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Décisions

CA Lyon, 1re ch. civ. A, 24 février 2011, n° 09-00765

LYON

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

GENERAL FRUIT France SARL

Défendeur :

PUBLICIS ACTIV France SA

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. GAGET

Conseiller :

Mme DEVALETTE ; M.SEMERIVA

Avocats :

SELARL PIPARD, Me FAVAT, SCP PIERRE ARNAUD, BRUNO CHARLES REY

T. com. Lyon, 1er octobre 2008

1 octobre 2008

Le 1er octobre 2008, le tribunal de commerce de Lyon condamnait la société Publicis Activ France à payer à la Sarl Comers aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la Sarl Général Fruit France la somme de 152. 965 euros HT, outre celle de 6. 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il est reproché à la société condamnée un manque de professionnalisme pour avoir manqué dans son devoir de conseil, en proposant et en réalisant une campagne publicitaire dont l'impact a été partiellement imputé par le chevauchement de la publicité faite pour le produit Comers, à savoir un jus de citron, commercialisé sous la marque " Siracuse ", et de celle faite pour le produit de la société Pietercil Interco, à savoir le produit " Sicilia ", un produit comparable, de cette société leader, sur le marché du jus de citron et dont l'antériorité des certaine.

Dans ses conclusions, les dernières en date, du 10 mars 2010, la société Général Fruit France conclut à la réformation de la décision du 1er octobre 2008 dont elle a fait appel quant au montant du préjudice dont elle se prétend victime par la faute de la société Publicis et qu'elle chiffre à la somme de 5. 505. 930 euros.

Elle sollicite, en outre, le prononcé d'une astreinte, d'une publication dans deux revues professionnelles et le paiement de la somme de 20. 000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile à moins que la Cour ne fasse application de l'article 32-1 du code de procédure civile.

Elle soutient que la société Publicis a manqué à ses obligations contractuelles, notamment d'exclusivité, de loyauté, de bonne foi, de confidentialité.

Elle fonde son action sur les obligations contractuelles du code civil, du code des usages de la publicité et du contrat type de collaboration entre agences de publicité et annonceurs.

La Sa Publicis Activ France, anciennement dénommée Publicis Constellation conclut, dans ses conclusions du 10 décembre 2009, en se fondant, sur les articles 1134 et 1147 du code civil, au mal fondé de l'appel formé par la société Général Fruit et à la réformation de la décision attaquée, en soutenant qu'elle n'a commis aucune faute et que la demande de réparation d'un préjudice est abusive.

Elle réclame donc, par appel incident, le montant de 10. 000 euros de dommages intérêts pour procédure abusive, injustifiée et vexatoire, et celle de 10. 000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 04 janvier 2011.

Les parties ont donné, après le rapport de Monsieur le Président Gaget, à l'audience du 05 janvier 2011, leurs explications orales reprenant leurs conclusions écrites.

DECISION

Il ressort, de manière certaine, des pièces communiquées et du débat judiciaire que la société Publicis entretenait des relations commerciales avec la société concurrente à la société Comers, à savoir la société Pietercil Interco, et ce, bien avant la première prise de contact de la société Comers qui l'a contacté, dans le courant de l'année 2002, pour la mise en place d'une campagne de publicité, qui, après pourparlers et discussions, a fait l'objet d'une commande, confirmée par un fax du 14 mars 2003 sur la base d'un devis du 13 mars 2003.

Il est certain que le devis a été préparé par l'agence Publicis Cachemire et que la commande a été adressée au responsable de l'agence Publicis Alpes qui avait l'habitude de travailler avec la société concurrente à la société Comers.

Vu l'article 1134 du code civil, ensemble l'article 1147 du même code, la responsabilité contractuelle de la Sa Publicis s'apprécie, eu égard aux engagements contractuels qu'elle a contractés avec la société Comers qui n'était pas son client habituel.

Contrairement à ce que soutient la Sarl Général Fruit France, aucun contrat écrit ou verbal d'agence n'existe entre les deux sociétés, de sorte qu'il n'existe, par conséquence, aucune obligation d'exclusivité au profit de la société Comers.

De plus, il appartient à la Sarl société Général Fruit d'apporter la preuve de la mauvaise foi et de la fraude à laquelle la société Publicis se serait livrée.

