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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 10, 17 octobre 2012, n° 11-05420

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Grenke Location (SAS)

Défendeur :

Poisson et Serougne (SCP)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Jacomet

Conseillers :

Mmes Saint Schroeder, Luc

Avoué :

SCP Naboudet-Hatet

Avocats :

Mes Guizard, Hatet Sauval, Regnault

TGI Paris, du 3 mars 2011

3 mars 2011

Vu le jugement du 3 mars 2011 par lequel le TGI de Paris a, relativement à l'inexécution par la SCP Poisson Gaillard Serougne, ci-après Poisson, de deux contrats de longue durée portant sur la location chacun d'un photocopieur, rejeté la demande de nullité de l'assignation, condamné cette dernière à payer la somme de 24 985,74 euro avec intérêts au taux légal à compter du 18 décembre 2008, rejeté les demandes de la SAS Grenke Location, ordonné l'exécution provisoire sauf sur l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens, condamné la SAS Grenke Location à payer à la SCP Poisson la somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, rejeté toute autre demande plus ample ou contraire, condamné la SAS Grenke Location aux dépens,

Vu la déclaration d'appel du 21 mars 2011 de la SAS Grenke Location,

Vu les dernières conclusions du 14 mai 2012 de la SAS Grenke Location, qui demande à la cour l'infirmation du jugement en ce qu'il a réduit l'indemnité de résiliation, la confirmation sur le surplus, la condamnation de la SCP Poisson à lui payer la somme de 92 476,23 euro majorée des intérêts légaux à compter du 18 décembre 2008, date des sommations extrajudiciaires,

Vu les dernières conclusions du 1er juin 2012 de la SCP Poisson Gaillard Serougne qui demande à la cour d'infirmer le jugement, de débouter la SAS Grenke Location de toutes ses demandes, de condamner cette dernière à lui payer des dommages et intérêts à titre principal pour la somme de 92 476,23 euro et subsidiairement pour celle de 85 806,31 euro majorée des intérêts légaux à compter de la décision à venir et ordonner la compensation entre les créances réciproques des parties, à titre infiniment subsidiaire de confirmer le jugement en ce qu'il a minoré les indemnités de résiliation et statuant à nouveau les minorer à hauteur de 23 319,68 euro sauf à titre éminemment subsidiaire à confirmer le jugement en ce qu'il les a minorées à hauteur de 24 985,74 euro, dire que les intérêts courront à compter du prononcé de l'arrêt à venir, condamner la SAS Grenke Location à lui payer la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et à régler les entiers dépens ;

Sur ce

Considérant que Grenke Location prétend que :

- vainement Poisson au regard des dispositions de l'article 2 selon lesquelles elle choisit sous sa seule responsabilité le matériel, excipe de manœuvres dolosives à raison du coût excessif du matériel, alors qu'elle aurait pu bénéficier de tarifs préférentiels et d'un engagement de maintenance, dès lorsqu'elle ne le démontre pas et que le dol doit émaner du contractant auquel on l'oppose et non d'un tiers et que l'engagement de maintenance qu'aurait souscrit le centre de bureautique ne la concerne pas,

- tout aussi vainement Poisson se prévaut de ce que le centre de bureautique serait intervenu comme son mandataire, seule la signature du locataire l'engageant, les signatures ressemblantes et émanant toutes deux de Grenke et le centre de la bureautique n'étant intervenu que comme fournisseur du matériel et la théorie du mandat apparent ne pouvant utilement être invoquée par Poisson qui est professionnel du droit à même de déceler la qualité réelle des parties s'évinçant clairement de l'acte,

- à tort encore, Poisson invoque le déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, pour ne pas bénéficier du prix de revente du matériel après sa restitution, l'équilibre des relations contractuelles ne dépendant pas du prix de revente du matériel,

- Poisson ne peut pas plus articuler une inexécution fautive de sa part à raison du prix excessif des matériels pour ne l'avoir pas fait bénéficier de l'offre spéciale de la chambre des notaires ou le caractère disproportionné des indemnités de résiliation, la rapidité de la résiliation et l'effectivité de la restitution étant sans incidence et alors qu'elle s'est bornée à solliciter les loyers impayés et ceux à échoir jusqu'au terme contractuel sans appliquer la majoration de 10 % pourtant conventionnellement prévue ;

