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Décisions

Commission, 25 juillet 2012, n° 2013-9/UE

COMMISSION EUROPÉENNE

Décision

Concernant l'aide d'État n° SA.33114 (2012/C) (ex 2011/NN) - Pologne Aide d'État présumée en faveur du chantier naval Crist

Commission n° 2013-9/UE

25 juillet 2012

LA COMMISSION EUROPÉENNE,

vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et notamment son article 108, paragraphe 2, premier alinéa, vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 62, paragraphe 1, point a), après avoir invité les parties intéressées à présenter leurs observations conformément aux dispositions susmentionnées (1), considérant ce qui suit :

I. PROCÉDURE

(1) Le 6 novembre 2008, la Commission a adopté deux décisions de récupération (2) concernant des aides d'État illégales accordées aux chantiers navals de Gdynia et de Szczecin. Ces décisions autorisaient le recours à une procédure de vente spéciale permettant aux autorités polonaises d'effectuer une vente groupée des actifs des chantiers navals dans le cadre de procédures d'offres ouvertes, transparentes, inconditionnelles et non discriminatoires.

(2) Dans le cadre de la procédure de récupération des aides, la Commission a demandé des éclaircissements sur les procédures d'adjudication en question. Après la parution dans la presse d'informations selon lesquelles l'organisme public Agencja Rozwoju Przemyslu (agence pour le développement industriel, ci-après l'"ARP") a pu accorder, en septembre 2010, un prêt (ci-après la "mesure") à l'entreprise Crist S.A. (ci-après "Crist" ou "l'entreprise") destiné à l'acquisition de certains actifs du chantier naval de Gdynia, la Commission a demandé des éclaircissements sur ce point aux autorités polonaises lors d'une réunion qui s'est tenue le 22 octobre 2010. Les autorités polonaises ont expliqué leur position et se sont engagées à communiquer tous les renseignements et preuves documentaires utiles concernant cette opération, ce qu'elles ont fait les 25 novembre 2010 et 5 décembre 2011.

(3) La Commission a rencontré les autorités polonaises le 6 décembre 2011.

(4) À l'issue d'un échange de courriers entre le vice-président de la Commission, M. Joaquín Almunia, et le ministre des finances polonais, M. Aleksander Grad, ce dernier a, par lettre du 25 octobre 2011, indiqué à la Commission que l'achèvement de la procédure de liquidation des chantiers navals de Gdynia et de Szczecin était prévu pour la fin de 2011.

(5) Par lettre du 25 janvier 2012, la Commission a notifié à la Pologne sa décision d'ouvrir la procédure prévue à l'article 108, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (ci-après le "TFUE") concernant la mesure susmentionnée (ci-après la "décision d'ouvrir la procédure").

(6) Dans la décision d'ouvrir la procédure, publiée au Journal officiel de l'Union européenne (3), la Commission invitait les parties intéressées à présenter leurs observations sur la mesure.

(7) La Pologne a présenté ses observations le 27 février 2012. Aucun tiers ne s'est manifesté. La Pologne a transmis des renseignements complémentaires les 4 et 5 juin 2012.

II. CONTEXTE

1. Description du bénéficiaire

(8) Selon les autorités polonaises, l'entreprise privée Crist, dont le siège se trouve à Gdansk, a été fondée en 1990 par ses deux actionnaires actuels. Elle emploie près de 150 collaborateurs et fait appel à près de 500 prestataires de service indépendants. Ses domaines d'activité sont principalement la construction navale, la réparation navale et la fabrication de dispositifs hydromécaniques. Entre 2004 et 2008, l'entreprise travaillait sur une vingtaine de navires et d'autres constructions par an. Ses clients sont principalement des propriétaires de navires européens (allemands, néerlandais, scandinaves et polonais).

(9) Selon les renseignements communiqués par les autorités polonaises, l'entreprise exerce ses activités principalement sur les trois segments de marché suivants :

- le marché de la construction hydromécanique : structures métalliques utilisées comme écluses, barrages, caissons et autres structures métalliques destinées à la construction d'ouvrages côtiers et de jetées ;

- le marché de l'énergie renouvelable : dispositifs ou éléments utilisés pour la construction de champs d'éoliennes en mer ;

- le marché des constructions en mer : installations de forage, d'exploration et de transformation exploitées en mer en soutien des plateformes de forage et modules de construction de plateformes de forage métalliques.

(10) Le tableau 1 ci-dessous montre la structure des revenus de l'entreprise, ventilés par segment de marché. Les autorités polonaises ont indiqué à la Commission que la structure des revenus découle de la réalisation du plan d'entreprise, conformément auquel l'activité principale de l'entreprise doit être réorientée du secteur traditionnel de la construction navale vers les secteurs de l'énergie renouvelable en mer et de l'ingénierie hydromécanique.

Tableau 1

Structure des revenus de Crist, ventilés par segment

Catégorie de revenus / 2009 / 2010 (1) / 2011 /

Ingénierie hydromécanique / [17-23] (*) % / [4-6]% / [3-5]%

Énergie renouvelable / [23-28]% / [75-80]% / [67-74]%

Construction en mer / [21-26]% / [6-8]% / [6-8]%

Divers (construction navale) / [29-34]% / [9-12]% / [17-20]%

(1) La Commission signale que le total des valeurs fournies par la Pologne dans la colonne 2010 n'est pas égal à 100. Elle suppose que cette incohérence minime découle de l'arrondissement des chiffres à deux décimales.

(*) Secret d'affaires

(11) Selon les autorités polonaises, entre 2002 et 2009, Crist a multiplié ses revenus par dix ; ceux-ci atteignaient 383 millions de PLN en 2009 (95,75 millions d'EUR (4)). Ils sont tombés à 236 millions de PLN (59 millions d'EUR) en 2010, avant de remonter à 630 millions de PLN (157,5 millions d'EUR) en 2011. Les principaux résultats financiers de Crist couvrant les années 2007-2009 (avant l'octroi du prêt de l'ARP) et les années 2010-2011 (après l'octroi du prêt) sont résumés dans le tableau 2.

