Cass. crim., 20 novembre 2012, n° 11-89.090
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Louvel
Rapporteur :
Mme Radenne
Avocat :
SCP Boulloche
LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par la société X, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Bordeaux, chambre correctionnelle, en date du 18 octobre 2011, qui, pour pratique commerciale trompeuse et infraction à la législation sur les loteries, l'a condamnée à 5 000 euro d'amende, a ordonné une mesure de publication, et a prononcé sur les intérêts civils ; - Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 7 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, L. 112-1 du Code pénal, L. 121-6, L. 121-41, L. 121-36, alinéa 2, du Code de la consommation, 591, 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la société X coupable de pratique commerciale trompeuse, et l'a condamnée à une amende de 5 000 euro outre au versement de dommages-intérêts à la partie civile ;
"aux motifs que la société X ne saurait utilement soutenir que l'infraction de pratique commerciale trompeuse ne serait incriminante à l'égard des personnes morales qu'à compter de la loi du 4 août 2008 alors que l'infraction de pratiques commerciales trompeuses créée par la loi du 3.01.2008 a remplacé et intégré les délits de publicité mensongère et de tromperie sur les qualités substantielles et que la loi du 12.06.2001 en ses articles L. 121-6 et L. 213-6 prévoyait déjà la responsabilité pénale des personnes morales de ces chefs ; que l'article 121-1 du Code de la consommation dans sa rédaction issue de la loi du 1.01.2008 stipule qu'une pratique commerciale est trompeuse notamment lorsqu'elle repose sur des allégations de nature à induire en erreur et portant sur l'un ou plusieurs des éléments suivants à savoir la portée des engagements de l'annonceur et le procédé de vente ; que la loi du 4 août 2008 n'a fait qu'ajouter d'autres circonstances constitutives de pratique commerciale trompeuse et n'a rien enlevé aux dispositions de la loi du 3.01.2008 dont les énonciations demeurent ; qu'en adressant, à plusieurs reprises, à Mme A des courriers faisant état de gains importants décrits en des termes accréditant pour un lecteur non averti l'idée que ces gains étaient définitivement acquis et en faisant figurer sur la même page un bon de commande ainsi qu'une mention afférente à la perception du gain "l'alternative sans commande... implique un envoi différé de plusieurs semaines de votre gain. Prenez connaissance du mode rapide avec commande et faites-vous une idée", "je commande pour recevoir mon chèque confirmé plus rapidement", la prévenue a mis en œuvre une pratique commerciale trompeuse pour inciter la cliente à passer commande ;
"1) alors qu'une pratique commerciale n'est trompeuse que si elle est de nature à induire en erreur le public auquel elle s'adresse et si elle a eu une incidence sur son comportement en ayant déterminé un nombre significatif de personnes à acquérir le produit promu par la publicité ; que, pour condamner la société X du chef de pratique commerciale trompeuse, la cour a retenu qu'elle avait adressé à Mme A des courriers faisant état de gains importants et l'incitant à passer commande pour recevoir ces gains plus rapidement ; qu'en ne justifiant pas que la pratique commerciale en question avait effectivement déterminé Mme A ainsi qu'un nombre significatif de personnes à acquérir le produit en cause, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
"2) alors que la société X a fait valoir dans ses conclusions d'appel qu'il était reproduit dans tous les messages adressés à la clientèle un règlement détaillant le fonctionnement du jeu et permettant d'être aisément informé du caractère aléatoire de l'attribution du prix principal et des conditions de participation au jeu ; qu'il s'ensuivait que ce règlement systématiquement joint aux courriers publicitaires était de nature à lever toute ambiguïté et à ôter tout caractère trompeur aux pratiques incriminées ; qu'en s'abstenant de prendre en considération cet élément et de répondre aux conclusions de la société X sur ce point, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
"3) alors que la société X a fait valoir que la loi du 17 mai 2011 avait complété l'article L. 121-36 du Code de la consommation et autorisé, sous réserve d'un caractère déloyal, la pratique consistant à conditionner la participation à un jeu à une obligation d'achat ; qu'elle a soutenu qu'en application du principe de rétroactivité in mitius, elle devait être relaxée des fins de la poursuite ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen déterminant, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;
