CA Aix-en-Provence, 2e ch., 20 décembre 2012, n° 10-18506
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Prestige (SARL)
Défendeur :
Home Shopping Service (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Aubry-Camoin
Conseillers :
MM. Fohlen, Prieur
Avocats :
Selarl Boulan Cherfils Imperatore, SCP Desombre
Exposé de l'affaire
La société Home Shopping Service affiliée au groupe M6, qui produit une émission de télé-achat a passé en 2004 avec la société Prestige un contrat concernant la fourniture de produits de bijouterie.
Le 2 mai 2005, un nouveau contrat a été conclu entre ces sociétés.
La société Home Shopping Service a fait assigner le 13 octobre 2006 la société Prestige devant le Tribunal de commerce d'Antibes pour avoir paiement de la somme de 58 395,25 euros au titre de factures impayées.
Par jugement du 24 septembre 2012, le tribunal a fait droit à la demande présentée par la société Home Shopping Service et a rejeté la réclamation formulée par la société Prestige qui soutenait la nullité de diverses clauses du contrat.
La société Prestige a relevé appel de cette décision et conteste être débitrice d'une quelconque somme envers la société Home Shopping Service.
Formant appel incident, elle soutient, en se fondant sur l'article L. 442-6 du Code de commerce, que le comportement de la société Home Shopping Service constitue un abus de position dominante, qu'il convient donc de la condamner à lui verser la somme de 80 000 euros à titre de dommages et intérêts et de prononcer la nullité des clauses et conditions d'achat concernant "remise de fin d'année, remise quantitative, retours et invendus" au visa de l'article L. 442-6 I 2 a du Code de commerce.
À titre subsidiaire, elle sollicite une mesure d'expertise.
Elle réclame en toute hypothèse 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société Home Shopping Service réplique qu'elle justifie du bien-fondé de sa créance.
Elle ajoute que les allégations de la société appelante quant à l'existence d'une position dominante sont infondées et précise que l'interdiction de retour des marchandises ne peut être invoquée au sens de l'article L. 442-6-8 du Code de commerce dans la mesure où les conditions à la fois d'achat et de restitution des invendus sont prévues contractuellement préalablement à toute livraison.
Elle demande donc la confirmation du jugement et le paiement d'une somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts outre celle de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
LA COUR renvoie, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, à leurs écritures précitées.
Motifs de la décision
La société Home Shopping Service produit aux débats une lettre de mise en demeure en date du 30 janvier 2006 ainsi que le courrier en réponse envoyé par la société Prestige qui ne contestait nullement sa créance.
La société Home Shopping Service remet un état actualisé de sa créance et la société Prestige n'établit nullement avoir réglé la somme réclamée et qui est justifiée.
La société Prestige se prévaut des dispositions de l'article L. 442-6- II du Code de commerce selon lesquelles : "Sont nuls les clauses ou contrats prévoyant pour un producteur, un commerçant, un industriel ou une personne immatriculée au répertoire des métiers, la possibilité :
a) De bénéficier rétroactivement de remises, de ristournes ou d'accords de coopération commerciale".
Le contrat passé entre les parties prévoit des remises de fin d'année de 4 % à la société Home Shopping Service et une remise quantitative.
Ces clauses sont nulles en vertu de l'article précité.
La société appelante n'a pas produit les factures éditées au titre de ces clauses ni fait état dans ses écritures des factures y faisant référence. Le relevé de compte remis par la société Home Shopping Service fait apparaître l'existence d'une seule facture d'un montant de 1 072,81 euros du 10 mars 2005 intitulée "remise quantitative". Cette facture est produite aux débats. Les autres factures concernent les retours de matériels défectueux ou invendus conformément à une clause contractuelle nullement prohibée.
En conséquence, en application de l'article 1315 du Code civil, et sans qu'il y ait lieu d'ordonner une mesure d'instruction, la société Prestige doit verser à la société Home Shopping Service la somme de 58 384,25 euros - 1 072,81 soit la somme de 57 311,14 euros qui produira intérêts à compter du 20 février 2006 date de la mise en demeure.
La société Prestige invoque l'article 442-6 I 2a du Code de commerce.
Toutefois cette société ne démontre absolument pas que la société Home Shopping Service aurait obtenu de la société Prestige un avantage qui ne correspondrait à aucun service commercial ou serait manifestement disproportionné par rapport au service qui lui est rendu.
La société Prestige qui se prévaut de l'article 442-6 I 2b du Code de commerce n'établit nullement un abus de position dominante de la société Home Shopping Service, ni que cette société la soumettrait à des conditions commerciales ou des obligations injustifiées.
Il convient en effet de relever qu'il existe de nombreuses sociétés dont l'objet social est identique à celui de la société Home Shopping Service et avec lesquelles la société appelante était libre de contracter.
La société Prestige invoque les dispositions de L. 442-6 - 8 du Code de commerce en faisant valoir que la société Home Shopping Service ne comptabilisait pas ses pièces comptables mais les bons de retour, facturait d'office les remises quantitatives selon un palier de chiffre d'affaire, et s'octroyait des avoirs systématiques.
Toutefois, la disposition dont se prévaut la société appelante n'était pas en vigueur au moment de la souscription du contrat en mai 2005 puisqu'elle a été introduite par la loi du 2 août 2005.
La demande de dommages intérêts présentée sur le fondement de l'article précité est donc rejetée.
En conséquence, le jugement attaqué est infirmé.
La société Prestige, dont les demandes sont rejetées, est condamnée à payer à la société Home Shopping Service une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société Home Shopping Service qui n'établit pas l'existence d'autre préjudice est déboutée de sa demande de dommages et intérêts.
Par ces motifs : LA COUR, Infirme le jugement attaqué, Statuant à nouveau, Déclare nulles les clauses contenues dans le contrat passé entre les parties au titre des remises de fin d'année et des remises quantitatives, Condamne la société Prestige à payer à la société Home Shopping Service la somme de 57 311,14 euros qui produira intérêts à compter du 20 février 2006 outre une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Déboute les parties de leurs demandes autres ou plus amples, Condamne la société Prestige aux dépens de première instance et d'appel recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.