Les mesures faisant l'objet de la présente procédure consistent dans les changements introduits en 1996 dans le régime des charges supportées par l'entreprise France Télécom relativement au paiement des retraites de son personnel ayant le statut de fonctionnaire. Le régime précédent avait été établi lors de la création en 1990 de France Télécom en tant qu'entreprise distincte de l'administration de l'État. Dans les faits, la loi de 1990 reprenait la pratique antérieure pour ce qui est des charges sociales de France Télécom. Un nouveau régime a été instauré en 1996 à l'occasion d'une part, de la constitution de France Télécom en société anonyme, de la cotation en bourse et de l'ouverture d'une partie croissante de son capital, et d'autre part, de l'ouverture totale à la concurrence des marchés où elle opérait, en France et dans les autres États membres de l'Union européenne. Le régime introduit en 1996 est toujours en vigueur, pour l'essentiel, à l'heure actuelle.

2.1. Le cadre juridique du statut de France Télécom et de ses personnels entre 1990 et 1996

2.1.1. Statut de France Télécom et situation de ses personnels entre 1990 et 1996

(13) En vertu de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 (ci-après "la loi de 1990") (7), France Télécom a été constituée en exploitant public doté de la personnalité juridique. Auparavant, elle formait une direction générale du ministère des Postes et Télécommunications. Par cette même loi, la pleine propriété des biens mobiliers et immobiliers de l'État affectés aux services relevant de cette direction générale a été transférée de plein droit et à titre gratuit à France Télécom.

(14) L'article 3 de la loi de 1990 donne notamment pour mission à France Télécom : i) d'assurer tous services publics de télécommunications dans les relations intérieures et internationales ; ii) d'établir, de développer et d'exploiter les réseaux publics nécessaires à la fourniture de ces services et d'assurer leur connexion avec les réseaux étrangers ; iii) de fournir tous autres services, installations et réseaux de télécommunications, ainsi que d'établir des réseaux distribuant par câble des services de radiodiffusion sonore ou de télévision.

(15) En vertu de l'article 29 de la loi de 1990, les personnels de France Télécom relèvent de statuts particuliers, pris en application de la loi portant droits et obligations des fonctionnaires et de la loi portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État. La loi de 1990 permettait l'emploi d'agents contractuels sous le régime de conventions collectives dans le cadre défini par un contrat de plan conclu entre l'État et l'entreprise. Celui-ci prévoyait un plafond de 3 % de l'effectif pour ce type de recrutement.

(16) En poursuivant la pratique budgétaire antérieure, la loi de 1990 fixait dans son article 30 l'attribution des responsabilités afférentes au financement des prestations sociales du personnel entre l'État français et France Télécom, comme suit :

"Les personnels actifs et retraités du ministère chargé des postes et télécommunications et ceux des exploitants publics relevant du statut général des fonctionnaires de l'État, ainsi que leurs ayants droit, bénéficient des prestations en nature d'assurances maladie, maternité et invalidité, par l'intermédiaire de la mutuelle générale des P.T.T. dans les conditions prévues au livre III et au chapitre II du titre Ier du livre VII du Code de la sécurité sociale. Toutefois, la part de la cotisation incombant à l'État au titre de l'article L. 712-9 est mise à la charge des exploitants publics pour leurs fonctionnaires.

La liquidation et le service des pensions allouées, en application du Code des pensions civiles et militaires de retraite, aux fonctionnaires de La Poste et de France Télécom sont effectués par l'État. En contrepartie, les exploitants publics sont astreints à verser au Trésor public :

le montant de la retenue effectuée sur le traitement de l'agent, dont le taux est fixé par l'article L. 61 du Code des pensions civiles et militaires de retraite ;

b) une contribution complémentaire permettant la prise en charge intégrale des dépenses de pensions concédées et à concéder à leurs agents retraités.

Les charges résultant de l'application aux agents de La Poste et de France Télécom des dispositions de l'article L. 134-1 du Code de la sécurité sociale incombent en leur totalité aux exploitants publics.

Un décret en Conseil d'État détermine, en tant que de besoin, les conditions d'application des présentes dispositions."

(17) Entre 1991 et 1996, en application de l'article 30 de la loi de 1990, la contribution "employeur" [c'est-à-dire la "contribution complémentaire" visée au point b) de l'article 30 de la loi de 1990 dans sa rédaction initiale] qui incombait à France Télécom au titre de l'emploi de ses fonctionnaires était fixée par différence entre le montant total des pensions versées par l'État français et la part acquittée par les fonctionnaires en activité sur leurs traitements. France Télécom participait aussi aux régimes dits de "compensation" et de "surcompensation", prévoyant des transferts visant à assurer l'équilibre entre les régimes de retraite de fonctionnaires d'autres entités publiques. La part salariale du financement des obligations de pension des fonctionnaires était fixée en application de l'article L 61 du Code des pensions civiles et militaires de retraite par prélèvement d'une retenue effectuée sur le traitement de l'agent, établie à 7,85 % du traitement indiciaire brut.

(18) Les versements de France Télécom sont passés de 920 millions d'euro à 1 151 millions d'euro entre 1991 et 1996 et s'établissaient comme suit :

Versements retraite salariés et employeur de France Télécom 1991-1996 <EMPLACEMENT TABLEAU 1>

(19) France Télécom comptabilisait les dépenses liées aux retraites sur la base des contributions versées. Du fait du caractère certain de l'accroissement de ces dépenses, compte tenu de l'évolution prévisible des pensions de retraite à verser à ses anciens fonctionnaires, France Télécom enregistrait aussi dans ses comptes une provision annuelle destinée à étaler l'effet estimé des augmentations futures de versements sur une période de 30 ans. Le montant total de la provision ainsi constituée jusqu'en 1996 était de 23,4 milliards de FRF (3,6 milliards d'euro). Selon les autorités françaises, l'État français étant son propre assureur, il ne procédait pas de son côté à la constitution de réserves pour ces pensions (9).

2.1.2. Les modifications introduites dans le statut de France Télécom et la situation de ses personnels fonctionnaires à partir de 1996

Les statuts de la société France Télécom

(20) La loi n° 96-660 du 26 juillet 1996 (10) (ci-après "la loi de 1996") a modifié certaines dispositions de la loi de 1990. Avec effet au 31 décembre 1996, elle a, d'une part, conféré à France Télécom le titre d'entreprise nationale soumise aux dispositions législatives applicables aux sociétés anonymes, dans la mesure où elles ne seraient pas contraires à la loi et, d'autre part, transféré à titre gratuit l'essentiel des biens, droits et obligations de la personne morale de droit public France Télécom à l'entreprise nationale France Télécom.

(21) Le capital de l'entreprise France Télécom SA ("France Télécom") a été établi par arrêté à 25 milliards de FRF (3,8 milliards d'euro) à partir des fonds propres figurant au bilan au 31 décembre 1995. Les actions de France Télécom ont été admises en octobre 1997 au premier marché de la Bourse de Paris ainsi qu'au New York Stock Exchange (NYSE). Selon le rapport annuel pour 1998, le capital de France Télécom se répartissait entre l'État pour 63,6 %, des investisseurs privés pour 31,2 %, le personnel de France Télécom pour 3,2 % et Deutsche Telekom pour 2 %. À partir du 7 septembre 2004, avec la cession de 10,85 % du capital, la participation de l'État français n'était plus majoritaire. Par la suite, cette part a continué à diminuer pour s'établir à 26,65 % du capital au 31 décembre 2008. Toutefois, avec 26,65 % des droits de vote et à défaut d'autres blocs d'actionnaires significatifs, l'État français nomme le Président-Directeur Général, reste le principal actionnaire de France Télécom et peut en pratique déterminer l'issue du vote des actionnaires sur les questions requérant la majorité simple (11).

Les statuts et l'embauche du personnel de la société France Télécom

(22) Le changement du statut de France Télécom prévu par la loi de 1996 comportait aussi diverses dispositions relatives à son personnel. Selon cette loi, le corps de fonctionnaires de France Télécom est rattaché à l'entreprise nationale France Télécom et relève de la gestion de celle-ci. Le personnel sous statut de fonctionnaire conservait ce statut et les garanties qui y sont attachées. Les conditions d'emploi des fonctionnaires rattachés à France Télécom sont identiques à celles des fonctionnaires de l'État : ils bénéficient de la garantie de l'emploi et ne peuvent être licenciés que pour motif grave, dans les cas définis par la loi. En ce qui concerne le recrutement de nouveaux personnels, la loi de 1996 permettait à France Télécom de procéder jusqu'au 1er janvier 2002 à des recrutements de fonctionnaires, tout en lui permettant d'employer des agents contractuels sous le régime des conventions collectives.

(23) Au 31 décembre 1996, France Télécom employait 165 200 personnes, dont 94,1 % de fonctionnaires. Dans les faits, sans attendre la date limite du 1er janvier 2002 fixée par la loi de 1996, France Télécom a mis fin au recrutement de fonctionnaires dès 1997. En conséquence, le nombre de fonctionnaires a décru de 47 % en dix ans, passant de 133 434 fonctionnaires en 1997 à 69 892 fonctionnaires en 2007. Cette baisse est nettement plus forte que celle de l'effectif total de France Télécom (-25 %), qui s'établissait à 124 166 employés au 31 décembre 2007.

Les contributions employeur pour les retraites de la société France Télécom

(24) L'article 6 de la loi de 1996 a aussi modifié l'article 30 de la loi de 1990 en ajoutant deux alinéas c) et d) au texte originel. La loi impose à France Télécom de verser au Trésor public, en contrepartie de la liquidation et service par l'État des pensions allouées au personnel fonctionnaire de France Télécom :

"c) [...], une contribution employeur à caractère libératoire, due à compter du 1er janvier 1997, en proportion des sommes payées à titre de traitement soumis à retenue pour pension. Le taux de la contribution libératoire est calculé de manière à égaliser les niveaux de charges sociales et fiscales obligatoires assises sur les salaires entre France Télécom et les autres entreprises du secteur des télécommunications relevant du droit commun des prestations sociales, pour ceux des risques qui sont communs aux salariés de droit commun et aux fonctionnaires de l'État. Ce taux peut faire l'objet d'une révision en cas de modification desdites charges. Les modalités de la détermination et du versement à l'État de la contribution employeur sont fixées par décret en Conseil d'État" ;

d) [...], une contribution forfaitaire exceptionnelle, dont le montant et les modalités de versement seront fixés en loi de finances avant le 31 décembre 1996".

(25) La loi de 1996 a exclu aussi France Télécom du champ d'application du mécanisme des compensations vieillesse généralisée et spécifique prévus par la loi de 1990 et résultant, pour France Télécom, dans le versement de compensations et surcompensations additionnelles à la contribution employeur, indiquées au tableau 1. Entre 1991 et 1996, les montants versés à ce titre représentaient 18 % des pensions versées au personnel fonctionnaire.

(26) La contribution employeur à caractère libératoire instaurée par la loi de 1996 vient remplacer la contribution complémentaire prévue au point b) de l'article 30 de la loi de 1990. Cette contribution est fondée sur un taux d'équité concurrentielle basé sur une égalisation du niveau des cotisations sociales et fiscales obligatoires à salaire net égal. La méthode d'égalisation est fondée sur une reconstitution de ce que serait le montant des coûts d'un concurrent employant des salariés soumis au droit commun des cotisations sociales, y compris les retraites, en leur assurant un salaire net égal à celui des fonctionnaires de France Télécom ayant une structure d'emploi identique.

(27) La méthode exclut les cotisations versées par les concurrents pour assurer les risques non communs aux salariés et aux fonctionnaires, notamment le chômage et les créances des salariés en cas de redressement judiciaire ou liquidation de l'entreprise (ci-après "Assurance Garantie des Salaires" ou "AGS"). Lors du vote de la loi de 1996, cette différence entre France Télécom et ses concurrents n'est pas passée inaperçue pour le législateur, qui constatait que : "le jeu des dispositions de l'article 6 permet à France Télécom d'être allégée des cotisations UNEDIC que ses concurrents potentiels, eux, acquittent" (12).

(28) La contribution employeur de France Télécom, recalculée chaque année, est exprimée en pourcentage des traitements indiciaires bruts des fonctionnaires en service. Le taux de cette contribution employeur a été en moyenne de [...] (*) % entre 1997 et 2010 et s'établit comme indiqué dans le tableau 2, d'après les observations de la République française :

Contribution employeur à caractère libératoire payée par France Télécom entre 1997-2010

<EMPLACEMENT TABLEAU 2>

(29) La cessation de l'embauche de fonctionnaires à partir de 1997 a plafonné l'effectif des fonctionnaires actifs de France Télécom. En dépit du départ à la retraite d'une part croissante de l'effectif fonctionnaire entre 1991 et 2010, le tableau montre que la contribution employeur de 744 millions d'euro acquittée par France Télécom en 2010 était inférieure de 407 millions d'euro aux charges de retraites que l'entreprise versait à l'État français avant l'entrée en vigueur de la réforme en 1996 et était équivalente à la seule contribution employeur que France Télécom versait 20 ans auparavant en 1991 (1 151 millions d'euro et 743 millions d'euro respectivement, voir tableau 1).

(30) La réforme introduite par la loi de 1996 a donc pour effet que le montant de la contribution de France Télécom diminue en valeur absolue et n'est plus lié au nombre de fonctionnaires partis à la retraite. Le transfert de charges à l'État qu'introduit la loi de 1996 intervenait alors que les prévisions reprises par le Sénat faisaient état d'un alourdissement significatif de la charge des retraites à partir de 2005, en passant à 13 milliards de FRF (1,98 milliard d'euro) en 2007, 21,5 milliards de FRF (3,3 milliards d'euro) en 2017 et 34 milliards de FRF (6,1 milliards d'euro) en 2027 (13).

(31) Ainsi, les débats sur le projet de loi à l'Assemblée nationale et au Sénat font état d'un montant de 250 milliards de FRF de transfert de charges de retraites vers le budget de l'État, que 100 milliards de FRF de cotisations annuelles et 40 milliards de FRF de contribution exceptionnelle ne couvriraient pas, même en y ajoutant le produit de la cession d'une partie des actions de l'entreprise. Les mêmes débats indiquent un montant estimatif maximal de 40 milliards de FRF de contribution exceptionnelle pour diminuer l'importance de la charge nouvelle et lourde pour l'État. Ce montant a été fixé avec le conseil de banquiers pour qu'il soit compatible avec un ratio d'endettement sur fonds propres de 150 % et pour qu'il corresponde aux provisions pour retraites constituées par l'entreprise et au surcoût pour l'État, sur dix ans, et dix ans seulement, résultant de la différence entre les pensions versées et la cotisation libératoire perçue dorénavant (14).

(32) Le but de compensation de l'État est rappelé non seulement dans le libellé de l'article 30 de la loi votée par le législateur et lors des débats sur le projet de loi de 1996, mais encore dans le Rapport annuel de France Télécom pour 1997, qui fait état du "paiement à l'État français d'une contribution exceptionnelle de 37,5 milliards de francs liée aux retraites futures des anciens fonctionnaires" (15). Les provisions constituées par France Télécom ont permis à France Télécom de diminuer l'effort financier net à fournir puisqu'elle s'est limitée à payer, en une seule année, le surcoût de la réforme pour l'État pendant dix ans.

(33) Ainsi, il apparaît que la provision destinée à étaler l'effet des augmentations futures de contributions résultant de la loi de 1990 qu'avait constituée annuellement France Télécom pour un montant cumulé de 23,4 milliards de FRF (3,6 milliards d'euro) en 1996, a été prise en considération pour la fixation du montant de la contribution exceptionnelle (ou "soulte"). La partie de cette contribution qui ne correspondait pas aux provisions constituées couvrait ce surcoût pendant une période de dix ans. Le montant de celle-ci a été fixé en tenant compte du montant déjà provisionné par l'entreprise comme il ressort sans ambigüité des débats à l'époque.

(34) En effet, du fait du caractère libératoire de la contribution employeur annuelle instaurée par la loi de 1996, l'obligation de France Télécom se limite depuis au versement de cette contribution, sans autre engagement de couverture des déficits éventuels futurs ni du régime de retraites de ses agents fonctionnaires ni d'autres régimes de la fonction publique. La provision comptable devenait donc sans objet du fait de la loi de 1996. La provision a été reprise en profit dans le compte de résultat de France Télécom au 31 décembre 1996, pour une valeur de 17,5 milliards de FRF (2,7 milliards d'euro) dans le résultat net (16).

(35) En outre, le montant de la contribution forfaitaire exceptionnelle prévue par la loi de 1996 en contrepartie de la liquidation et du service par l'État des pensions allouées au personnel fonctionnaire de France Télécom a été fixé à 37,5 milliards de FRF par la loi de finances pour 1997, soit 5,71 milliards d'euro. Il a été financé par une augmentation des dettes à court et long terme de l'entreprise (17) et payé en plusieurs fois entre janvier et octobre 1997. La recette de cette contribution exceptionnelle a permis de ramener le déficit des administrations publiques françaises à 41,8 milliards d'euro. en 1997. Sans elle, le déficit aurait représenté 3,7 % du PIB cette année.

(36) La recette de cette contribution a été affectée à l'Établissement Public de Gestion de la Contribution Exceptionnelle de France Télécom institué par la loi de finances pour 1997. La contribution exceptionnelle constitue, avec d'éventuels produits financiers qu'elle génère, la seule recette de l'établissement. Ses dépenses prennent la forme d'un reversement annuel au budget de l'État, qui est attribué en recette depuis 2006 au compte d'affectation spéciale pensions pour les pensions civiles et militaires de l'État. Ce versement était fixé à 1 milliard de FRF (152,4 millions d'euro) pour 1997, majoré ensuite de 10 % chaque année, sauf disposition spécifique contraire en loi de finances. La vie de l'établissement public prend fin après le reversement intégral de ses recettes à l'État (18).