Attendu que, pour déclarer la société X coupable de pratique commerciale trompeuse, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que celle-ci a adressé à plusieurs reprises à la plaignante des courriers affirmant péremptoirement qu'elle avait gagné des sommes importantes et qu'elle recevrait plus rapidement ses gains si elle passait commande ; que les juges ajoutent que ces courriers de nature à convaincre le consommateur moyen de l'absence d'aléa, sans qu'il éprouve le besoin de se reporter au règlement du jeu imprimé en petits caractères dans un langage peu accessible, ont incité cette dernière à passer commande ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen, inopérant en sa troisième branche, ne saurait être admis ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles [sic] de la Convention européenne des Droits de l'Homme, L. 112-1 du Code pénal, L. 121-36, L. 121-37, L. 121-41, R. 121-11 du Code de la consommation, 388, 512, 591, 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la société X coupable d'avoir, lors d'opérations publicitaires réalisées par voie d'écrit, imposé la nécessité de passer commande auprès de la société de vente pour y participer et obtenir un gain, et l'a condamnée à une amende de 5 000 euro outre au versement de dommages-intérêts à la partie civile ;
"aux motifs que s'agissant du deuxième volet de la prévention au visa des articles L. 121-36 et 37 du Code de la consommation figurant dans la citation de la partie civile, il convient de relever que le bon de participation et le bon de commande sont sur une seule et même feuille et que figure sur le bon de participation la mention "pour plus de sécurité, renvoyez nous la page entière si vous le souhaitez", c'est-à-dire le bon de commande ; qu'enfin, figure dans un envoi un fac-similé de chèque d'un montant de 22500 euro avec la mention "dossier personnel à l'attention de Mme A", qualifié de "chèque garanti" portant la signature de la responsable financière, qui est de nature à susciter la confusion avec un document bancaire, caractérisant ainsi les infractions prévues et punies par les articles L. 121-36 et 37 et L. 121-41 du Code de la consommation ;
"1) alors que la société X a fait valoir que la loi du 17 mai 2011 avait complété l'article L. 121-36 du Code de la consommation et autorisé, sous réserve d'un caractère déloyal, la pratique consistant à conditionner la participation à un jeu à une obligation d'achat ; que la société X avait soutenu qu'en application du principe de rétroactivité in mitius de la loi pénale, elle devait être relaxée des fins de la poursuite ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen déterminant des conclusions d'appel, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
"2) alors que l'article R. 121-11 du Code de la consommation n'impose pas que le bon de commande soit nécessairement séparé du bulletin de participation mais seulement qu'il figure dans une partie distincte du document ; qu'en retenant la société X dans les liens de la prévention, au motif que le bon de participation à la loterie et le bon de commande étaient sur une seule et même feuille, la cour d'appel a ajouté au texte une condition qui n'y figurait pas et a violé les textes susvisés ;
"3) alors que le juge ne peut méconnaître la teneur et les termes clairs et précis des pièces versées aux débats ; qu'un fac similé constitue une copie, une reproduction exacte, une imitation fidèle et identique d'un document ; qu'en décidant que figurait dans un envoi un fac similé de chèque d'un montant de 22500 euro qualifié de "chèque garanti" portant la signature d'un responsable financier, qui est de nature à susciter la confusion avec un document bancaire, alors que ce document ne comportait pas de copie fidèle d'un chèque, la cour d'appel a méconnu les dispositions citées au moyen ;
"4) alors que les juges du fond, saisi in rem, ne peuvent ajouter d'autres éléments de fait à ceux visés dans les actes de poursuite ; qu'il ne résulte pas de la citation ayant saisi le tribunal qu'il ait été reproché à la société X l'envoi d'un fac similé de chèque d'un montant de 22500 euro qualifié de "chèque garanti" portant la signature de la responsable financière, de nature à susciter la confusion avec un document bancaire ; qu'il n'apparaît pas que la société X ait volontairement accepté de s'expliquer sur ce point ; qu'en se fondant sur ces éléments de fait pour condamner la société X, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;
Attendu que, pour dire établi le délit prévu par le second alinéa de l'article L. 121-36 du Code de la consommation, l'arrêt énonce qu'alors que le bon de commande et le bon de participation figurent sur le même feuillet, ce dernier mentionne qu'il convient, pour plus de sécurité, de renvoyer l'intégralité de la page ;
Attendu qu'en l'état de ces seuls motifs, la cour d'appel, qui a répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a fait une exacte application de ce texte, dont seul le premier alinéa a été modifié par la loi du 17 mai 2011 ;
Que, dès lors, le moyen, qui en ses troisième et quatrième branches critique un motif surabondant, ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Rejette le pourvoi.