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Décisions

CA Versailles, 12e ch., 2 octobre 2012, n° 11-04127

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Azur Technologies (SA)

Défendeur :

Nissan West Europe (SAS), Lenormant Manutention (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Rosenthal

Conseillers :

Mmes Brylinski, Poinseaux

Avocats :

SCP Pedroletti, SCP Bommart-Minault, Mes Bourlion, Jullien, Bricogne, Bourgeon

T. com. Versailles, du 29 avr. 2011

29 avril 2011

FAITS ET PROCEDURE,

Vu l'appel interjeté par la société Azur Technologies d'un jugement rendu le 29 avril 2011 par le Tribunal de commerce de Versailles lequel, rejetant le bénéfice de l'exécution provisoire :

* a débouté la société Azur Technologies de ses demandes de dommages et intérêts à l'encontre de la société Nissan West Europe et de la société Lenormant Manutention,

* a débouté la société Azur Technologies de sa demande de résiliation aux torts de la société Nissan du contrat de concession,

* a condamné la société Azur Technologies à payer aux sociétés Nissan et Lenormant Manutention la somme de 3 000 euro chacune sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

Vu les écritures en date du 20 juin 2012, par lesquelles la société Azur Technologies demande à la cour, au visa des articles 1147 et 1382 du Code civil, d'infirmer cette décision et :

* à titre principal, de dire et juger que le contrat de concession est résilié aux torts exclusifs de la société Nissan, de constater que la société Lenormant Manutention, avec le soutien de la société Nissan, a commis des actes de concurrence déloyale à son détriment,

* de condamner solidairement les sociétés Nissan et Lenormant Manutention à lui verser la somme de 1 000 000 euro en réparation de son préjudice,

* à titre subsidiaire, de condamner solidairement les sociétés Nissan et Lenormant Manutention à lui verser les sommes de :

- 200 000 euro en réparation du préjudice résultant de l'atteinte à sa réputation,

- 46 400 euro au titre de son préjudice matériel,

- 4 500 euro chacune par application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens avec distraction ;

Vu les dernières écritures en date du 10 août 2012 par lesquelles la société Nissan poursuivant la confirmation du jugement entrepris, prie la cour :

* de débouter la société Azur Technologies de l'ensemble de ses demandes,

* de la condamner à lui payer la somme de 4 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens avec distraction pour ceux d'appel ;

Vu les dernières écritures en date du 26 juillet 2012 par lesquelles la société

Lenormant Manutention demande à la cour de confirmer le jugement et :

* de condamner la société Azur Technologies à lui payer la somme de 10 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile en sus de la somme octroyée en première instance,

* de la condamner aux dépens de première instance et d'appel avec distraction ;

Vu la jonction au fond des demandes de la société Nissan et de la société Lenormant Manutention, tendant au rejet des débats des dernières conclusions et pièces de la société Azur Technologies ;

SUR CE, LA COUR,

Considérant que, pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ; qu'il convient de rappeler que :

* Le 5 février 2003, la société Nissan, importateur de chariots élévateurs, et la société Azur Technologies ont conclu un contrat de concession commerciale, exclusive sur les départements du Val d'Oise et de l'Oise, et partagée sur les départements de Paris, des Hauts de Seine, de Seine Saint Denis et de Seine et Marne, dont la résiliation était subordonnée à un préavis de six mois ;

* le 10 janvier 2010, les sociétés Nissan et Lenormant Manutention ont conclu un contrat de concession exclusive sur les départements 09, 31, 46, 81 et 82 ;

* le 26 janvier 2010, par lettre recommandée avec accusé réception, la société Nissan a notifié à la société Azur Technologies la résiliation du contrat de concession, au motif de la restructuration de son réseau de distribution, avec un préavis de dix-huit mois, au 26 juillet 2011 ;

* au cours du premier semestre 2010, avec l'assentiment de la société Nissan, les sociétés Azur Technologies et Lenormant Manutention ont engagé des pourparlers, en vue d'un éventuel rapprochement, lesquels n'ont pas abouti ;

