Cass. soc., 9 janvier 2013, n° 11-26.419
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Boyer (Epoux)
Défendeur :
Distribution Casino France (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bailly
Rapporteur :
M. Linden
Avocat général :
M. Lalande
Avocats :
SCP Ortscheidt, SCP Gatineau, Fattaccini
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. et Mme Boyer ont conclu avec la société Distribution Casino France plusieurs contrats de cogérance non-salariée, le dernier en date du 31 mai 1999, pour l'exploitation de magasins de vente au détail situés à Nice et à Marseille ; que M. Boyer a été, par application de l'article 37 de l'accord collectif national des maisons d'alimentation à succursales, supermarchés, hypermarchés, "gérants-mandataires" du 18 juillet 1963 révisé et étendu par arrêté du 25 avril 1985, désigné représentant syndical au comité d'établissement à compter de décembre 2006 ; que les intéressés ont saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant notamment à la requalification de leur contrat de gérance en contrat de travail et à la résiliation judiciaire de ce dernier aux torts de la société ;
Sur les premier, deuxième moyens et le cinquième moyen en ce qu'il concerne Mme Boyer : - Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces moyens, qui ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le troisième moyen : - Vu le principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle et l'article L. 782-7, recodifié L. 7322-1, du Code du travail ; - Attendu qu'en application de ce principe et de ce texte, une clause de non-concurrence stipulée dans le contrat d'un gérant non salarié de succursale de maison d'alimentation de détail n'est licite que si elle comporte l'obligation pour la société de distribution de verser au gérant une contrepartie financière ; que la stipulation d'une clause de non-concurrence nulle cause nécessairement un préjudice au gérant ;
Attendu que pour débouter M. et Mme Boyer de leur demande au titre de la clause de non-concurrence, l'arrêt retient que la relation contractuelle n'est pas rompue ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il n'était pas contesté que la clause de non-concurrence stipulée au contrat de gérance ne comportait pas de contrepartie financière au bénéfice des gérants, la cour d'appel a violé le principe et le texte susvisés ;
Et sur le quatrième moyen : - Vu les articles L. 2251-1, L. 7322-1, L. 7322-3, L. 2143-17, L. 2315-3, L. 3232-1, L. 3232-3, D. 3231-5 et D. 3231-6 du Code du travail ; - Attendu qu'il résulte de ces textes que le temps nécessaire à l'exercice des fonctions de représentant du personnel est de plein droit considéré comme temps de travail et payé à l'échéance normale ; que ce représentant ne doit subir aucune perte de rémunération du fait de l'exercice de sa mission ; que si les accords collectifs peuvent déterminer la rémunération minimum garantie des gérants non-salariés des succursales de commerce de détail alimentaire compte tenu de l'importance de la succursale et des modalités d'exploitation de celle-ci, il demeure qu'en application de l'article L. 7322-3 du Code du travail, la rémunération convenue ne peut jamais être inférieure au SMIC ; qu'en conséquence, lorsque le représentant est payé en tout ou en partie par des commissions, la somme qui lui est allouée pendant une période où du fait de ses fonctions il ne peut travailler, doit être calculée d'après son salaire réel et être au moins égale au SMIC ;
Attendu que pour débouter M. Boyer de sa demande d'indemnité complémentaire au titre des heures de délégation, l'arrêt retient qu'en application de l'article 37-C, b, de l'accord du 18 juillet 1963, le gérant mandataire non salarié perçoit au titre de l'indemnisation de ses heures de délégation une indemnité de 106 euros par mois pour sa fonction de représentant syndical gérant non salarié au sein d'un "établissement succursales" regroupant habituellement plus de 500 gérants ; qu'il est rémunéré au moyen de commissions proportionnelles aux ventes qu'il réalise et que c'est précisément la raison pour laquelle il est indemnisé de ses heures de délégation de manière forfaitaire ; que s'il est exact que le gérant-mandataire non salarié investi de mandats conventionnels de représentation peut bénéficier des dispositions légales, c'est sous réserve des aménagements expressément et limitativement prévus par l'accord précité, ce qui est le cas de l'article 37 qui aménage l'indemnisation des heures de délégation ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le montant de l'indemnité conventionnelle pour les heures de délégation était inférieur au SMIC, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le cinquième moyen, en ce qu'il concerne M. Boyer : - Vu l'article 624 du Code de procédure civile ; - Attendu que la cassation sur la disposition rejetant la demande au titre des heures de délégation entraîne celle de la disposition concernant la résiliation judiciaire du contrat de gérance de M. Boyer ;
Par ces motifs : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il déboute M. et Mme Boyer de leur demande au titre de la clause de non-concurrence et M. Boyer de ses demandes d'indemnité complémentaire pour heures de délégation et de résiliation judiciaire du contrat de gérance, l'arrêt rendu le 15 septembre 2011, entre les parties, par la Cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Nîmes.