Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 10, 21 mars 2012, n° 10-12365

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Arban-Grosfillex (SARL)

Défendeur :

Axe Expansion (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Jacomet

Conseillers :

M. Schneider, Mme Saint-Schroeder

Avoué :

SCP Mira-Bettan

Avocats :

Mes Huyghe, Meillassoux, Charriere-Bournazel

T. com. Paris, du 27 mai 2010

27 mai 2010

Vu le jugement rendu le 27 mai 2010 par le Tribunal de commerce de Paris qui a :

- condamné la SARL Arban-Grosfillex à payer à la SARL Axe Expansion la somme de 10 764 euro TTC au titre de factures impayées avec intérêts au taux légal à compter du 11 juillet 2007 outre capitalisation dans les termes de l'article 1154 du Code civil, la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et à régler les dépens, l'exécution provisoire étant ordonnée et les parties déboutées du surplus de leurs demandes ;

Vu l'appel interjeté le 15 juin 2010 par la SARL Arban-Grosfillex,

Vu les conclusions d'appelante prises le 15 octobre 2010 par la SARL Arban-Grosfillex qui demande à la cour de :

- infirmer le jugement sauf en ce qu'il a écarté l'application de la clause pénale et rejeté la demande de condamnation pour procédure abusive, et celle en paiement des factures des 9 mai et 13 juin 2007,

- sur le fondement du dol et subsidiairement de l'erreur prononcer la nullité du contrat du 15 novembre 2006, la nullité de la facture du 29 novembre 2006, 13 mars, 9 mai et 13 juin 2007 émises sur le fondement de cet ordre de publicité, ordonner la restitution de la somme de 10 764 euro TTC réglée par elle à la SARL Axe Expansion avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 27 mars 2007 outre capitalisation dans les termes de l'article 1154 du Code civil,

- à titre subsidiaire dire que la convention doit être interprétée en ce sens qu'elle n'est engagée que pour une parution unique au coût de 4 500 euro HT,

- en tout état de cause, débouter la SARL Axe Expansion de toutes ses demandes, la condamner à lui payer la somme de 15 000 euro en réparation du préjudice subi, celle de 8 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et à régler les entiers dépens de première instance et d'appel, la SARL Axe Expansion étant en outre condamnée à publier dans les premiers numéros des journaux Figaro Magazine, le Nouvel Economiste, l'Express, le Point, suivant la signification 'du jugement à intervenir' le dispositif de la décision qui sera rendue, le communiqué devant-être rédigé en caractères gras, noirs sur fond blanc et encadré d'un trait noir de 0,20 mn d'épaisseur,

Vu les dernières conclusions du 20 janvier 2011 de la SARL Axe Expansion, intimée, qui demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

' débouté la SARL Arban-Grosfillex de l'intégralité de ses demandes,

' condamné cette société à lui payer la somme de 10 764 euro TTC au titre des factures impayées avec intérêts au taux légal à compter du juillet 2007, outre capitalisation dans les termes de l'article 1154 du Code civil, celle de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, et à régler les dépens,

- condamner la SARL Arban-Grosfillex à lui payer la somme de 21 258 euro avec intérêts au taux légal à compter du 11 juillet 2007 au titre des factures impayées, celle de 6 458,40 euro avec intérêts au taux légal à compter du 11 juillet 2007 au titre de la clause pénale, celle de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouter la SARL Arban-Grosfillex de l'intégralité de ses demandes ;

Vu les conclusions du 30 septembre 2011 par lesquelles la SARL Axe Expansion demande le renvoi de l'affaire devant la cour autrement composée ;

Vu l'ordonnance de clôture du 29 novembre 2011.

