ADLC, 7 septembre 2012, n° 12-DCC-122
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
Décision
Relative à la prise de contrôle exclusif par GFI-BUS du fonds de commerce constitué par la branche d'activité "Business Solutions" de la société Thalès Services SA
L'Autorité de la concurrence,
Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 3 août 2012, relatif à la prise de contrôle exclusif par la société GFI Informatique SA du fonds de commerce constitué par la branche d'activité "Business Solutions" de la société Thalès Services SA, formalisée par un acte de cession de fonds de commerce en date du 30 juillet 2012; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l'instruction ;
Adopte la décision suivante :
I. Les entreprises concernées et l'opération
1. GFI Informatique SA (ci-après "GFI") est active dans le secteur des services informatiques. Elle est cotée sur le marché Euronext et fait partie du compartiment B de l'Eurolist. Son capital est détenu par Itefin Participation à hauteur de 31,3 %, par le public à hauteur de 30 %, par Boussard & Gavaudan à hauteur de 29,7 %, par Financière de l'Echiquier à hauteur de 7 %, le reste du capital étant détenu par les salariés ou autodétenu. Les statuts de GFI prévoient que les décisions sont prises à la majorité des voix et il n'existe pas de pacte d'actionnaires. Par conséquent, GFI ne fait l'objet d'aucun contrôle au sens du droit des concentrations.
2. La branche "Business solutions" de la société Thalès Services SA (ci-après "les activités cédées") n'a pas de personnalité morale et est intégrée à la société Thalès Services SAS, filiale à 100 % de la société Thalès. Elle est active dans le secteur des services informatiques.
3. En vertu de l'acte de cession de fonds de commerce en date du 30 juillet 2012, l'opération consiste en l'acquisition par GFI, à laquelle se substitue sa filiale à 100 % GFI-BUS, du fonds de commerce constitué par la branche d'activité "Business Solutions" de la société Thalès Services SA.
4. En ce qu'elle entraîne la prise de contrôle exclusif du fonds de commerce constitué par la branche d'activité "Business Solutions" de la société Thalès Services SA par GFI, l'opération notifiée est une opération de concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce.
5. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d'affaires total sur le plan mondial de plus de 150 millions d'euro (GFI : 618,1 millions d'euro pour l'exercice clos au 31 décembre 2011 ; branche d'activité "Business Solutions" : 77,9 millions d'euro pour l'exercice clos au 31 décembre 2011). Deux au moins de ces entreprises réalisent en France un chiffre d'affaires supérieur à 50 millions d'euro (GFI : 496,7 millions d'euro pour l'exercice clos au 31 décembre 2011 ; Branche d'activité "Business Solutions" : 77,9 millions d'euro pour l'exercice clos au 31 décembre 2011). Compte tenu de ces chiffres d'affaires, l'opération ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l'article L. 430-2 du Code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.
II. Délimitation des marchés pertinents
A. LES MARCHÉS DE PRODUITS
6. Les autorités de concurrence, tant française (1) que communautaire (2), ont déjà eu l'occasion de se prononcer sur la délimitation des marchés pertinents dans le secteur des services informatiques. Elles ont néanmoins laissé ouverte, dans chaque cas, la délimitation exacte des marchés pertinents.
7. La pratique décisionnelle a ainsi identifié, au sein du marché des services informatiques, sept catégories fonctionnelles de services :
- (i) les services de gestion globale également dénommés "infogérance" ou "services de gestion de systèmes" qui regroupent les services opérationnels, de gestion appliquée, de gestion d'assistance technique, de continuation d'entreprise, de gestion d'actifs, d'infogérance (3) et de location évolutive (4),
- (ii) les services de gestion d'entreprise également dénommés "gestion de processus" ou "business process outsourcing (BPO)",
- (iii) le développement et l'intégration de logiciels, consistant à développer des logiciels existants sur la base des exigences spécifiques des clients,
- (iv) les services de conseil, qui incluent les prestations techniques sur l'architecture réseau, la planification ou l'aide à la maîtrise d'ouvrage,
- (v) la maintenance de logiciels et de support logistique,
- (vi) la maintenance de matériels informatiques et de support logistique, et
- (vii) l'enseignement et la formation.
8. Différentes segmentations alternatives ou complémentaires ont aussi été envisagées selon :
- le type de clientèle, PME / PMI ou grands comptes ;
- les types de systèmes d'information et de communication : (i) les systèmes d'applications de gestion, qui incluent les services informatiques utilisés pour remplir une fonction horizontale au sein des entreprises ou des administrations ; (ii) les systèmes d'applications scientifiques techniques industrielles embarquées ; (iii) les systèmes d'applications génériques ; (iv) les systèmes d'infrastructures IT ; et (v) les systèmes d'infrastructures de communication et de réseaux d'entreprise ;
- le secteur d'activité, à savoir : (i) les communications ; (ii) l'enseignement ; (iii) l'énergie et réseaux locaux ; (iv) les services financiers ; (v) le secteur public ; (vi) la santé ; (vii) l'industrie ; (viii) le commerce et la distribution ; (ix) les services ; et (x) le transport.
9. Il n'y a pas lieu à l'occasion de la présente opération de trancher la question de la délimitation précise des marchés des services informatiques, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurant inchangées, quelles que soient les segmentations retenues.
10. Les activités des parties à l'opération se chevauchent sur deux catégories fonctionnelles, à savoir le développement et l'intégration de logiciels ainsi que le conseil. Elles s'adressent en outre, l'une et l'autre, à une clientèle constituée de grandes entreprises. Elles interviennent enfin toutes deux en matière de systèmes d'applications de gestion et leurs activités se chevauchent dans huit secteurs d'activités, à savoir la communication, les services financiers, le secteur public, l'industrie, le commerce/distribution, les services, le transport, l'énergie/réseaux locaux.