(37) L'application des dispositions prévues par la loi de finances pour 1997 fixant les versements annuels aboutissait à ce que la durée de vie de l'établissement public fût estimée à 17 ans en 1999, sans rémunération de sa trésorerie (19). Toutefois, du fait de versements annuels plus importants que prévu par la loi de finances pour 1997, cette durée a été raccourcie. Comme il est indiqué au tableau 3, le montant cumulé des versements annuels de l'établissement atteignait déjà 5,47 milliards d'euro en 2010. L'extinction de l'établissement du fait du reversement intégral des ressources disponibles était prévue au 31 décembre 2011 (20). Ainsi, la loi de finances pour 2011 prévoit un versement de 243 millions d'euro vers le compte d'affectation spéciale pensions pour cette année, qui devrait apurer les recettes de l'établissement (21).

(38) En tout état de cause, le montant de la contribution exceptionnelle de 37,5 milliards de FRF affectée à l'établissement public de gestion de la contribution exceptionnelle de France Télécom en 1997 correspond au montant de la contribution, inférieur à 40 milliards de FRF, évoqué lors de la discussion du projet de la loi de 1996. Bien que versée au budget de l'État en 1997 et alimentant annuellement celui-ci pour le paiement des pensions civiles et militaires, le montant de cette contribution a été fixé afin de compenser le surcoût résultant pour l'État de l'application de la loi de 1996.

(39) La part salariale du financement des obligations de pension des fonctionnaires fixée en application de l'article L. 61 du Code des pensions civiles et militaires de retraite depuis la constitution de l'exploitant public France Télécom en 1991 n'a pas été modifiée par la loi de 1996. Par ailleurs, les lois de 1990 et 1996 n'ont pas modifié le régime de retraite des salariés de droit privé de France Télécom, qui est celui de droit commun de la sécurité sociale pour l'assurance retraite, complété par le régime de l'AGIRC pour l'effectif cadre et par le régime de l'ARRCO pour l'effectif non-cadre. Au titre de ce régime, France Télécom et ses salariés de droit privé assument des obligations équivalentes à celles des entreprises concurrentes en ce qui concerne notamment le paiement de cotisations libératoires par l'employeur.

Les estimations des charges résultant pour l'État français de la réforme introduite par la loi de 1996

(40) À l'occasion de la réforme introduite par la loi de 1996, le cabinet d'actuaires retenu comme conseil de l'État français a estimé que la liquidation et le service par l'État des pensions allouées au personnel fonctionnaire actif et retraité de France Télécom s'élèveraient à 242 milliards de FRF [6,9 milliards d'euro (22)] en valeur actualisée probable au 1er janvier 1997 (23). Ce chiffre est proche du montant arrondi de FRF 250 milliards évoqué au Sénat. L'estimation sur les mêmes hypothèses actuarielles La contribution employeur à caractère libératoire que France Télécom verserait en contrepartie a été estimée, sur la base des mêmes hypothèses actuarielles, à 15,2 milliards d'euro, auxquels il faut ajouter la soulte ou contribution exceptionnelle de 5,7 milliards d'euro versée en totalité en octobre 1997. Les autorités françaises estiment à [...] milliards d'euro, au moment de l'entrée en vigueur de la réforme, la valeur des contributions salariales futures. La valeur de la charge nette transférée par France Télécom à l'État français, telle qu'estimée en 1996, s'établissait donc à [...] milliards d'euro.

(41) Pour la période de dix ans (1997 à 2006) évoquée lors des débats sur le projet de loi 1996, le montant cumulé des prestations à verser estimées par le cabinet d'actuaires retenu comme conseil de l'État français était de [...] milliards d'euro. Dans cette période, le montant total des prestations effectivement versées a été quasiment identique, [...] milliards d'euro, soit un écart de prévision inférieur de 0,83 % (24). Cela confirme a posteriori la justesse des prévisions qui ont informé les débats sur la loi.

(42) À partir de ces chiffres, il est possible de constater que les montants et leur justification débattus à l'Assemblée nationale et au Sénat pour la fixation du montant de la soulte ou contribution exceptionnelle de France Télécom correspondent aux ordres de grandeur vérifiés ex post pendant la période de dix ans mentionnée dans les débats sur le projet de loi. En effet, le montant maximal de la contribution exceptionnelle annoncé, 6 milliards d'euro (40 milliards de FRF) correspond aux provisions constituées par l'entreprise jusqu'en 1996 pour faire face aux charges de retraite future alors prévues, soit 3,6 milliards d'euro (23,4 milliards de FRF) plus la différence de 2,4 milliards d'euro à la charge de l'État entre les cotisations patronales et salariales perçues entre 1997 et 2006, d'une part, et, d'autre part, les prestations à verser estimées en 1996 pour la même période de dix ans.

(43) D'autre part, les informations transmises par la République française et reprises au tableau 3 montrent que, pour la période allant de 1997 à 2010, la charge cumulée de pensions des personnels fonctionnaires de France Télécom à financer par l'État français du fait de la réforme de 1996 a atteint [...] milliards d'euro. La charge à financer par l'État se définit comme le solde entre les cotisations annuelles de France Télécom et de son personnel fonctionnaire en activité et les prestations de pensions servies au personnel fonctionnaire à la retraite année après année, déduction faite des versements annuels de l'établissement public de gestion de la contribution exceptionnelle de France Télécom. Entre 1997 et 2010, la charge a évolué comme suit :

Charges résultant pour l'État français de la réforme de 1996 (1997-2010) (en millions d'euro)

<EMPLACEMENT TABLEAU 3>

(44) En raison des dispositions de la loi de finances pour 1997 qui les régit, les montants des versements annuels de l'établissement public de gestion de la contribution exceptionnelle de France Télécom versée en 1997 ne correspondaient pas aux montants des prestations estimées ou réellement versées au personnel retraité de France Télécom ni aux montants des charges restant à financer par l'État et n'ont pas été fixés en fonction desdits montants. L'examen des montants effectivement reversés corrobore cette déconnexion. En dépit de la contribution exceptionnelle versée par France Télécom en 1997, le tableau 3 montre que les montants de prestations versés aux personnels fonctionnaires retraités de France Télécom ont dépassé les ressources annuelles à partir de 2004, hormis pour l'année 2006.

(45) Ainsi, les versements des cotisations annuelles de France Télécom et les versements annuels de l'établissement gérant la contribution exceptionnelle ne sont pas affectés distinctement et ex ante aux prestations servies aux personnels retraités de France Télécom au sein du compte d'affectation spéciale pensions. En effet, l'affectation de la contribution exceptionnelle au seul financement des prestations en cause depuis 1997, si elle avait été appliquée à la place du système de reversement de montant majoré annuellement de 10 % prévu par la loi de finances de 1997, aurait conduit à l'extinction de l'établissement public fin 2008, plutôt que fin 2011 comme prévu, compte tenu du montant non couvert par les cotisations annuelles, figurant au tableau 3. En toute hypothèse, dans les deux cas, le montant de la contribution exceptionnelle aurait été consommé au 31 décembre 2011.

2.2. L'ouverture progressive puis totale des marchés de télécommunications

(46) La réforme du financement des retraites des personnels fonctionnaires de France Télécom est intervenue avec, en toile de fond, l'ouverture totale à la concurrence des marchés de services sur lesquels opérait France Télécom. À partir de 1988, le secteur des télécommunications a été progressivement libéralisé par la directive 88-301-CEE de la Commission du 16 mai 1988 relative à la concurrence dans les marchés de terminaux de télécommunication (25) et par la directive 90-388-CEE de la Commission du 28 juin 1990 relative à la concurrence dans les marchés de télécommunication (26). La directive 90-388-CEE prévoyait des mesures de libéralisation à mettre en œuvre avant le 31 décembre 1990 en ce qui concerne la communication de données et les services de téléphonie vocale et de données pour des réseaux d'entreprise et groupes fermés d'utilisateurs. La directive 96-19-CE de la Commission du 13 mars 1996 modifiant la directive 90-388-CEE en ce qui concerne la réalisation de la pleine concurrence sur le marché des télécommunications (27) visait la libéralisation totale du secteur des télécommunications à partir du 1er janvier 1998.

(47) En effet, la loi n° 96-659 du 26 juillet 1996 relative à la réglementation des télécommunications a fixé les conditions permettant de donner un plein effet à la libéralisation du secteur en mettant fin au monopole de France Télécom sur la téléphonie fixe et la transmission des données et en organisant les tarifs et interconnexions avec les concurrents. Même dans d'autres secteurs, pourtant non soumis à des droits exclusifs et donc concurrentiels dès 1987, comme les marchés de la téléphonie mobile, France Télécom exerçait un leadership certain avec une part de marché passée de 53,3 % à 49,8 % entre 1997 et 2002 (28). La loi n° 96-659 a aussi investi France Télécom de missions d'intérêt économique général et prévu la mise en place d'un fonds de financement des obligations y afférentes, alimenté par les concurrents.

(48) En application des dispositions citées aux considérants 46 et 47, depuis 1988, France Télécom s'est trouvée confrontée à l'arrivée de concurrents - certains partiellement détenus par des groupes internationaux - sur les marchés de biens et services où elle opérait en France, dont certains, tels la téléphonie mobile ou les communications internationales, ont une composante transfrontalière. Ce mouvement s'est amplifié sur les marchés libéralisés à partir de 1998. Par ailleurs, France Télécom a noué des alliances avec des opérateurs étrangers, tels Deutsche Telekom et Sprint en 1996 (Global One), tout en multipliant dès 1997 les partenariats et prises de participation en Italie (Wind), aux Pays-Bas (Casema) ou en obtenant des licences mobiles au Danemark et au Portugal (29).

(49) La réforme du financement des retraites de France Télécom est donc intervenue en même temps que la libéralisation du marché au niveau de l'Union européenne. Elle a donc produit ses effets sur un marché pleinement ouvert à la concurrence, où, par ailleurs, France Télécom a noué des alliances et des prises de participation significatives dans d'autres États membres. En effet, le souhait de favoriser l'expansion de France Télécom sur des marchés européens autres que la France apparaît en toile de fond de la loi de 1996 et de l'ouverture de l'entreprise au capital privé, comme il ressort des déclarations lors de la discussion du projet, qui font état "des ambitions que nourrissait le gouvernement français pour son champion national, France Télécom" (30).

(50) À l'heure actuelle, France Télécom déclare être le premier fournisseur d'accès Internet haut débit et le troisième opérateur mobile en Europe et parmi les leaders mondiaux des services de télécommunications aux entreprises multinationales. En dehors de la France, France Télécom est significativement active via des filiales, avec des positions de premier plan, en Espagne, au Royaume-Uni, en Pologne, en Slovaquie, en Belgique et en Autriche (31).

3. RAISONS AYANT CONDUIT À L'OUVERTURE DE LA PROCÉDURE

(51) Dans sa décision d'ouverture de la procédure d'examen, la Commission a exposé son appréciation préliminaire des mesures introduites par la loi de 1996 en les comparant au cadre de référence pour les cotisations sociales et fiscales obligatoires de France Télécom que fixait la loi de 1990. Elle a considéré que ces mesures semblaient accorder, au moyen de ressources d'État, un avantage sélectif à France Télécom susceptible de fausser la concurrence et d'affecter le commerce entre États membres et pouvant constituer une aide d'État au sens de l'article 107, paragraphe 1, du TFUE.

(52) La Commission notait en outre que, pour autant que ces mesures constituent une aide d'État, celle-ci n'a pas fait l'objet d'une notification à la Commission préalablement à sa mise en œuvre, alors qu'elle devait être considérée comme une aide nouvelle selon la jurisprudence. La République française n'aurait ainsi pas respecté son obligation de notification au titre du traité et la mesure devrait donc être considérée comme illégale.

(53) La Commission a conclu que c'est sur la base de l'article 107, paragraphe 3, point c), du TFUE qu'elle pouvait examiner la compatibilité de l'aide avec le marché intérieur. La Commission notait également que la même disposition lui avait permis de conclure que l'aide accordée à La Poste lors de la réforme du mode de financement des retraites de ses fonctionnaires était compatible avec le marché intérieur (32) et que, compte tenu des similarités entre ces deux cas, il semblait approprié en l'espèce d'effectuer une analyse similaire.

(54) Dans son examen préliminaire de la compatibilité de l'aide avec le marché intérieur, et nonobstant la similarité avec la réforme du mode de financement des retraites de La Poste, la Commission a fait part à la République française des doutes suivants :

a) premièrement, tout en soulignant qu'elle ne disposait pas d'informations détaillées démontrant que les taux de cotisation acquittés par France Télécom sont égaux à ceux payés par des entreprises privées de droit commun opérant dans le secteur des télécommunications en France, la Commission notait que le taux de contribution libératoire appliqué à France Télécom depuis 1997 ne permet pas d'assurer une égalité concurrentielle ("level playing field") avec ses concurrents. Cela résulte du fait que le taux appliqué à France Télécom n'intègre que les cotisations correspondant aux risques communs entre employés de droit commun et fonctionnaires de l'État, et à ce titre, il exclut des cotisations correspondant aux risques non communs tels le chômage ou le non-paiement des salaires en cas de redressement ou de liquidation de l'entreprise ;

b) deuxièmement, la Commission ne disposait pas d'informations suffisantes sur les effets de l'allègement de charges de retraite sur la concurrence, afin d'évaluer si les effets éventuellement positifs excèdent les effets négatifs. Or, à cette fin, la Commission devait prendre en compte par ailleurs le fait que France Télécom n'avait pas encore intégralement remboursé des aides illégales et incompatibles en application de la décision de la Commission du 2 août 2004 concernant l'aide d'État mise à exécution par la France en faveur de France Télécom (ci-après "décision concernant l'application de la taxe professionnelle à France Télécom") (33), décision à laquelle la France avait manqué de se conformer dans le délai imparti, comme l'a constaté la Cour de justice (34).

4. OBSERVATIONS DES INTÉRESSÉS

(55) Les observations présentées par les parties intéressées sont résumées dans les sections 4.1 à 4.3.

4.1. France Télécom

(56) Dans ses observations, qu'elle estime complémentaires par rapport aux commentaires transmis par la République française, France Télécom considère qu'elle fait face à une problématique de sureffectif chronique liée à son ancien statut d'administration et qu'elle n'a pas, pour la population concernée, les mêmes possibilités de fluidité de l'emploi que ses concurrents. Ainsi, France Télécom doit consentir un effort de formation très significatif de 180 millions d'euro, équivalant à 4,5 % de la masse salariale contre 2,9 % pour la moyenne des entreprises françaises. France Télécom allègue aussi un poids de salaires supérieur d'environ [...] % hors majorations et bonifications. En outre, ne pouvant mettre en œuvre des plans sociaux, France Télécom a financé le coût de leviers d'accompagnement de départs de fonctionnaires, tel le congé de fin de carrière, pour un montant supérieur à 8 milliards d'euro entre 1996 et 2006.

(57) Deuxièmement, France Télécom considère que les charges de pension supportées entre 1990 et 1996 étaient anormales et la plaçaient dans une situation de désavantage structurel par rapport à ses concurrents privés, au sens de l'arrêt Combus (35), le cadre de référence pour apprécier le caractère normal ou anormal desdites charges étant le régime de droit commun applicable aux concurrents. Les principes posés dans l'arrêt Combus auraient été confirmés depuis par le Tribunal dans son arrêt Hotel Cipriani (36). France Télécom conteste que la situation d'un seul opérateur, en l'espèce elle-même, avant et après la réforme introduite par la loi de 1996, constitue un cadre de comparaison approprié pour apprécier l'existence d'un avantage économique au sens de la jurisprudence. En tout état de cause, si le cadre de référence devait se ramener à France Télécom avant et après la réforme de 1996, la mesure ne saurait être qualifiée de sélective puisqu'elle serait appliquée de façon homogène au sein dudit cadre.

(58) Il en résulterait que les mesures en cause, soit ne constituent pas des aides d'État au sens du traité en ce qu'elles libèrent France Télécom d'un désavantage structurel anormal, soit ne peuvent être qualifiées d'avantage sélectif constitutif d'aide d'État.

(59) À titre subsidiaire, France Télécom considère que l'aide d'État, à la supposer établie, serait compatible avec le marché intérieur suivant les critères établis par la Commission dans sa décision concernant le régime de retraites de La Poste (ci-après "décision La Poste") (37). À cet égard, le caractère spécifique de son régime en ce qu'elle paie une contribution calculée sur la base des seuls risques communs n'implique pas que France Télécom ait été placée dans une situation favorable par rapport à ses concurrents depuis 1996 : outre les désavantages structurels liés au statut des fonctionnaires qu'elle emploie, France Télécom a dû payer une charge considérable liée à la réforme de 1996, dont la compatibilité avec le marché intérieur doit être analysée et dont le montant de 5,7 milliards d'euro dépasse de loin le montant que France Télécom aurait dû payer si sa contribution avait été soumise aux risques non communs.

(60) France Télécom considère que, dans la décision La Poste (38), la Commission a admis que le montant d'une contribution unique exceptionnelle (2 milliards d'euro), dans le cadre d'une réforme entrée en vigueur après la notification mais avant la décision de la Commission, vienne compenser les cotisations correspondant aux risques non-communs, jusqu'à épuisement du montant de la contribution unique. Rien ne justifierait, selon France Télécom, que la Commission s'écarte de ce principe dès lors que les déclarations politiques à l'époque du débat sur le projet de loi de 1996 ne permettent pas de considérer que le montant de la contribution forfaitaire de France Télécom aurait été fixé par le législateur de façon à maintenir un statu quo de dix ans.

