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Décisions

CA Versailles, 14e ch., 7 décembre 2011, n° 10-09418

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Natexo (SARL)

Défendeur :

Bruniaux

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Marcus

Conseillers :

Mme Dabosville, M. Boiffin

Avoués :

SCP Jullien Lecharny Rol Fertier, SCP Keime Guttin Jarry

Avocats :

Mes Blanc de la Naulte, Poidevin, Van Costenoble

T. com. Nanterre prés., du 18 nov. 2010

18 novembre 2010

Suivant une offre acceptée le 27 octobre 2009, M. François-Marie Bruniaux, exerçant sous l'enseigne Deco & Maison une activité de vente sur internet de mobiliers, a conclu avec la société Natexo qui a pour objet la fourniture de prestations liées à l'internet, un contrat portant sur les collecte et livraison de 100 000 "leads", c'est à dire de prospects, au prix unitaire de 0,33 euro HT, soit pour un montant de 39 468 euro TTC.

Exposant avoir livré la totalité de ces "leads" mais n'avoir pas obtenu le règlement de leur prix en dépit de plusieurs relances de son client, la société Natexo a, le 26 août 2010, assigné en référé M. François-Marie Bruniaux afin de le faire condamner à lui verser à ce titre une provision d'un montant de 39 486 euro TTC avec intérêts au taux légal à compter du 5 mai 2010, date d'une mise en demeure.

Par ordonnance contradictoire en date du 18 novembre 2010, le juge des référés du Tribunal de commerce de Nanterre a condamné M. François-Marie Bruniaux à payer à la société Natexo la somme provisionnelle de 14 000 euro avec intérêts au taux légal à compter du 5 mai 2010, ainsi qu'aux dépens, et dit n'y avoir lieu à référé pour le surplus, ni à application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Vu l'appel de cette ordonnance formé par la société Natexo,

Vu les dernières conclusions signifiées le 18 juillet 2011 par lesquelles la société Natexo, demande à la cour de condamner M. François-Marie Bruniaux à lui payer la somme provisionnelle de 34 093,64 euro TTC, avec intérêts au taux légal à compter du 5 mai 2010, ou, à défaut, de confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise et, en tout état de cause, de condamner M. François-Marie Bruniaux aux entiers dépens ainsi qu'à lui verser la somme de 2 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

Vu les dernières conclusions signifiées le 25 août 2011 par lesquelles M. François-Marie Bruniaux, formant appel incident, demande à la cour de dire n'y avoir lieu à référé ou, à titre subsidiaire, de débouter la société Natexo de toutes ses prétentions formées à son encontre et, en tout état de cause, de condamner celle-ci aux entiers dépens ainsi qu'à lui verser la somme de 3 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile,

MOTIFS DE LA DÉCISION,

Considérant qu'à l'appui de son appel incident et pour soutenir que la créance dont la société Natexo se prévaut à son encontre est sérieusement contestable, M. François-Marie Bruniaux fait valoir que cette société lui a livré dès le début d'exécution du contrat un nombre très important de "leads" et n'a, de la sorte, pas respecté le rythme de livraison prévu à hauteur d'environ 2 000 à 3 000 "leads" par semaine à partir de la première semaine de novembre, ce qui ne lui a pas permis d'apprécier les effets de cette campagne de commercialisation et sa rentabilité, ni, par conséquent, de faire jouer la clause de sortie à 20 000 e-mails stipulée au contrat, que les "leads" qui lui ont été fournis sont de mauvaise qualité, inadaptés à ses besoins et inexploitables et qu'il n'a pas reçu ceux prétendument livrés les 2 et 25 janvier 2010 à hauteur des quantités respectives de 20 862 et de 23 709 ;

Considérant, toutefois, que la proposition acceptée le 27 octobre 2009 par M. François-Marie Bruniaux ne prévoit pas de délai ou de "rythme" pour la livraison des "leads" commandés et, en particulier, ne spécifie pas que cette livraison doive s'effectuer sur douze mois, à concurrence de 2 000 à 3 000 e-mails par semaine à partir du mois de novembre, tel que M. François-Marie Bruniaux l'indique dans son courrier électronique du 3 décembre 2009 ;

