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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 9 décembre 2011, n° 10-03026

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Esearch Vision (SA)

Défendeur :

Multipass (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bouly de Lesdain

Conseillers :

Mme Chandelon, M. Schneider

Avoués :

SCP Hardouin, Me Couturier

Avocats :

Mes Ayache, Lumeau

T. com. Paris 8e ch., du 20 janv. 2010

20 janvier 2010

La société Esearch Vision a pour objet social la fourniture de prestations de services de publicité sur Internet.

La société Multipass, qui commercialise les coffrets "Wonderbox", lui a passé commande, le 15 mars 2006, de l'accès et de la formation à l'application Esearchvision ainsi que de l'achat d'espaces publicitaires auprès de différents supports.

Reprochant à sa cliente d'avoir rompu le contrat sans respecter le préavis contractuel, la société Esearch Vision a engagé la présente procédure par exploit du 25 février 2009.

Par jugement du 20 janvier 2010, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de Paris a condamné la société Multipass à payer à la société Esearch Vision 18 500,70 euro de dommages intérêts et 4 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par déclaration du 16 février 2010, la société Esearch Vision a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du Code de procédure civile, déposées le 9 septembre 2011, la société Esearch Vision demande à la cour de :

- infirmer le jugement du chef du quantum alloué,

- condamner la société Multipass à lui payer la somme de 110 353,60 euro de dommages intérêts portant intérêts au taux légal capitalisés à compter du 29 août 2008,

- condamner la société Multipass à lui payer une indemnité de 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du Code de procédure civile, déposées le 15 septembre 2011, la société Multipass demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a constaté la reconduction tacite du contrat à compter du 15 mars 2006 et rejeté l'application de la clause résolutoire,

- subsidiairement, confirmer le montant de l'indemnisation allouée par les premiers juges,

- condamner la société Esearch Vision au paiement d'une indemnité de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

CELA ETANT EXPOSE,

LA COUR,

Considérant que l'article 13.2 des conditions générales du contrat signé dispose :

"Le client peut résilier le Contrat de plein droit, sans délais et formalités judiciaires, à tout moment en cas de manquement par Esearch Vision à son obligation de fournir les prestations commandées (...).

Pendant une période de 4 mois le Client aura la possibilité de résilier à tout moment le contrat sans pénalités.

A l'issue de la période de 4 mois le contrat sera renouvelé par tacite reconduction par périodes de 12 mois. Le client aura alors la possibilité de résilier le contrat moyennant un préavis de 3 mois avant la date d'échéance par courrier recommandé avec avis de réception (...)" ;

Considérant qu'en l'espèce, le contrat n'étant pas dénoncé le 15 juillet 2006, s'est poursuivi par périodes annales à compter de cette date ;

Considérant que par courrier daté du 21 juillet et dont la société Esearch Vision a accusé réception le 23 suivant, la société Multipass a résilié, sans préavis, la convention signée ;

Considérant que pour conclure à l'infirmation du jugement, la société Multipass soutient qu'en répondant, le 27 mai 2008, à l'appel d'offre qu'elle avait lancé dès le 18 avril 2008 auprès des sociétés de référencement pour signer un nouveau contrat à compter du 19 juillet 2008, la société Esearch Vision aurait renoncé à se prévaloir du préavis contractuel ;

Mais considérant, outre que la renonciation à un droit ne se présume pas, qu'aucune des pièces produites n'établit que la société Multipass ait lancé un appel d'offres le 18 avril 2008, date en toute hypothèse postérieure au 15 avril, dernier jour utile pour respecter le préavis contractuel ;

Que les courriels versés se bornent à démontrer que la société Esearch Vision a, à la demande de sa cliente, émis, le 27 mai 2008, une nouvelle proposition commerciale dont les parties ont discuté le 9 juin 2008 ;

Que cet argument ne peut prospérer ;

Considérant que la société Multipass soutient en second lieu que la société Esearch Vision n'a pas réalisé l'objectif qui lui avait été assigné, qu'elle analyse comme une obligation de résultat, exposant qu'au cours des mois précédents la résiliation du contrat ses ventes ont chuté, tendance qui s'est inversée dès les premières semaines de prestations de la société de référencement concurrente ;

Mais considérant que le contrat signé ne met à la charge de la société Esearch Vision aucune obligation de résultat quant à l'impact de la publicité qu'elle met en œuvre, notamment par l'achat de mots clés auprès des supports publicitaires ;

Qu'elle n'est pas associée au succès commercial de la cliente et que l'article 13.2 alinéa 1 précité se borne à lui imposer d'exécuter les commandes qui lui sont passées, achat d'espaces publicitaires ou réalisation de campagnes marketing ;

Qu'aucune pièce n'est communiquée permettant de retenir d'éventuels manquements du prestataire qui ne sauraient résulter de la seule baisse des ventes enregistrée ;

Considérant ainsi que c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que le contrat ne pouvant, le 21 juillet 2008, être dénoncé qu'à effet au 15 juillet 2099, la société Multipass devait indemniser le préjudice subi par la société Esearch Vision jusqu'à cette date ;

Considérant que pour l'évaluer ils ont constaté que d'août 2008 à juillet 2009 inclus, le successeur de la société Esearch Vision avait perçu une rémunération de 61.699 euro, allouant à cette dernière 30 % de ce montant ;

Considérant que la société Esearch Vision sollicite 110 353,60 euro correspondant au pourcentage contractuel promis, 15% hors taxes du budget brut des campagnes, d'un montant, sur la période considérée du 21 juillet 2008 au 14 juillet 2009, de 615 126 euro, majoré de la TVA ;

Mais considérant que cette demande ne peut prospérer dès lors que le préjudice subi ne correspond pas au chiffre d'affaires manqué qui ne prend pas en compte les frais exposés mais à la marge bénéficiaire susceptible d'être dégagée ;

Considérant qu'en l'absence de tout élément comptable, le pourcentage de marge brut de 30 % retenu par la juridiction consulaire, qui est celui généralement observé dans de telles entreprises peut être retenu ;

Mais considérant que ce pourcentage doit être appliqué en fonction du budget dit "media sponsoring", d'un montant de 615 126 euro sur la période considérée, et non par référence à la rémunération versée au nouveau prestataire dont les pièces produites établissent qu'elle était d'un montant inférieur à celle à laquelle aurait pu prétendre la société Esearch Vision ;

Considérant encore que la société Multipass ne peut proposer un calcul basé sur un budget inférieur au motif qu'elle n'avait conféré aucune exclusivité à la société Esearch Vision alors que ses pièces démontrent qu'elle a toujours désigné un unique mandataire pour le service considéré ;

Considérant ainsi que le calcul de son préjudice, dont il convient d'exclure la TVA, s'établit comme suit :

615 126 x 15 % x 30 % = 27 680,67 euro, somme qu'il convient, infirmant le jugement déféré, d'allouer à l'appelante ;

Considérant que l'équité ne commande pas de majorer l'indemnité allouée par les premiers juges sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Par ces motifs : Infirme le jugement entrepris du chef du quantum alloué ; Condamne la société Multipass à payer à la société Esearch Vision 27 680,67 euro de dommages intérêts ; Confirme pour le surplus les dispositions du jugement non contraires au présent arrêt ; Déboute les parties de leurs autres demandes ; Condamne la société Multipass aux dépens avec distraction au profit de l'avoué concerné dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.