* le 10 juillet 2010, la société Azur Technologies a demandé à la société Nissan de faire cesser les actes de parasitisme commis par la société Lenormant Manutention et de mener, ou de lui donner l'autorisation de mener, une action judiciaire à l'encontre de celle-ci ;

* le 24 novembre 2010, la société Azur Technologies a fait réaliser un constat d'huissier au salon Manutention, Equipements et Systèmes à Villepinte (Seine Saint Denis) ;

* le 7 janvier 2011, les sociétés Lenormant Manutention et Nissan ont été assignées à jour fixe, suivant autorisation du 4 janvier 2011, par la société Azur Technologies, à comparaître devant le Tribunal de commerce de Versailles à l'audience du 21 janvier 2011 ;

Considérant que les conclusions de la société Azur Technologies et ses pièces n° 57, 58, 59 et 60, signifiées et communiquées le 6 septembre 2012, soit le jour-même de la clôture des débats, n'ont pas été portées à la connaissance des intimées en temps utile au sens de l'article 15 du Code de procédure civile et seront déclarées irrecevables ;

Sur la recevabilité de l'action de la société Azur Technologies, en réparation du préjudice causé par la rupture des pourparlers d'achat de cette société :

Considérant que la société Nissan expose que les vendeurs, soit les actionnaires de la société Azur Technologies, ne sont pas parties à la procédure, et soulève l'irrecevabilité de l'action de la société ;

qu'elle observe ne pas avoir fait obstacle à ces négociations, portées à sa connaissance, postérieures à la résiliation du contrat de concession et auxquelles elle n'a pas participé ;

considérant que la société Azur Technologies reproche à la société Lenormant Manutention l'atteinte portée à sa réputation par la rupture de pourparlers, entamés après la résiliation du contrat de concession, et visant au rachat de son capital, au prétexte fallacieux du débauchage d'un agent commercial ;

qu'elle soutient qu'au mois de mai 2010, les parties étaient convenues du rachat par la société Lenormant Manutention de 47 % du capital détenu par le groupe minoritaire, au prix de 470 000 euro, et de 53 % détenus par le groupe majoritaire, au prix de 530 000 euro, soit une offre globale de 1 000 000 euro, et que seules restaient alors en discussion les questions du principe de la reprise et du salaire de son dirigeant ;

qu'elle fait valoir que, contrairement aux allégations de la société Lenormant Manutention, les pourparlers étaient toujours en cours au mois de septembre 2010, avec l'ex-épouse de son dirigeant ;

considérant que la société Lenormant Manutention fait valoir que seuls les actionnaires de la société Azur Technologies pourraient prétendre à la réparation d'un préjudice ;

qu'elle impute à la société Azur Technologies la responsabilité de la rupture en mai 2010 des pourparlers, à la suite de son refus d'intégrer son actuel dirigeant dans un projet de co-direction et soutient que la rupture de pourparlers ne peut donner lieu à réparation du gain manqué ;

considérant qu'aux termes de l'article 32 du Code de procédure civile, Est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir ;

que la société Azur Technologies n'est pas intervenue aux pourparlers menés par ses actionnaires avec la société Lenormant Manutention, portant sur la cession des titres composant son capital social ; qu'étant l'objet et non le sujet des négociations, elle ne peut se prévaloir d'un préjudice qui ne lui est pas personnel, pas plus qu'elle ne peut en demander réparation en justice pour le compte de ses actionnaires ; que sa demande sera déclarée irrecevable ;

Sur les actes de concurrence déloyale :

