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Décisions

CA Aix-en-Provence, 2e ch., 28 mars 2012, n° 10-22732

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Immobiliere Barbey (SARL)

Défendeur :

Immomedia Communication (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Simon

Conseillers :

MM. Fohlen, Prieur

Avocats :

SCP Boissonnet Rousseau, SCP Magnan

T. com. Nice, du 5 nov. 2010

5 novembre 2010

Faits - procedure - demandes :

Par contrat du 5 novembre 2008 la SARL Immobiliere Barbey a passé un ordre d'insertion publicitaire dans 6 numéros du magazine Maisons & Appartements édité par la SARL Immomedia Communication ; le prix prévu de de 19 584 euro HT soit 23 422,46 euro TTC a été, grâce à des remises et dégressifs, réduit à 3 600 euro HT soit 4 305,60 euro TTC ; en outre il est stipulé dans les conditions générales de vente :

- par l'article 7 que ces remises et dégressifs permettant ces réductions seront automatiquement annulés en cas de non-paiement par l'annonceur ;

- par l'article 8 une clause pénale de 25 % et un taux d'intérêt de 1,1 % par mois pour les sommes restant dues par le même.

L'Immobiliere Barbey n'a réglé à la société Immomedia que la somme de 717,60 euro soit 1/6ème du prix de 4 305,60 euro TTC

Le 1er juin 2010 la société Immomedia a assigné l'Immobiliere Barbey devant le Tribunal de commerce de Nice, qui par jugement réputé contradictoire du 5 novembre 2010 a condamné la seconde à payer à la première, avec exécution provisoire, les sommes de :

* 22 824,46 euro (23 422,46 + frais de relance pour 119,60 - ces 717,60) en principal,

* 5 706,12 euro au titre de la clause pénale,

avec intérêts de retard au taux conventionnel de 1,1 % par mois à compter de la date du premier incident de payer soit le 28 avril 2009 jusqu'au parfait paiement ;

* 1 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La SARL Immobiliere Barbey a régulièrement interjeté appel le 20 décembre 2010. Par conclusions du 26 janvier 2012 elle soutient notamment que :

- le prix avant remise représente 5 fois le prix normal d'une annonce et cette remise est ainsi de 80 % ; elle a cru contracter pour ce prix normal, et son consentement a été vicié par erreur sur les qualités substantielles du contrat et notamment les prix et prestation ;

- ce prix avant remise est manifestement disproportionné par rapport au service effectivement rendu au sens de l'article L. 442-6-I-1° du Code de commerce, et les concurrents de la société Immomedia pratiquent un prix d'environ 600 euro HT ; son adversaire n'a pas, en cas de manquement à ses obligations d'éditeur, souscrit d'engagement similaire à la perte de la réduction de 80 % ;

- la clause faisant perdre le bénéfice de la remise est à requalifier en clause pénale.

L'appelante demande à la cour de réformer le jugement et de :

- dire que le contrat est entaché de nullité, condamner la société Immomedia à lui restituer la somme de 35 603,33 euro, et donner acte à elle-même de ce qu'elle propose de dédommager l'intimée à hauteur de la somme de 2 930,20 euro ;

- à défaut de prononcer la nullité du contrat dire que la responsabilité de la société Immomedia est engagée, et condamner celle-ci à lui payer à titre de dommages et intérêts la somme de 30 113,82 euro ;

- à défaut d'admettre cette responsabilité requalifier la clause en clause pénale, et réduire le montant de l'indemnité (80 % du prix soit 19 116,86 euro) à l'euro symbolique ;

- en tout état de cause réduire substantiellement cette clause pénale de 5 706,12 euro ;

- condamner la société Immomedia à payer une somme de 4 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner la même aux dépens de première instance et d'appel, en ce les frais d'exécution pratiquée en vertu du jugement.

Par conclusions du 3 juin 2011 la SARL Immomedia Communication répond notamment que :

- elle a parfaitement respecté ses obligations contractuelles, à la différence de son adversaire ;

- les remises et dégressifs sont conditionnés au respect par l'Immobiliere Barbey des conditions générales de vente et des conditions de règlement ;

- le contrat ne constitue pas un agissement illicite au sens de l'article L. 442-6-I-1° du Code de commerce qui régit le secteur de la moyenne et grande distribution ;

- l'annulation des remises et dégressifs de l'article 7 des conditions générales de vente n'est pas une clause pénale ; cette dernière de 25 % prévue par l'article 8 ne revêt pas un caractère manifestement excessif.