Tableau 2

Principaux résultats financiers de Crist entre 2007 et 2011 (en millions de PLN)

2007 / 2008 / 2009 / 2010 / 2011

Revenus tirés des ventes

323,41 / 361,06 / 383,77 / 236,48 / 630,29

Bénéfice réalisé sur les ventes

19,10 / 20,80 / 27,10 / 5,5 / 53,1

Résultat d'exploitation

20,80 / 19,50 / 25,80 / 15,37 / 49,33

Bénéfice net

22,20 / 20,10 / 15,50 / 12,62 / 31,66

Amortissement

2,40 / 3,30 / 4,20 / 5,58 / 10,75

Excédent financier

24,60 / 23,40 / 19,70 / 18,20 / 42,41

(12) Selon les autorités polonaises, en 2011, le montant des crédits et des limites d'exposition au risque de l'entreprise s'élevait à environ [...]* millions de PLN ([...] millions d'EUR), y compris le prêt accordé par l'ARP (voir point 3 "Description de la mesure") et un soutien financier accordé sous différentes formes par quatre banques privées. Actuellement, l'entreprise est engagée dans l'exécution de 10 contrats, pour un montant total d'environ [...] millions de PLN ([...] millions d'EUR), et elle négocie de nouveaux contrats pour un montant total de près de [...] millions de PLN ([...] millions d'EUR).

2. Description du programme

(13) Le 27 mai 2010, Crist a déposé une demande de prêt auprès de l'ARP (voir point 3 "Description de la mesure") au titre du programme "Soutien de l'ARP aux initiatives stimulant l'économie polonaise" (ci-après le "programme"), dans la sous-catégorie "Soutien aux entreprises des régions les plus menacées par la crise économique".

(14) Les entreprises admissibles à un soutien dans le cadre de ce programme sont des entreprises de taille moyenne à grosse qui réalisent des projets ayant pour but de stimuler la demande sur le marché polonais et exerçant leur activité dans les districts touchés par la crise économique ou par de graves inondations qui sont les plus menacés. Ces districts ont été clairement définis dans le programme et Gdansk en fait partie, alors que ce n'est pas le cas de Gdynia.

(15) Conformément au programme, l'ARP participera à des projets et à des entreprises pour stimuler la demande et la croissance économiques. Elle doit percevoir un rendement raisonnable, c'est-à-dire que sa participation doit se faire aux conditions du marché. L'intensité maximale du financement accordé par l'ARP ne doit pas dépasser 80 % de la valeur nette de l'investissement prévu.

(16) Selon les autorités polonaises, l'ARP ne doit pas soutenir des projets qui peuvent contenir des éléments d'aide d'État, à l'exception de projets touchant à la sécurité nationale et la défense, conformément à l'article 346 du TFUE (5).

(17) Le programme relève de l'activité commerciale de l'ARP ayant pour but de réaliser des bénéfices et il satisfait, selon les autorités polonaises, aux normes applicables au marché des services financiers commerciaux aux entreprises. La Pologne a expliqué que cette activité est sans lien avec l'octroi, par l'ARP, d'aides d'État aux grandes entreprises en difficulté.

3. Description de la mesure

(18) La mesure qui est l'objet de la présente procédure est un prêt de 150 millions de PLN (33,4 millions d'EUR) accordé par l'ARP à l'entreprise Crist le 14 septembre 2010 (ci-après le "prêt de l'ARP") pour l'acquisition d'un ensemble d'actifs, parmi lesquels un bassin de radoub, la zone n° 2 du chantier de Crist. Selon les autorités polonaises, au moment de son octroi, le prêt représentait moins de [...] % du montant total des crédits et limites d'exposition de l'entreprise.

(19) Conformément au programme, le taux d'intérêt du prêt de l'ARP doit être fixé au taux de base, majoré d'une marge d'intérêt nette comprise entre 0,9 % et 4 % par an (ci-après la "marge d'intérêt") en fonction du risque financier et de la qualité des sûretés fournies par le bénéficiaire, comme indiqué dans le tableau 3.

Tableau 3

Marge d'intérêt appliquée à la mesure conformément au programme

Risque financier / Sûretés solides / Sûretés moyennes / Sûretés faibles

Faible / 0,9 % / 1,0 - 1,4 % / 1,5 - 1,8 %

Moyen / 1,0 - 1,4 % / 1,5 -1,8 % / 1,9 % - 3,3 %

Elevé / 1,5 - 1,8 % / 1,9 % - 3,3 % / 3,4 % - 4,0 %

(20) La marge d'intérêt pour le prêt de l'ARP accordé à Crist a été fixée à 1,8 %. Le taux d'intérêt global de l'emprunt contracté par Crist s'élevait à 6,81 % (6). Le taux d'intérêt a été fixé au niveau du taux de base défini comme le taux WIBOR à trois mois (7) (3,81 % au moment de l'octroi du prêt) majoré de 1,2 % et d'une marge d'intérêt supplémentaire de 1,8 %. La marge d'intérêt a été fixée par l'ARP à 1,8 % étant donné que le risque financier de l'opération et la sûreté ont été jugés moyens. Selon les données présentées dans le tableau 3, la marge devait donc être comprise entre 1,5 % et 1,8 %. L'échéance du prêt de l'ARP est fixée au 31 décembre 2015 ; la durée du crédit s'élève donc à 5 ans et 3 mois, la mesure ayant été accordée le 14 septembre 2010.

(21) La sûreté constituée pour le prêt de l'ARP se compose des éléments suivants :

- un nantissement enregistré sur la totalité des actions de Crist,

- une hypothèque immobilière (une partie de la zone n° 2 du chantier),

- un nantissement enregistré sur des biens meubles constituant une partie de la zone n° 2 du chantier,

- un billet à ordre en blanc signé par Crist,

- une acceptation d'exécution forcée de l'entreprise Crist et

- une acceptation d'exécution forcée de chacun des actionnaires de l'entreprise.

