CA Nancy, 2e ch. com., 16 mars 2011, n° 10-00631
NANCY
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
JF Com (SARL)
Défendeur :
MEA France (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cunin
Conseillers :
Mme Bischoff, M. Bruneau
Avocats :
Mes Metzger, Jung, Boudrant-Richter
FAITS CONSTANTS ET PROCÉDURE
La société JF Com, exerçant sous l'enseigne Acto est une agence de publicité et de communication.
Elle était en relation d'affaires avec la société Mea France, exerçant une activité d'achat et de vente de produits préfabriqués pour la construction de bâtiments depuis fin 2004.
A compter d'avril 2008, la SARL Mea France a cessé de régler les factures adressées par la SARL JF Com.
La SARL JF Com a adressé le 3 juillet 2008 à la SARL Mea France une mise en demeure de régler la somme de 28.409,77 euros au titre de 6 factures impayées.
Parallèlement, la SARL Mea France faisait une demande d'avoir d'un montant de 7.150 euros correspondant aux frais d'honoraires d'avril 2007 à avril 2008.
Par courrier du 24 septembre 2008, le conseil de la SARL Mea France a adressé à la SARL JF Com un chèque de 21.000 euros.
Par exploit en date du 9 janvier 2009, la SARL JF Com a assigné la SARL Mea France devant le juge des référés du tribunal de commerce d'Epinal aux fins de la voir condamner au paiement d'une provision de 7.409,77 euros avec intérêts légaux à compter du 3 juillet 2008, outre une somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ordonnance du 2 avril 2009, le juge des référés s'est déclaré incompétent et a renvoyé la cause devant la formation collégiale.
La SARL JF Com a demandé au tribunal de commerce de condamner la SARL Mea France au paiement de la somme de 7.409,77 euros augmentée des intérêts légaux à compter du 3 juillet 2008, de débouter la SARL Mea France de sa demande au titre de la compensation et de la condamner au paiement de la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
La SARL Mea France a conclu au débouté de la demande de la SARL JF Com, sur demande reconventionnelle à la condamnation de la SARL JF Com au paiement de la somme de 8.013,20 euros et à titre subsidiaire à ce qu'il soit ordonné la compensation entre les sommes dues par chacune des parties à l'autre et en conséquence à la condamnation de la SARL JF Com au paiement du solde de 1.261,30 euros avec intérêts légaux à compter du 9 juin 2008 avec exécution provisoire, ainsi qu'au paiement d'une somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par jugement du 16 février 2010, le tribunal de commerce d'Epinal a dit recevable mais mal fondée la demande de la SARL JF Com, recevable et bien fondée en son principe la demande reconventionnelle de la SARL Mea France mais erronée dans son quantum et en conséquence a débouté la SARL JF Com de l'ensemble de ses demandes, condamné la SARL JF Com à payer à la SARL Mea France la somme de 8.013,20 euros, ordonné la compensation entre la somme de 8.013.20 euros due à la SARL Mea France et le montant des demandes de la SARL JF Com s'élevant à 7.409,77 euros, condamné la SARL JF Com à verser à la SARL Mea France le solde de 603.43 euros avec intérêts légaux à compter du 9 juin 2008 outre la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
La SARL JF Com a interjeté appel le 4 mars 2010.
Dans ses dernières conclusions du 5 juillet 2010, elle demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de condamner la SARL Mea France au paiement de la somme de 7.409,77 euros avec intérêts légaux à compter du 3 juillet 2008, de débouter la SARL Mea France de sa demande reconventionnelle tendant à la constatation d'une créance à l'égard de la SARL JF Com et de la condamner au paiement d'une somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle soutient que les relations entre les parties s'analysent en une relation de louage d'ouvrage, régie par un contrat d'entreprise ; que ce contrat est valablement formé même en l'absence de devis et d'accord sur le montant de la rémunération. Elle rappelle que seule la dernière facture n° 080044 du 30 avril 2008 est contestée ; que les honoraires étaient justifiés aussi longtemps qu'elle intervenait sur le site de la SARL Mea France ; que l'intimée n'a contesté aucune des factures antérieures ; qu'elle a manifesté son accord quant à la hausses des honoraires en réglant sans protestation les factures y afférentes.
Elle conteste la contre créance alléguée par la SARL Mea France ; elle rappelle que sa mission s'est poursuivie au-delà de juin 2007, période prévue au devis initial ; elle indique avoir effectué diverses réalisations en 2008. Elle soutient que l'intimée lui a passé commande de la réalisation d'un 'guide de choix', destiné aux prescripteurs, sous forme de CD. Elle rappelle que l'ensemble des factures, objets de la demande de compensation, ont été réglées par la SARL Mea France sans contestation.
