Livv
Décisions

CA Aix-en-Provence, 1re ch. C, 15 novembre 2012, n° 11-22089

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Union départementale des syndicats des Maîtres artisans boulangers-pâtissiers des Bouches-du-Rhône

Défendeur :

Bouhadi

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Kerraudren

Conseillers :

Mme Elleouet-Giudicelli, M. Jacquot

Avocats :

SCP Tollinchi Perret Vigneron, SCP Magnan, Me Noell

TGI Aix-en-Provence, du 13 déc. 2011

13 décembre 2011

EXPOSE DU LITIGE

Madame Fatima Bouhadi exploite une boulangerie située au [...]. Invoquant un arrêté préfectoral du 4 décembre 1996 imposant une fermeture hebdomadaire pour toutes les boulangeries des Bouches du Rhône, l'Union départementale des syndicats des maîtres artisans boulangers et boulangers pâtissiers des Bouches du Rhône (UDSMABP) l'a assignée devant le juge des référés du Tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence sur le fondement de l'article 809 du Code de procédure civile. Elle a été déboutée de sa demande par ordonnance contradictoire du 13 décembre 2011.

Appelante de cette décision, l'UDSMABP expose dans ses conclusions du 26 mars 2012 que :

- le procès-verbal établi par Maître P. Layec, huissier de justice associé à Berre l'Etang, démontre l'absence de toute fermeture pour la période du 6 au 12 juin 2011,

- cette pratique anti-concurrentielle constitue un trouble manifestement illicite pour la profession,

- le procès-verbal ne peut sérieusement être remis en cause au moyen de trois attestations imprécises et dont l'une émane en outre d'une salariée de Madame Bouhadi,

- la cour administrative d'appel a reconnu la validité de l'arrêté du 4 décembre 1996.

L'UDSMABP demande à la cour d'infirmer l'ordonnance déférée, de condamner Madame Fatima Bouhadi à respecter l'obligation de fermeture sous astreinte de 3 500 euro par infraction constatée et de payer une provision de 3 000 euro à titre de dommages intérêts ainsi qu'une indemnité de 3 000 euro pour frais de procédure.

Aux termes de conclusions en réplique du 12 juin 2012, Madame Fatima Bouhadi soutient que :

- la demande est irrecevable faute pour le président de l'UDSMABP de justifier d'un pouvoir spécial,

- le procès-verbal d'assemblée du 16 mai 2011 produit par l'appelante n'atteste aucunement d'une autorisation d'agir en justice,

- elle n'a reçu aucun avertissement préalable à l'assignation et l'action intentée par l'UDSMABP est abusive,

- elle s'est conformée aux exigences de l'arrêté et le trouble ayant cessé, la demande est devenue sans objet,

- un recours a été intenté contre le décret en l'absence d'accord tel que prévu à l'article L. 221-17 du Code du travail,

- l'UDSMABP s'interroge d'ailleurs elle-même sur le souhait de la profession de maintenir une fermeture hebdomadaire.

Madame Fatima Bouhadi conclut subsidiairement à la nullité de l'arrêté et à un sursis à statuer jusqu'à l'issue de la procédure administrative. Elle sollicite enfin paiement par l'appelante d'une indemnité de 3 500 euro pour frais de procédure.

DISCUSSION

Sur la procédure :

L'UDSMABP regroupe tous les syndicats des maîtres artisans boulangers et boulangers-pâtissiers des Bouches-du-Rhône. Son assemblée générale en date du 16 mai 2011 a donné mandat à l'unanimité à son président d'agir en justice tant en demande qu'en défense.

C'est donc à bon droit que le premier juge a déclaré l'action recevable et a écarté le moyen tiré de l'article 117 du Code de procédure civile.

Au fond :

L'article L. 221-17 du Code du travail, devenu L. 3132-29 édicte que : "lorsqu'un accord est intervenu entre les organisations syndicales de salariés et les organisations d'employeurs d'une profession (...) sur les conditions dans lesquelles le repos hebdomadaire est donné aux salariés, le préfet peut, par arrêté sur la demande des syndicats intéressés, ordonner la fermeture au public des établissements de la profession ou de la zone géographique concernée par toute la durée de ce repos."

Contrairement à l'argumentaire soutenu par l'intimée, un tel accord a bien été recueilli préalablement puisque l'arrêté critiqué vise successivement la demande formulée par l'Union départementale des syndicats des maîtres artisans boulangers et boulangers pâtissiers des Bouches-du-Rhône, les consultations lancées auprès du nouveau syndicat des artisans boulangers pâtissiers Midi-Méditerranée, du syndicat des patrons pâtissiers confiseurs chocolatiers, glaciers et pâtissiers boulangers des Bouches-du-Rhône, de la fédération des entreprises du commerce et de la distribution, du syndicat national des industries de la boulangerie-pâtisserie et des syndicats des travailleurs du département des Bouches-du-Rhône, les avis favorables au projet de réglementation de la fermeture hebdomadaire et l'accord intervenu le 1er septembre 1996 entre l'UDSMABP et les syndicats de travailleurs du département des Bouches-du-Rhône exprimant "la volonté de la majorité indiscutable des professionnels concernés par la fabrication, la vente ou la distribution de pain et viennoiseries dans le département des Bouches-du-Rhône".

Le juge des référés judiciaire n'a pas en charge le contentieux de la légalité des actes administratifs. Madame Fatima Bouhadi ne produit aucune décision émanant des juridictions administratives remettant en cause la légalité de l'arrêté.

Le procès-verbal de constat précité de Maître Layec établit sans contestation possible le manquement de Madame Fatima Bouhadi à l'obligation de fermeture hebdomadaire prescrite pour la profession puisque l'huissier instrumentaire relève une activité constante du 6 au 12 juin 2011 de son établissement à l'enseigne "Pain chaud".

Les trois attestations laconiques produites par l'intimée ne peuvent sérieusement remettre en question les constatations de l'huissier s'agissant d'un témoin salarié de Madame Bouhadi pour l'une et d'un témoin résidant à vingt kilomètres pour une autre.

Le non-respect de l'arrêté préfectoral constitue un trouble manifestement illicite au sens de l'article 809 du Code de procédure civile dans la mesure où il soumet les membres de la profession à une concurrence déloyale nécessairement source de préjudice pour ceux qui respectent la fermeture hebdomadaire et la perte de chiffre d'affaires qu'elle implique.

Il convient dès lors de faire droit à la demande dans les termes figurant ci-après.

Les agissements de Madame Fatima Bouhadi ont contraint l'UDSMABP à subir les peines et désagréments d'un procès justifiant l'allocation d'une provision dont le montant peut toutefois être ramené à la somme de 2 000 euro.

Aucun motif économique ou d'équité ne conduit la cour à écarter l'application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Madame Fatima Bouhadi qui succombe supportera les dépens.

Par ces motifs : LA COUR, Confirme l'ordonnance déférée en ce qu'elle a déclaré l'action recevable, L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau, Condamne Madame Fatima Bouhadi exploitante à l'enseigne "La Boulangerie Pain Chaud" à fermer son établissement un jour par semaine dans les termes de l'arrêté préfectoral du 4 décembre 1996 et ce sous astreinte de 3 000 euro par infraction constatée, Condamne Madame Fatima Bouhadi à payer à l'UDSMABP les sommes de : - 2 000 euro à titre de provision, - 2 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile tant en première instance qu'en appel, La condamne aux dépens qui seront recouvrés, pour ceux d'appel, dans les formes de l'article 699 du Code de procédure civile.