(61) En outre, les chiffres disponibles en 1996 contrediraient la thèse selon laquelle le montant de 5,7 milliards d'euro aurait été estimé à l'époque de façon à correspondre exactement au surcoût pour l'État de l'application de la loi de 1996 pendant dix ans en compensant, année après année, les charges annuelles plus faibles payées par l'entreprise, même en tenant compte des charges de compensation entre régimes de retraite dont France Télécom a été libérée en 1996 (39). Le montant de la contribution exceptionnelle visait à indemniser globalement l'État français en raison de la réforme. Il devrait donc être nécessairement pris en compte pour analyser l'équité concurrentielle de celle-ci depuis son entrée en vigueur en 1997.

(62) Enfin, France Télécom estime que, puisque sans la réforme de 1996, elle aurait subi un handicap concurrentiel significatif sur des marchés dont la libéralisation était un objectif de l'Union et que les autorités françaises se sont désormais pleinement conformées à la décision concernant l'application de la taxe professionnelle à France Télécom (40), la mesure n'entraîne pas d'effets négatifs sur la concurrence.

4.2. Les plaignants

(63) Les plaignants partagent l'appréciation de la Commission dans la décision d'ouverture quant à l'existence d'une aide d'État au sens du traité dans l'allègement des charges de retraites à payer par France Télécom introduit par la loi de 1996. Selon le raisonnement suivi dans ladite décision, dont les plaignants regrettent le manque de quantification, le montant d'aide serait de 12,3 milliards d'euro et en aucun cas inférieur à 9,9 milliards d'euro (41). Les plaignants considèrent que ce sont les effets de la mesure, à savoir l'allègement de charges sociales grevant normalement le budget de l'entreprise, et non son objet, à savoir la compensation d'un prétendu désavantage, qui déterminent sa qualification d'aide d'État. Un désavantage dans l'emploi de fonctionnaires par France Télécom n'existerait d'ailleurs pas, l'entreprise payant des cotisations chômage et des charges salariales de 13 % inférieures aux concurrents et disposant d'un personnel stable et flexible quant à la réduction de la masse salariale via des préretraites et des passerelles vers la fonction publique.

(64) Selon les plaignants, l'aide d'État ainsi caractérisée serait incompatible avec le marché intérieur. En effet, l'avantage concurrentiel considérable procuré à France Télécom était d'autant plus préjudiciable que l'allègement de charges n'était pas nécessaire pour éviter de compromettre sa structure financière : allégée d'une dette actualisée nette de retraites de 9,9 milliards d'euro au moins en 1996 et n'ayant plus cette charge à inscrire à son bilan ou en annexe de celui-ci, France Télécom s'est ensuite endettée pour des montants bien supérieurs, avec une dette financière nette de 44 milliards d'euro en moyenne entre 1997 et 2007. Ensuite, l'aide dispensant France Télécom de charges de retraite héritées du monopole a permis de financer l'expansion internationale de l'entreprise, tout en renforçant sa position en France, où elle jouissait d'avantages considérables de monopole dont les charges n'étaient que la juste contrepartie.

(65) Par ailleurs les aides illégales et incompatibles non remboursées dans le passé interdiraient de déclarer compatible l'aide au fonctionnement en cause, compte tenu de leur effet cumulé. Enfin, l'absence d'équité concurrentielle de la réforme de 1996 du fait du non-paiement de cotisations correspondant aux risques de chômage et de non-paiement de salaires en cas de redressement de l'entreprise exclut la compatibilité de la réforme avec les règles du traité. Or, il convient que la dette de retraites de France Télécom soit calculée par un expert indépendant et que la France s'engage à assurer la neutralité financière du régime, notamment en prévoyant des mécanismes d'ajustement de la contribution employeur et de la soulte de 5,7 milliards d'euro en cas de variation des charges.

4.3. L'opérateur de télécommunications

(66) L'opérateur de télécommunications partage et soutient l'analyse préliminaire exposée dans la décision d'ouverture de la Commission, qualifiant d'aide d'État nouvelle et illégale les modifications introduites par la loi de 1996 tendant à substituer les contributions libératoires annuelles de France Télécom aux versements des pensions effectivement prises en charge par l'État, déduction faite des cotisations payées par les employés actifs ayant le statut de fonctionnaire. La même qualification s'appliquerait aussi selon cet opérateur aux cotisations sociales correspondant aux risques non communs aux employés de droit privé que payent les concurrents de France Télécom mais que celle-ci ne paye pas au moins depuis 1996 pour son effectif fonctionnaire et pour son personnel de droit commun. Par ailleurs, contrairement au cas qui a fait l'objet de la décision La Poste (42), le calcul de la cotisation employeur de France Télécom n'a pas intégré et n'intègre toujours pas lesdites cotisations, ce qui empêcherait que l'aide soit déclarée compatible.

(67) En ce qui concerne l'aide résultant de la disparition du remboursement à l'État des pensions servies, l'opérateur estime que l'analyse du bilan concurrentiel faite par la Commission dans sa décision La Poste devrait la conduire, a contrario, à conclure à son incompatibilité. Cette analyse devrait être fondée sur les faits intervenus depuis 1996 et non, comme dans la décision La Poste, de façon hypothétique pour l'avenir.

(68) Or, selon cet opérateur, sur bien des marchés où elle opère, France Télécom détient une position de pouvoir de marché assimilable à une position dominante. De ce fait, elle est sujette à des obligations de régulation ex ante sur les marchés de gros du haut et très haut débit, d'origine et de terminaison d'appels sur lignes fixes. Dans sa décision du 16 juillet 2003 relative à une procédure d'application de l'article 82 du traité CE dans l'affaire COMP-38.233, la Commission a d'ailleurs constaté et sanctionné une infraction à l'article 102 du TFUE dans le chef de France Télécom via sa filiale Wanadoo (43). Dès lors que l'entreprise jouit d'une bonne santé financière, les aides reçues lui ont permis de financer son expansion internationale, notamment par l'acquisition d'Orange, Retevisión et Amena.

(69) Enfin, l'opérateur demande à la Commission de quantifier précisément les montants d'aide en cause et, en application de la jurisprudence Deggendorf (44), de refuser d'admettre la compatibilité des mesures en question avec le marché intérieur tant que les aides illégales du passé n'ont pas été remboursées.

5. COMMENTAIRES DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

(70) La République française considère que les changements introduits en 1996 dans le mode de financement des retraites des fonctionnaires de l'État français rattachés à France Télécom ne comportent aucun élément d'aide d'État. En tout état de cause, la réforme de 1996 serait compatible avec le marché intérieur, en particulier, par transposition à l'espèce du raisonnement suivi par la Commission dans sa décision La Poste (45).

5.1. Sur l'existence d'une aide d'État

(71) Selon la République française, la loi de 1990 plaçait France Télécom dans une situation anormale et dérogatoire au droit commun qui prévoit quant à lui que les entreprises acquittent une contribution employeur à caractère libératoire, proportionnelle à la masse salariale et non liée au niveau de pensions servies. La charge assumée par France Télécom serait ainsi anormale, puisque le déficit financier du sous-régime pour la population concernée était certain et voué à devenir insupportable eu égard à la réduction inéluctable du nombre de fonctionnaires actifs et à l'augmentation concomitante du nombre de retraités.

(72) La réforme de 1996 aurait aligné le financement des retraites sur le droit commun, sans avoir pour effet de placer l'entreprise dans une situation concurrentielle plus favorable, dès lors que la contribution de France Télécom est calculée annuellement de façon à aligner le niveau des charges sociales et fiscales obligatoires sur celles des concurrents du secteur des télécommunications. Toutefois, la non prise en compte des cotisations correspondant aux risques non communs entre salariés de droit privé et fonctionnaires dans le calcul de la cotisation en application du "taux d'équité concurrentielle" serait justifiée du fait du statut de ces derniers, qui exclut par exemple le risque de chômage en dehors de cas exceptionnels de licenciement ou de révocation.

(73) La République française estime que la situation des concurrents de l'entreprise en France doit constituer le cadre de référence pour la détermination du caractère normal ou anormal des charges pesant sur France Télécom. Or en l'espèce, compte tenu de la nature exorbitante, dérogatoire du droit commun, inéquitable et non viable à terme de la charge qu'imposait à France Télécom la loi de 1990, sa suppression et l'alignement sur la situation des concurrents prévus dans la réforme de 1996 ont simplement rétabli les conditions normales de concurrence. France Télécom n'a d'ailleurs pas été compensée du fait des désavantages subis sous ce régime, alors que, comme le soulignent ses observations, elle supporte encore des désavantages structurels, des surcoûts et rigidités du fait du statut applicable aux fonctionnaires qu'elle emploie pour ce qui est de leviers financiers d'accompagnement des départs ou les retours vers l'administration, d'efforts en matière de formation professionnelle ou de coût salarial supérieur. Partant, le régime actuel qui découle de la réforme ne confère donc aucun avantage à France Télécom et ne contient par conséquent aucun élément d'aide d'État au sens du traité.

(74) Cette interprétation découle des principes généraux dégagés par les juridictions de l'Union selon lesquels, puisque ne constituent des aides d'État que les interventions qui allègent les charges grevant normalement le budget d'une entreprise, une loi qui permet d'éviter que le budget d'une entreprise soit grevé par une charge qui, dans une situation normale, n'aurait pas existé, ne constitue pas une aide d'État (46). Tel serait également le cas de mesures libérant un concurrent public d'un désavantage structurel par rapport à ses concurrents privés (47). Cette interprétation serait aussi conforme à la pratique de la Commission (48).

(75) Enfin, de façon plus générale, la République française n'estime pas pertinent d'inclure dans la présente procédure les mécanismes de compensation et de surcompensation au titre desquels France Télécom s'acquitait de charges entre 1991 et 1996 (voir tableau 1) pour déterminer l'existence d'une aide ou la date à laquelle un avantage découlant de la réforme introduite par la loi de 1996, qui ne contient aucune disposition à cet effet, s'est matérialisé. Le paiement de telles charges résultait aussi d'un régime dérogatoire du droit commun dans lequel le régime de pensions applicable à France Télécom était considéré comme un régime autonome, ce qui n'a plus été le cas à partir de 1997.

(76) Avec cette réserve, la République française a affiné l'estimation des charges fournie par France Télécom et mentionnée au considérant 61 dont l'entreprise ne s'est plus acquittée à partir de 1997. Sur la base d'une reconstitution réelle pour 2008 à 2010 rétropolée par application d'un facteur de passage, la République française considère que les charges dont France Télécom se serait acquittée à ce titre sont inférieures de 165 millions d'euro à celles calculées par l'entreprise.

5.2. Sur la compatibilité avec le marché intérieur d'une éventuelle aide d'État

(77) En tout état de cause, la République française estime que si la réforme de 1996 relative à France Télécom constituait une aide d'État, celle-ci devrait être déclarée compatible avec le marché intérieur, conformément à l'analyse qui a été suivie par la Commission dans sa décision La Poste (49). La réforme de 1996 libère France Télécom d'une charge structurelle qui affectait sa compétitivité dans un marché en phase de libéralisation et ses contributions sont désormais calculées sur la base d'un taux d'égalité concurrentielle concernant les risques communs.

(78) Le fait que la contribution que paye France Télécom depuis 1997 n'intègre pas les risques non communs aux salariés de droit privé ne ferait pas obstacle à la compatibilité avec le marché intérieur. À cet égard, le tableau 4, extrait des informations fournies par la République française, illustre la différence entre la contribution payée par France Télécom et ce qu'elle aurait payé si les risques non communs avaient été intégrés dans le calcul, déduction faite des prestations auto-assurées par France Télécom et d'autres prélèvements, qui grèvent celle-ci par rapport aux concurrents.

Contribution employeur de France Télécom entre 1997-2010 calculée sur le taux d'équité concurrentielle appliqué (TEC) et un taux d'équité concurrentielle modifié (TEC*) pour intégrer les risques non communs

<EMPLACEMENT TABLEAU 4>

(79) La République française estime que, depuis 1997 et jusqu'en 2043, la valeur actualisée des cotisations effectivement payées et à payer par France Télécom serait de 13,5 milliards d'euro. Un taux d'égalité concurrentielle modifié par la prise en compte des risques non communs dans le calcul, déduction faite de contributions grevant France Télécom et non ses concurrents, aboutirait à une contribution annuelle plus élevée pour la même période, à savoir 16,7 milliards d'euro. Tout en considérant l'inclusion desdits risques comme n'étant pas pertinente, les autorités françaises ont calculé que la différence (3,2 milliards d'euro) serait largement compensée par la contribution forfaitaire exceptionnelle de 5,7 milliards d'euro payée par France Télécom en 1997.

(80) La République française estime que l'on peut considérer, comme dans la décision La Poste (50), que cette contribution forfaitaire peut être assimilée à une soulte susceptible de compenser le paiement de contributions liées à un taux modifié intégrant les cotisations pour les risques non communs. Dans ce cas, il apparaît que le montant de cette soulte dépasse à l'heure actuelle le montant résultant de la différence entre le taux fixé par la réforme de 1996 et le taux modifié indiqué au tableau 4 et que ce montant de soulte ne sera jamais complètement consommé par l'écart des taux. Dans ces conditions, les doutes exprimés par la Commission dans sa décision d'ouverture quant à l'absence d'une véritable équité concurrentielle entre France Télécom et ses concurrents seraient levés.

(81) Pour la République française, la réforme du mode de financement des retraites des fonctionnaires rattachés à La Poste, introduite en 2006 et inspirée par celle de France Télécom en 1996, serait parfaitement comparable à cette dernière, sur ses aspects essentiels. Compte tenu de ce parallélisme, aucune justification ne permettrait à la Commission de s'écarter du précédent concernant la Poste. En particulier, la Commission devrait admettre que la contribution forfaitaire exceptionnelle imposée à France Télécom soit prise en considération dans l'analyse de l'équité concurrentielle de la réforme, en la considérant de facto comme une avance sur le paiement des cotisations liées aux risques non communs.

(82) A contrario, les débats devant l'Assemblée nationale et le Sénat évoquant à l'époque une période de dix ans de couverture financière de la réforme procèderaient de déclarations ponctuelles. Un tel raisonnement ne se retrouverait ni dans les exposés des motifs des projets de loi ni dans les lois en question ou des textes pris pour leur application. L'intention du législateur en 1996 aurait été de fixer les charges de retraites de France Télécom à un niveau équivalent à celui des concurrents et non de priver d'effet la réforme pour une période de dix ans, comme le voudrait le raisonnement que la Commission pourrait adopter en s'appuyant sur des déclarations hors contexte.

(83) Les travaux parlementaires indiqueraient sans ambigüité que le montant de la contribution aurait été fixé de façon forfaitaire, sans lien avec la charge que l'État devra réellement assumer. De même, dans sa décision n° 96-385 DC du 30 décembre 1996, le Conseil constitutionnel a relevé que la contribution forfaitaire de 37,5 milliards de FRF trouvait sa justification dans la prise en charge par l'État des retraites des fonctionnaires, sans en constituer la contrepartie alors que, d'autre part, les versements au budget de l'État ne seraient pas affectés à une dépense particulière et viendraient concourir aux conditions générales d'équilibre de ce budget conformément à l'article 18 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances.

(84) Pour la République française, le montant précis de la contribution exceptionnelle a été fixé par la loi de finances pour 1997 en tenant compte non pas d'une période de dix ans pendant laquelle cette contribution viendrait "rembourser" l'État mais bien au contraire en fonction de l'effet sur la structure de bilan de France Télécom, qui devait rester supportable. Le calibrage de son montant aurait été fait non pas dans une logique de compensation de charges pour l'État, mais en tenant compte de la capacité contributive de l'entreprise.

(85) La façon dont cette contribution a été gérée en déconnexion avec les prestations de retraite réellement versées depuis 1997 confirmerait sa nature forfaitaire. Ainsi, il ressort des chiffres fournis par la République française que, entre 1997 et 2006, les pensions servies aux fonctionnaires de France Télécom à travers le compte d'affectation spéciale pour les pensions s'élevaient à [...] milliards d'euro, cependant que l'Établissement public chargé de gérer la contribution exceptionnelle de France Télécom aurait reversé un montant de3,4 milliards d'euro audit compte. Pour la même période, le solde non financé par les cotisations versées s'éleverait à 1,2 milliard d'euro. Par ailleurs, en 1997, on estimait que ce fonds aurait une durée de vie de 17 à 25 ans, sans rapport avec la période de dix ans sur laquelle la Commission fonde le raisonnement qu'elle paraît vouloir adopter.

(86) La République française considère que France Télécom aurait été placée hors marché sans la réforme, avec des taux de contribution atteignant 77 % du traitement indiciaire brut en 2010 et un provisionnement dans ses comptes des engagements de retraite pour les fonctionnaires qui lui sont rattachés. La réforme a donc été une étape décisive dans l'adaptation à la libéralisation du marché, conforme à un objectif de l'Union, adaptée à celui-ci et limitée au minimum nécessaire. Sans cette réforme, France Télécom serait sortie du marché et n'aurait pu procéder aux investissements nécessaires, notamment pour permettre le dégroupage de la boucle locale, sans qu'un risque de faillite puisse être exclu, de sorte que la réforme n'aurait pas eu d'effets négatifs sur la concurrence.

(87) En outre, selon la République française, la réforme du mode de financement des retraites de France Télécom et, en particulier, l'imposition du paiement d'une contribution exceptionnelle, n'aurait pas entraîné un coût pour l'État entre 1997 et 2006 mais aurait généré, dans les faits, une recette nette de plus de 9,1 milliards d'euro pour l'État français, selon les estimations des autorités françaises (51). Si un calcul du rendement de la contribution exceptionnelle devait être effectué, la République française considère qu'un taux d'actualisation de 7 % devrait être retenu. Ainsi, le principe d'une contribution exceptionnelle était acquis dès 1996. L'horizon de placement devrait être long puisque les écarts attendus entre prestations à verser et cotisations attendues ne dépassaient 500 millions d'euro qu'en 2005, soit 9 ans après, et ne dépassent 1 milliard d'euro que 12 années après. En moyenne pour 1996, le taux des obligations assimilables du Trésor (ci-après "OAT") à 15 ans s'élevait à 6,9 %. France Télécom a procédé de son côté à des émissions obligataires entre novembre 1991 et novembre 1997 au taux moyen comparable de 7 %.