(22) Conformément au programme, la sûreté doit correspondre à au moins 150 % du montant accordé par l'ARP.

(23) La troisième adjudication visant à céder des actifs du chantier naval de Gdynia s'est déroulée le 15 septembre 2010. Selon des informations parues dans la presse, grâce au prêt accordé par l'ARP, Crist a été en mesure de formuler une offre à 175 millions de PLN (43,75 millions d'EUR) pour l'acquisition d'un groupe d'actifs (ci-après le "bassin de radoub") et l'a ainsi emporté sur un autre concurrent, à savoir Patia, une société enregistrée à Chypre et liée à l'entreprise ukrainienne ISD, propriétaire du chantier naval de Gdansk. Le prix minimum du bassin de radoub avait été fixé à 96,7 millions de PLN (24,17 millions d'EUR).

III. RAISONS AYANT MOTIVÉ L'OUVERTURE DE LA PROCÉDURE FORMELLE D'EXAMEN

(24) Dans la décision d'ouvrir la procédure, la Commission faisait part de ses doutes quant à la possibilité pour Crist d'obtenir du marché un financement aussi important et à des conditions similaires, sur la base des renseignements dont l'ARP disposait au moment de la décision d'octroi du prêt.

(25) Une analyse préliminaire de la mesure sur la base des renseignements dont la Commission disposait avait montré que le prêt de l'ARP pouvait constituer un avantage accordé à Crist au moyen de ressources d'État. La Commission a exprimé sa préoccupation en ce qui concerne les points suivants : i) le taux du prêt accordé, ii) la sûreté approuvée par l'ARP, iii) la valeur de référence appliquée par l'ARP, iv) le plan d'entreprise présenté par Crist et v) le traitement préférentiel dont Crist aurait potentiellement bénéficié de la part de l'ARP.

(26) En ce qui concerne le taux, la Commission n'était pas en mesure de déterminer si le taux d'intérêt du prêt de l'ARP (censé être de 7,02 % au moment de la décision d'ouvrir la procédure) satisfaisait au critère de l'investisseur privé, car les autorités polonaises n'avaient pas présenté de preuves concernant la notation de l'entreprise et le niveau des sûretés.

(27) En ce qui concerne les sûretés, le contrat de prêt conclu entre l'ARP et Crist ainsi que les évaluations à dire d'expert des actions de l'entreprise et du bassin de radoub utilisées comme garanties pour le prêt n'ont pas été communiqués à la Commission. En conséquence, la Commission a considéré que la Pologne n'avait pas fourni d'éléments de preuve montrant à première vue que les évaluations par les experts ont été réalisées avec précaution et qu'un investisseur privé aurait été prêt à accepter de telles sûretés.

(28) En ce qui concerne la valeur de référence, la Commission doutait que le crédit de la banque [...] puisse être utilisé comme référence pour apprécier la compatibilité du prêt de l'ARP avec le critère de l'investisseur privé. La Commission estime que le crédit de la banque [...] diffère du prêt de l'ARP car i) il a refinancé une opération que Crist avait initialement financée avec ses propres moyens, ii) le montant du crédit accordé par la banque [...] est considérablement inférieur à celui du prêt de l'ARP et iii) le prêt de l'ARP était accompagné d'un risque supérieur à celui du crédit de la banque [...], car son montant dépassait les ressources propres de Crist et la durée du crédit était sensiblement plus longue (cinq ans et trois mois par rapport à trois ans et huit mois).

(29) En ce qui concerne le plan d'entreprise, la Commission a observé qu'au moment de l'octroi du prêt, malgré la bonne situation financière générale de Crist, son résultat net depuis trois ans montrait une tendance à la baisse. En tenant compte du risque de marché concerné, d'une surcapacité de production possible et du fait qu'au moment de l'adoption de la mesure, la crise financière battait son plein, la Commission doutait qu'un investisseur privé aurait accepté d'assurer le financement en question.

(30) En outre, sans préjudice de la question de savoir si le programme lui-même constitue une aide d'État au sens de l'article 107, paragraphe 1, du TFUE, la Commission doutait que l'entreprise soit admissible au bénéfice de l'aide accordée par l'ARP sur la base du programme, car le prêt a été accordé pour un investissement à Gdynia, qui n'était pas un district menacé et, de ce fait, n'était pas admissible au bénéfice du programme. La Commission a également soulevé la question de savoir si l'intensité du financement de l'ARP en faveur de Crist respectait le plafond d'intensité maximale défini dans le programme (voir considérant 15). Le prêt de l'ARP s'élève à 150 millions de PLN (37,5 millions d'EUR) et Crist a acquis le bassin de radoub pour 175 millions de PLN (43,75 millions d'EUR). Au vu de ces données chiffrées, l'intensité de l'aide dans le cas du prêt de l'ARP atteint 86 %, c'est-à-dire qu'elle dépasse le niveau fixé dans le programme. La Commission a donc considéré que Crist avait pu bénéficier d'un traitement privilégié en se voyant accorder un prêt de l'ARP dans le cadre du programme.

(31) À la lumière de ce qui précède, la Commission doutait qu'un investisseur privé aurait accordé à Crist le financement concerné ; c'est ce qui l'a conduite à adopter la décision d'ouvrir la procédure formelle d'examen.

IV. OBSERVATIONS DE LA POLOGNE

(32) Les autorités polonaises ont indiqué que l'adoption de la décision d'accorder un prêt à Crist avait été précédée d'une appréciation économique et financière complexe de la situation de l'entreprise, de son plan d'entreprise et des références possibles au marché, et que l'analyse avait fait apparaître sans ambiguïté que le prêt en question répondait aux conditions normales de marché, à savoir les conditions auxquelles un opérateur privé aurait accepté de financer l'investissement en question. En conséquence, les autorités polonaises sont d'avis que le prêt accordé par l'ARP à Crist ne constitue pas une aide d'État.