La SARL Mea France dans ses dernières conclusions du 29 septembre 2010 demande à la cour de condamner la SARL JF Com au paiement de 8.013,20 euros, d'ordonner la compensation avec la créance de la SARL JF Com à hauteur de 6.751,98 euros et en conséquence de condamner la SARL JF Com à lui payer la somme de 1.261,21 euros avec intérêts de droit à compter du dépôt de ses conclusions reconventionnelles devant le tribunal de commerce de Nancy, outre une somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle rappelle qu'aux termes du devis du 6 décembre 2006, l'intervention de la SARL JF Com était stipulée pour une période de 6 mois du 1er janvier au 30 juin 2007. Elle conteste l'augmentation unilatérale des honoraires de la SARL JF Com de 500 à 550 euros du 1er janvier au 30 juin 2007 et la facturation d'honoraires à compter du 1er juillet 2007. Elle conteste également la facture de compact disc de prescription, cette prestation n'ayant pas été sollicitée.
Elle précise que les paiements intervenus étaient sans fondement et ne justifient pas du bien- fondé des demandes de la société JF Com.
L'affaire a été clôturée le 10 novembre 2010.
MOTIFS
En qualifiant de mandat le contrat passé par un annonceur pour l'achat d'espace publicitaire, l'article 20 de la loi du 29 janvier 1993, qui impose la nécessité d'un contrat écrit, n'a pas réglé la question de la nature juridique de contrat d'agence dont l'objet ne peut se réduire à la seule fonction d'achat d'espaces publicitaires.
En effet l'activité de l'agence de conseil en communication revêt un caractère complexe.
Les prestations de conception et de réalisation des messages, qui font partie intégrante du service complet de publicité dû à l'annonceur, échappent notamment au mandat, de sorte que l'agence qui rend à l'annonceur un service complet de publicité doit être considéré comme un prestataire bénéficiant d'un contrat d'entreprise.
Or la charge de la preuve de l'existence d'un tel contrat incombe à celui qui s'en prévaut.
En l'espèce, la seule pièce contractuelle versée au dossier, qui plus est par la SARL Mea France, est un devis du 6 décembre 2006, que l'intimée reconnaît avoir accepté et qui prévoit une campagne de communication pour l'année 2007 comprenant des outils de communication pour 9.125 euros, l'acquisition d'espaces publicitaires dans la presse professionnelle pour 20.237,82 euros, des frais techniques à hauteur de 1.800 euros, la gestion de relation avec la presse pour 770 euros, la communication internet pour 2.450 euros et des honoraires forfaitaires mensuels de 500 euros par mois sur 6 mois, soit un total prévisionnel de 37.382,82 euros, et il n'est pas contesté et il est justifié que ces prestations ont été réglées par l'intimée.
Sur la demande principale
La SARL JF Com sollicite paiement de 5 factures émises les 30 avril et 30 mai 2008 à hauteur de 23.204 euros HT, et la SARL Mea France justifie avoir réglé par chèque du 18 septembre 2008 la somme de 21.000 euros TTC soit 17.558,53 euros HT, soit un solde en faveur de l'appelante à hauteur de 5.645,47 euros HT, non contesté par la SARL Mea France, qui reconnaît que cette somme correspond à des prestations ponctuelles effectuées en 2008 par la SARL JF Com pour son compte.
La SARL JF Com sollicite en outre paiement d'une facture n° 080044 du 30 avril 2008 à hauteur de 550 euros HT correspondant à des honoraires d'avril 2008.
Or elle ne rapporte pas le moindre commencement de preuve de l'existence d'un accord entre les parties quant à la facturation d'honoraires mensuels postérieurement à juin 2007 et notamment pour le mois d'avril 2008.
Ni l'existence d'un accord intervenu antérieurement entre les parties pour une durée de six mois, laquelle avait expiré le 1er juillet 2007, ni l'existence de prestations ponctuelles fournies postérieurement par la SARL JF Com et non contestées par la SARL Mea France ne suffisent à établir qu'un accord était intervenu entre les parties quant au paiement d'honoraires mensuels à hauteur de 550 euros HT pour le mois d'avril 2008, et ce d'autant moins que dans un mail du 20 mai 2008 adressé par Monsieur Fossier,dirigeant de la SARL JF Com à Monsieur Gronnier, il reconnaît qu'aucune action réelle de communication n'a été engagée depuis le début de l'année.
En conséquence, cette facture n'est pas due et la créance de la SARL JF Com envers la SARL Mea France s'élève, compte tenu du règlement effectué, à 5.645,47 euros HT.
Sur la demande reconventionnelle
La SARL Mea France argue d'une contre créance de 300 euros HT au titre de l'augmentation unilatérale du montant des honoraires dus entre le1er janvier et le 30 juin 2007.
Il résulte du devis versé au dossier que les honoraires convenus pour les 6 mois étaient de 500 euros HT ; qu'en réalité et sans que la preuve d'un quelconque accord entre les parties ne soit intervenu, la SARL JF Com a facturé à ce titre 550 euros par mois ; que c'est donc à juste titre et le paiement sans contestation de factures n'en valant pas approbation, que la SARL Mea France sollicite condamnation de la SARL JF Com de ce chef au paiement de 300 euros HT.