(88) Enfin, la mise sous séquestre des montants réclamés par la Commission en application de sa décision concernant l'application de la taxe professionnelle à France Télécom (52) puis le paiement desdits montants devraient conduire la Commission à considérer sa décision comme étant exécutée, conformément à sa communication de 2007 en la matière (53). Par conséquent, l'effet cumulé de ces aides ne devrait pas être examiné.

6. APPRÉCIATION DE L'AIDE

6.1. Existence d'aide au sens de l'article 107, paragraphe 1, du TFUE

(89) L'article 107, paragraphe 1, du TFUE dispose que : "Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions."

(90) L'application des conditions cumulatives de cet article aux faits de l'espèce est examinée dans les sections 6.1.1 à 6.1.5.

6.1.1. Aide accordée par l'État au moyen de ressources d'État

(91) La loi de 1990 et la loi de 1996 émanent de l'État français. Elles prévoient la mesure selon laquelle France Télécom verse au Trésor public une contrepartie pour la liquidation et le service des pensions allouées aux fonctionnaires de France Télécom effectués par l'État. Dès lors que,en application de la loi de 1996, la contrepartie versée par France Télécom au Trésor public est moindre que dans la version initiale de la loi de 1990, l'aide est consentie à France Télécom au moyen de ressources de l'État français.

6.1.2. Favorisant certaines entreprises

(92) Les dispositions de la loi de 1990 définissaient le régime applicable à l'exploitant public doté de la personnalité morale France Télécom. La loi de 1996 relative à l'entreprise nationale France Télécom modifie ledit régime par des dispositions s'appliquant à France Télécom selon des modalités qu'elle définit pour cette seule entreprise.

(93) Le régime institué par la loi de 1990 a pour objet de déterminer une contrepartie spécifique quant aux principes et aux montants des contributions employeur pour les pensions versés par France Télécom à l'État français. Aussi la contrepartie à payer par France Télécom prévue par la loi de 1990 dans sa rédaction initiale, qui a été appliquée entre 1991 et 1996, tout comme la contrepartie différente instituée par la loi de 1996, qui est appliquée depuis 1997, sont des mesures spécifiques qui concernent uniquement France Télécom, remplissant par là la condition de sélectivité, contrairement à ce que soutient France Télécom.

6.1.3. Avantage économique faussant ou menaçant de fausser la concurrence

(94) Il convient de déterminer si les mesures fixant le montant de la compensation en cause favorisent France Télécom. La question de savoir si les amendements introduits dans l'article 30 de la loi de 1990 par la loi de 1996 constituent une aide en ce qu'ils consentent un avantage économique à France Télécom doit être appréciée à l'aune de la nature et de l'économie du système de pensions en cause et des effets qui en ont découlé pour France Télécom, et non à l'aune des causes ou des objectifs des amendements. L'objectif poursuivi en amendant la loi de 1990 n'est donc pas, en principe, pertinent pour en apprécier les effets, contrairement à ce que soutient la République française.

La logique du système de pensions applicable

(95) La prise en charge par l'État de la liquidation et du service des pensions allouées aux fonctionnaires de France Télécom résulte de l'application du Code des pensions civiles et militaires de retraite, qui seul s'applique aux anciens fonctionnaires en cause. Ni la loi de 1990 ni celle de 1996 n'ont modifié le statut de ces fonctionnaires ni le principe de prise en charge par l'État du paiement de leur pension. Cette prise en charge semble découler du principe selon lequel les fonctionnaires sous statut servent le bien public en toute indépendance dans l'intérêt général. Tel n'est pas le cas lorsque ces fonctionnaires travaillent pour une entreprise prestant ses services à titre onéreux dans le but de servir l'intérêt et le bénéfice de cette entreprise, en concurrence avec d'autres entreprises qui prestent ces mêmes services.

(96) Dans cette optique, le versement d'une contrepartie à l'État, prévu par la loi de 1990 tant dans sa rédaction initiale qu'après les modifications introduites par la loi de 1996, constitue une exception au principe de prise en charge par l'État français. Cette exception se justifie par la nature et l'économie du système applicable aux pensions des fonctionnaires employés par France Télécom. En effet, l'État français est tenu d'effectuer la liquidation et le service des pensions allouées, en application du Code des pensions civiles et militaires de retraite, aux fonctionnaires de France Télécom, qui relèvent du statut général des fonctionnaires de l'État français et non du droit commun des prestations de sécurité sociale.

(97) Même en l'absence de contrepartie versée par France Télécom, l'État français n'en serait pas moins tenu d'assurer ses engagements viagers vis-à-vis du personnel fonctionnaire sous le statut concerné, sauf à modifier unilatéralement lesdits engagements. A contrario, la mise à disposition de fonctionnaires formés par l'État à France Télécom sans contrepartie aucune quant aux pensions versées ou à verser confèrerait un avantage clair à cette dernière.

(98) Dès lors que les entreprises concurrentes de France Télécom n'emploient pas des personnels fonctionnaires sous statut vis-à-vis desquels l'État français se trouverait dans une obligation financière semblable, la logique du système de financement des pensions et du paiement de contreparties pour France Télécom instauré par la loi ne leur est pas transposable. En témoigne le fait que le statut des personnels employés par les concurrents étant différent quant aux risques de non-paiement des salaires couverts par le droit commun des prestations de sécurité sociale, les autorités françaises semblent considérer que le versement de cotisations sociales pour la couverture de ce risque se justifie dans leur cas. Or c'est justement de ce statut que la République française excipe pour considérer que l'inclusion des risques non communs aux fonctionnaires et aux personnels de droit privé dans le calcul de la contrepartie versée par France Télécom à l'État en application de la loi de 1996 ne se justifie pas.

(99) Il en découle donc que, en ce qui concerne les charges versées du fait de l'emploi de leur personnel de droit privé, ces entreprises ne se trouvent ni en droit ni en fait dans une situation comparable à celle de France Télécom pour son effectif fonctionnaire, contrairement à ce que soutiennent dans leurs observations la République française et France Télécom.

(100) De même, il n'y a pas lieu de comparer le régime de contrepartie appliqué à France Télécom avec le régime défini pour d'autres entités publiques employant des fonctionnaires sous statut, telles la Monnaie de Paris, ou l'Office National des Forêts, et pouvant être qualifiées d'entreprises pour certaines de leurs activités au sens de l'article 107, paragraphe 1, du TFUE, ou d'autres établissements publics à caractère industriel et commercial, tels EDF ou GDF dans le passé. EDF ou GDF avaient des systèmes de retraite spécifiques, et non alignés sur ceux de la fonction publique. Les régimes d'EDF et de GDF ont, par ailleurs, été adossés au régime général depuis, même s'il convient de souligner que la Commission a conclu à l'absence d'une aide seulement pour autant que l'adossement soit financièrement neutre pour l'État (54), ce qui n'est pas le cas de la réforme de 1996 en l'espèce.

(101) En revanche, le régime de contrepartie en faveur de l'État pour le versement des pensions de fonctionnaires rattachés à La Poste, avant les modifications décrites et approuvées sous conditions par la Commission dans sa décision La Poste, était aussi celui d'une entreprise nationale assimilable à un établissement public à caractère industriel et commercial et restait, en vertu de la loi de 1990 dans sa rédaction initiale, similaire à celui de France Télécom, en ce qu'il prévoyait le remboursement annuel à l'État des pensions servies aux fonctionnaires à la retraite et l'acquittement des charges prévues à l'article L. 134 du Code de la sécurité sociale.

(102) Même s'il apparaît que La Poste ne se trouve pas en concurrence avec France Télécom, concurrence que les avantages consentis à cette dernière seraient susceptibles de fausser ou de menacer de fausser, il n'en reste pas moins que la logique et les dispositions du régime de retraite des fonctionnaires de France Télécom avant la réforme de 1996 étaient les mêmes que celle du régime comparable appliqué à La Poste à la même époque. Par ailleurs, la Commission a estimé dans sa décision La Poste que la réforme du régime applicable à La Poste constituait une aide d'État, contrairement à ce que la République française soutient pour ce qui est de France Télécom. De façon plus générale, pour apprécier la situation de France Télécom, la situation de référence est celle d'une entreprise, publique ou privée, qui emploierait du personnel fonctionnaire ayant gardé son statut. De telles entreprises se trouveraient dans la même situation de référence que France Télécom. C'est donc en fonction de ce système de référence que peut être appréciée l'existence d'une aide d'État en faveur de France Télécom.

Les avantages financiers

(103) De même, il ne peut être soutenu qu'une mesure ne confère pas d'avantage à une entreprise, France Télécom en l'espèce, du simple fait qu'elle vienne compenser un certain désavantage qu'aurait subi cette entreprise dans le passé, contrairement à ce qu'allèguent la République française et France Télécom. La Commission a encore récemment rejeté l'argument d'un opérateur historique des télécommunications concurrent de France Télécom selon lequel des droits sociaux spécifiques de pension assimilables à ceux de la fonction publique hérités du passé et différents de ceux de droit commun pour une partie du personnel justifient des mesures de réduction des charges sociales liées aux pensions de cette catégorie du personnel encourues par l'opérateur (55). À cet égard, comme le soulignaient les autorités françaises lors de la discussion du projet, la loi de 1996 a imposé une charge nouvelle et lourde pour l'État français pour la liquidation et le service des pensions allouées aux fonctionnaires de France Télécom. Concomitamment, la loi de 1996 a donc eu pour effet de réduire la contrepartie que France Télécom avait toujours versé.

(104) Du fait des modalités de calcul du taux de contribution employeur prévu par la loi, depuis le 31 décembre 1996, France Télécom verse à l'État une contrepartie inférieure à celle qu'elle aurait versée si la loi n'était pas intervenue. En outre, du fait du caractère libératoire de la contribution employeur instaurée par cette loi, France Télécom a immédiatement repris au 31 décembre 1996 la provision affectée dans ces comptes au paiement de ses obligations futures. Ainsi, la charge dont France Télécom a été libérée n'était ni nouvelle puisque la loi de 1990 reprenait la pratique budgétaire antérieure, ni imprévisible, puisque l'entreprise constituait des provisions à cet effet, ni dérogatoire du droit commun de la sécurité sociale puisque celui-ci ne s'applique pas à la contrepartie versée par France Télécom.

(105) Dès son entrée en vigueur, la loi de 1996 a transféré à l'État français l'obligation de contribution annuelle couvrant intégralement in fine la charge de financement des pensions du personnel concerné. Le montant de l'aide ainsi consentie par la loi de 1996 peut être calculé, depuis son entrée en vigueur, par la différence annuelle entre la contrepartie que constitue la contribution libératoire employeur versée par France Télécom à l'État français et les charges qu'elle aurait versées en application de la loi de 1990, indiquées au tableau 1, si celle-ci était restée inchangée, déduction faite du montant de cotisation forfaitaire versée en 1997.

(106) Il ressort des estimations fournies par la République française et exposées au considérant 40 que, au moment de la réforme en 1996 et jusqu'à l'extinction prévue des obligations financières résultant de la charge assumée par l'État français, les autorités françaises pouvaient estimer ce montant total de charge nouvelle nette jusqu'en 2043, date à laquelle les obligations financières de l'État vis-à-vis des fonctionnaires retraités ou de leurs ayants droit seraient éteintes, à [...] milliards d'euro. La valeur actuelle de la charge nette s'établissait à [...] milliards d'euro en 1996 après déduction des cotisations annuelles de France Télécom (15,2 milliards d'euro), de celles des employés ([...] milliards d'euro) et de la contribution forfaitaire exceptionnelle de 5,7 milliards d'euro.

(107) Il convient par ailleurs de noter que les montants estimés à l'époque de la réforme en 1996 constituent une approximation du montant réel (56). Les montants de contrepartie prévus à la charge de France Télécom sous forme de contributions annuelles, pas plus que la soulte de 5,7 milliards d'euro versée en 1997, n'avaient pour objet ni pour effet de rechercher la neutralité budgétaire pour l'État français. Si cela avait été le cas, sous réserve du caractère approprié des hypothèses de calcul actuariel, il y aurait eu équivalence entre coûts et recettes pour l'ensemble de la période et, par conséquent, absence d'avantage économique pour France Télécom.

(108) Les autorités françaises étaient conscientes de ce que le "transfert des charges de retraites des agents fonctionnaires de France Télécom au budget général de l'État" était "une charge nouvelle et lourde pour l'État" que la contribution forfaitaire exceptionnelle ou le produit de la cession d'une partie des actions de l'entreprise détenues par l'État ne couvriraient que partiellement. Ainsi les débats mentionnés au considérant 31 montrent que l'État français n'a pas cherché en 1996 à compenser intégralement la nouvelle charge qu'il assumait pour l'avenir mais a cherché au contraire à assumer une charge nouvelle et à ce que ce soient "bien les intérêts de l'entreprise qui [soient] d'abord pris en compte dans cette affaire".

(109) Il est manifeste que, même avec des hypothèses actuarielles différentes de celles retenues par l'État français pour estimer la nouvelle charge qu'il assumait et nonobstant la contribution forfaitaire exceptionnelle payée en 1997, la réforme a consenti un avantage économique considérable sous forme de moindres cotisations employeur de retraite. Or, puisque la contribution forfaitaire ou soulte permettait non de couvrir totalement les charges transférées à l'État français mais, tout au plus, de l'amoindrir et compte tenu des ordres de grandeur en cause, il n'y a pas lieu de confirmer le caractère approprié du calcul actuariel retenu à l'époque et l'exactitude des estimations qui en résultent pour l'ensemble de la période allant jusqu'en 2043.

(110) Par ailleurs, il n'y a pas lieu de comparer les avantages financiers résultant des moindres cotisations de France Télécom avec les prétendus désavantages découlant du fait de l'emploi de personnel fonctionnaire, comme le postule France Télécom, soutenue par la République française. En effet, la loi de 1996 n'a, en tout état de cause, pas accru ces prétendus désavantages, puisqu'elle n'a pas entraîné l'embauche de fonctionnaires supplémentaires. Au demeurant, en déchargeant France Télécom d'une partie de ses obligations financières, l'objectif de la loi de 1996 n'était pas de compenser un prétendu désavantage lié aux salaires ou, selon les termes de France Télécom, la moindre fluidité de l'emploi de personnel fonctionnaire.

(111) C'est donc à titre surabondant qu'il convient de répondre aux arguments sur les prétendus désavantages de l'emploi de fonctionnaires, invoqués par la République française et par France Télécom.

- Premièrement, France Télécom disposait, à la veille de l'ouverture totale du marché français à la concurrence, d'un effectif formé et compétent sans lequel, s'il avait dû être remplacé intégralement, sa position sur le marché n'aurait pu être maintenue, ce que France Télécom omet de signaler dans ses écritures.

- En outre, le montant des salaires et l'investissement en formation du personnel que France Télécom analyse comme des désavantages, constituent des charges normales dans le budget d'une entreprise, et il n'est pas établi qu'ils n'améliorent pas l'engagement et la productivité du personnel par rapport aux concurrents.

- Par ailleurs, s'il est vrai que France Télécom ne dispose pas de possibilités d'ajustement de sa masse salariale par la mise en œuvre d'un plan social de réduction d'effectifs pour le personnel concerné, il est douteux qu'un tel plan visant uniquement des fonctionnaires sous statut du fait de leur qualité pourrait être valablement mis en œuvre, alors que la cessation d'embauches de fonctionnaires en 1997 et le recours à du personnel de droit privé lui a offert des possibilités certaines de flexibilité d'ajustement de sa masse salariale.

- Enfin, s'il est vrai que l'entreprise consacre un budget considérable à inciter au départ anticipé à la retraite des personnels en cause, il n'en reste pas moins que l'incitation et l'intérêt pour l'entreprise à mettre en place un tel dispositif eût été moindre sans le report sur l'État français d'obligations financières qu'assumait France Télécom, prévu par la loi de 1996. Le dispositif permet ainsi d'inciter le départ anticipé et donc, pour les personnels concernés, la prise en charge plus tôt par l'État. Sans la loi de 1996, France Télécom aurait continué d'assurer cette prise en charge.

(112) Tout aussi dépourvue de fondement, à défaut de lien avec la question de l'existence ou non d'un avantage économique résultant des mesures en cause, apparaîtrait la prise en considération des avantages concurrentiels tirés par France Télécom de son ancien monopole, invoqués par les plaignants. Les avantages et désavantages prétendus sont sans rapport en fait avec la question de l'égalisation des conditions de concurrence sur les marchés des télécommunications quant aux charges sociales.

(113) Seule la contribution forfaitaire exceptionnelle prévue par la loi de 1996 est venue grever de façon immédiate les charges de France Télécom par rapport à la situation de référence déjà identifiée. Le versement de la contribution forfaitaire a réduit le montant d'aide dont a bénéficié et bénéficiera France Télécom jusqu'à l'extinction de la charge financière assumée par l'État français à la place de France Télécom en application de la loi de 1996. Sans préjudice de la justesse des méthodes actuarielles utilisées par le gouvernement français à l'époque, sans cette contribution forfaitaire, le montant des charges dont France Télécom aurait été délestée aurait été de 18,9 milliards d'euro et non de [...] milliards d'euro, en valeur nette de 1996.