1. Taux d'intérêt

(33) La Pologne a expliqué que l'octroi du prêt par l'ARP a été précédé d'une appréciation en trois étapes de la situation économique et financière de l'entreprise, conformément aux normes applicables au marché des services financiers commerciaux offerts aux entreprises. La première étape a consisté en une appréciation préliminaire graduée du risque de crédit, réalisée par un expert extérieur indépendant, sur la base de laquelle il a été déterminé si l'entreprise pouvait passer à l'étape suivante, à savoir une appréciation plus approfondie. La deuxième étape a consisté en un examen des trois derniers exercices et des prévisions de résultat, une analyse des indicateurs et une appréciation de mesures tant quantitatives (ratio de couverture de liquidité, rotation des actifs, structure capitalistique, rentabilité et croissance) que qualitatives (qualité de la gestion, degré de dépendance vis-à-vis du marché et qualité des garanties proposées). La troisième et dernière étape a pris la forme d'une détermination du niveau de la marge par l'application d'une matrice fondée sur une analyse effectuée par des experts tenant compte du risque et du niveau des sûretés proposé.

Notation de l'entreprise Crist

(34) En se basant sur l'évolution des résultats de Crist sur les années 2006-2009 (voir tableau 4), la Pologne a souligné que la situation économique et financière de l'entreprise au moment de sa demande de prêt, exposée dans l'analyse réalisée par des experts, était bonne.

Tableau 4

Évolution des résultats financiers de Crist entre 2006 et 2009 (en millions de PLN)

2006 / 2007 / Évolution / 2008 / Évolution / 2009 / Évolution

Bénéfice réalisé sur les ventes / 21,20 / 19,10 / 90,09 % / 20,8 / 108,90 % / 27,10 / 130,29 %

Résultat d'exploitation / 20,90 / 20,80 / 99,52 % / 19,50 / 93,75 % / 25,80 / 132,31 %

Bénéfice net / 16,50 / 22,20 / 134,55 % / 20,10 / 90,54 % / 15,50 / 77,11 %

Amortissement / 1,97 / 2,40 / 121,83 % / 3,30 / 137,50 % / 4,20 / 127,27 %

Excédent financier / 18,47 / 24,60 / 133,19 % / 23,40 / 95,12 % / 19,70 / 84,19 %

Revenus tirés des ventes / 228,75 / 323,41 / 141,38 % / 361,06 / 111,64 % / 383,77 / 106,29 %

(35) En ce qui concerne la baisse des résultats financiers nets en 2008 et 2009, la Pologne a expliqué que celle-ci découlait d'un changement du modèle d'entreprise, à savoir la conclusion de contrats portant sur des montants plus élevés et garantissant une rentabilité accrue, mais se caractérisant par une longue durée de réalisation, pouvant aller jusqu'à 12-15 mois. Cela signifie que l'essentiel des bénéfices est perçu au moment de l'achèvement du produit et de sa remise au contractant.

(36) L'ARP a apprécié le plan d'entreprise présenté par Crist à plusieurs niveaux. La Pologne a expliqué que le plan a été élaboré en collaboration avec [...], que son appréciation a été effectuée par [...] ("[...]") et qu'une analyse approfondie du document, notamment des hypothèses et des effets attendus, a été réalisée par des experts de l'ARP. Les autorités polonaises ont fait observer qu'à chaque étape, tous les intervenants ont émis un avis positif sur le document et elles ont affirmé que sa justesse s'est trouvée confirmée par les résultats réels de Crist, qui sont conformes aux prévisions, voire meilleurs. La Pologne a également expliqué que les prévisions financières optimistes présentées par Crist étaient crédibles et confirmées par les contrats conclus.

(37) En ce qui concerne la rentabilité de l'investissement, la Pologne a présenté une explication détaillée des indicateurs calculés fondés sur les flux de trésorerie, la valeur actuelle nette (VAN) et le taux de rentabilité interne (TRI), qui tous étaient élevés. La valeur actuelle nette du projet d'acquisition du bassin de radoub pour 150 millions de PLN s'élevait à [...] millions de PLN et le taux de rentabilité interne s'établissait à [...] %. La Pologne a également affirmé que même si en définitive le bassin de radoub a été acquis pour 175 millions de PLN, les indicateurs financiers de l'opération restent très élevés (VAN : [...] millions de PLN et TRI : [...] %).

(38) Sur la base des analyses susmentionnées, l'ARP a déterminé la notation de l'entreprise d'après son système d'évaluation interne en trois étapes. L'entreprise Crist a été considérée comme reflétant un risque de niveau moyen, ayant une bonne viabilité financière et une capacité suffisante à couvrir ses obligations à plus long terme et montrant une résistance élevée à des conditions économiques défavorables qui se prolongent. La Pologne a indiqué que le résultat de la méthode appliquée par l'ARP est conforme à la communication de la Commission relative à la révision de la méthode de calcul des taux de référence et d'actualisation (8) (ci-après la "communication sur les taux de référence"). Les données fournies à l'ARP ont été jugées refléter la catégorie de notation BBB (bon) définie par l'agence de notation EuroRating ; néanmoins, par prudence, la Pologne a préféré retenir la notation BB pour les besoins de la vérification du résultat après application de la communication sur les taux de référence.

Sûreté

(39) Les autorités polonaises ont indiqué que Crist avait constitué une sûreté composée des éléments suivants : un nantissement enregistré sur la totalité de ses actions, une hypothèque immobilière (une partie de la zone n° 2 du chantier), un nantissement enregistré sur des biens mobiliers constituant une partie de la zone n° 2 du chantier, un billet à ordre en blanc signé par Crist, une acceptation d'exécution forcée de l'entreprise Crist et une acceptation d'exécution forcée de chacun des actionnaires de l'entreprise.