Il y a lieu de rappeler ce qui suit :

- la SARL Axe Expansion édite un magazine sous le titre Commerce International,

- le 15 novembre 2006 la SARL Arban-Grosfillex ayant pour activité la vente et toutes activités commerciales et industrielles relatives aux fermetures en matière plastique pour l'habitat, a signé un ordre de publicité daté du même jour qui porte en en-tête, d'abord en gros caractères 'CI Commerce International' puis en dessous en petits caractères une mention illisible mais dont le support révèle qu'il s'agit de 'l'actualité des chambres de commerce et d'industrie dans le monde' et ensuite 'bureau de coordination : Axe expansion suivi d'une adresse' ;

- cet ordre mentionne successivement sous la rubrique nombre de parutions le nombre 4 en chiffres et en lettres, le format désiré soit une page, le montant de la parution HT 9 500euro, la TVA au taux de 19,60 % soit 1 764 euro, et enfin le montant TTC 10 764 euro ; dans la colonne observations ne figure aucune mention ;

- le 29 novembre 2006, la société Axe Expansion a facturé la somme de 10 764 euro TTC pour une parution dans le numéro 31 de Commerce International ; cette facture a été payée par la société Arban-Grosfillex ;

- dans ce numéro figure un article rédactionnel présentant cette société sous un jour favorable ;

- le 13 mars, 9 mai, 13 juin 2007 la SARL Axe Expansion a adressé des factures pour trois nouvelles parutions ;

- par lettre du 27 mars 2007 la société Arban-Grosfillex retournait la facture du 13 mars 2007 en indiquant ne s'être engagée que pour une parution ;

- le 26 avril 2007, la SARL Axe Expansion s'opposait à cette rétention et réclamait le paiement de cette deuxième facture, en se fondant sur l'ordre de publicité qui mentionnait quatre parutions ;

- le 9 mai et le 13 juin 2007 la SARL Axe Expansion adressait deux factures pour de nouvelles parutions ;

- le 16 mai 2007 la société Arban-Grosfillex confirmait le règlement des deuxième et troisième factures sous réserve d'une remise sur ces dernières les ramenant à un total de 10 000 euro HT et de l'annulation de la quatrième facture, proposition que rejettera le jour même la SARL Axe Expansion, ce dont s'étonnera le 30 mai 2007 la société Arban-Grosfillex ;

- le 11 juillet 2007, la SARL Axe Expansion par son conseil mettait en demeure la société Arban-Grosfillex de payer les trois factures des mois de mars, mai et juin 2007 en la menaçant de poursuites judiciaires, qui conduira cette dernière à rappeler le 20 juillet 2007 sans contester qu'un contrat avait été formé qu'elle n'avait jamais souhaité s'engager pour quatre parutions et à réclamer un geste commercial ;

- le 23 juillet 2007 la SARL Axe Expansion proposait une nouvelle parution gratuite à une date du choix de la société Arban-Grosfillex mais exigeait en contrepartie un chèque de 32 292 euro en règlement des trois factures litigieuses ;

- le 26 juillet 2007 cette dernière déclinera cette offre et proposera pour clore le litige un règlement de 26 000 euro ce qu'elle réitérera le 11 septembre 2007 ;

- le 28 janvier 2008 la SARL Axe Expansion a délivré l'assignation en paiement des factures litigieuses à l'origine du jugement déféré ;

Sur ce

Considérant que si la cour, chambre 5-10 a statué dans des espèces similaires notamment le 5/10/2011, cette formation est actuellement autrement composée, puisque deux des magistrats ayant statué le 5/10/2011 n'en font plus partie, que la circonstance qu'un seul magistrat ayant connu de ces espèces similaires fasse partie de cette formation n'est pas de nature à entraîner l'application de l'article 6 de la CEDH ;

Considérant que, pour critiquer le jugement sur les condamnations prononcées, la société appelante prétend que :

- le présent litige s'inscrit dans le cadre des 64 contentieux connus qui ont opposé des annonceurs à la société Axe Expansion à raison des manœuvres de cette dernière par laquelle, revendiquant une diffusion internationale du magazine qu'elle édite et se présentant comme un organisme quasi officiel, organisant des rencontres, faisait signer un ordre de publicité volontairement erroné, ambigu et trompeur lui permettant de prétendre que l'annonceur n'était engagé que pour une seule parution et d'en facturer plusieurs auxquelles elle procédait sans avertissement préalable et malgré les protestations lui permettant de multiplier par quatre ou cinq la rémunération convenue, procédés que la Cour de cassation a condamnés,