L'effet de fausser ou menacer de fausser la concurrence

(114) La loi de 1996 a donc permis et permet à France Télécom de disposer de ressources financières accrues pour opérer sur les marchés où elle est active. Ces ressources étaient ainsi, du fait de la loi de 1996, plus importantes que celles dont France Télécom disposait sous l'empire de la loi de 1990 dans sa rédaction initiale. Or, les marchés de services de télécommunications sur lesquels opérait et opère France Télécom dans l'ensemble du territoire en France et dans d'autres États membres ont été graduellement ouverts à la concurrence par la disparition progressive de droits exclusifs ou spéciaux à partir de 1988, puis, sauf dérogations spécifiques, totalement à partir de 1998. L'ouverture à la concurrence a été totale en France en 2002. La disparition des barrières juridiques s'est accompagnée de l'entrée d'autres opérateurs avec lesquels France Télécom s'est trouvée et se trouve en concurrence, avant même les mesures législatives de 1990 et 1996 qui font l'objet de la présente décision.

(115) Libérée de l'obligation de provisionnement des charges de retraite futures au titre des retraites de son personnel fonctionnaire et assujettie à un niveau de cotisation annuelle moindre, France Télécom a pu disposer d'un bilan allégé d'engagements et charges, accroissant par là son attractivité pour lever des capitaux, ce qui l'a placée dans une situation plus favorable qu'avant la réforme de 1996. Libérée d'une charge encourue sur son marché historique français, France Télécom a ainsi pu plus aisément se développer sur des marchés d'autres États membres nouvellement ouverts à la concurrence, ce qu'elle a effectivement fait, comme il est montré aux considérants 48 à 50.

(116) Il en résulte que l'allègement de charges de France Télécom découlant des modalités de calcul de la compensation à verser à l'État français pour la prise en charge des pensions du personnel fonctionnaire fausse ou menace de fausser la concurrence entre France Télécom et ces nouveaux opérateurs en France et dans les autres États membres où France Télécom est présente.

6.1.4. Affectation des échanges entre États membres

(117) Les marchés sur lesquels France Télécom opère en France ont été progressivement ouverts à la concurrence depuis 1988 et, de ce fait, sont largement ouverts aux échanges entre États membres. La directive 96-19-CE visait la libéralisation totale du secteur des télécommunications à partir du 1er janvier 1998. Des opérateurs dont le capital est partiellement détenu par des entreprises d'autres États membres que la France s'y sont ainsi implantés. Certains de ces marchés concernent les communications internationales entre États membres. De même, via des filiales, France Télécom preste des services de communications électroniques dans d'autres États membres, notamment l'Espagne, la Belgique ou le Royaume-Uni.

(118) Dans ces conditions, une mesure qui allège les charges générales d'exploitation et de fonctionnement de France Télécom et libère par là des ressources dont cette entreprise dispose pour investir ou pour améliorer ses offres commerciales en France ou pour s'implanter dans d'autres États membres est susceptible d'affecter le commerce entre États membres.

6.1.5. Conclusion sur l'existence d'une aide au sens de l'article 107, paragraphe 1, du TFUE

(119) Il résulte de ce qui précède que, en diminuant la contrepartie que constitue la contribution employeur à verser à l'État pour les charges de retraite prévues par la loi de 1990 dans sa rédaction initiale et en y substituant la contrepartie prévue par la loi de 1996, dans la mesure où cette dernière contrepartie est inférieure à celle appliquée auparavant, la République française a accordé, au moyen de ses ressources, une aide à France Télécom qui fausse ou qui menace de fausser la concurrence et affecte le commerce entre États membres au sens de l'article 107, paragraphe 1, du TFUE, et ce lors du transfert de charges institué par la loi de 1996.

(120) Il est par conséquent nécessaire d'examiner si cette aide peut être déclarée compatible avec le marché intérieur.

6.2. Bases juridiques alternatives de compatibilité de l'aide

(121) La Commission note que la France n'a pas invoqué l'article 106, paragraphe 2, du TFUE comme fondement de la compatibilité des mesures en question.

(122) Les dérogations prévues à l'article 107, paragraphe 2, du TFUE, relatives aux aides à caractère social octroyées aux consommateurs individuels, aux aides visant à remédier aux calamités naturelles et autres événements extraordinaires ainsi qu'aux aides accordées dans certaines régions de la République fédérale d'Allemagne, sont manifestement dépourvues de pertinence dans le cas d'espèce.

(123) Quant aux dérogations prévues à l'article 107, paragraphe 3, du TFUE la Commission constate que les aides en cause ne sont pas destinées à favoriser le développement économique de régions dans lesquelles le niveau de vie est anormalement bas ou dans lesquelles sévit un grave sous-emploi, qu'elles ne constituent pas un projet d'intérêt européen et ne visent pas à remédier à une perturbation grave de l'économie française. Elles ne visent pas davantage à promouvoir la culture et la conservation du patrimoine.

(124) Il semble donc que seul l'article 107, paragraphe 3, point c), du TFUE ait vocation à s'appliquer pour évaluer la compatibilité de cette mesure.

6.3. Compatibilité de l'aide au regard de l'article 107, paragraphe 3, point c), du TFUE

(125) Aux termes de l'article 107, paragraphe 3, point c), du TFUE : "Peuvent être considérées comme compatibles avec le marché intérieur : [...] les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n'altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun [...]".

(126) Pour qu'une aide soit considérée comme compatible avec le marché intérieur au motif qu'elle facilite le développement des activités économiques ou de certains secteurs économiques, elle doit améliorer la manière dont l'activité économique est exercée. Une aide n'est compatible au sens de l'article 107, paragraphe 3, point c), que si elle n'altère pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun. Dans son appréciation, la Commission accorde une importance particulière aux critères de nécessité et de proportionnalité (57).

(127) À titre préliminaire et eu égard aux doutes soulevés par la Commission dans sa décision d'ouverture de la procédure, il convient de noter que la République française a prélevé sur France Télécom un montant satisfaisant, correspondant à la récupération des aides exigée par la Commission dans sa décision concernant l'application de la taxe professionnelle à France Télécom (58). La Commission considère, après confirmation de l'arrêt du Tribunal rejetant le recours en annulation de cette décision par la Cour de justice (59), que la République française a pris les mesures nécessaires pour exécuter les obligations découlant de cette décision. Dès lors que la récupération correcte des aides versées en application de la taxe professionnelle élimine l'avantage économique dont France Télécom aurait joui à ce titre, il n'y a pas lieu d'examiner les effets d'un éventuel cumul avec l'aide objet de la présente procédure.

(128) Pour le reste, il convient de noter d'emblée que, contrairement à des charges d'investissement, les charges sociales d'une entreprise sont des coûts récurrents de fonctionnement et qu'une aide qui diminue celles-ci constitue une aide au fonctionnement de l'entreprise, dont la compatibilité avec le marché intérieur doit être, selon la jurisprudence de la Cour, très restrictivement appréciée par la Commission.

6.3.1. Conformité de la mesure d'aide avec un objectif d'intérêt commun

(129) En l'espèce, l'aide mise à exécution depuis 1997 peut être considérée comme étant destinée à faciliter le développement de l'activité économique de prestation de services de communications électroniques, dans le contexte de la libéralisation totale de ces marchés. En effet, la loi de 1996 a été adoptée de pair avec la loi n° 96-659 du 26 juillet 1996 de réglementation des télécommunications, qui transposait les obligations résultant pour la France du droit de l'Union et, singulièrement, de la directive 96-19-CE.

(130) À cet égard, l'objectif général visé par la loi de 1996 pour ce qui est du paiement d'une contrepartie financière à l'État français est de rapprocher les niveaux de charges sociales et fiscales obligatoires assises sur les salaires, entre France Télécom et les autres entreprises du secteur des télécommunications relevant du droit commun des prestations sociales. Le moyen utilisé, à savoir, une mesure d'aide ciblant directement et exclusivement la façon dont les contributions employeur de France Télécom sont établies apparaît comme adéquat pour atteindre l'objectif fixé.

(131) Une mesure d'aide qui vise à diminuer des charges sociales courantes de France Télécom assumées à une époque où la fourniture d'un service sous monopole pour une part prépondérante de ses activités ne requérait pas un comportement économiquement efficace peut contribuer, dans un contexte concurrentiel différent, à améliorer la façon dont les services anciennement sous monopole sont prestés, pour autant que l'allocation des ressources financières des entreprises concurrentes à leurs charges sociales respectives n'introduise pas de biais dans un processus de concurrence sur les mérites. Certes, des réserves sont émises ci-après sur l'adéquation de certaines dispositions de la loi pour atteindre l'objectif qu'elle fixe. Toutefois, ni sa légitimité ni sa conformité avec l'objectif d'intérêt commun de développer des marchés de services de communications électroniques où la concurrence est effective, en contribuant ainsi au progrès technologique et à l'essor économique de cette activité, ne sauraient être mises en doute.

6.3.2. Nécessité de la mesure d'aide

(132) Le plafonnement de l'effectif de fonctionnaires rattachés à France Télécom induit par l'interdiction de recrutement après le 1er janvier 2002 prévue par la loi de 1996 aurait eu pour conséquence inéluctable un alourdissement considérable de la charge des retraites pesant sur France Télécom en proportion du personnel fonctionnaire en activité. Ainsi privée de la possibilité de recruter des fonctionnaires des corps de l'État, de façon compréhensible par ailleurs eu égard au caractère désormais concurrentiel de la prestation des services en cause, France Télécom aurait eu à faire face à une charge de paiement de retraites excessive pour l'effectif concerné relativement à celle à laquelle ses concurrents devaient et doivent faire face. Il convient aussi de noter que les engagements de contrepartie à verser à l'État français prévus par les dispositions initiales de la loi de 1990 concernaient non seulement l'effectif fonctionnaire actif sur des marchés concurrentiels en 1990 et par la suite mais aussi les fonctionnaires de la direction générale du ministère des Postes et Télécommunication à la retraite en 1990.

(133) À titre illustratif, le taux de contribution qui aurait découlé pour France Télécom du maintien en l'état des dispositions de la loi de 1990 aurait été de 77 % des salaires indiciaires bruts du personnel fonctionnaire actif en 2010, selon la République française. Ce taux est à rapprocher d'un taux de [...] % qui permettrait d'assurer une équité concurrentielle totale pour les risques communs et non communs entre France Télécom et ses concurrents. En valeurs absolues, la différence représenterait [...] millions d'euro environ de surcoût annuel par rapport au taux de contribution assurant l'égalité concurrentielle. De surcroît, à défaut d'inscrire dans la loi le caractère désormais libératoire des contributions employeur, France Télécom aurait dû continuer à faire face à des besoins de provisionnement significativement alourdis par rapport aux provisions de 3,6 milliards d'euro déjà constituées en 1996.

(134) À cet égard, les considérations des plaignants sur le fait que France Télécom a pu assumer depuis 1996 une dette financière bien supérieure à la charge dont l'État français l'a délestée ne sont pas pertinentes car sans rapport avec la question examinée. Même si l'accroissement de la dette financière assumée par France Télécom depuis 1996 et les montants en cause à ce jour semblent écarter le risque de faillite de l'entreprise évoqué par la République française si le régime prévu par la loi de 1990 s'était poursuivi, la mesure d'aide apparaît comme nécessaire à l'avenir pour permettre que France Télécom puisse livrer sur les marchés concernés une concurrence fondée sur les mérites, sans être handicapée par le poids de charges sociales héritées du passé que n'ont pas à supporter ses concurrents.

(135) Les considérations des plaignants et de l'opérateur de télécommunications sur la pertinence d'un bilan d'ensemble visant à juger de la nécessité de l'aide au regard des autres avantages tirés par France Télécom de son monopole passé ne sont pas fondées en l'espèce. Il est vrai que, depuis 1996, la position de France Télécom sur bien des marchés de services où elle opère en France reste prépondérante, notamment en raison d'effets de réseau inhérents aux marchés de communications. De même, France Télécom a étendu sa présence aux marchés d'autres États membres en y acquérant des positions significatives, notamment en Pologne et en Espagne. Il n'en reste pas moins que, comme le souligne indirectement l'opérateur de télécommunications dans ses observations, du fait de sa position dominante au sens de l'article 102 du TFUE ou de son pouvoir significatif de marché au sens de la règlementation applicable aux communications électroniques dans l'Union (60), France Télécom est soumise à des obligations asymétriques particulières auxquelles ne sont pas astreintes des entreprises concurrentes dont le pouvoir de marché est moindre.

(136) Or, ces obligations, par exemple en matière d'accès à son réseau, d'orientation des tarifs sur les coûts ou d'abstention de comportements commerciaux qui seraient permis à une entreprise non dominante ont pour objet précisément de faire en sorte que la position de France Télécom héritée de son ancien monopole ne soit pas plus dommageable pour la concurrence. Ces instruments règlementaires ad hoc, conçus et appliqués régulièrement par les autorités nationales de régulation et de concurrence et par la Commission (61), sont plus ciblés et efficaces pour remédier aux effets persistants desavantages tirés par France Télécom de son ancien monopole,invoqués par les plaignants.

(137) Aussi l'aide d'État objet de la présente procédure apparaît-elle, dans son principe, comme nécessaire pour atteindre un objectif d'intérêt commun en améliorant les conditions de concurrence afférentes aux charges de retraite et, partant, la prestation de services de communications électroniques.

6.3.3. Proportionnalité de la mesure d'aide

(138) Force est de constater que la contrepartie financière en faveur de l'État instaurée par la loi de 1990 pour la liquidation et le service des pensions est spécifique à France Télécom et sui generis. Au principe de remboursement total prévu par la loi initiale de 1990 s'est substitué un régime différent de détermination du montant de la contrepartie à verser à l'État à partir de 1996. Plusieurs options de détermination du montant de la contribution employeur à verser par France Télécom, allant jusqu'à la prise en charge intégrale par l'État sans remboursement, étaient théoriquement possibles. Cette contrepartie est calculée depuis 1997 par référence à certaines charges supportées par les entreprises concurrentes dans le secteur. Aux fins de déterminer si l'aide est proportionnelle pour atteindre l'objectif fixé, il convient donc d'examiner le caractère objectif et justifié de la référence pour la fixation du montant de la contrepartie retenu par la loi de 1996.

(139) Il convient de noter d'emblée que, dans des procédures afférentes à des allègements de charges liées aux retraites de personnels fonctionnaires d'anciens opérateurs monopolistiques dans le secteur des télécommunications, OTE en République hellénique et BT Plc au Royaume-Uni, la Commission a vérifié notamment si ces entreprises étaient soumises à des charges sociales équivalentes à celles des concurrents pour décider, respectivement, de la compatibilité et de l'incompatibilité avec le marché intérieur au titre de l'article 107, paragraphe 3, point c), du TFUE des aides d'État accordées aux opérateurs en question (62). Or, la Commission constate qu'en l'espèce, les contributions libératoires versées chaque année par France Télécom et prévues par la loi de 1996 ne permettent pas d'assurer le prélèvement de charges sociales équivalentes à celles de ses concurrents. Le taux d'équité concurrentielle (ci-après "TEC") n'est pas atteint.

(140) Cependant, la République française et France Télécom se prévalent de la contribution forfaitaire exceptionnelle de 5,7 milliards d'euro versée en 1997 par France Télécom en application de la loi de 1996. Le montant de cette contribution forfaitaire a été fixé en 1996 de façon à compenser, pendant une période de dix ans d'application de la loi de 1996, le surcoût alors prévu pour l'État, en tenant compte par ailleurs des provisions comptables que France Télécom avait constituées et que l'entreprise pouvait reprendre dans l'exercice 1996-1997. La contribution forfaitaire exceptionnelle se subdivise en deux éléments :

- d'une part, un montant de 3,6 milliards d'euro correspondant aux provisions constituées par France Télécom jusqu'en 1996 afin de faire face aux charges de retraites futures des fonctionnaires alors prévues,

- d'autre part, un montant de 2,1 milliards d'euro (ci-après le "montant complémentaire"), correspondant aussi bien dans les prévisions des pouvoirs publics que dans les faits aux charges sociales nettes de liquidation des pensions que l'État devrait supporter sur un période de 10 ans, entre 1997 et 2006, en raison du transfert de la charge des pensions des fonctionnaires des télécommunications.

(141) La somme forfaitaire de 5,7 milliards d'euro n'ayant jamais eu pour objet de compenser l'absence de taux d'équité concurrentielle entre France Télécom et ses concurrents, il ne serait pas justifié de mettre en balance cette somme et les contributions annuelles libératoires qui n'ont pas été versées par France Télécom alors qu'elles auraient été nécessaires pour parvenir à un taux d'équité concurrentielle réelle.

(142) En revanche, il ressort de l'examen des débats parlementaires que le montant complémentaire de 2,1 milliards d'euro était destiné à couvrir ce transfert de charges de 1997 à 2006 et, dans les faits, à éliminer les effets de l'aide pour une période de dix ans. Ainsi, l'effort financier net de France Télécom correspondant à ce montant complémentaire a consisté à financer, pendant une période de dix ans, le surcoût de la réforme pour l'État français.

(143) Par ailleurs, la contribution exceptionnelle intègre la reprise des provisions comptables constituées jusqu'en 1996 et devenues sans objet. Les provisions reprises par l'État avaient été constituées par France Télécom pour faire face à la charge de futures retraites et cette reprise élimine les effets de l'aide pour la période de paiement des retraites qu'elles sont susceptibles de couvrir.

(144) Toutefois, la loi de 1996 se réfère à une contribution exceptionnelle unique, sans que les dispositions applicables, pas plus celles de la loi de finances que celles des décrets ultérieurs, ne distinguent un montant découlant des provisions, qu'il y aurait lieu de déduire de la charge transférée à l'État pour la durée de cette période. L'article 6 de la loi de 1996 précise bien que la contribution forfaitaire exceptionnelle est versée au titre de contrepartie de la prise en charge par l'État des pensions allouées au personnel fonctionnaire de l'État. Le montant de cette contribution exceptionnelle doit donc être pris dans sa globalité dans l'analyse de la réforme.