(40) La Pologne a présenté une estimation de la valeur des actions de Crist réalisée par [...] suivant deux méthodes :

la méthode patrimoniale (méthode de l'actif net corrigé), le 29 juillet 2010, et la méthode basée sur le compte de résultat (méthode basée sur les flux de trésorerie actualisés en valeur actuelle corrigée), le 1 er août 2010. Ces deux estimations aboutissaient à des résultats très divergents. Avec la première méthode, la valeur s'élevait à [...] millions de PLN, alors qu'avec la seconde, la valeur s'établissait à presque [...] millions de PLN. Simultanément, dans un document distinct daté du 3 août 2010 présenté par les autorités polonaises, [...] indiquait que la méthode de l'actif net corrigé était plus proche de la valeur de liquidation de l'entreprise et ne reflétait pas la valeur réelle de Crist (en particulier de ses fonds propres). [...] indiquait qu'il y avait lieu de considérer que la valeur réelle était de [...] millions de PLN.

(41) En ce qui concerne la valeur du deuxième élément de la sûreté (hypothèque immobilière), la Pologne a présenté une évaluation réalisée par un expert indépendant, le 4 mars 2009, estimant la valeur de marché des actifs à 169,5 millions de PLN (84,7 millions de PLN en cas de vente forcée). Par ailleurs, l'ARP a demandé une évaluation par un expert indépendant (transmise à la Commission) après l'opération, en janvier 2011, et la valeur du bien immobilier hypothéqué a été estimée à [...] millions de PLN.

(42) En réponse au scepticisme de la Commission concernant la possibilité de considérer le prix payé par Crist lors de la troisième adjudication concernant le bassin de radoub (175 millions de PLN) comme représentatif de la valeur de la sûreté, la Pologne a proposé de prendre comme valeur de marché la contre-offre (166 millions de PLN) formulée à l'époque par un autre opérateur ayant pris part à l'appel d'offres, l'entreprise Patia.

(43) En outre, pour les autorités polonaises, la valeur de la sûreté se trouve aussi renforcée par la nature variée des éléments qui la composent (bien immobilier, biens meubles et actifs financiers) et par le fait qu'aucun de ces éléments n'était grevé de droits avant l'octroi du prêt.

(44) Les autorités polonaises ont conclu, sur la base des différentes évaluations, que la valeur totale de la sûreté constituée pour le prêt était comprise entre [...] millions de PLN et [...] millions de PLN (voir tableau 5). Pour les besoins de sa notation interne, l'ARP a toutefois estimé que le niveau de la sûreté était moyen (voir tableau 3). En se fondant sur les principes énoncés dans la communication sur les taux de référence (voir tableau 6), les autorités polonaises ont indiqué que la valeur totale de la sûreté, adaptée à la valeur de marché, s'élevait à [...] millions de PLN (9) et représentait [...] % du prêt accordé. Ce niveau de garantie dépasse de loin le montant du prêt et rentre dans la catégorie "Niveau de sûretés élevé" conformément à la méthodologie définie dans la communication sur les taux de référence, car la perte attendue en cas de non-remboursement du prêt (perte en cas de défaut) est nulle.

<Emplacement tableau 5>

(45) Les autorités polonaises ont aussi présenté un rapport élaboré par [...] en mai 2012, c'est-à-dire après la réalisation de l'opération. Celui-ci contient, entre autres, une vérification des évaluations de [...] dont l'ARP disposait au moment de la conclusion de l'opération. La Pologne souligne l'appréciation critique de l'évaluation par la méthode de l'actif net : [...] n'a absolument pas tenu compte de l'évaluation des actifs fixes incorporels, tels que la liste des contrats à exécuter, les contacts avec les clients et la main-d'œuvre, entre autres, qui pourraient avoir une valeur considérable et augmenter les résultats de l'évaluation. [...] conclut que l'évaluation sous-évalue considérablement les fonds propres de Crist. En ce qui concerne la méthode basée sur le compte de résultat, la Pologne note que [...] est parvenu à des valeurs semblables à celles obtenues par [...] (environ [...] millions de PLN).

Taux d'intérêt

(46) Pour les besoins de l'octroi du prêt, l'ARP a jugé que le risque de crédit de l'entreprise et le niveau de sûreté étaient tous deux moyens. En conséquence, elle a accordé son prêt assorti d'un taux d'intérêt de 6,81 %, calculé comme la somme du taux de base (taux WIBOR à trois mois, soit 3,81 %, majoré de 1,2 %) et de la marge d'intérêt découlant de la matrice reproduite dans le tableau 3, soit 1,8 %.

(47) En plus des calculs présentés par l'ARP, fondés sur des principes internes, la Pologne a fourni d'autres éclaircissements, en suivant la méthode de fixation des taux de remplacement exposée dans la communication sur les taux de référence (voir tableau 6).

Tableau 6

Marges de prêts en points de base, conformément à la communication sur les taux de référence

Catégorie de notation / Niveau de sûretés : élevé / normal / bas

solide (AAA-A) / 60 / 75 / 100

bonne (BBB) / 75 / 100 / 220

satisfaisante (BB) / 100 / 220 / 400

faible (B) / 220 / 400 / 650

mauvaise/difficultés financières (égale ou inférieure à CCC) / 400 / 650 / 1 000

(48) La Pologne a affirmé qu'en tenant compte du taux de référence qui lui est applicable, publié par la Commission (4,49 %), de la catégorie de notation de l'entreprise Crist (BB) et du niveau de sûretés élevé (voir considérant 44), le taux d'intérêt appliqué au prêt ne devait pas être inférieur à 5,49 %. Elle a souligné en outre que le taux appliqué par l'ARP (6,81 %) est supérieur de 132 points de base au taux de référence, fixé dans la communication sur les taux de référence (5,49 %).

(49) Le rapport de [...] transmis par la Pologne contient une estimation précise de la notation de Crist au moment de la conclusion de l'opération, par l'application de deux approches d'expert différentes. Les modèles de notation ont été élaborés par [...] par l'application de modèles de rating/de notation utilisés par des banques commerciales. Le rapport estime que la notation de Crist se situe dans la fourchette (BB-B). Pour [...], le taux d'intérêt est pourtant suffisant, à la lumière de la valeur importante des éléments composant la sûreté, qui, ensemble, permettent d'aboutir à un niveau de sûretés élevé.