- dans le cas de l'espèce elle a été exposée à un démarchage commercial avec une présentation trompeuse s'appuyant sur une documentation commerciale mensongère les informations données sur le site Axe Expansion n'ayant jamais pu être vérifiées, et des engagements commerciaux non tenus, procédés constitutifs d'une pratique commerciale trompeuse sanctionnée pénalement,

- les manœuvres dolosives sont caractérisées par :

' un ordre de publicité ambigu évoquant une seule parution sans information sur le prix global pour les parutions multiples prétendues ni communication préalable des conditions générales de vente,

' une première parution forcée sans bon à tirer ni facturation préalables faisant obstacle à toute opposition,

' de nouvelles parutions malgré l'opposition de l'annonceur donnant lieu à l'émission de factures postérieures à ces parutions,

- ces manœuvres dolosives justifient la nullité de l'ordre de publicité avec restitution corrélative des sommes versées et allocation de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du temps passé pour gérer ce dossier et de l'utilisation abusive de son nom,

- subsidiairement la nullité de l'ordre de publicité est encourue à raison d'une erreur déterminante sur le nombre de parutions et le prix à payer,

- plus subsidiairement encore il y a lieu d'annuler les factures autres que la première en raison de l'absence de bon à tirer préalable et de l'interprétation nécessaire de l'ordre de publicité en ce sens qu'il ne portait que sur une parution ;

- la publication judiciaire s'impose à titre de mesure réparatoire ;

Considérant que la SARL Axe Expansion réplique que :

- la qualité du support qu'elle édite est avérée et a été reconnue par les acteurs et des personnalités du mode économique et politique,

- les stipulations de l'ordre de publicité étaient claires, le nombre de parutions étant inscrit en chiffres et en lettres ainsi que le prix d'une parution,

- l'ordre de publicité a été signé par un professionnel parfaitement averti qui n'a pu se méprendre sur la portée de son engagement,

- aucune manœuvre dolosive n'a été caractérisée,

- des juridictions du premier ressort et d'appel ont reconnu de tels ordres valables,

- dans l'arrêt qu'elle a rendu le 7 juillet 2009, la Cour de cassation n'a pas démontré l'ambiguïté de l'ordre de publicité qui ne pêchait que par manque d'une multiplication faisant apparaître le prix total ;

- au regard de la volonté commune des parties, et eu égard au nombre de parutions et au prix unitaire indiqués, et au caractère non exorbitant de ce prix par rapport à la qualité du support, la SARL Axe Expansion était fondée à penser que la société Arban-Grosfillex s'était engagée sur un montant correspondant au prix de quatre parutions ;

- sa demande d'application de la clause pénale est justifiée.

Considérant que, pour caractériser les manœuvres dolosives et subsidiairement l'erreur ayant vicié son consentement, la SARL Arban-Grosfillex se fonde sur les mentions figurant à l'ordre de publicité associée aux agissements lui ayant fait croire à la qualité du support, par sa référence internationale et au fait que de nombreuses sociétés ont été victimes des même agissements ;

Mais considérant que ces agissements associés ne sont étayés d'aucun élément précis ;

Considérant en outre que les mentions portées sur l'ordre de publicité et la seule circonstance que le nombre de parutions soit indiqué par un chiffre 4 n'est pas de nature, en l'espèce, à caractériser une manœuvre dolosive, étant observé que ce chiffre est suivi d'une mention en lettres ;

Considérant cependant que, à l'exception du nombre de parutions, toutes les autres mentions évoquent une parution unique, le prix et ses modalités de paiement, la remise exceptionnelle pratiquée, la date de parution, que les dates des autres parutions ne sont nullement précisées ni celles de leur paiement, que lorsque l'engagement porte sur plusieurs parutions, l'engagement souscrit n'est clair que s'il mentionne le prix global, qu'il s'ensuit que, l'ordre de publicité est ambigu et qu'il y a lieu de l'interpréter ;