(145) Comme France Télécom, par le versement de cette contribution forfaitaire exceptionnelle, a couvert la charge des pensions de retraite des fonctionnaires des télécommunications et la charge de compensation entre régimes pour une période d'environ quinze ans, les effets de l'aide ont été neutralisés. France Télécom a donc, par le versement de cette contribution exceptionnelle, neutralisé les effets de l'aide durant cette période. Dès lors, il est justifié que, durant cette période, France Télécom ne soit pas astreinte à remplir les conditions de compatibilité de cette aide, et donc qu'elle ne paye pas la contribution annuelle nécessaire pour assurer un taux d'équité concurrentielle incluant les risques non communs avec les salariés de droit privé.

(146) Il convient de revenir en détail sur les étapes de ce raisonnement.

Le taux d'équité concurrentielle n'est pas atteint :

(147) Force est de constater que les prélèvements annuels libératoires acquittés par France Télécom depuis la réforme de 1996 ne permettent pas d'atteindre un taux d'équité concurrentielle, comme le soulignait la décision d'ouverture de la procédure. Cela résulte du fait que le taux appliqué à France Télécom n'intègre que les cotisations correspondant aux risques communs entre employés de droit privé et fonctionnaires de l'État, et de ce fait, exclut des cotisations correspondant aux risques non communs tels le chômage ou le non-paiement des salaires en cas de redressement ou de liquidation de l'entreprise.

(148) Il découle ainsi du tableau 4 que la non prise en compte des risques non communs dans le calcul de la contribution à verser par France Télécom se traduit par un écart considérable entre la contrepartie que verse France Télécom à l'État et ce qu'elle verserait si le taux de contribution était calculé pour assurer une équité concurrentielle totale avec les bases de calcul des charges des concurrents. Dès lors, la mesure d'aide résultant de la loi ne répond pas au principe de proportionnalité. Pour qu'elle satisfasse à ce principe et afin d'atteindre l'objectif légitime affiché d'améliorer les conditions de concurrence en égalisant les modes de calcul afférents aux charges supportées par les entreprises actives sur les marchés de télécommunications concernés en France, l'aide consentie à France Télécom en application de la loi de 1996 aurait dû et devrait effectivement égaliser à l'avenir lesdites charges en incluant celles afférentes aux risques non communs des deux catégories de personnels.

(149) À cet égard, l'argument avancé par la France selon lequel les fonctionnaires d'État ne sont pas exposés à certains risques et, de ce fait, il n'est pas justifié de cotiser pour ces risques, ne saurait être retenu. D'abord, c'est en vertu de mesures étatiques que lesdits risques ne se présenteraient pas, ce dont il n'est pas justifié que France Télécom tire un avantage pécuniaire. Par exemple, c'est en vertu de l'engagement de l'État français vis-à-vis des fonctionnaires actifs chez France Télécom et du fait que l'État français est son propre assureur que le risque de non-paiement des salaires en cas de redressement judiciaire de l'entreprise ne se présenterait pas. Mais la possibilité que France Télécom dépose son bilan, tout comme un concurrent, ne peut être exclue. Dans les deux cas, il ne s'agit pas d'un avantage fourni à l'entreprise mais directement aux salariés de celle-ci. La garantie de reversement des salaires intervient après que l'entreprise a cessé d'exister. Or une entreprise concurrente devra cotiser pour garantir le risque d'impayé des salaires après sa disparition, contrairement à France Télécom. Il n'est donc pas justifié de donner un avantage à celle-ci, sous la forme d'une moindre cotisation ou, dans les faits, d'une exclusion de ce risque du mode de calcul des contributions de France Télécom.

(150) Ensuite, plus fondamentalement, l'objectif même de la réforme introduite en 1996, qui ne semble pas avoir été porté au bout de sa logique, est d'égaliser les conditions de concurrence pour les charges fiscales et sociales entre tous les concurrents du secteur et ce, indépendamment du statut de leurs personnels et de l'existence d'une obligation effective pour France Télécom d'adhérer et de cotiser aux organismes de gestion compétents. C'est précisément cette logique d'égalisation des conditions de concurrence qui serait de nature à rendre compatible la mesure examinée avec le marché intérieur. Que les personnels de France Télécom soient ou non exposés à de tels risques n'est donc pas pertinent dans cette logique.

(151) En conclusion, une réduction de la prise en charge des pensions avec un transfert de charge nette à l'État ne respecterait le principe de proportionnalité que si elle permettait une égalisation des conditions de concurrence. Or, France Télécom n'a pas été mise en situation d'équivalence complète avec les entreprises du secteur en ce qui concerne les charges sociales assises sur les salaires, certaines charges sociales et fiscales n'ayant pas été intégrées dans l'assiette de calcul de la contribution annuelle.

Il n'est pas justifié de mettre en regard l'insuffisance du taux de contribution libératoire appliqué à France Télécom depuis 1997 et la contribution forfaitaire exceptionnelle versée à l'État par France Télécom

(152) De même, il n'est pas justifié, contrairement aux prétentions de la République française et de France Télécom, de prendre en considération le montant de la contribution forfaitaire exceptionnelle de 5,7 milliards d'euro déjà versée par France Télécom en 1997 pour la mettre en regard de l'insuffisance du taux de contribution libératoire appliqué à France Télécom.

(153) À titre liminaire, la Commission souhaite rappeler que, dans chaque situation, elle doit établir si les conditions d'application de la dérogation prévue par l'article 107, paragraphe 3, point c), du TFUE sont réunies, sans être tenue par une pratique décisionnelle antérieure, à la supposer établie (63).

(154) En tout état de cause, la réforme ici examinée se distingue nettement, et à plusieurs égards, de la réforme visée par la décision La Poste (64), dont tentent de se prévaloir les autorités françaises.

(155) En effet, contrairement à la réforme visée par la décision La Poste qu'invoquent la République française et France Télécom, la réforme du mode de financement des retraites du personnel fonctionnaire de France Télécom est intervenue à l'aube de l'ouverture au niveau de l'Union des marchés où France Télécom pouvait opérer.

(156) Il apparaît d'ailleurs que France Télécom a tiré avantage de cette libéralisation en s'implantant sur les marchés d'autres États membres et ce grâce non seulement à son changement de statut en société anonyme mais aussi, en partie, à l'effacement d'engagements des charges de retraite sur son bilan et aux moindres charges potentielles futures résultant de la réforme. Cet allègement des engagements dans son bilan a permis à France Télécom d'accroître sa solvabilité et sa capacité d'emprunt. Il découle des chiffres d'endettement fournis par les plaignants dans leurs observations et non contestés par la République française quant aux montants, que la dette financière nette de France Télécom est passée de 19,2 milliards d'euro en 1997 à 83 milliards d'euro en 2002.

(157) Il est vrai qu'une politique volontariste d'investissement d'expansion sur les marchés d'autres États membres rendue possible par la libéralisation peut être à l'origine de cet accroissement très substantiel d'endettement financier. Il n'en reste pas moins que la levée de fonds nécessaire a été rendue possible en partie du fait de l'allègement des charges de retraite pour un montant net de [...] milliards d'euro transférées à l'État français en 1996. De ce fait, les observations de l'opérateur de télécommunications tendant à démontrer que l'aide aurait permis à France Télécom de financer son expansion internationale (observations reprises au considérant 68) ne sont pas, fût-ce indirectement, dépourvues de fondement.

(158) En revanche, l'ensemble des marchés postaux sur lesquels La Poste française peut opérer dans l'Union n'est pas encore totalement ouvert à la concurrence et ne devrait l'être qu'en 2012, soit six ans après la réforme du financement des retraites de la Poste (65). L'effet restrictif de concurrence de l'aide accordée à France Télécom sur des marchés pleinement ouverts est donc plus important que celui de l'aide à la Poste. Un parallélisme complet dans les conditions nécessaires à la compatibilité de l'aide ne s'impose donc pas, s'agissant de situations concurrentielles distinctes sur des marchés dont la priorité dans l'ouverture au niveau de l'Union et la contribution à la compétitivité de son économie étaient, elles aussi, différentes. Il en résulte que le critère d'intérêt commun énoncé à l'article 107, paragraphe 3, point c), du TFUE ne doit pas nécessairement être apprécié de façon identique dans les deux cas d'espèce.

(159) En outre, la situation financière de La Poste et, par conséquent, sa capacité d'expansion sur des marchés extérieurs ou de renforcement sur le marché français n'étaient pas comparables à celles de France Télécom. Comme le soulignait la décision La Poste, sans la réforme de 2006, du fait du passage à de nouvelles normes comptables, La Poste se devait d'inscrire dans ses comptes une provision pour l'engagement en faveur de l'État qu'elle portait jusque là hors bilan pour un montant de 76 milliards d'euro (66). Or, contrairement à La Poste, France Télécom constituait des provisions comptables dans ses livres pour faire face à ses engagements futurs sans la réforme, ce qui rendait objectivement différentes les situations financières de chaque entreprise.

(160) De même, l'absence de réforme pour France Télécom et la poursuite du régime instauré par la loi de 1990 se seraient traduites par un accroissement de charges de retraites qui devenait significatif à partir de 2005-2007 selon les prévisions de l'époque exposées au considérant 30, ce que corroborent les résultats a posteriori figurant dans le tableau 3. Or, au moment de la réforme, la poursuite du régime établi par la loi applicable à La Poste se traduisait immédiatement par un surcoût annuel de [...] millions d'euro environ pour la Poste (67).

(161) Il n'est donc pas établi que la situation des deux entreprises sous l'effet de la loi applicable avant les réformes respectives et, par conséquent, l'impact concurrentiel de celles-ci, était similaire. Les faits montrent le contraire. Il s'ensuit qu'un examen aboutissant à des conclusions similaires dans les deux cas ne se justifie pas.

(162) Par ailleurs, il existait dans le cas de la décision La Poste des raisons suffisantes de considérer que la contribution forfaitaire exceptionnelle pouvait être réattribuée à l'avenir comme une avance sur le paiement des contributions liées au taux d'équité concurrentielle modifié. Ces raisons font défaut dans le présent cas d'espèce. En effet, la condition imposant la réattribution de la contribution exceptionnelle de la Poste a été fixée après que la Commission eut procédé à l'ouverture de la procédure formelle d'examen en mettant en cause la sous-estimation de la contribution libératoire nécessaire pour parvenir à un taux d'équité concurrentielle.

(163) Dans une large mesure, et bien que les autorités françaises ne l'aient pas reconnu explicitement, l'attribution de la contribution forfaitaire exceptionnelle en cause dans la décision La Poste était donc le résultat d'une négociation entre la Commission et l'État membre destinée à assurer le paiement d'une contribution libératoire assurant un taux d'équité concurrentielle. Dans cette négociation, le point de départ des autorités françaises exprimé dans leur notification du 23 juin 2006, après les premiers contacts sur le dossier en décembre 2005, était que la contribution exceptionnelle prévue pour La Poste n'était pas nécessaire du point de vue de l'équité concurrentielle, contrairement au projet de réforme de la contribution annuelle envisagé.

(164) La décision de la Commission ne serait ainsi pas venue entériner une réforme entrée en vigueur, comme semble le soutenir France Télécom. En effet, la notification et la décision d'ouverture de la procédure du 12 octobre 2006 ont précédé la fixation du montant de la contribution exceptionnelle par la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 (loi de finances rectificative pour 2006). Lesdites négociations concernaient plusieurs aspects de la réforme et notamment, la prise en compte de l'avantage qu'aurait pu représenter la réforme notifiée dans le passé, le périmètre de calcul du taux de contribution envisagé et les modalités de prise en compte de la spécificité de la banque postale par rapport aux activités postales et personnels affectés. Ces négociations se sont poursuivies et ce n'est que dans leurs observations du 8 juin 2007 que les autorités françaises ont accepté les modalités d'attribution de la contribution exceptionnelle dans le cadre d'un accord global portant sur la réforme, en revenant ainsi sur leur position notifiée au sujet de la contribution exceptionnelle et du mode de calcul des contributions annuelles à venir.

(165) D'autre part, contrairement aux dispositions de la loi de finances pour 1997 instaurant l'établissement public gérant la contribution de France Télécom, qui prévoyaient des règles rigides quant aux reversements annuels à l'État, l'établissement public gérant la contribution de la Poste n'était pas astreint à des règles spécifiques (68). Puisqu'il s'agissait d'une contribution exceptionnelle à verser et libre d'attribution, la Commission a pu estimer que la République française aurait pu en diminuer le montant et majorer concomitamment le taux de contribution annuelle de La Poste.

(166) Force est par ailleurs de constater que les termes de la loi de 1996 définissent les paramètres de calcul de la contribution annuelle versée régulièrement à l'État comme contrepartie des pensions du personnel fonctionnaire, sans qu'il soit question de la prise en compte des risques non communs entre les fonctionnaires et le personnel de droit privé. À cet égard, le Tribunal et la Cour ont précisé, concernant la taxe professionnelle due par France Télécom, qu'un allègement de charges ne saurait être compensé par une charge spécifique différente, notamment lorsque l'État membre, la République française en l'espèce, est en défaut de démontrer que des charges antérieures ont été instituées en prévision de moindres charges futures sous un régime d'imposition différent (69).

(167) La Commission ne saurait ignorer que le but de la contribution forfaitaire spécifique déjà versée en 1997 était, ainsi que l'établit expressément l'article 6 de la loi de 1996, de compenser partiellement l'État français pour la charge financière qu'il assumait du fait de la loi de 1996.

(168) En outre, il découle du contenu du rapport du Sénat repris au considérant 27 que, en votant le principe de la contribution exceptionnelle, le législateur n'a pas cherché à prendre en considération et encore moins à compenser, la différence entre les cotisations annuelles de France Télécom et celles, relativement plus élevées, des concurrents. Au contraire, la législateur a délibérément astreint France Télécom au paiement de charges annuelles ne couvrant pas les risques non communs aux deux catégories de personnels (fonctionnaire et non fonctionnaire) et ce, sans établir de lien entre ce choix et le prélèvement de la contribution exceptionnelle payée en 1997.

(169) La charge pour France Télécom que représentait la contribution forfaitaire a été versée comme recette générale au budget de l'État, placée dans l'établissement public chargé de sa gestion et consommée. Dans ces conditions, la Commission ne peut donc, en tout ou en partie, réattribuer fictivement et a posteriori la contribution forfaitaire exceptionnelle déjà consommée à un but totalement étranger à celui que lui ont assigné les autorités françaises et non prévu par la loi, à savoir, la compensation de la non prise en compte des risques non communs aux salariés de droit privé et aux fonctionnaires de l'État. Cette contribution forfaitaire n'a donc pas été instaurée en prévision de l'égalisation complète, dans un régime législatif et règlementaire différent, des charges annuelles de France Télécom avec celles des concurrents.

(170) Pour les mêmes raisons, du fait des règles de gestion et du reversement au budget prévues en loi de finances depuis 1997 et mises en œuvre jusqu'à présent, les allégations et calculs de la République visant à montrer que la réforme de 1996 s'est soldée à ce jour par un surplus considérable de recettes pour l'État ne sauraient être retenus.

(171) En effet, compte tenu des modalités de gestion et d'utilisation de la contribution forfaitaire exceptionnelle de France Télécom par l'établissement public compétent, telles que fixées en loi de finances, et des chiffres de reversements effectifs depuis 1997 transmis par la République française décrits aux considérants 36 et 37 et au tableau 3, il y a lieu de constater que les recettes dont tente de se prévaloir la République française, avec un placement produisant intérêts au taux de 7 %, n'ont jamais existé.

[...]. En outre, l'allégation ne reflète pas le comportement réel des autorités françaises. Compte tenu des règles de gestion fixées dans les lois de finances intervenues depuis sa création, ledit établissement public n'a pas généré de telles recettes, qui n'ont par ailleurs pas été prévues et n'ont pas produit intérêts. Au contraire, les ressources de l'établissement devraient être intégralement consommées au 31 décembre 2011. Elles l'auraient été plus tôt si elles avaient été affectées au financement de la réforme de 1996 - ce que la République française conteste par ailleurs -, même en y intégrant le surcroît de recettes au titre de l'impôt sur les sociétés, dont arguent les autorités françaises. Au demeurant, la prise en compte d'un surcroît de recettes au titre de l'impôt sur les sociétés est illégitime car elle conduit à une confusion des différents rôles de l'État. L'amalgame proposé par les autorités françaises entre ces différents rôles ne peut être suivi et il convient de maintenir une distinction entre d'une part, l'État octroyant une aide à France Télécom en prenant à sa charge le paiement des retraites des fonctionnaires, afin de développer un processus de concurrence fondé sur les mérites, d'autre part, l'État actionnaire de France Télécom et, enfin, l'État puissance publique exerçant son pouvoir fiscal.

(172) En outre, il convient de noter que la demande faite par la République française et par France Télécom de prise en considération de la contribution exceptionnelle pour examiner la compatibilité de la réforme contredit les observations que la République française avait formulées dans sa lettre du 17 mars 2004, selon lesquelles "la contribution forfaitaire exceptionnelle prévue par l'article 6 de la loi du 26 juillet 1996 ne saurait donc s'analyser comme la compensation d'un prétendu "avantage". L'analyse de son montant est a fortiori sans pertinence au regard de la réglementation des aides d'État" dès lors que ce montant était "une contribution exceptionnelle au bénéfice de son actionnaire unique [l'État français], assimilable à un dividende exceptionnel distribué avant toute ouverture du capital à des investisseurs privés".

