CA Aix-en-Provence, 2e ch., 5 novembre 2012, n° 11-19814
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Locarama (SARL)
Défendeur :
Mille et un Embruns (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Simon
Conseillers :
MM. Fohlen, Prieur
Exposé de l'affaire
La société Locarama a pour objet social la vente et de location de tout engin nautique et véhicule terrestre avec ou sans moteur, la location et la vente de bateaux de toutes activités en matière de montage et de maintenance dans le domaine de la tuyauterie industrielle et la protection incendie.
La société Mille et un Embruns exploite depuis le 9 février 2009 à Golfe-Juan une activité d'achat, vente, location de bateaux, voilier, jet ski, engin de plage.
La société Locarama est également associée dans le capital de la société Mille et un Embruns depuis le 26 octobre 2009, et titulaire de 49 % des parts.
A compter du 3 février 2010, la société Mille et un Embruns a exercé son activité sous l'enseigne Locarama, et ce jusqu'au 15 mai 2011.
La société Locarama a fait assigner devant le juge des référés du Tribunal de commerce d'Antibes la société Mille et un Embruns et M. V son gérant, pour parasitisme commerciale dans le cadre de leurs activités communes liées à la location de bateaux de plaisance.
Par ordonnance du 7 novembre 2011, le juge des référés s'est déclaré incompétent et a renvoyé les parties à mieux se pourvoir.
La société Locarama a relevé appel de cette décision et rappelle qu'à compter du 3 février 2010 la société Mille et un Embruns a exploité l'enseigne Locarama jusqu'au15 mai 2011 et que pendant presque deux années les deux sociétés ont exercé la même activité sous la même enseigne. Elle indique qu'à la suite d'une mésentente depuis le 15 mai 2011, et sans respect d'un préavis la société Mille et un Embruns a cessé l'exploitation de l'enseigne Locarama.
Elle soutient que la société Mille et un Embruns se rend coupable d'un comportement déloyal puisqu'elle utilise encore la marque Locarama, et qu'en raison des actes de concurrence déloyale et de parasitisme commercial qu'elle commet, il y a urgence à faire cesser ce trouble manifestement illicite.
Elle soutient que M. V n'a pas hésité à déposer à son nom auprès de l'INPI le sigle Boat Synergy, enseigne sous laquelle exploite Mille et un Embruns, manifestant la volonté de s'attribuer des éléments de reconnaissance de la marque au préjudice de Locarama qui n'a pas pris la précaution d'en faire autant et qu'il a ainsi abusé de sa confiance. Elle précise que la société Mille et un Embruns exploitant sous l'enseigne Boat Synergy n'hésite pas à créer une confusion dans l'esprit du public en utilisant des similitudes de présentation, logo, couleurs, enseignes, concept avec la société Locarama.
Elle fait aussi valoir que la société intimée utilise directement le nom Locarama sur le site Internet des pages jaunes et sur Google. Elle ajoute que la société intimée n'hésite pas à détourner la clientèle de la société Locarama.
Elle demande donc la réformation de la décision attaquée et d'ordonner sous astreinte à la société Mille et un Embruns et M. V d'avoir à cesser ses agissements déloyaux et d'ordonner la publication de la décision sur son site Internet. Elle sollicite en outre 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société Mille et un Embruns et M. V réplique que dans une première ordonnance de référés du 28 juillet 2011, la société Locarama a été déboutée de sa demande en concurrence déloyale, qu'une autre procédure toujours initiée par la société Locarama en réparation d'un préjudice économique est pendante devant le Tribunal de commerce de Cannes, qu'une seconde procédure de référés initiée par la société Mille et un Embruns concernant l'utilisation d'un véhicule a été rejetée, qu'une procédure correctionnelle engagée à la demande de la société Mille et un Embruns et M. V est pendante devant le Tribunal de grande instance de Grasse.
Sur le fond, la société intimée prétend qu'on ne peut lui reprocher des similitudes de présentation, logo, couleurs, enseignes, qu'elle n'est pas responsable du nom Locarama figurant sur les pages jaunes, et qu'on ne peut lui imputer une quelconque contrefaçon de marque. Elle conteste les griefs de désorganisation et de parasitisme qui lui sont reprochés.
Dès lors, elle conclut à la confirmation de l'ordonnance attaquée et sollicite 4 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
La cour renvoie, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, à leurs écritures précitées.
Motifs de la décision
Il résulte des pièces versées aux débats que selon acte sous seing privé du 5 février 2009, a été créée une société dénommée Mille et un Embruns dont le capital était détenu à hauteur de 49 % par la société Locarama.
A compter du 3 février 2010, la société Mille et un Embruns a exercé son activité sous l'enseigne Locarama et le 15 mai 2011 la société Mille et un Embruns a cessé de représenter la société Locarama.
Le contrat passé entre les parties prévoyait, ainsi que cela ressort d'une lettre du 3 septembre 2009, que la société Locarama autorisait la société Mille et un Embruns a utilisé pour une durée de 2 ans le logo, les couleurs et de manière générale, l'image associée à Locarama et qu'en cas de résiliation, la société Mille et un Embruns s'interdisait d'utiliser l'image associée à Locarama.