Considérant que la société Azur Technologies, en application de l'article 1382 du Code civil, reproche à la société Lenormant Manutention de s'être présentée comme le distributeur de la société Nissan sur les secteurs de l'Oise et du Val d'Oise, soit des actes de parasitisme ;

qu'elle produit à cet égard copie d'un mail de la société Lenormant Manutention en date du 28 juin 2010, le constat d'huissier dressé à Villepinte le 24 novembre 2010, et une plaquette publicitaire caractérisant selon elle une concurrence active ;

qu'elle recherche, sur le fondement de l'article 1147 du Code civil, la responsabilité contractuelle de la société Nissan, laquelle n'a pas donné suite à sa demande d'intervention afin de faire cesser les agissements de la société Lenormant Manutention ;

qu'elle lui reproche également sa complicité active, en contribuant aux actes de concurrence déloyale, notamment par la fourniture de drapeaux au stand de la société Lenormant Manutention au salon international de Villepinte ;

considérant que la société Lenormant Manutention conteste tout acte de concurrence déloyale, relève que la société Azur Technologies abandonne en cause d'appel ses griefs relatifs aux sociétés 3M et Sanipro, à l'égard desquelles aucun acte de prospection active ne peut lui être imputé ;

qu'elle fait valoir que son mail du 28 juin 2010 a été adressé à une société Agidis située en Seine et Marne, dont la qualité de client est douteuse, au vu de sa demande de renseignement, non sur le matériel, mais sur les concessionnaires, et de la transmission par mail de sa réponse à la société Azur Technologies deux heures après son envoi ;

qu'elle soutient son droit à participer au salon international de Villepinte en Seine et Marne et la régularité de sa plaquette publicitaire portant sur la location de matériels, sans faire apparaître sa qualité de concessionnaire, destinée à ses clients, dans sa zone géographique et n'ayant pas été utilisée lors de prospections actives ;

qu'elle conteste être entrée en possession du fichier clients de la société Azur Technologies, n'ayant obtenu, lors des pourparlers, que le fichier anonymisé du matériel en parc ;

qu'elle souligne le défaut de préjudice indemnisable, en l'absence de tout lien de causalité entre les fautes qu'elle conteste et le préjudice allégué, et à défaut de justification d'une vente manquée ou d'une baisse du chiffre d'affaires ;

considérant que la société Nissan conteste sa participation aux actes de concurrence déloyale reprochés, mais non établis, à la société Lenormant Manutention, fait valoir que les membres de son réseau peuvent participer à un salon international tel celui de Villepinte et que la société Lenormant Manutention peut proposer des chariots à la location ;

que, rejoignant les conclusions de la société Lenormant Manutention, elle observe être étrangère au mail du 28 juin 2010, manifestement obtenu de façon déloyale, ne constituant pas un véritable échange commercial et n'ayant pas débouché sur une vente, ainsi qu'au détournement de la société Sanipro, dont l'achat était antérieur à la proposition de la société Azur Technologies et portait sur un matériel différent ;

considérant que les actes de concurrence déloyale reprochés par la société Azur Technologies sont prétendument justifiés par un mail de la société Lenormant Manutention en date du 28 juin 2010, le constat d'huissier dressé à Villepinte le 24 novembre 2010, et une plaquette publicitaire de la société Lenormant Manutention ;

que la plaquette assure la publicité des offres et services de la société Lenormant Manutention, sans mentionner les produits Nissan ; que l'existence d'une agence Lenormant à Montataire (Oise), soit dans la zone de concession exclusive de la société Azur Technologies, ne peut suffire à constituer un acte de concurrence déloyale, la preuve n'étant pas rapportée de la commercialisation par cette agence des produits Nissan ;

que la société Azur Technologies ne démontre pas le caractère d'acte de concurrence déloyale que constituerait la participation de la société Lenormant Manutention au salon international de la manutention de Villepinte, situé, en tout état de cause, hors de sa zone d'exclusivité ;

que le mail en réponse, adressé le 28 juin 2010 par un préposé de la société Lenormant Manutention à un tiers et immédiatement transféré par celui-ci à la société Azur Technologies, présente la société Lenormant Manutention comme les concessionnaires exclusifs de la marque Nissan sur la région parisienne, la Picardie et d'autres régions, sans formuler la moindre proposition de matériel et de prix ; que cette réponse, ne mentionnant que des régions et non des départements, à une sollicitation, ne présente pas le caractère d'un acte de concurrence active et ne peut suffire à démontrer l'existence d'une concurrence déloyale ;

qu'il résulte de ces éléments que le rejet de la demande fondée sur la concurrence déloyale doit être confirmé ;