2. Valeur de référence

(50) Les autorités polonaises ont indiqué à la Commission que le crédit accordé par la banque [...] n'était pas la seule base utilisée pour fixer le niveau final du taux d'intérêt dans le cas de Crist, car cette fixation reposait avant tout sur un système d'appréciation interne. Indépendamment des différences entre le prêt et le crédit, la Pologne a souligné que les deux institutions, l'ARP et la banque [...], étaient parvenues à des conclusions semblables en ce qui concerne le taux d'intérêt.

(51) Sur un plan général, la Pologne a aussi fait remarquer que, compte tenu du montant élevé du prêt (150 millions de PLN), il n'est pas possible en pratique de trouver sur le marché polonais une référence idéale pour le prêt accordé à Crist. Renvoyant à l'arrêt du Tribunal de première instance dans l'affaire T-296/97, Commission/Alitalia, la Pologne a fait valoir que l'avantage potentiel obtenu par Crist devait être apprécié par rapport à un prêt comparable, et non identique.

(52) La Pologne a présenté une comparaison entre le prêt et le crédit (voir tableau 7 ci-dessous) et a rappelé qu'ils avaient été accordés en 2010, que le taux d'intérêt de la banque [...] était encore plus bas (6,68 %, à comparer au taux de l'ARP de 6,81 %) et que la décision de la banque [...] était fondée sur un risque supérieur. En conséquence, pour les autorités polonaises, cette opération constitue un point de référence valable.

Tableau 7

Comparaison entre le crédit de la banque [...] et le prêt de l'ARP accordés à Crist

Crédit de la banque [...] / Prêt de l'ARP

Montant / [...] PLN / 150 000 000 PLN

Date de l'octroi / 18.2.2010 / 14.9.2010

Durée / 3 ans et 10 mois / 5 ans et 3 mois

Taux d'intérêt / 6,62 % / 6,81 %

Valeur de la sûreté / [...] PLN / [...] PLN

Perspectives de croissance (1) / [...] PLN / [...] PLN

Risques supplémentaires / Incertitude quant à l'acquisition du bassin de radoub (zone n° 2 du chantier) et à la mise en place d'une chaîne de production complète / Prêt accordé pour l'acquisition du bassin de radoub (zone n° 2 du chantier) et donc création d'une chaîne de production complète

(1) Valeur des contrats conclus au moment de la signature de l'accord de financement.

(53) En ce qui concerne le risque de crédit, la Pologne a fait remarquer que la banque [...] et l'ARP avaient fondé leur décision sur le même plan d'entreprise, qui prévoyait l'acquisition des zones n os 1 et 2 du chantier. Le risque concernant l'achèvement de la chaîne de production était donc supérieur avant la réalisation de la première opération (même si la banque [...] n'a fait que refinancer une opération que l'entreprise Crist avait initialement financée sur ses ressources propres). En fait, le prêt de l'ARP permettant l'acquisition de la zone n° 2 du chantier a garanti la réalisation de la nouvelle stratégie de Crist, conformément à laquelle l'entreprise réoriente ses activités du secteur traditionnel de la construction navale vers le secteur de l'énergie renouvelable en mer. En outre, la Pologne a signalé que l'octroi à Crist d'un crédit par la banque [...] est survenu avant la signature par l'entreprise d'un contrat très lucratif avec l'entreprise Beluga Hochtief, portant sur une opération d'un montant inégalé pour l'entreprise ([...] millions d'EUR), ce qui a encore amélioré la capacité de crédit de Crist au moment où l'ARP a dû statuer sur le prêt.

(54) Les autorités polonaises ont cependant souligné qu'au moment de l'octroi du prêt, l'ARP a aussi accordé une grande attention à d'autres informations. Par exemple, outre le financement obtenu de l'ARP et de la banque [...], l'entreprise Crist a bénéficié pendant de nombreuses années du soutien d'une série d'autres établissements financiers qui ont assuré le financement des activités de l'entreprise (10). Cela confirme la capacité de l'entreprise Crist à obtenir un financement sur le marché des capitaux, au moment où l'ARP a rendu sa décision sur l'octroi du prêt. Pour ce faire, la Pologne a présenté une liste de limites de crédit et de garanties dans différents établissements financiers à la disposition de l'entreprise Crist au moment de la conclusion de l'opération.

(55) Pour finir, les autorités polonaises ont attiré l'attention de la Commission sur le tableau présentant les taux d'intérêt de la Banque nationale de Pologne en septembre 2010, qui contient une liste publiée périodiquement des taux d'intérêt moyens des nouveaux prêts/crédits accordés à des opérateurs économiques en PLN. Ce tableau montre que pour des emprunts supérieurs à 4 millions de PLN avec une variabilité du taux d'intérêt inférieure à trois mois (comme dans le cas de Crist), le taux d'intérêt moyen était égal à 5,4 %, autrement dit inférieur au taux fixé pour Crist par l'ARP.

3. Plan d'entreprise

(56) Les autorités polonaises ont transmis à la Commission le plan d'entreprise de Crist. Elles ont indiqué qu'avant l'octroi du prêt, l'ARP a consulté les partenaires commerciaux de l'entreprise ([...] et [...]), ainsi que des banques privées et a obtenu la confirmation de la solvabilité de l'entreprise. Les autorités polonaises ont transmis à la Commission les lettres des banques privées contenant cette confirmation, ainsi qu'une analyse effectuée par [...] portant sur la réalisation de la stratégie commerciale par Crist et couvrant la période précédant l'adoption de la décision de l'ARP concernant l'octroi du prêt.