(173) Le raisonnement qui sous-tend l'argument fait en son temps par la République française présente une certaine logique économique et financière. Il est sensé, pour un actionnaire unique, à l'aube de l'ouverture du capital à d'autres investisseurs, d'éponger à son seul profit et autant que possible les fonds disponibles dans l'entreprise avant l'ouverture du capital, pour autant que cela ne compromette pas l'attractivité du placement. Ce dernier aspect a été pris en considération dans les paramètres financiers imposés au bilan d'ouverture de France Télécom, dont résulte indirectement le montant de la contribution forfaitaire exceptionnelle, comme cela a été évoqué devant le Parlement en 1996. Dès lors, il était parfaitement cohérent de la part d'un État actionnaire unique avisé de prélever le plus grand montant possible de dividende exceptionnel, selon les termes mêmes de la République française, plutôt que de laisser les fonds dans l'entreprise, dont après l'ouverture du capital en 1997, il ne tirerait au plus que son prorata dans la part de capital maintenue.

(174) La validité de ce raisonnement avancé en son temps par la République française, qui demandait à ce que l'analyse du montant de la soulte de 5,7 milliards d'euro ne fût aucunement prise en compte pour l'appréciation de la réforme au regard des règles des aides d'État, se trouve par ailleurs corroborée par ses observations au cours de la procédure. En effet, en déclarant que le calibrage du montant de la soulte aurait été fait en fonction non du coût de la réforme estimé pour l'État ou des avantages que retirait France Télécom mais de la capacité contributive de l'entreprise, la République française indique que l'imposition d'une soulte résulterait plus d'un comportement d'actionnaire unique avisé que de celui d'un État régulateur soucieux de l'équilibre des charges de retraite qu'il assumait en vertu de la réforme.

(175) Si un tel raisonnement devait être suivi, la Commission ne devrait pas, comme demandé en son temps par la République française, prendre en considération la contribution forfaitaire exceptionnelle dans l'analyse de la compatibilité de la réforme avec les règles des aides d'État. Il s'ensuit que seul l'abaissement des contributions annuelles de France Télécom au-dessous du niveau des concurrents voulu par la réforme depuis 1997 devrait être pris en considération.

(176) Pour les mêmes raisons, la Commission ne peut suivre les observations des plaignants demandant l'instauration de mécanismes d'ajustement de la contribution forfaitaire exceptionnelle payée en 1997 et de la contribution employeur annuelle de France Télécom pour assurer la neutralité financière de la réforme. Cela reviendrait aussi à un nouveau calcul et à une réallocation fictive a posteriori en tout ou en partie de la contribution forfaitaire exceptionnelle payée au budget de l'État en 1997. De même, le mécanisme invoqué reviendrait à instaurer un contrôle a posteriori, année après année, dont le but ne serait pas de s'assurer de la proportionnalité de l'aide consentie, bien que réduite par la contribution forfaitaire exceptionnelle, en 1997, mais d'éliminer toute aide dans la réforme.

(177) En revanche, il y a lieu d'examiner si le versement de la contribution exceptionnelle peut être pris en compte dans l'évaluation de la compatibilité de la mesure d'aide avec le marché intérieur en retenant la justification de ce versement telle qu'établie par la loi de 1996.

Il est justifié de ne pas exiger de France Télécom le paiement d'une contribution complémentaire assurant un taux d'égalité concurrentielle pour la période 1997-2010

(178) Aux termes de la loi de 1996, la contribution forfaitaire exceptionnelle en 1997 était versée en contrepartie de la prise en charge des pensions par l'État français. Dans ces conditions, les effets de l'imposition de celle-ci sur le bilan financier d'ensemble de la réforme introduite par la loi de 1996 telle qu'appliquée jusqu'à présent, doivent être pris en considération. Il y a lieu de prendre en compte le temps pendant lequel la charge des pensions de retraite a été couverte par la contribution forfaitaire exceptionnelle.

(179) S'agissant de comparer des flux financiers pour France Télécom étalés dans le temps, à savoir, le paiement de la contribution exceptionnelle en 1997 et les moindres charges annuelles résultant de la loi de 1996 depuis lors, il est nécessaire de procéder à l'actualisation des montants. Au cours de l'année 1997, plusieurs paiements de contribution exceptionnelle ont été échelonnés jusqu'en octobre 1997, même si le financement de celle-ci par l'emprunt a, dans les faits, repoussé à plus tard la charge financière pour France Télécom. D'autre part, des paiements de contribution libératoire sont intervenus depuis le début de l'année 1997. Le taux d'actualisation doit en principe être celui résultant de la Communication de la Commission applicable en la matière (70), taux qui, à titre illustratif, s'établissait à 5,53 % en octobre 1997. Il convient d'examiner s'il est approprié en l'espèce d'utiliser un taux différent de celui de la Communication applicable, et de se départir ainsi des règles, communiquées aux États membres, que la Commission s'est données et qu'elle doit appliquer sauf exception dûment justifiée.

(180) À cet égard, le choix du taux de 7 % utilisé par l'actuaire du gouvernement français pour actualiser les flux financiers de la réforme de 1996 jusqu'en 2043 ne serait pas justifié, [...], du fait que la présente analyse est de plus courte période en raison de l'échéancier constaté. Le taux de 7 % est aussi bien supérieur à la moyenne de 4,4 % des taux annuels d'actualisation pour la période 1997-2010 retenus par la République française dans ses observations sur la décision d'ouverture ou au taux d'actualisation de [...] % retenu pour 1998 dans la réforme du mode de financement des retraites de La Poste (71).

(181) Les taux aux alentours de 7 % pour les OAT à 15 ans pour 1996 mis en avant par la République française ne peuvent pas être retenus non plus. C'est en 1997 et non pour la moyenne de 1996 que le taux doit être établi. De surcroît, la durée de 15 ans est trop longue au regard de l'importance des flux de paiements annuels auxquels la contribution forfaitaire exceptionnelle aurait dû théoriquement faire face au cours de la période, pour lesquels les seuls intérêts n'auraient pas suffi. Alternativement, le choix d'un taux composite construit à partir de taux différents d'optimisation de placement de la contribution forfaitaire exceptionnelle pour faire face à l'échéancier de flux entraînés par la réforme de 1996 du point de vue de l'État français pourrait être envisagé. Outre qu'un tel taux, aux alentours de 5,50 % ne différerait pas sensiblement du taux de référence de la Commission pour octobre 1997, le choix ne tiendrait pas compte du fait que l'analyse se fait du point de vue de France Télécom (72).

(182) Enfin, à cet égard, la référence de 7 % pour les emprunts obligataires de France Télécom entre 1991 et 1997 mise en avant par la République française couvre une période de six ans, bien antérieure aux faits. En l'espèce, le fait est que France Télécom a financé la contribution forfaitaire exceptionnelle en 1996 par des émissions principalement à court terme et, dans une bien moindre mesure, par des émissions obligataires. Or, un taux d'actualisation résultant des taux d'intérêt payés par France Télécom sur les nouvelles dettes contractées en 1996 s'élèverait à 4,8 % sur la base de son bilan au 31 décembre 1996 (73). Un tel taux s'ajuste à la matérialité des coûts financiers réels encourus par France Télécom à l'époque pour financer la contribution exceptionnelle. Toutefois, il apparaît approprié de ne pas faire dépendre le taux d'actualisation du choix fait par l'entreprise en son temps, mais d'utiliser la référence objective retenue par la Commission dans sa communication applicable en matière de taux d'actualisation (74).

(183) En somme, il n'est pas approprié en l'espèce d'utiliser une référence de taux différente de celle résultant de la Communication de la Commission applicable en la matière et de se départir ainsi des règles, communiquées aux États membres, que la Commission s'est données.

Flux financiers résultant de la réforme de 1996 pour France Télécom (1997-2011)

<EMPLACEMENT TABLEAU 5>

(184) Capitalisée au taux d'actualisation de 5,53 %, la prise en considération de la soulte devrait compenser jusqu'au 1er trimestre 2012 (75) l'allègement de charges annuelles dont a bénéficié France Télécom du fait de la mise en œuvre de la réforme de 1996.

(185) Au surplus, l'échéance de cette compensation, qui neutralise les effets de réforme, coïnciderait par ailleurs à quelques mois près avec l'épuisement effectif des ressources de l'établissement public chargé de gérer la contribution exceptionnelle de France Télécom, prévu au 31 décembre 2011. À l'analyse d'actualisation se joint ainsi le fait que, en tout état de cause, la contribution exceptionnelle aura été effectivement consommée. De ce fait, il ne subsisterait pas de montants non reversés au budget de l'État qu'il serait possible de réattribuer autrement que comme prévu par la loi de finances applicable.

(186) Il est donc justifié que, en raison du versement de cette contribution exceptionnelle en 1997, France Télécom ne soit pas astreinte au versement d'un supplément de contribution annuelle pour la période comprise entre le 1er janvier 1997 et une date postérieure au 31 décembre 2010 qui reste à déterminer avec précision. En effet, dans la mesure où, au tableau 5, les chiffres pour l'année 2011 et ceux de la charge de compensation et surcompensation résultent d'estimations, notamment, il convient que la date exacte soit arrêtée par la République française sur la base des dates définitives des paiements effectués, des montants définitifs de prestations versées et des moindres cotisations et autres avantages pour France Télécom résultant de la loi de 1996, en suivant les principes de calcul indiqués au tableau 5.

(187) En revanche, après neutralisation des effets de la contribution exceptionnelle et épuisement des ressources versées à l'État, l'aide accordée en 1996 à France Télécom produira pleinement ses effets en conférant par ailleurs un avantage à France Télécom par rapport à ses concurrents. L'aide ne pourra alors être justifiée que par l'assujettissement de France Télécom au paiement d'une contribution libératoire calculée sur un taux assurant une équité concurrentielle réelle. Ainsi, si les dispositions de la loi de 1990 telle que modifiée par la loi de 1996 ainsi que les dispositions règlementaires dérivées applicables, en ce qu'elles prévoient que le taux de la contribution libératoire est calculé de manière à égaliser les niveaux de charges sociales et fiscales obligatoires assises sur les salaires entre France Télécom et les autres entreprises du secteur des télécommunications relevant du droit commun des prestations sociales, en limitant le calcul à ceux des risques qui sont communs aux salariés de droit privé et aux fonctionnaires de l'État, restaient inchangées, l'aide consentie à France Télécom jusqu'à l'extinction des obligations financières assumées par l'État français à la place de France Télécom en vertu de la loi de 1996 ne satisferait pas au principe de proportionnalité.

(188) Pour satisfaire au critère de conformité avec l'intérêt commun prévu à l'article 107, paragraphe 3, point c), du TFUE, la compatibilité de l'aide requiert donc le respect des conditions dont la présente décision est assortie.

7. CONDITIONS DE COMPATIBILITÉ POUR L'AVENIR

(189) Par conséquent, il est nécessaire que la République française modifie les dispositions législatives et réglementaires applicables pour établir, calculer et prélever la contribution libératoire à verser par France Télécom de manière à égaliser les niveaux de charges sociales et fiscales obligatoires assises sur les salaires entre France Télécom et les autres entreprises du secteur des télécommunications relevant du droit commun des prestations sociales. En outre, il convient que les modes et paramètres de calcul soient fixés de façon transparente et objective et puissent faire l'objet de contrôles et de recours.

(190) La République française devrait également, lors du calcul du taux de la contribution libératoire, égaliser effectivement le niveau de charges sociales et fiscales obligatoires assises sur les salaires entre France Télécom et les autres entreprises du secteur des télécommunications relevant du droit commun des prestations sociales en prenant en compte aussi les risques non communs aux salariés de droit privé et aux fonctionnaires employés par France Télécom.

(191) Dans les observations de la République française plus amplement détaillées dans ses annexes III et V mises à jour, les autorités françaises ont produit des estimations de ce que serait le taux de contribution libératoire à payer par France Télécom depuis 1997 (voir tableau 4) si les risques non communs avaient été intégrés dans le mode de calcul (ci-après le "taux modifié"). Le taux modifié intègre à la fois les cotisations chômage et assurance garantie des créances des salaires, qui viennent le majorer, et des cotisations spécifiques que ne paient pas les concurrents de France Télécom comme le 1 % solidarité et les prestations en espèces pour arrêts de travail auto-assurées par France Télécom, qui viennent le minorer. Il en résulte un taux supérieur d'environ 7 points de pourcentage au taux effectivement appliqué à l'heure actuelle.

(192) Un tel taux assure une égalité concurrentielle effective par rapport à l'équité seulement partielle introduite par la loi de 1996, tout en tenant compte des charges sociales spécifiques de France Télécom. La Commission ne conteste donc pas les principes, assiette et modes de calcul suivis par la République française pour établir un taux de contribution libératoire modifié pour égaliser les niveaux de charges sociales et fiscales obligatoires assises sur les salaires entre France Télécom et les autres entreprises du secteur des télécommunications relevant du droit commun des prestations sociales, tels qu'indiqués dans les observations mises à jour de la République française et décrits et détaillés dans les annexes III et V desdites observations.

(193) En conséquence, la détermination annuelle du taux permettant l'égalisation des conditions de concurrence par la République française devra suivre les principes, assiette et modes de calcul de contribution libératoire qui figurent dans les observations visées au considérant 191. En particulier, le taux modifié intégrera à la fois les cotisations chômage et assurance garantie des créances des salaires et les cotisations ou charges spécifiques que ne paient pas les concurrents de France Télécom comme le 1 % solidarité et les prestations en espèces pour arrêts de travail auto-assurées par France Télécom.

(194) Cette égalisation de fait assurera une égalité concurrentielle effective entre France Télécom et ses concurrents et garantira la proportionnalité et la compatibilité avec le marché intérieur d'une aide mise à exécution en 1996.

8. CONCLUSIONS

(195) La Commission constate que la République française a illégalement mis à exécution une aide d'État instaurée par la réforme en 1996 du mode de financement des retraites des fonctionnaires de l'État rattachés à France Télécom en violation, depuis son entrée en vigueur, de l'article 108, paragraphe 3, du TFUE.

(196) La mise à exécution de cette aide depuis 1997 a permis un allègement des charges sociales annuelles encourues par France Télécom. Cependant, cet effet a été neutralisé au moins jusqu'en 2010 par le versement de la contribution forfaitaire exceptionnelle prévue par cette réforme. Cette neutralisation justifie que les conditions qui mettraient sur un pied d'égalité réelle France Télécom et ses concurrentes pour ce qui est de ces charges et qui rendraient cette aide compatible avec le marché intérieur soient appliquées à partir d'une date postérieure au 31 décembre 2010 encore à fixer.

(197) Dès lors, dans la mesure et pour autant que la République française prenne en considération, dans le calcul de la contribution libératoire due par France Télécom, les niveaux de charges sociales et fiscales obligatoires assises sur les salaires entre France Télécom et les autres entreprises du secteur des télécommunications relevant du droit commun des prestations sociales en tenant compte des risques communs et non communs aux salariés de droit privé et aux fonctionnaires de l'État, la réforme introduite par la loi de 1996 peut être déclarée compatible avec le marché intérieur en application de l'article 107, paragraphe 3, point c), du TFUE. La République française est donc tenue de prendre les mesures, notamment législatives et règlementaires, nécessaires pour remplir la condition mentionnée dans le présent considérant,

A ADOPTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION :

Article premier

L'aide d'État résultant de la réduction de la contrepartie à verser à l'État pour la liquidation et le service des pensions allouées, en application du Code des pensions civiles et militaires de retraite, aux fonctionnaires de France Télécom en application de la loi n° 96-660 du 26 juillet 1996 relative à l'entreprise nationale France Télécom modifiant la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications est compatible avec le marché intérieur, aux conditions prévues à l'article 2.

Article 2

La contribution employeur à caractère libératoire, due par France Télécom au titre de l'article 30, point c), de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications, est calculée et prélevée de manière à égaliser les niveaux de l'ensemble des charges sociales et fiscales obligatoires assises sur les salaires entre France Télécom et les autres entreprises du secteur des télécommunications relevant du droit commun des prestations sociales.

Pour remplir cette condition, au plus tard dans les sept mois suivant la notification de la présente décision, la République française :

a) modifie l'article 30 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications et les textes règlementaires ou autres pris pour son application de sorte que l'assiette de calcul et le prélèvement de la contribution employeur à caractère libératoire, due par France Télécom, ne soient pas limités aux seuls risques communs aux salariés de droit privé et aux fonctionnaires de l'État mais incluent également les risques non communs ;

b) prélève sur France Télécom, à partir du jour où les montants de la contribution exceptionnelle instaurée par la loi n° 96-660 du 26 juillet 1996 capitalisés au taux d'actualisation résultant de l'application de la communication de la Commission concernant la méthode de fixation des taux de référence et d'actualisation applicable en l'espèce égalent le montant des contributions et charges que France Télécom aurait continué de payer au titre de l'article 30 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 dans sa rédaction initiale, une contribution employeur à caractère libératoire calculée selon les modalités précisées au point a), en prenant en considération les risques communs et non communs aux salariés de droit privé et aux fonctionnaires de l'État.

Article 3

1. Dans les deux mois suivant la notification de la présente décision, la République française communique à la Commission une description détaillée des mesures déjà prises et prévues pour se conformer à la présente décision. Elle informe notamment la Commission :

a) de l'état d'avancement des modifications des dispositions législatives et réglementaires visées à l'article 2 ;

b) des montants définitifs de compensations et contributions pour l'année 2011 et de ceux prévus, le cas échéant, pour 2012, au regard, notamment, du solde éventuel des montants capitalisés de la contribution exceptionnelle ;

c) des montants de la contribution employeur à caractère libératoire calculés selon les modalités précisées à l'article 2 pour les échéances à venir, dans l'attente de la modification de la législation ;

d) des paiements de la contribution employeur intervenus après que les montants de la contribution exceptionnelle instaurée par la loi n° 96-660 du 26 juillet 1996 capitalisés au taux d'actualisation résultant de l'application de la communication de la Commission concernant la méthode de fixation des taux de référence et d'actualisation applicable en l'espèce ont cessé de neutraliser les effets de la réforme de 1996.