Considérant que Poisson réplique que :

- le centre de la bureautique est intervenu comme mandataire au moins apparent de Grenke en faisant préalablement une étude, en présentant une offre de financement, en signant ce qu'elle conteste vainement les contrats de location, en assurant la livraison au nom de Grenke, en reprenant un précédent matériel, en répondant aux contestations au lieu et place de Grenke,

- le centre de la bureautique a commis des manœuvres dolosives en ne lui révélant pas qu'elle avait négocié un prix d'achat préférentiel avec la chambre des notaires plus de trois à quatre fois moins cher, en réalisant une analyse financière défavorable, en prétendant assurer une maintenance dont elle ne bénéficiait en fait pas,

- par suite de l'absence de prise en compte du prix de revente après restitution, le contrat révélait un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties,

- l'exécution est fautive du chef de Grenke à raison du caractère disproportionné des indemnités de résiliation, du prix excessif d'achat des matériels, en se désintéressant totalement du prix de revente accusant une moins-value de près de 97 % pour un matériel n'ayant servi que trois mois,

- en tout état de cause, il y a lieu de minorer les indemnités de résiliation qui, en l'espèce ont la nature d'une clause pénale tandis que les intérêts de retard à raison de leur caractère indemnitaire ne peuvent courir qu'à compter de la décision à venir ;

Considérant que, selon document du 20 juin 2008, le centre de la bureautique établissait une analyse des besoins pour l'étude de notaires Poisson pour des montants mensuels de 2 051,27 euro TTC et 1 440 euro TTC,

Que selon deux contrats distincts, l'un du 2 juillet, l'autre du 2 septembre 2008, l'étude de notaires Poisson a loué à Grenke Location deux photocopieurs de marque Ricoh, le premier moyennant 21 trimestrialités de 2 070 euro HT, le second selon 21 trimestrialités de 2 250 euro HT, chacun de ces contrats comportant la signature du locataire et celle valant acceptation du bailleur,

Que chacun de ces contrats a fait l'objet d'une confirmation de livraison le 30 juillet 2008 sur un document de Grenke Location, avec la mention au titre du fournisseur du centre de la bureautique Actavie, et comportant le cachet de ce dernier outre une double signature et celle du locataire attestant la conformité du matériel et de son installation,

Que les matériels, objet de la location, ont donné lieu chacun, le 2 septembre à une facture du fournisseur acquittée par Grenke Location d'un montant de 41 142,40 euro TTC pour le premier photocopieur et d'un montant de 45 303,28 euro TTC pour le second,

Que par lettre du 29 septembre 2008, le centre de la bureautique protestait contre diverses contestations de l'étude Poisson et le 9 octobre 2008 cette dernière transmettait à Grenke Location copie d'une lettre au centre de la bureautique par laquelle elle récapitulait ses griefs en lui demandant de rétablir la situation initiale,

Que se prévalant d'échéances impayées, à raison des rejets des prélèvements à compter du 1er octobre 2008, Grenke Location résiliait chacun de ces contrats en réclamant outre la restitution de matériels suivant décompte de résiliation les sommes de 44 308,59 euro TTC et 48 167,64 euro TTC,

Que par deux lettres distinctes du 18 décembre 2008 afférentes à chacun des contrats, Grenke, visant la clause résolutoire, mettait en demeure Poisson de restituer les matériels et de payer les indemnités de résiliation suivant décompte,

Que les matériels étaient restitués suivant constat d'huissier du 11 février 2009 et revendus le 11 mars 2009 pour les montants de 1 196 euro TTC et 1 435,20 euro TTC.