L'intimée demande à la cour de confirmer le jugement et vu les articles 1134, 1147 et suivants du Code Civil de :

- dire et juger que l'Immobiliere Barbey s'est engagée en parfaite connaissance de cause du mécanisme contractuel de re-facturation des remises et dégressifs accordés en cas de non-respect ou interruption prématurée du contrat conclu le 5 novembre 2008 ;

- dire et juger que la même a émis un consentement libre et pleinement éclairé lors de la conclusion de ce contrat qui fait la loi des parties ;

- condamner l'Immobiliere Barbey au paiement d'une somme de 2 500 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 février 2012.

Motifs de l'arrêt :

L'Immobiliere Barbey, qui est une professionnelle tant du commerce que de l'immobilier, sait qu'un contrat est le résultat de négociations entre les parties, et que pour emporter son accord la société Immomedia a proposé de diminuer le prix des insertions publicitaires ; pour autant la première société, parce que le contrat du 5 novembre 2008 stipule très clairement un prix de départ réduit ensuite de 81,62 %, ne démontre nullement que son consentement ait été vicié, ni le fait que le prix après remises et dégressifs soit 600 euro HT correspond à ceux de la concurrence ; en effet cette dernière facture la même prestation soit 1 page entière de publicité à :

- 960 euro HT pour Belles Demeures ;

- 1 354,69 euro HT pour Proprietes de France ;

- 1 568,80 euro HT pour Logic-Immo.com.

L'article L. 442-6-I-1° du Code de commerce invoqué par l'Immobiliere Barbey, parce qu'il mentionne notamment 'magasins (...) enseignes (...) centrales de référencement ou d'achat', concerne le secteur de la grande distribution comme le soutient à bon droit la société Immomedia ; il est donc inapplicable au présent litige.

L'annulation automatique des remises et dégressifs stipulée par l'article 7 des conditions générales de vente en cas de non-paiement par l'Immobiliere Barbey constitue une clause pénale au sens des articles 1152 et 1226 du Code civil, dans la mesure où la facturation consécutive à cette annulation équivaut à une indemnité au profit de la société Immomedia, et a pour effet d'obliger la première société à procéder au paiement total des prestations fournies par la seconde. Le fait que le montant de cette facturation corresponde à 444 % du prix contractuel, et qu'il soit critiqué par l'Immobiliere Barbey [à la différence des adversaires de la société Immomedia dans les 2 arrêts de cette cour des 5 novembre 2010 et 12 janvier 2011 cités par elle], le rend manifestement excessif pour sa totalité au sens du premier texte précité, ce qui conduira la cour à infirmer le jugement ayant fait application de cet article 7.

En conséquence l'Immobiliere Barbey sera condamnée à payer à la société Immomedia la somme principale de 4 305,60 - 717,60 = 3 588 euro TTC, outre les intérêts au taux contractuel.

Par contre l'Immobiliere Barbey, qui n'a réglé que 16,67 % de sa dette alors qu'elle n'a pas critiqué l'exécution des insertions publicitaires par la société Immomedia, est mal fondée à demander la réduction de la clause pénale fixée par l'article 8 à 25 % de la somme restant due, soit 3 588 x 25 % = 897 euro.

Enfin ni l'équité, ni la situation économique de l'Immobiliere Barbey, ne permettent de rejeter la demande faite par son adversaire au titre des frais irrépétibles d'appel.

Décision : LA COUR, statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire. Infirme le jugement du 5 novembre 2010 uniquement pour les montants des condamnations de la SARL Immobiliere Barbey au profit de la SARL Immomedia Communication en principal et au titre de la clause pénale, et condamne la première à payer à la seconde les sommes de : * 3 588 euro TTC en principal ; * 897 euro pour la clause pénale de l'article 8 des conditions générales de vente. Confirme tout le surplus du jugement. Condamne en outre la SARL Immobiliere Barbey à payer à la SARL Immomedia Communication une indemnité de 2 500 euro au titre des frais irrépétibles d'appel. Rejette toutes autres demandes. Condamne la SARL Immobiliere Barbey aux dépens d'appel, avec application de l'article 699 du Code de procédure civile.