2. La République française tient la Commission informée de l'avancement des mesures nationales prises pour mettre en œuvre la présente décision. Elle transmet immédiatement, sur simple demande de la Commission, toute information sur les mesures déjà prises et prévues pour se conformer à la présente décision.

Article 4

La République française est destinataire de la présente décision.

Notes :

(1) À compter du 1er décembre 2009, les articles 87 et 88 du traité CE sont devenus respectivement les articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE). Dans les deux cas, les dispositions sont, en substance, identiques. Aux fins de la présente décision, les références faites aux articles 107 et 108 du TFUE s'entendent, s'il y a lieu, comme faites respectivement aux articles 87 et 88 du traité CE.

(2) JO L 1 du 3.1.1994, p. 3.

(3) JO C 213 du 21.8.2008, p. 11.

(4) Voir note 3 de bas de page.

(5) Arrêt du 28 novembre 2008, Hôtel Cipriani e.a/Commission, affaires jointes T-254-00, T-270-00 et T-277-00, Rec. 2008, p. II-3269.

(6) Décision 2009-703-CE de la Commission du 11 février 2009 concernant l'aide d'État C 55-07 accordée à BT Plc (JO L 242 du 15.9.2009, p. 21).

(7) Loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications, JORF n° 157 du 8 juillet 1990, p. 8069.

(8) Chiffres arrondis.

(9) France Télécom, Rapport annuel 1996, p. 35, 60 et 64, et réponse des autorités françaises en date du 17 mars 2004, point 4 1) a).

(10) Loi n° 96-660 du 26 juillet 1996 relative à l'entreprise nationale France Télécom, JORF n° 174 du 27 juillet 1996, p. 11398.

(11) Document de référence 2008 France Télécom, déposé auprès de l'Autorité des marchés financiers, p. 18.

(12) Sénat, rapport n° 406 fait au nom de la commission des affaires économiques et du plan sur le projet de loi relatif à l'entreprise nationale France Télécom par M. Gérard Larcher, p. 17.

(*) Les chiffres ou passages entre crochets [...] sont confidentiels ou couverts par le secret d'affaires.

(13) Sénat, Rapport n° 406 par M. Gérard Larcher, précité, p. 15.

(14) Assemblée nationale, compte rendu du débat du 26 juin 1996, p. 4 à 6 et 20. Sénat, compte rendu de la séance du 10 juin 1996, p. 6.

(15) France Télécom, Rapport annuel 1996, p. 56.

(16) France Télécom, Rapport annuel 1996, p. 35, 60 et 64.

(17) France Télécom, Rapport annuel 1996, p. 70 à 73. La note n° 15 aux comptes note l'accroissement des dettes à court et à long terme qui sont passées, respectivement, de 6,2 milliards de FRF à 30,8 milliards de FRF et de 66,9 milliards de FRF à 74,2 milliards de FRF, soit une augmentation totale de 31,8 milliards de FRF au cours de l'exercice 1996. L'augmentation des dettes de la société en 1996, effectuée presque à trois quarts par accroissement des billets de trésorerie et commercial papier à court terme, est attribuée par les commissaires aux comptes au financement de la contribution exceptionnelle de 37,5 milliards de FRF due à l'État. Les taux d'intérêt moyens appliqués à la dette de France Télécom au 31 décembre 1996 étaient de 4,33 % pour le court terme et de 6,57 % pour le court et le long terme.

(18) Article 46 de la loi n° 96-1181 de finances pour 1997, JORF n° 304 du 31 décembre 1996, p. 19490.

(19) Rapport devant l'Assemblée nationale n° 3030 fait par M. Philippe Auberger sur le projet de loi de finances pour 1997, p. 453.

(20) En 2006, le versement annuel de l'établissement a été majoré de 1 milliard d'euro pour les besoins du fonds de roulement du compte d'affectation spéciale pensions. D'autres dérogations au plafond de 10 % de versement annuel en raison de besoins de financement du compte d'affectation spéciale se traduisant par de plus grands versements annuels ont eu lieu depuis 2006, voir annexe 37 sur "Les régimes sociaux et de retraite - Pensions, n° 1198 (chapitre II-2 B-3) au Rapport devant l'Assemblée nationale n° 1127 sur le projet de loi de finances pour 2008 fait par Gilles Carrez. Voir aussi Rapport de l'Inspection générale des finances M2007-005-02, "La gestion pluriannuelle des finances publiques", avril 2007, annexe VI, p. 9.

(21) Loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, états législatifs annexe III, comptes d'affectation spéciale, pensions, ligne 60, JORF n° 0302 du 30 décembre 2010, p. 23033. Dans l'annexe 37 sur "Les Régimes sociaux et de retraite - Pensions", n° 1198, le législateur prévoyait en 2008 qu'un versement de 252 millions d'euro apurerait les ressources disponibles de l'établissement public au 31 décembre 2011 sur la base d'un versement annuel de 626 millions d'euro pour 2010, alors que le versement effectif a été de 635,8 millions d'euro. Cet écart de 10 millions d'euro semble expliquer le versement de 243 millions d'euro prévu par la loi de finances 2011.

(22) Le montant de 36,9 milliards d'euro (242 milliards de FRF) correspond à la valeur probable des engagements futurs à la date du 1er janvier 1997. Il est donc différent, et plus approprié pour l'estimation des mesures en cause que celui de 35,7 milliards d'euro (234 milliards de FRF) mentionné au point 24 de la décision d'ouverture de la procédure d'examen, qui correspond à la valeur probable des engagements futurs à la date du 1er janvier 1996, soit avant l'entrée en vigueur de la loi de 1996.

(23) Une telle évaluation, qui couvre l'ensemble de la période jusqu'à l'extinction des obligations financières de l'État français vis-à-vis des fonctionnaires retraités et de leurs ayants droit, repose nécessairement sur de nombreuses hypothèses concernant, notamment, la nuptialité, les naissances ainsi que les dates de départ et de décès de la population concernée, tout en dépendant aussi du taux d'actualisation retenu, soit 7 % en l'espèce. L'actuaire JWA mandaté par le gouvernement français considérait que ce taux paraissait élevé puisque, déduction faite d'une valeur d'inflation de l'ordre de 2 %, il restait 5 % de valeur d'actualisation nette, "valeur à comparer par exemple à la valeur maximale de 3,5 % autorisée par la Loi française pour l'actualisation des flux des rentes viagères". Voir Rapport JWA à l'annexe 2 de la lettre des autorités françaises du 17 mars 2004, p. 6 et 13 à 15.

(24) Observations de la République française du 9 décembre 2010 et de France Télécom (Rapport JWA) du 18 octobre 2010.

(25) JO L 131 du 27.5.1988, p. 73.

(26) JO L 192 du 24.7.1990, p. 10.

(27) JO L 74 du 22.3.1996, p. 13.

(28) Voir Rapport annuel France Télécom 1997 et Rapport de l'Autorité de régulation des télécommunications pour 1997 et 2002, disponibles à la page : http ://www.arcep.fr/index.php?id=2105

(29) France Télécom, Rapport annuel 1997.

(30) Assemblée nationale, compte rendu du débat du 26 juin 1996, p. 3.

(31) Voir, à cet égard, document de référence 2008, France Télécom, déposé auprès de l'Autorité des marchés financiers, notamment "Description des activités", p. 25-122.

(32) Décision de la Commission du 10 octobre 2007, dans l'affaire C 43-06 (JO L 63 du 7.3.2008, p. 16).

(33) Décision 2005-709-CE de la Commission, notifiée sous le numéro C(2004) 3061 (JO L 269 du 14.10.2005, p. 30).

(34) Arrêt du 18 octobre 2007 dans l'affaire C-441-06, Commission/ France, Rec. 2007, p. I-8887.

(35) Arrêt du 16 mars 2004, Danske Busvognmaend/Commission ("Combus"), T-157-01, Rec. 2004, p. II-917, point 57.

(36) Arrêt du 28 novembre 2008, Hotel Cipriani e.a/Commission, affaires jointes T-254-00, T-270-00 et T-277-00, Rec. 2008, p. II-3269, points 181, 185, 186, 189, 192 et 193.

(37) Voir note 32 de bas de page.

(38) Voir note 32 de bas de page.

(39) La poursuite des versements interrompus par la loi de 1996 aurait abouti à une charge de compensation d'environ [...] % des pensions servies en 1997, décroissant de [...] % par an ensuite. Observations de France Télécom du 18 octobre 2010, tableau p. 4.

(40) Voir note 33 de bas de page.

(41) Le montant est calculé en soustrayant du montant de la dette actualisée totale de France Télécom pour les retraites de ses fonctionnaires (38,1 milliards d'euro), le montant actualisé des contributions libératoires employeur à partir de 1996 (-15,2 milliards d'euro), la contribution forfaitaire déterminée en 1996 (-5,7 milliards d'euro) et les contributions des employés concernés (-4,9 milliards d'euro, non actualisés), soit au total 12,3 milliards d'euro ou, à tout le moins, 9,9 milliards d'euro si la dette actualisée totale de France Télécom pour les retraites de ses fonctionnaires était estimée à 35,7 milliards d'euro, comme indiqué dans la décision d'ouverture de la procédure.

(42) Voir note 32 de bas de page.

(43) Texte disponible à la page web suivante : http ://ec.europa.eu/competition/elojade/isef/case_details.cfm?proc_Code=1_38233

(44) Arrêt du 6 octobre 2011, Deggendorf (C-421/10), non encore publié au Recueil.

(45) Voir note 32 de bas de page.

(46) Arrêt du 23 mars 2006, Enirisorse, C-237-04, Rec. 2006, p. I-2843.

(47) Arrêt du 16 mars 2004, Danske Busvognmaend/Commission ("Combus"), T-157-01, Rec. 2004, p. II-917.

(48) Décision de la Commission du 25 juillet 1995, Sabena/Swissair - Aspect aide.

(49) Voir note 32 de bas de page.

(50) Voir note 32 de bas de page.

(51) Cette somme de 9,1 milliards d'euro recouvrirait le montant de la soulte de 5,7 milliards d'euro plus 3,4 milliards d'euro de surplus. Ledit surplus résulterait de la différence entre le coût réel de la réforme pour l'État dans la période, estimé à 2,37 milliards euro, d'une part, et, d'autre part, 4,9 milliards euro d'intérêts dégagés par la soulte placée à un taux de 7 % plus 840 millions d'euro de surcroît de recettes d'impôt sur les sociétés sur les moindres cotisations annuelles de France Télécom.

(52) Voir note 33 de bas de page.

(53) Communication de la Commission "Vers une mise en œuvre effective des décisions de la Commission enjoignant aux États membres de récupérer les aides d'État illégales et incompatibles avec le marché commun". (2007-C 272-05) (JO C 272 du 15.11.2007, p. 4).

(54) Décision de la Commission du 16 décembre 2003 relative aux aides d'État accordées par la France à EDF et au secteur des industries électriques et gazières [C(2003) 4637 fin], article 2 (JO L 49 du 22.2.2005, p. 9).

(55) Décision 2009-703-CE de la Commission du 11 février 2009 concernant l'aide d'État C 55-07 accordée à BT Plc, p. 21, point 80 (JO L 242 du 15.9.2009).

(56) Cette approximation reste valable uniquement dans la mesure où les nombreuses hypothèses sous-jacentes se vérifient dans les faits. En outre, le taux d'actualisation de 7 % retenu pour les retraites de France Télécom est bien supérieur, par exemple, à celui de 3 % que la République française a appliqué - certes postérieurement aux faits de l'espèce - dans le cas de la réforme du système de retraites des industries électriques et gazières qui a fait l'objet de la décision de la Commission du 16 décembre 2003 [Décision de la Commission relative aux aides d'État accordées par la France à EDF et au secteur des industries électriques et gazières, C(2003) 4637 fin, précitée].

(57) Arrêt du 7 juin 2001, Agrana Zucker und Stärke AG/Commission, T-187-1999, Rec. 2001, p. II-1587, point 74.

(58) Voir note 33 de bas de page.

(59) Arrêt du 30 novembre 2009, République française et France Télécom SA/Commission, affaires jointes T-427-04 et T-17-05, Rec. 2009, p. II-4315. Arrêt du 8 décembre 2011, France Télécom/Commission, T-81-10 P (non encore publié).

(60) Directive 2002-21-CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive "cadre") (JO L 108 du 24.4.2002, p. 33). Directive 2002-19-CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à l'accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu'à leur interconnexion (directive "accès") (JO L 108 du 24.4.2002, p. 7). Directive 2002-77-CE de la Commission du 16 septembre 2002 relative à la concurrence dans les marchés des réseaux et des services de communications électroniques (JO L 249 du 17.9.2002, p. 21)..

(61) Pour ce qui est de la réglementation du régulateur français des communications électroniques, ARCEP, les positions de la Commission par rapport aux projets notifiés depuis 2003 sont disponibles à l'adresse suivante : http ://circa.europa.eu/Public/irc/infso/ecctf/library?l=/commissionsdecisions&vm=detailed&sb=Title La décision de la Commission du 16 juillet 2003 dans l'affaire COMP-38.233 sanctionnant un abus de position dominante de la part de Wanadoo, filiale de France Télécom à l'époque, est disponible à l'adresse : http ://ec.europa.eu/competition/elojade/isef/case_ details.cfm?proc_Code=1_38233 Le pourvoi contre l'arrêt du Tribunal de première instance a été rejeté le 2 avril 2009 par la Cour de justice, dans l'affaire C-202-07 P, France Télécom/Commission, Rec. 2009, p. I-2369.

(62) Décision 2008-722-CE de la Commission du 10 mai 2007 concernant l'aide d'État C 2-06 envisagée pour l'OTE (JO L 243 du 11.9.2008, p. 7), point 137. Décision 2009-703-CE de la Commission du 11 février 2009 concernant l'aide d'État C 55-07 accordée à BT Plc, précitée, points 72, 81-82 et 98.

(63) Voir notamment l'arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Regione autonoma Sardegna contre Commission, affaire T-171-02, point 177.

(64) Voir note 32 de bas de page.

(65) Directive 2008-6-CE du Parlement européen et du Conseil du 20 février 2008 modifiant la directive 97-67-CE en ce qui concerne l'achèvement du marché intérieur des services postaux de la Communauté (JO L 52 du 27.2.2008, p. 3). Une partie des marchés est ouverte depuis le 30 décembre 2010.

(66) Décision La Poste, précitée à la note 32 de bas de page, points 35-36 et 167, 169.

(67) Décision La Poste, précitée à la note 32 de bas de page, point 169.

(68) Voir annexe 37 sur "Les régimes sociaux et de retraite - Pensions", n° 1198 (chapitre II-2 B-3) du Rapport devant l'Assemblée nationale n° 1127 sur le projet de loi de finances pour 2008 fait par Gilles Carrez.

(69) Arrêt du 30 novembre 2009, République française et France Télécom SA/Commission, affaires jointes T-427-04 et T-17-05, Rec. 2009, p. II-4315, points 215 et 217. La Cour de justice a rejeté le pourvoi dirigé contre cet arrêt (arrêt du 8 décembre 2011, France Télécom, affaire C-81-10 P, voir notamment les points 43 et suivants).

(70) Communication de la Commission concernant la méthode de fixation des taux de référence et d'actualisation (JO C 232 du 10.8.1996, p. 10) et communication de la Commission concernant les taux d'intérêt applicables à la récupération des aides d'État et les taux de référence et d'actualisation pour 15 États membres, en vigueur à partir du 1er janvier 2005, ainsi que les taux d'intérêt applicables à la récupération des aides d'État et les taux de référence et d'actualisation, historiques, applicables à partir du 1er août 1997 (JO C 88 du 12.4.2005, p. 5).

(71) Décision La Poste, précitée à la note 32 de bas de page.

(72) Cette approche consisterait à placer fictivement des parties du montant de la contribution exceptionnelle dans des instruments financiers à maturités différentes (par exemple x % à un an, y % à trois ans, z % à dix ans), en fonction des échéanciers de flux à payer (le solde annuel de prestations non couvert par les cotisations). Pour le second semestre de 1997, la moyenne des taux de l'OAT à 10 ans s'établissait à 5,49 %, les taux pour des maturités plus courtes étant inférieurs à cette valeur.

(73) Voir note 17 de bas de page. Le taux d'actualisation reflète le taux d'intérêt moyen au 31 décembre 1996 pour les dettes à court et à long terme de France Télécom, pondéré par les montants respectifs de nouvelles dettes à court et à long terme contractées en 1996, que les commissaires aux comptes attribuent principalement au financement du versement de la contribution exceptionnelle à l'État français. Presque les trois quarts (72 %) de cet accroissement résultaient d'instruments à court terme (billets de trésorerie et commercial papier), dont le taux moyen pour l'année s'établissait à 4,33 % au 31 décembre 1996.

(74) Voir note 69 de bas de page.

Notes du Tableau 5 :

- (*) Cette colonne retrace la moindre contribution annuelle de France Télécom au titre de la loi de 1996 en déduisant des cotisations employeurs et employés versées le coût des prestations servies et de la charge de compensation et surcompensation que France Télécom aurait continué d'acquitter sans la réforme, tel qu'estimé par France Télécom, et corrigé par les calculs de la République française, diminuant la charge de 165 millions d'euro pour la période 1997-2010. - (**) Pour l'année 1997 où les versements de la contribution exceptionnelle ont été fractionnés jusqu'en octobre, la date de versement équivalente calculée par la République française est le 4 juin 1997. Les intérêts sont calculés à cette date.

(75) Il s'agit là d'une estimation approximative.