Sur la résiliation du contrat de concession :

Considérant que la société Azur Technologies demande la résiliation du contrat de concession aux torts exclusifs de la société Nissan, contestant, d'une part, le caractère dérisoire de ses ventes dont cette dernière fait état dans son courrier du 26 janvier 2010, alors que ses ventes de pièces détachées ont augmenté en 2010, d'autre part, l'insuffisance de son chiffre d'affaires, en l'absence d'objectif contractuellement fixé ;

qu'elle fait valoir l'absence de reproche antérieur et soutient son intégration au groupe Lenormant, avec transfert de sa clientèle à celui-ci, comme l'objectif réellement poursuivi par la société Nissan, ayant entraîné la perte d'une clientèle représentant 4,64 % de son chiffre d'affaires ;

considérant que la société Nissan, rappelant que le contrat est actuellement terminé, soutient son droit de résilier un contrat à durée indéterminée et sa bonne exécution jusqu'au terme du préavis, produisant à cet effet les bon de livraison et factures de quinze chariots en 2010 et cinq chariots au premier semestre 2011 ;

qu'elle souligne les fautes contractuelles répétées de la société Azur Technologies, mise en demeure à plusieurs reprises de payer ses factures, dans des conditions lui ouvrant la possibilité de résilier immédiatement le contrat ;

qu'elle souligne, en tout état de cause, que le préjudice, évalué à hauteur de 1 000 000 euro, ne peut correspondre à la marge, retenue au taux exorbitant de 30 %, réalisée sur 4,64 % du chiffre d'affaires de la société Azur Technologies, soit 32 000 euro ;

considérant qu'aux termes de l'article 6 du contrat de concession, Le présent contrat prendra effet à la date de sa signature.

C'est un contrat à durée indéterminée, auquel il pourra être mis fin à tout moment, par l'une ou l'autre des parties, en respectant un préavis de six mois. Dans ce cas, l'information devra être faite par lettre recommandée avec accusé de réception ;

considérant que le contrat étant venu à expiration le 28 juillet 2011, sa résiliation ne peut être prononcée ;

que, sur son caractère fautif, la société Nissan a résilié cette convention par lettre recommandée avec accusé de réception et a accordé à la société Azur Technologies un préavis de dix-huit mois, au-delà des exigences contractuelles ;

que la résiliation unilatérale, ouverte aux parties en cas de contrat à durée indéterminée, a été expressément mentionnée au contrat ; que la société Azur Technologies ne fait pas état de circonstances ayant fait dégénérer ce droit en abus, que ne peuvent constituer les simples critiques des motifs ayant amené cette décision ;

qu'il y a lieu de confirmer la décision rejetant la demande de ce chef de la société Azur Technologies ;

Sur les autres demandes :

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser totalement à la société Lenormant Manutention et à la société Nissan la charge de leurs frais irrépétibles ;

Par ces motifs : Statuant publiquement et contradictoirement, - Rejette des débats les conclusions en date du 6 septembre 2012 de la société Azur Technologies et ses pièces n° 57, 58, 59 et 60, - Confirme la décision déférée, sauf sur le rejet de la demande fondée sur la rupture des pourparlers de cession de la société Azur Technologies, - Statuant à nouveau sur ce point, Déclare la société Azur Technologies irrecevable en sa demande en réparation du préjudice occasionné par la rupture des pourparlers, - Y ajoutant, Condamne la société Azur Technologies à payer au titre de l'article 700 du Code de procédure civile la somme de 4 000 euro à chacune des sociétés la Lenormant Manutention et Nissan, - Condamne la société Azur Technologies aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.