La société Locarama, créée en 1995 et immatriculée au registre du commerce d'Antibes depuis le 11 octobre 2001 justifie que son logo est un bateau à moteur vu de 3/4 avant posé sur une ligne représentant la mer et que se magasins disposent d'un fronton noir avec une bande orange supporté par des piliers blancs. Ses couleurs sont le noir et l'orange.
Suivant constat rédigé le 23 mai 2011 par Me M., huissier de justice, il a été constaté que sur le magasin de la société Locarama,au centre de chaque panneau noir et orange, figure la mention " Locarama Cannes Golfe-Juan ", et au-dessus de ces trois mots un bateau est dessiné. L'huissier s'est alors rendu devant les locaux de la société Mille et un Embruns et il a noté que le magasin Boat Synergy présentait une façade habillée de panneaux de couleur noire avec délai de couleur orange ou blanche et que sur d'autres panneaux il était mentionné l'indication "Boat Synergy Specific Yachtinf Solutions". Il note aussi la présence d'un bateau type yacht de couleur blanche.
Dans un constat du même jour, l'huissier a relevé qu'après avoir tapé sur le moteur de recherche Google " boat-synergy.com" il trouvait en première ligne la référence "Boat Synergy location de bateaux-location de yachts ". En cliquant sur le lien, est visible la mention" location de bateaux Boat Synergy Specific Yachtinf Solutions (de couleur orange). Est insérée la mention " location yacht vivez les grandes manifestations cannoises, festival de Cannes, Midem, Mipcom, en vous laissant bercer dans un écrin où la douceur de vivre pour faire oublier le stress des grands congrès, Boat Synergy.fr bientôt en ligne".
Au-dessus du nom Boat Synergy, est constatée l'existence d'un logo représentant un bateau et il y a deux couleurs le noir et l'orange.
Sur le site Locarama, ce nom est écrit en lettres noires avec un logo représentant un bateau puis, figure la mention " Cannes, Golfe-Juan " lettre de couleur orange. Un texte en lettres blanches est ainsi rédigé "location yacht vivez les grandes manifestations cannoises, festival de Cannes, Midem, Mipcom, en vous laissant bercer dans un écrin où la douceur de vivre pour faire oublier le stress des grands congrès".
L'huissier précité, dans des procès-verbaux des 31 mai 2011 et 7 juillet 2011, relève que dans les pages jaunes en tapant Locarama, il obtient les coordonnées de la société Mille et un Embruns.
Un procès-verbal dressé le 3 juin 2011 par huissier de justice permet de constater qu'en tapant l'adresse "www boat-synergy.com " puis celle de la société Locarama, les noms Boat Synergy et Locarama étaient écrits de manière identique, et tous deux surmontés d'une représentation d'un yacht circulant de gauche à droite et présentant des formes tout à fait identiques.
Un nouveau de constat du 18 août 2011 fait ressortir qu'en pratiquant une recherche sur le moteur "Google" et en tapant le nom Locarama, apparaît en troisième ligne la mention V dirigeant Boat Synergy Golfe-Juan.
Divers autres constats dressés par huissier de justice permettent de relever que la société Mille et un Embruns sous l'enseigne Boat Synergy utilise une présentation quasi identique avec la société Locarama, et que lorsque des recherches sont pratiquées sur Internet en tapant le nom Locarama un renvoi est effectué vers la société Mille et un Embruns.
Les photographies produites aux débats démontrent indubitablement une très grande similitude entre les logos, typographie des noms, couleurs, présentation des panneaux entre les deux sociétés qui risque de créer une confusion dans l'esprit de la clientèle. La société Mille et un Embruns utilise un panneau de couleur orangé comme la société Locarama, et emploie la même typographie pourtant originale, et présente le dessin d'un bateau à moteur de conception identique à celui utilisé par la société appelante.
La société Locarama est donc victime d'un trouble manifestement illicite imputable à la société Mille et un Embruns.
En conséquence, il convient d'ordonner à cette société sous astreinte de 100 euro par jour de retard débutant passé le délai de 60 jours de la notification de la présente décision de :
- cesser d'utiliser des similitudes représentation, logo, couleurs, concept avec la société Locarama et notamment dans son enseigne,
- cessé d'utiliser le nom et/ou les coordonnées de Locarama sur tous supports,
- faire cesser la parution sur Internet de tout lien Locarama renvoyant vers Boat Synergy ou société Mille et un Embruns.
Il convient d'autoriser la société Locarama à publier la présente décision à intervenir sur son site Internet.
Il est équitable de condamner la société Mille et un Embruns à verser à la société Locarama une indemnité de 1 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Les autres réclamations présentées par les parties sont rejetées.
L'ordonnance attaquée est donc infirmée en toutes ses dispositions.
Par ces motifs : Infirme la décision attaquée, Statuant à nouveau, Ordonne à la société Mille et un Embruns sous astreinte de 100 euro par jour de retard débutant passé le délai de 60 jours de la notification de la présente décision de : - cesser d'utiliser des similitudes représentation, logo, couleurs, concept avec la société Locarama et notamment dans son enseigne, - cessé d'utiliser le nom et/ou les coordonnées de Locarama sur tous supports, - faire cesser la parution sur Internet de tout lien Locarama renvoyant vers Boat Synergy ou société Mille et un Embruns. Autorise la société Locarama à publier la présente décision à intervenir sur son site Internet, Condamne la société Mille et un Embruns à verser à la société Locarama une indemnité de 1 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, La condamne aux dépens de première instance et d'appel recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.