(57) Dans le plan d'entreprise, il est estimé que la valeur actuelle nette du projet d'investissement s'élèvera à [...] millions de PLN ([...] millions d'EUR) et que le taux de rentabilité interne s'établira à [...] %. Ces estimations se fondent sur l'hypothèse que l'entreprise acquerra le bassin de radoub pour 150 millions de PLN. En réponse à la réserve formulée par la Commission dans la décision d'ouvrir la procédure, selon laquelle en définitive, le prix réellement payé s'est élevé à 175 millions de PLN, la Pologne a présenté une analyse réalisée par [...]. Celle- ci montre que la valeur actuelle nette et le taux de rentabilité interne de l'investissement s'élèvent respectivement à [...] millions de PLN et à [...] %, sur la base des informations connues au moment de la conclusion de l'opération. [...] ajoute qu'en tenant compte de l'état actuel des connaissances, la valeur actuelle nette et le taux de rentabilité interne s'élèvent respectivement à [...] millions de PLN et à [...] %.

(58) Ce même rapport contient une brève description de la situation du marché et des perspectives de croissance de l'entreprise Crist. Il est observé que l'entreprise a modifié le profil de sa production, passant de la construction navale traditionnelle à la fabrication de navires sur mesure, de plateformes et d'éléments de construction maritimes. Grâce à cette stratégie commerciale, l'entreprise a trouvé une niche qui lui permet de prendre part aux projets offshore en mer du Nord et de bénéficier de nombreuses possibilités de croissance dynamique. [...] a conclu que l'entreprise était active dans un secteur présentant un potentiel de croissance considérable.

(59) La Pologne a indiqué qu'à l'issue de l'analyse du plan d'entreprise réalisée par des experts, l'ARP était parvenue aux conclusions suivantes : malgré la crise économique qui sévit depuis 2008, l'entreprise a enregistré, ces trois dernières années, un résultat financier positif, la valeur des contrats signés et négociés a montré une croissance rapide, les prévisions financières de l'entreprise ont été jugées favorables et ont montré la capacité de l'entreprise à rembourser le prêt.

(60) Pour finir, les autorités polonaises ont fait observer qu'avec un bénéfice net de 12,6 millions de PLN (2,8 millions d'EUR) en 2010 et de 31,6 millions de PLN (7,03 millions d'EUR) en 2011, Crist a enregistré un résultat net [...] fois supérieur aux prévisions du plan d'entreprise. De même, il est signalé que le bilan total de l'entreprise à la fin de 2011 était supérieur aux prévisions d'environ [...] %.

4. Traitement préférentiel accordé à l'entreprise

(61) En ce qui concerne le traitement préférentiel présumé que l'ARP aurait accordé à Crist, les autorités polonaises ont expliqué avant toute chose que l'entreprise était admissible au bénéfice des mesures du programme, car son siège et deux de ses centres d'activité sont implantés à Gdansk. L'investissement à Gdynia, qui, sans cela, ne serait pas admissible au bénéfice de la mesure, n'a pas entraîné le transfert de l'activité de l'entreprise, mais plutôt son étalement géographique.

(62) En ce qui concerne le niveau de financement, la Pologne a réaffirmé que le niveau de financement de l'investissement de Crist par l'ARP ne dépassait pas le plafond de 80 % prévu dans le programme. Elle a indiqué que la totalité des efforts planifiés par l'entreprise dans le plan d'investissement s'élevait à 188,2 millions de PLN et incluait l'acquisition par Crist non seulement du bassin de radoub (zone n° 2 du chantier) mais également de coques (zone n° 1 du chantier). La Pologne a expliqué que les deux investissements concernaient la même ligne de production, qui avait permis à Crist de se tourner avec succès vers les marchés de l'énergie renouvelable et de la construction en mer. Seule la réalisation du programme d'investissement complet a permis à Crist de changer son modèle commercial et de passer de la construction navale traditionnelle à la fabrication de navires sur mesure, de plateformes et d'éléments de construction pour les champs d'éoliennes en mer.

(63) La part du prêt de l'ARP (150 millions de PLN) dans l'investissement total de Crist (213,2 millions de PLN (11)) s'élève donc à 70 %, ce qui est nettement inférieur au plafond de 80 % fixé dans le programme.

(64) Enfin, la Pologne a souligné que le programme sur la base duquel le prêt à Crist a été financé est commercial et ne présente pas le caractère d'une aide. Elle a fait remarquer que les décisions de l'ARP de financer certains projets sont appréciées sur la base de critères commerciaux par des experts ayant une expérience dans les plus grands établissements financiers polonais.

V. APPRÉCIATION

1. Existence d'une aide d'état au sens de l'article 107, paragraphe 1, du TFUE

(65) Aux termes de l'article 107, paragraphe 1, du TFUE, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.

(66) Pour qu'une mesure nationale soit considérée comme une aide d'État, elle doit remplir toutes les conditions suivantes : 1) la mesure confère un avantage au moyen de ressources d'État, 2) cet avantage est sélectif et 3) la mesure fausse ou menace de fausser la concurrence et est susceptible d'affecter les échanges entre États membres.

1.1. Existence d'un avantage

(67) Pour vérifier si la mesure examinée constitue une aide, il y a lieu de déterminer si l'entreprise Crist a bénéficié d'un avantage économique qu'elle n'aurait pas obtenu dans des conditions normales de marché, c'est-à-dire dans des conditions dans lesquelles un investisseur privé aurait assuré son financement.

Taux d'intérêt

(68) Pour établir si la mesure examinée respecte le critère de l'investisseur privé, la Commission a apprécié si, sur la base des renseignements dont l'ARP disposait au moment de sa décision, un prêteur privé aurait octroyé un prêt identique à Crist.

(69) Comme il est indiqué aux considérants 33 et suivants, la Pologne a informé la Commission qu'avant l'octroi du prêt, la situation économique et financière de l'entreprise avait fait l'objet d'une évaluation approfondie par l'ARP, en collaboration avec des experts externes, aux fins de la fixation de la notation de l'entreprise. Conformément à son système interne, l'ARP a estimé que le risque de crédit de Crist était moyen, ce qui, de l'avis des autorités polonaises, correspond au moins à la catégorie BB (satisfaisante) aux fins de l'application de la communication sur les taux de référence.