B. LES MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES
11. La pratique décisionnelle (5) a considéré que les marchés des services informatiques étaient de dimension nationale, notamment en raison de la nécessité pour les prestataires de ces services de communiquer régulièrement dans la langue de leurs clients et de maintenir une relative proximité avec ces derniers, même si elles ont constaté une certaine internationalisation de l'offre et de la demande.
12. Au cas d'espèce, l'analyse concurrentielle sera par conséquent conduite au niveau national.
III. Analyse concurrentielle
13. Les parties font valoir que le marché des services informatiques est très concurrentiel, faisant intervenir quelques 19 000 acteurs au niveau national, parmi lesquels de grands groupes internationaux (6). Elles estiment que, sur un marché global des services informatiques évalué à 26,4 milliards d'euro en 2011, leur part de marché cumulée sera inférieure à [0-5] % (dont [0-5] % pour GFI et [0-5] % pour la cible environ).
14. Selon une segmentation fonctionnelle par type de services, les parties ont évalué leur part de marché cumulée à environ [5-10] % s'agissant du développement et de l'intégration de logiciel et à [0-5] % s'agissant du conseil. Sur le segment des grandes entreprises, leur chiffre d'affaires cumulé représente environ [0-5] % du chiffre d'affaires total. Enfin, leur part de marché cumulée ne dépasse pas [0-5] % sur le segment des systèmes d'application de gestion et reste également inférieure à [0-5] % sur chacun des secteurs d'activité sur lesquels elles sont simultanément présentes.
15. Les parties resteront confrontées, à l'issue de l'opération, à la concurrence de nombreux opérateurs dont les parts de marché sont significativement plus élevées, tels qu'IBM (9 %), Capgemini (7 %), Atos Origin (6 %), Orange Business Service (4 %) ou Hewlett-Packard (4 %).
16. Au vu des éléments qui précèdent, l'opération notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les marchés concernés.
IV. Restrictions accessoires
17. L'article 12 de l'acte de cession de fonds de commerce stipule que la société Thalès Services SAS s'engage, tant pour elle-même qu'au nom et pour le compte des autres entités du groupe Thalès, pour lesquelles elle se porte fort, pendant une durée de trois ans à compter de la date du transfert du fonds de commerce (i) à ne pas exercer, directement ou indirectement, dans un rayon de 50 kilomètres autour de Paris et dans un rayon de 50 kilomètres autour de Toulouse, d'activités concurrentes à l'activité cédée auprès de toute personne morale partie à l'un des clients cédés avec le fonds, (ii) à ne pas exercer, directement ou indirectement, sur le territoire français, d'activités concurrentes à l'activités cédées auprès des clients majeurs de la branche cédée (Groupe Thalès, EADS, BNP Paribas), (III) à ne pas exercer, directement ou indirectement, sur le territoire français, d'activités concurrents à l'activité "Enterprise Information System Integration" auprès de toute personne morale partie à l'un des contrats clients à la date du transfert. De même, l'article 8 du contrat d'accord commercial signé entre les parties le 27 juillet 2012 stipule que les contrats opérationnels entre GFI et Thalès comprendront une clause de non débauchage de personnel pendant la durée d'exécution du contrat augmentée d'une période de 12 mois.
18. Si une clause de non concurrence ou de non débauchage peut apparaître comme étant nécessaire à l'acquéreur pour bénéficier d'une certaine protection contre la concurrence du vendeur, de manière à être notamment en mesure de fidéliser la clientèle, ainsi que d'assimiler et exploiter le savoir-faire, de telles clauses ne sont justifiées par l'objectif légitime de réalisation de la concentration que dans la mesure où leur durée, leur champ d'application territorial et leur portée matérielle et personnelle n'excède pas ce qui est raisonnablement nécessaire à cette fin.
19. De plus, la limitation du droit du vendeur d'acheter ou de détenir des parts d'une société qui est en concurrence avec l'activité cédée ne peut être considérée comme étant directement liée et nécessaire à la réalisation de la concentration, si elle empêche le vendeur d'acheter ou détenir ces parts uniquement à des fins d'investissement, sans que cela lui confère directement ou indirectement, des fonctions de direction ou une influence substantielle dans l'entreprise concurrente.
20. En l'espèce, les clauses de non concurrence et de non débauchage stipulées dans le contrat de cession et le contrat d'accord commercial constituent des restrictions directement liées et nécessaires sous réserve qu'elles ne limitent pas la possibilité du cédant d'acheter ou de détenir des parts de sociétés concurrentes de la nouvelle entité à des fins d'investissement, dans les limites énoncées au paragraphe 19 de la présente décision.
DECIDE
Article unique : L'opération notifiée sous le numéro 12-137 est autorisée.
Notes :
1 Décisions n° 10-DCC-139 du 20 septembre 2011, n° 11-DCC-123 du 18 août 2011, n° 11- DCC-120 du 26 juillet 2011, n° 11-DCC-20 du 7 février 2011
2 COM. IV-M.4871, KPN/Getronics (pts 7 à 8) et COM. IV.-M.5197, HP/EDS (pt 8)
3 Gestion et d'exploitation des réseaux informatiques par un tiers
4 La location évolutive (operating lease) permet d'ajuster la durée de l'opération à la durée de vie réelle des équipements dans l'entreprise.
5 Décision de la Commission européenne n° IV-M.4871, KPN / Getronics (pt 13 à 15) ; décisions de l'Autorité n° 11-DCC-20 du 7 février 2011 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe APTUS par le groupe AUSY (pt 19).
6 Voir décision n° 11-DCC-20, précitée, § 24.