Considérant que, au regard des mentions précédemment rappelées et de l'unique référence au chiffre 4 se rapportant au nombre de parutions dont les dates et modalités de paiement n'étaient pas précisées, de la circonstance qu'un acte ambigu s'interprète contre celui qui stipule, en l'espèce la SARL Axe Expansion, et du fait que dès l'émission de la deuxième facture la société Arban-Grosfillex a indiqué qu'elle ne s'était engagée que sur une parution, il y a lieu d'interpréter l'ordre de publicité en ce qu'il ne comportait pour cette dernière que l'obligation de payer une seule parution ce qui constituait la limite de son engagement ;

Considérant qu'au regard de cette interprétation est dénuée de portée l'argumentation développée par l'annonceur sur le fondement de l'erreur déterminante sur le nombre de parutions et le prix global ;

Considérant qu'il s'ensuit que, tant les manœuvres dolosives que l'erreur n'ayant pas été caractérisées, et la SARL Arban-Grosfillex s'étant engagée pour une parution, il n'y a lieu de prononcer la nullité de l'ordre de publicité ;

Considérant que, par voie de conséquence, au regard de l'interprétation donnée à l'ordre de publicité, la société Arban-Grosfillex est déboutée de sa demande de restitution du montant du paiement afférent à la première parution, et déchargée du paiement des montants liés aux autres parutions, sans qu'il y ait lieu de prononcer l'annulation de factures privées de toute force exécutoire ;

Considérant que le jugement est donc réformé en ce qu'il a condamné la société Arban-Grosfillex à payer le montant de 10 764 euro afférent à la parution du mois de mars 2007 ;

Considérant qu'il résulte du sens de cet arrêt que la SARL Axe Expansion est déboutée de sa demande d'application de la clause pénale puisque la SARL Arban-Grosfillex avait exécuté la seule obligation de paiement qui lui incombait ;

Considérant qu'il n'y a lieu d'ordonner la restitution des sommes non dues, le présent arrêt valant, en tant que de besoin, ordre pour la SARL Axe Expansion de restituer à la société Arban-Grosfillex les sommes non dues par cette dernière qu'elle a payée ;

Considérant que la société Arban-Grosfillex est déboutée de sa demande de dommages et intérêts, cette dernière ne justifiant d'aucun préjudice autre que

la nécessité d'exercer ses droits en justice qui relève des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile dont elle réclame par ailleurs le bénéfice étant observé que cette société ne peut utilement se plaindre de ce que la SARL Axe Expansion l'a revendiquée comme annonceur compte tenu de ce qui a été dit ;

Considérant qu'il n'y a lieu d'ordonner la publication judiciaire du dispositif du présent arrêt, au regard des motifs qui ont été retenus et une telle mesure ne pouvant être ordonnée qu'à titre de dommages intérêts complémentaires dans la limite d'un montant que cet annonceur n'a pas précisé ;

Considérant que l'équité commande de condamner la SARL Axe Expansion à payer la somme de 8 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile à la société Arban-Grosfillex ;

Considérant que la SARL Axe Expansion est condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel, le jugement étant donc réformé en ses dispositions relatives aux dépens ;

Par ces motifs : Réforme le jugement sauf en ce qu'il a débouté la SARL Arban-Grosfillex de sa demande en restitution de la somme correspondant au paiement de la première facture et débouté la SARL Axe Expansion de ses demandes au titre de la clause pénale et en dommages et intérêts pour procédure abusive ; Statuant à nouveau et y ajoutant ; Dit que l'ordre de publicité s'interprète en ce sens que la SARL Arban-Grosfillex n'était tenue que de payer une seule parution, soit la somme de 10 764 euro TTC ; Dit que le présent arrêt vaut en tant que de besoin ordre pour la SARL Axe Expansion de restituer à la société Arban-Grosfillex les sommes non dues par cette dernière qu'elle a payées ; Condamne la SARL Axe Expansion à payer à la SARL Arban-Grosfillex une somme de 8 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Rejette le surplus des demandes ; Condamne la SARL Axe Expansion aux entiers dépens de première instance et d'appel ; Admet Me Huyghe au bénéfice de l'article 699 du Code de procédure civile.