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Décisions

Cass. com., 9 octobre 2012, n° 11-25.518

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Falco et fils (SARL)

Défendeur :

CSF (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Rapporteur :

M. Pietton

Avocat général :

Mme Batut

Avocats :

Me Foussard, SCP Odent, Poulet

Pau, 1re ch., du 29 sept. 2011

29 septembre 2011

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 29 septembre 2011), qu'un contrat de franchise a été conclu entre la société Falco et fils (le franchisé) et la société Prodim pour l'exploitation d'un fonds de commerce sous l'enseigne "8 à huit" ; qu'ultérieurement, un contrat de partenariat a été signé entre la société Prodim et la société Codis, aux termes duquel la première a délégué à la seconde certaines de ses missions de franchiseur, tandis qu'un contrat d'approvisionnement a été conclu entre la société CSF et la société Codis Aquitaine, afin d'approvisionner les franchisés ; que le franchisé ayant mis fin au contrat le liant à la société Prodim avant terme, à l'instar des sociétés Prodim et CSF qui ont rompu leurs relations contractuelles avec la société Codis, des sentences arbitrales ont été rendues entre les différentes parties, aux termes desquelles les sociétés Prodim et CSF ont été reconnues responsables de la rupture des relations contractuelles avec la société Codis et la résiliation opérée par le franchisé a été jugée fautive ; que la société CSF, estimant qu'elle avait subi un préjudice par ricochet du fait de la rupture du contrat de franchise, a fait assigner le franchisé pour obtenir l'indemnisation de sa perte de marge sur la durée restant à courir du contrat de franchise ;

Sur le premier moyen : - Attendu que le franchisé fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer à la société CSF une indemnité en réparation du dommage subi du fait de la résiliation fautive du contrat de franchise le liant à la société Prodim, alors, selon le moyen : 1°) que les juges du second degré ont constaté, pour retenir une faute à la charge du franchisé, que celui-ci avait une obligation d'assortiment minimum, que la société CSF l'a mis en demeure de lui adresser "les cadenciers de commandes afin qu'il puisse passer ses commandes sur les entrepôts de la société CSF", qu'à compter de la rupture du contrat de franchise "il n'y a plus eu de commande de sa part au titre de l'assortiment minimum" pour conclure qu'il y a eu manquement par le franchisé "à l'obligation d'approvisionnement minimum" ; qu'ainsi les juges du second degré ont retenu une obligation du franchisé de s'approvisionner auprès de la société CSF et, dès lors qu'ils reliaient cette obligation au contrat de franchise conclu entre la société Prodim et le franchisé, ils ont mis en évidence l'existence d'une stipulation pour autrui à l'origine de rapports contractuels, laquelle excluait toute action en réparation de nature quasi-délictuelle ; qu'en décidant le contraire, pour déclarer la société CSF bien fondée à agir sur un fondement quasi-délictuel, les juges du second degré ont violé les articles 1121, 1134, 1165 et 1382 du Code civil ; 2°) qu'en tout cas, les juges du second degré ne pouvaient, sans incohérence, retenir tout à la fois une obligation du franchisé de s'approvisionner auprès de la société CSF, en rattachant cette obligation au contrat de franchise, et décider par ailleurs qu'il n'y avait eu aucune volonté des parties, lors de la conclusion du contrat de franchise, de conférer un droit au profit de la société CSF contre le franchisé ; qu'en se prononçant néanmoins de la sorte, les juges du fond ont entaché leur décision d'une contradiction de motifs, en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant souverainement retenu que la volonté de faire naître un droit dans le patrimoine de la société CSF caractérisant une stipulation à son profit n'était pas établie par les termes du contrat de franchise, qui ne prévoyait une obligation d'approvisionnement qu'à l'égard de la société Codis et n'imposait une obligation d'assortiment minimum qu'envers la société Prodim, la cour d'appel en a justement déduit qu'en l'absence de tout lien contractuel entre la société CSF et le franchisé, la responsabilité de ce dernier devait être appréciée sur le fondement de la responsabilité délictuelle ; que le moyen, qui manque en fait en sa seconde branche, n'est pas fondé en sa première branche ;

Sur le deuxième moyen : - Attendu que le franchisé fait encore le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, qu'à supposer qu'une action de nature quasi délictuelle ait pu être engagée par la société CSF à l'encontre du franchisé à raison de la méconnaissance par ce dernier d'une obligation contractuelle souscrite auprès d'un tiers, de toute façon, dans le cadre de cette action quasi délictuelle, le franchisé était lui-même autorisé à se prévaloir de la faute de la société CSF pour avoir manqué à ses propres obligations contractuelles à l'égard d'un tiers avec lequel elle s'était contractuellement engagée, en vue d'établir l'absence de lien de causalité entre le dommage invoqué et la faute imputée au franchisé ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme il leur était demandé si, en dépit de l'expiration du contrat d'approvisionnement, le franchisé n'avait pas été contraint, par suite du refus d'approvisionnement fautif de la société CSF, de se mettre en relation avec un tiers pour être approvisionné afin d'assurer la survie de l'exploitation, et si dès lors le dommage invoqué par la société CSF ne trouvait pas son origine dans sa propre faute, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu qu'après avoir constaté que la société CSF avait adressé mensuellement au franchisé, entre le 5 décembre 2005 et le 10 juillet 2006, les cadenciers lui permettant de passer ses commandes et relevé que l'existence de moyens logistiques de la société CSF permettant de le livrer n'était pas contesté, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve qui lui étaient soumis que la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, a retenu que le franchisé ne démontrait pas que la société CSF avait commis une faute à son encontre et légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le troisième moyen : - Attendu que le franchisé fait toujours le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen : 1°) que, dans ses conclusions d'appel, le franchisé faisait valoir que, en toute hypothèse, il n'était pas tenu de se fournir exclusivement auprès de la société CSF, étant parfaitement autorisé à s'approvisionner auprès de tiers ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ce point, qui était de nature à rendre incertain le préjudice invoqué, et donc à exclure la réparation, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; 2°) qu'en tout cas, l'arrêt attaqué ne saurait être considéré comme légalement justifié sur le terrain de la perte d'une chance dans la mesure où, d'une part, un tel préjudice n'a pas été invoqué, et où, d'autre part, les juges du fond ne l'ont pas davantage retenu dans leur décision ; que de ce point de vue également, l'arrêt attaqué est entaché d'un défaut de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé qu'aux termes de l'article 2-4 du contrat de franchise, le franchisé était tenu à l'égard de la société Prodim d'une obligation au titre de l'assortiment minimum, ce qui lui imposait d'offrir à la vente des produits distributeurs, et retenu qu'il n'était pas démontré que pour satisfaire à cette obligation le franchisé aurait pu se fournir auprès d'autres distributeurs que la société CSF, qui était la société du groupe Carrefour habilitée à livrer l'ensemble des marchandises à marques propres, la cour d'appel, qui a fait ressortir le caractère certain du préjudice résultant pour le fournisseur de la résiliation fautive du contrat de franchise, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.