La SARL Mea France conteste en second lieu la facturation d'honoraires mensuels postérieurs au 30 juin 2007, sur 8 mois, à hauteur de 550 euros mensuels et sollicite restitution des montants réglés à ce titre.
Or la SARL JF Com ne rapporte pas le moindre commencement de preuve de l'existence d'un accord entre les parties quant à la facturation d'honoraires mensuels après juin 2007.
Ni l'existence d'un accord intervenu antérieurement entre les parties pour une durée de six mois, laquelle avait expiré le 1er juillet 2007, ni l'existence de prestations ponctuelles fournies postérieurement par la SARL JF Com et non contestées par la SARL Mea France, qui en accepte le paiement (malgré l'absence de tout écrit entre les parties), ni l'existence de réunions entre les parties en 2007 et 2008, justifiées par la seule production d'une copie partielle d'un agenda d'un membre de la société appelante, ne suffisent à établir qu'un accord était intervenu ente les parties quant au paiement d'honoraires mensuels à hauteur de 550 euros HT pendant plusieurs mois, et ce d'autant moins que dans un mail du 20 mai 2008 adressé par Monsieur Fossier, dirigeant de la SARL JF Com à Monsieur Gronnier, il reconnaît qu'aucune action réelle de communication n'a été engagée depuis le début de l'année.
La demande reconventionnelle à hauteur de 4.400 euros HT de ce chef est ainsi justifiée.
La SARL Mea France conteste en dernier lieu la facturation n° 070096 du 30/11/07 à hauteur de 2.000 euros HT pour le suivi technique du dossier "CD prescription" et sollicite condamnation de la SARL JF Com à lui payer la somme versée à ce titre.
La SARL JF Com ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un accord entre les parties quant à la réalisation d'un tel document, ni quant au coût envisagé de cette prestation.
Il n'est pas contesté qu'une "réflexion sur la réalisation" d'un tel CD a été envisagé entre les parties, terme que Monsieur Fossier emploie lui-même dans un courrier non daté adressé à la SARL Mea France. Dans son mail du 20 mai 2008, ce dernier parle également de projet en instance, ce qui est confirmé par les documents versés au dossier par l'appelante, à savoir le cahier des charges CD prescription du 10/10/2007 ainsi qu'un échange de mail intervenu entre les parties du 3 au 12 décembre 2007, tous ces courriers électroniques mentionnant des projets de devis, des estimations ou devis sur le coût de réalisation d'un tel document.
Mais il n'est justifié ni de la commande ni de la réalisation effective de ce CD, ni de l'acceptation d'un quelconque devis par la SARL Mea France, lesquels pourraient justifier une éventuelle facturation de coût horaire par la SARL JF Com.
Dès lors la demande reconventionnelle est justifiée à hauteur de 2.000 euros HT.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SARL JF Com à payer à la SARL Mea France la somme de 8.013,20 euros TTC soit 6.700 euros HT.
Sur la compensation et le compte entre les parties
Il convient d'ordonner la compensation entre les créances dues par chacune des parties à l'autre à concurrence de leur quotité respective et en conséquence de condamner la SARL JF Com à payer à la SARL Mea France la somme de 1.261,21 euros TTC avec intérêts légaux à compter du 16/02/2010, jour du jugement.
L'équité impose que les frais irrépétibles exposés par la SARL Mea France et non inclus dans les dépens soient à concurrence de la somme de 1.000 euros mis à charge de la SARL JF Com à hauteur d'appel.
Par ces motifs : LA COUR, statuant par arrêt contradictoire en dernier ressort, Confirme partiellement le jugement déféré en ce qu'il a chiffré la demande reconventionnelle de la SARL Mea France à huit mille treize euros et vingt centimes (8.013,20 euro) TTC et en ce qu'il condamné la SARL JF Com à payer à la SARL Mea France ladite somme, outre la somme de mille euros (1.000 euro) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et les frais et dépens ; Infirme le jugement déféré pour le surplus et statuant à nouveau : Condamne la SARL Mea France à payer à la SARL JF Com la somme de six mille sept cent cinquante et un euros et quatre vingt dix huit centimes (6.751.98 euro) TTC ; Ordonne la compensation entre les sommes dues par chacune des parties à l'autre ; En conséquence : Condamne la SARL JF COM à payer à la SARL Mea France la somme de mille deux cent soixante et un euros et vingt et un centimes (1.261.21 euro) TTC avec intérêts légaux à compter du 16 février 2010 ; Condamne la SARL JF Com à payer à la SARL Mea France la somme de mille euros (1.000 euro) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile à hauteur d'appel ; Condamne la SARL JF Com aux frais et dépens d'appel et dit qu'ils pourront être recouvrés directement par Maître Grétéré, avoué, en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.