Cass. crim., 20 mars 2012, n° 11-87203
COUR DE CASSATION
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
X
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Louvel
Rapporteur :
M. Fossier
Avocats :
SCP Piwnica, Molinié
LA COUR : Statuant sur le pourvoi formé par M. Jean-Pierre X, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Rouen, chambre correctionnelle, en date du 11 juillet 2011, qui, pour tromperie, l'a condamné à 500 euros d'amende ; - Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, L. 213-1, L. 213-2 1° du Code de la consommation, 121-3 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X coupable de tromperie sur une marchandise entraînant un danger pour la santé de l'homme ou de l'animal et l'a condamné au paiement d'une amende de 500 euros ;
"aux motifs qu'il résulte des dispositions de l'article L. 213-1 du Code de la consommation visé à la prévention que " sera puni d'un emprisonnement de deux ans au plus et d'une amende de 37 500 euros au plus ou de l'une de ces deux peines seulement, quiconque, qu'il soit ou non partie au contrat, aura trompé ou tenté de tromper le contractant, par quelque moyen que ce soit, même par l'intermédiaire d'un tiers : 1°) soit sur la nature, l'espèce, l'origine, les qualités substantielles, la composition ou la teneur en principes utiles de toutes marchandises, 2°) soit sur la quantité des choses livrées ou sur leur identité par la livraison d'une marchandise autre que la chose déterminée qui a fait l'objet du contrat, 3°) soit sur l'aptitude à l'emploi, les risques inhérents à l'utilisation du produit, les contrôles effectués, les modes d'emploi ou les précautions à prendre " ; que l'article L. 213-2 1° du même Code précise que " les peines prévues à l'article L. 213-1 sont portées au double : 1°) si les délits prévus audit article ont eu pour conséquence de rendre l'utilisation de la marchandise dangereuse pour la santé de l'homme ou de l'animal " ; qu'il est établi que l'emballage du produit vendu par la société Auchan France en faisant mention d'une composition en glucides erronée (mention de 10,1 grammes de glucides pour une valeur nutritionnelle de 100 grammes au lieu de l'indication de 22,9 grammes de glucides pour 100 grammes) dans une proportion de 50% inférieure à la réalité, a manifestement trompé le consommateur sur la composition du produit vendu en faisant croire à un taux de glucides particulièrement faible et attractif ; que d'ailleurs, la société Auchan France, déclarée coupable, par le même jugement, du délit reproché au prévenu, en a accepté les termes et a indemnisé la partie civile le 21 décembre 2010 ; que l'élément matériel de l'infraction est identique pour la société Auchan France et pour le prévenu ; que, concernant l'élément intentionnel de l'infraction, M. X, en sa qualité de chef de groupe produits frais de la société Auchan France, était titulaire d'une délégation de pouvoirs, en date du 7 février 2003, aux termes de laquelle il avait, dans le cadre de la gestion commerciale de son groupe, la mission de rechercher, sélectionner, négocier tout produit destiné au commerce de la société, de définir les cahiers des charges d'usage des produits, de négocier et signer tout contrat de fourniture concernant tout produit en provenance de France ou de l'étranger, de veiller à l'exécution des contrats de fourniture et de respecter les lois et règlements relatifs au commerce des produits proposés ; qu'il avait donc l'obligation de veiller à mettre en vente un produit dont l'information nutritionnelle était conforme à sa composition et qu'à cette fin, il lui appartenait de mettre en place les procédures de contrôle lui permettant de s'assurer avec certitude de l'absence de risque pour les consommateurs et notamment pour les personnes tenues à un régime alimentaire strict pour des raisons médicales ; que le fait de se contenter d'une analyse, effectuée en mars 2005, est manifestement insuffisant pour assurer la sécurité du consommateur, et la défaillance du prévenu résulte du fait que celui-ci s'est soustrait à l'obligation qui lui incombait par ses fonctions de faire exercer les contrôles nécessaires ; qu'il ressort en effet de la procédure, non seulement une absence pure et simple de vérification régulière de la composition du produit qui avait pu évoluer, mais aussi l'existence d'un dispositif ne présentant ni l'efficacité ni la fiabilité permettant d'atteindre l'objectif de parfaite conformité exigé pour éviter des conséquences néfastes sur la santé des consommateurs et particulièrement des enfants, adeptes de ce type de produit ; que les faits reprochés à M. X étant établis et caractérisant en tous ses éléments l'infraction dont ils ont été qualifiés, le jugement déféré doit être confirmé sur la déclaration de culpabilité du prévenu ; que, sur la sanction pénale, pour apprécier la responsabilité de M. X, il y a lieu de tenir compte du fait que l'analyse du produit avait été faite par un laboratoire spécialisé, se prévalant d'une grande notoriété et dont le prévenu pouvait légitimement penser qu'une erreur aussi considérable sur une simple analyse de glucides n'était pas concevable ; que tenant compte de la personnalité du prévenu qui n'a jamais été condamné, l'amende délictuelle que lui a infligée le tribunal est adaptée à la nature de l'infraction commise ; qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré sur la peine prononcée ;
"1°) alors que le délit de tromperie sur une marchandise implique l'intention de la personne de tromper le consommateur ; que le fait qu'une personne se fie à l'analyse d'un laboratoire concluant à la conformité du produit, exclut toute intention de tromper ; qu'il est constaté que le prévenu avait, avant de mettre en vente le produit, demandé une analyse par un laboratoire réputé, que le résultat de l'analyse paraissait fiable, que l'emballage du produit a reproduit les résultats de l'analyse ; qu'en considérant néanmoins que le prévenu était coupable de tromperie sur la marchandise, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
"2°) alors qu'en présence d'une erreur de fait invincible, la bonne foi est retenue ; que lorsque la personne est dans l'impossibilité de déceler une erreur, elle ne saurait être considérée de mauvaise foi ; qu'ayant constaté que le prévenu pouvait légitimement penser le résultat de l'analyse fiable, la cour d'appel qui en a cependant déduit la mauvaise foi, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations ;
"3°) alors que la contradiction de motifs équivaut à son absence ; qu'ayant constaté que le prévenu a fait analyser le produit par un laboratoire spécialisé et réputé et ayant également constaté que le résultat d'analyse permettait légitimement au prévenu de croire en l'absence de risque du produit, la cour d'appel ne pouvait, sans se contredire, déclaré le prévenu coupable aux motifs qu'il n'avait pas mis en place une procédure de contrôle fiable lui permettant de s'assurer de l'absence de risque ;
"4°) alors que de même, les juges du fond ne pouvaient sans se contredire, déclarer le prévenu coupable pour s'être contenté d'une analyse par an tandis qu'il résulte des faits qu'entre l'analyse effectuée par le prévenu et l'achat du produit par la partie civile, il ne s'est écoulé que quelques mois ; que dès lors les juges du fond n'ont pas justifié leur décision ;
"5°) alors que si l'élément intentionnel peut résulter de l'absence de vérification du produit, un tel élément ne peut pas se déduire de l'absence de vérifications complémentaires ; que la mauvaise foi du prévenu ne peut pas se déduire de l'absence de contre-analyse ; qu'aucune disposition n'impose de soumettre à une contre-analyse, un produit ayant fait l'objet d'une première analyse par un laboratoire concluant à la conformité du produit ; qu'en déduisant la mauvaise foi de l'absence de vérification régulière de la composition du produit, la cour d'appel a méconnu les textes précités" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable ; d'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Rejette le pourvoi.