Comme le soutient, avec raison, la société Publicis, les deux parties sont liées par une commande ponctuelle de prestation portant sur la conception et la production d'une campagne de communication avec achat d'espace TV et papier portant sur un produit " Siracuse ".

L'agence assure, dans le cadre de cette prestation, une obligation de moyens qui n'implique pas un résultat mais qui l'oblige à faire ses meilleurs efforts en vue de la réussite de la campagne de publicité.

La manière dont cette campagne a été négociée, construite et exécutée, avec la participation de Jean-Claude X..., salarié, la Sarl Général Fruit qui connaissait bien le marché du jus de citron ne démontre pas que l'agence de publicité ait manqué dans l'exécution de ses obligations de loyauté, de conseil, de savoir faire, et d'exécution, puisque cette campagne de publicité dont, à l'évidence, la cible est de conquérir des parts de marché auprès des acheteurs par le truchement des référencements chez les intermédiaires de la vente dans les grandes surfaces, a eu un effet, non négligeable, mesuré en chiffre d'affaires, ainsi que cela ressort des pièces comptables apportées par la Sa Comers et explicitées par la société Publicis en page 31 de ses conclusions.

Le chiffre d'affaires au 30 juin 2004 était de 4. 578. 000 euros au lieu de 3. 237. 000 euros au 30 juin 2003 et de 2. 015. 000 euros au 30 juin 2002.

La Cour constate que la campagne de publicité a eu lieu, que les prestations ont été réalisées et payées sans réserve en leur temps et qu'elle a eu un impact réel et certain.

La Cour ne trouve, en revanche, dans les pièces de la société Comers, la preuve d'aucune fraude, d'aucune déloyauté, d'aucune faute contractuelle, d'aucune atteinte à une quelconque confidentialité permettant l'octroi de dommages intérêts en réparation d'un préjudice subi.

Il n'est démontré aucune faute permettant de soutenir que le chevauchement des publicités, comme l'a retenu, à tort, le tribunal de commerce ait pu causer un préjudice à la société Comers.

En effet la société Publicis n'avait pas l'obligation d'avertir la société Comers qu'elle réalisait ainsi une campagne de publicité, pour son client, qui avait bénéficié de l'antériorité alors que la concomitance despublicités pour des produits similaires sur un même marché ne constitue pas une erreur de communication publicitaire et n'a pas nécessairement d'effet négatif pour les produits mis en concurrence et en vente.

Et la preuve s'en trouve dans l'augmentation du chiffre d'affaires de la société Comers pour la période postérieure à la campagne de publicité, et dans la position du produit Siracuse par rapport au produit Sicilia, concurrent : le rapport est passé de 1 à 16 à 1 à 4, entre 2. 000 et 2004, selon les éléments fournis au débat.

En définitive, si la société Comers soutient que la campagne de publicité était inutile et sans effet pour son produit et que la société Publicis a volontairement trahi ses intérêts, au bénéfice d'un concurrent, en lui révélant la mise en place de cette publicité, l'argumentation de la société Comers ne repose sur aucun fait certain, sérieux et circonstancié permettant de caractériser une faute contractuelle dans l'exécution de la mission donnée dans le cadre d'une commande ponctuelle.

Le jugement attaqué doit être réformé en toutes ses dispositions et la Sarl Général Fruit France doit être déboutée de toutes ses demandes mal fondées.

En revanche l'équité commande d'allouer à la société Publicis la somme de 10. 000 euros en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile, alors que l'action de la société Général Fruit France ne peut être qualifiée d'abusive et vexatoire au sens de l'article 32-1 du même code.

PAR CES MOTIFS,

- réforme le jugement du 1er octobre 2008 en toutes ses dispositions,

- statuant à nouveau,

- déboute comme mal fondées toutes les demandes de la Sarl Général Fruit France venant aux droits de la société Comers,

- condamne la Sarl Général Fruit France à verser à la Sa Publicis Activ France la somme de DIX MILLE EUROS (10. 000 EUROS) en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile,

- déboute la Sa Publicis Activ France da sa demande de dommages intérêts pour procédure abusive,

- condamne la Sarl Général France Fruit aux entiers dépens de première instance et d'appel.

- autorise la Société Civile Professionnelle Brondel-Tudela, avoués, à recouvrer les dépens d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.