Considérant que vainement Poisson excipe des fautes commises par la société Centre de la bureautique en qualité de mandataire de Grenke, fût-ce à tire de mandataire apparent dès lors que par d'exacts motifs que la cour adopte, cette qualité était exclue par les dispositions de l'article 2 des contrats, exactement rapportées par le tribunal, selon lesquelles le locataire choisissait sous sa seule responsabilité les produits, le bailleur ne pouvant être recherché à ce titre ni au titre d'un devoir d'information et de conseil du vendeur, l'engagement du bailleur consistant exclusivement et ce à partir de la conclusion du contrat à se porter acquéreur des produits en versant le prix au fournisseur et à les donner en location au locataire, que le fournisseur n'est pas intervenu au contrat de location, que la responsabilité de ce prétendu mandataire ne peut être utilement recherchée faute pour Poisson de l'avoir attrait à la procédure ;

Considérant que, encore à tort, Poisson excipe du déséquilibre significatif des droits et obligations des parties au sens de l'article L. 442-6 I 2° du Code de commerce pour ne pas avoir prévu que le prix de revente des matériels restitués viendrait en déduction de l'indemnité de résiliation, sauf le cas où par ses stipulations elle serait constitutive d'une clause pénale, dès lors que l'indemnité de résiliation a pour objet de compenser le déséquilibre contractuel résultant pour le bailleur financier du fait de la résiliation anticipée de la perte des loyers jusqu'au terme contractuel, tandis que le bailleur resté propriétaire du bien loué est fondé à le revendre sans que le locataire puisse exciper d'un droit quelconque sur le prix de revente ;

Considérant que Poisson ne peut pas plus se prévaloir d'une exécution fautive du contrat par Grenke pour avoir acquis le matériel à un prix excessif compte tenu des prix pratiqués par la chambre des notaires pour le même type de matériels et les avoir revendus après trois mois d'utilisation à un prix dérisoire sans en faire bénéficier le locataire dès lors que le locataire avait choisi le matériel sous sa seule responsabilité auprès du fournisseur ce qui fait obstacle à ce qu'il prétende en ignorer le prix,

qu'adhérente à la chambre des notaires Poisson était à même de disposer des meilleures informations quant aux prix pratiqués par cette dernière, qu'aucune disposition contractuelle ne lui imposait de faire bénéficier le locataire du prix de revente tandis que de la faiblesse de ce prix ne saurait se déduire une exécution fautive qui n'est pas autrement caractérisée ;

Considérant que Poisson soutient encore que l'indemnité de résiliation qui lui a été appliquée constituerait en l'espèce une clause pénale que le juge peut réduire si elle est manifestement excessive ;

Considérant que l'indemnité de résiliation telle que stipulée comprenait les loyers impayés échus à la date de résiliation, les loyers à échoir jusqu'au terme contractuel initial, outre une majoration de 10 % sur l'ensemble des sommes dues, qu'une telle clause par la majoration qu'elle ajoute aux loyers échus à la date de résiliation et ceux à échoir qui dans son application peut conduire à une indemnisation supérieure au préjudice réellement subi s'analyse en une clause pénale alors même que la majoration n'aurait pas été en l'espèce appliquée dès lors qu'elle ne prévoit pas de faire bénéficier le locataire du prix de revente, ce qui ouvre la faculté au juge de la réduire si par son application elle se révèle manifestement excessive ;

Considérant que, par ses effets, la clause pénale était manifestement excessive puisque faute de prévoir au profit du locataire une déduction du prix de vente, elle a conduit à revendre un matériel standard en bon état après trois mois d'utilisation et au bout de moins de six mois à un montant dérisoire, le bailleur s'abstenant de toute négociation véritable, privant ainsi même si aucune faute n'a été caractérisée le locataire de toute chance de réduire le montant de l'indemnité de résiliation, que par ces motifs, le jugement est confirmé en ce qu'il a réduit aux montants retenus comme manifestement excessives les indemnités de résiliation ;

Considérant que, à tort, Poisson prétend que les intérêts sur la clause pénale ainsi réduite ne peuvent courir qu'à compter du présent arrêt dès lors que la modération par le juge d'une peine convenue entre les parties ne fait pas perdre à cette peine son caractère d'indemnité forfaitaire contractuellement convenue pour le cas d'inexécution par une partie de ses obligations en sorte que les intérêts au taux légal sont dus à compter de la mise en demeure valant sommation de payer du 18 décembre 2008 ;

Considérant que les conditions d'application de l'article 700 du Code de procédure civile ne sont pas réunies, le jugement étant confirmé sur l'application de cet article ;

Considérant que Grenke est condamnée aux dépens d'appel, le jugement étant confirmé en ses dispositions relatives aux dépens ;

Par ces motifs : Confirme le jugement, y ajoutant, Condamne la SAS Grenke Location aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.