Considérant, de plus, que comme le lui oppose la société Natexo, M. François-Marie Bruniaux ne justifie pas avoir notifié à son cocontractant sa décision de faire jouer la clause de sortie à "20 000 leads" avant la livraison de la totalité de ceux commandés, achevée le 1er février 2010 ;

Que ne peut tenir lieu d'une telle notification son courrier électronique du 3 décembre 2009 dont les termes ont été exactement rappelés par le premier juge et qui ne fait point part à la société Natexo d'une décision ferme et définitive de son auteur de mettre un terme à l'exécution du contrat en application de la clause de sortie alors qu'au 3 décembre 2009, n'avaient été livrés, selon les indications de M. François-Marie Bruniaux, que 22 455 "leads" et que celui-ci avait donc, à cette date, encore la possibilité de faire jouer cette clause s'il l'estimait opportun, ou s'il reprochait à la société Natexo de ne pas respecter les conditions d'exécution de la convention ;

Que M. François-Marie Bruniaux ne produit aucun autre courrier qu'il aurait adressé à la société Natexo avant le 1er février 2010, c'est à dire avant la fin de la livraison et de la "campagne" pour l'informer d'une telle décision ;

Considérant, de même, que M. François-Marie Bruniaux qui communique uniquement un "récapitulatif des adresses erronées" mais n'explicite pas comment il a dressé cette liste, ne produit pas d'élément propre à établir avec l'évidence requise en référé, la mauvaise qualité des prestations fournies par la société Natexo et l'inexécution des obligations incombant à celle-ci en vertu de l'offre acceptée le 27 octobre 2009 ;

Que "l'absence totale de retombées" commerciales par lui alléguée mais non démontrée, ne peut suffire à en rapporter la preuve, pas plus que l'attestation de M. Guillaume Richard qui, collaborateur de M. François-Marie Bruniaux, énonce seulement "qu'apparaissent, dans les fichiers reçus, de nombreuses adresses e-mail erronées et donc inexploitables" ;

Considérant que la société Natexo verse aux débats la copie des "captures d'écran" correspondant à la livraison, les 2 et 25 janvier 2010, de 20 862 et 23 709 "leads" ;

Qu'à l'inverse, M. François-Marie Bruniaux ne produit pas d'élément permettant de douter de cette livraison et, en particulier, pas de notification lui ayant été expédiée pour l'avertir de la non-délivrance de ces envois, alors que tel aurait dû être le cas si cette livraison n'était pas intervenue, comme il l'indique lui-même ;

Considérant que, dans ces conditions, son obligation au paiement de la somme de 34 093,64 euro TTC correspondant à la livraison par la société Natexo de 86 383 "leads" n'apparaît pas sérieusement contestable et qu'il convient, en conséquence, de faire droit à concurrence de cette somme à la demande de provision formée par cette société à son encontre ;

Que l'ordonnance entreprise doit être réformée en ce sens ;

Considérant que le premier juge a exactement statué sur les dépens et dit n'y avoir lieu à allocation d'une somme par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Considérant que la société Natexo obtenant gain de cause et M. François-Marie Bruniaux succombant en son appel incident, ce dernier doit être condamné aux dépens d'appel ;

Qu'il n'y a pas lieu, en cause d'appel, à allocation d'une somme par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Par ces motifs ; LA COUR, Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Infirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a limité le montant en principal de la provision allouée à la société Natexo à la somme de 14 000 euro (quatorze mille euro) ; Statuant à nouveau de ce seul chef, condamne M. François-Marie Bruniaux à payer à la société Natexo la somme provisionnelle de 34 093,64 euro TTC (trente-quatre mille quatre-vingt-treize euro et soixante-quatre centimes) avec intérêts au taux légal à compter du 5 mai 2010 ; Confirme pour le surplus l'ordonnance entreprise et y ajoutant : Condamne M. François-Marie Bruniaux aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile ; Dit n'y avoir lieu, en cause d'appel, à application de l'article 700 du Code de procédure civile.