(70) En ce qui concerne la sûreté, la Pologne a présenté toutes les évaluations réalisées par des experts et a fourni des explications détaillées sur chacun des éléments composant la sûreté constituée pour le prêt (voir considérants 39 à 45). Sur la base de ces évaluations, qui montraient qu'il convenait de valoriser le nantissement sur les actions à [...] millions de PLN et l'hypothèque sur le bassin de radoub à plus de [...] millions de PLN, et compte tenu du fait que, conformément aux conditions du programme, la sûreté devait couvrir au moins 150 % du financement, la sûreté constituée par Crist a été considérée par l'ARP comme moyenne, c'est-à-dire assurant une bonne couverture du risque de crédit. La Pologne a toutefois qualifié cette approche de prudente et a indiqué que les évaluations des éléments composant la sûreté réalisées par un expert indépendant montrent la valeur élevée de la sûreté.

(71) Enfin, sur la base d'un niveau du risque et des sûretés jugé moyen, l'ARP a accordé le prêt assorti d'un taux d'intérêt de 6,81 %, calculé comme la somme du taux de base (taux WIBOR à trois mois plus 1,2 %) et de la marge d'intérêt fixée à 1,8 % (voir tableau 3). La Pologne a affirmé que ce niveau d'intérêt était supérieur au taux d'intérêt minimal, tel qu'il aurait été calculé conformément à la communication sur les taux de référence (voir tableau 6 et considérants 46 à 49). La Commission note que, pour ses calculs, la Pologne se base sur un niveau de sûretés "élevé", mais que ce constat reste vrai même si l'on estime, comme l'ARP, que le niveau de sûretés est "moyen" (ou satisfaisant) : niveau de base majoré de 220 points de base, soit 6,69 %.

(72) La Commission rappelle, de manière générale, que ses doutes initiaux concernant le taux d'intérêt, exposés dans la décision d'ouvrir la procédure, découlaient principalement de l'absence de preuves se rapportant à la notation de l'entreprise et au niveau de sûretés. Elle estime à cet égard que dans la réponse à la décision d'ouvrir la procédure, la Pologne a communiqué les informations utiles dont l'ARP disposait avant l'octroi du prêt. La Pologne a aussi transmis l'évaluation ex post du bien immobilier offert en hypothèque et le rapport élaboré par la société [...] après l'opération, mais qui se basait sur les informations accessibles au moment de statuer sur l'octroi du prêt.

(73) En ce qui concerne la sûreté, l'appréciation réalisée par la Commission se concentre sur la question de savoir si les valorisations des experts ont été réalisées avec une prudence telle qu'un investisseur privé aurait accepté la sûreté offerte. À cet égard, la Commission observe qu'en fonction de la méthode utilisée, la valorisation des actions de Crist varie sensiblement (voir considérant 40). La Commission note par ailleurs l'avis critique de la société [...] sur la valorisation des actifs nets à [...] millions de PLN, qui omet un certain nombre de facteurs importants (voir considérant 45), ce qui aboutit à une sous-estimation de la valeur du capital de Crist. En outre, la Commission fait remarquer que les valorisations réalisées tant par [...] que par [...] selon la méthode de la valeur actuelle corrigée aboutissent au même résultat (valorisation à environ [...] millions de PLN) et que les deux experts indépendants considèrent que cette méthode doit être jugée plus représentative. Par ailleurs, en transmettant ces évaluations à la Commission, la Pologne a proposé de retenir comme valeur pour la sûreté constituée par le bassin de radoub le montant de la contre-offre formulée par l'entreprise Patia (166 millions de PLN) lors de la troisième adjudication. Pour la Commission, cette valeur de remplacement semble refléter la valeur de marché qu'un concurrent de Crist aurait été prêt à payer pour le bassin de radoub en situation de vente forcée de cet élément d'actif.

(74) Sans statuer sur le fait de savoir lequel de ces différents rapports devrait être retenu, la Commission note que l'ARP disposait de plusieurs évaluations de la qualité de la sûreté proposée, parmi lesquelles seule la plus pessimiste estimait sa valeur à moins de 150 % de la valeur du prêt demandé, et de recommandations d'experts indiquant que la sûreté était suffisante pour couvrir le risque de crédit.

(75) En ce qui concerne la notation de l'entreprise, la Commission a apprécié les éléments de preuve de l'époque fournis par la Pologne dont l'ARP disposait avant de décider d'octroyer le prêt. La Commission observe que l'ARP, dans le cadre de sa propre analyse de la notation réalisée par des experts en interne, a procédé à un examen complet de Crist au moyen d'indicateurs tels que la liquidité, le taux de rotation, la structure des actifs et du capital et la rentabilité. En outre, l'appréciation de l'ARP a également couvert des éléments tels que l'analyse des flux financiers, les prévisions financières, l'efficacité de l'investissement, le seuil de rentabilité et la sensibilité du projet à des facteurs extérieurs comme le taux d'intérêt et le taux de change.

(76) La Commission tient aussi compte du rapport de [...]. Certes, celui-ci a été élaboré après l'opération, mais il contient des estimations précises concernant le risque de crédit de Crist et le niveau des sûretés offertes, réalisées sur la base des mêmes renseignements que ceux dont l'ARP disposait au moment de statuer sur l'octroi du prêt. Dans ce rapport, la notation de Crist a été jugée légèrement inférieure à celle adoptée par l'ARP (BB-B). En ce qui concerne la sûreté, le rapport affirme que la valorisation réalisée par [...] sur la base de la valeur des actifs sous-estime considérablement la valeur du capital de Crist. [...] estime que la méthode de la valeur actuelle corrigée est bien plus cohérente et couramment appliquée. Sur la base de sa propre analyse de la notation de Crist et de la valeur des sûretés offertes, [...] affirme que le taux d'intérêt du prêt de l'ARP n'était pas inférieur au taux du marché.

(77) La Commission a aussi examiné si le taux d'intérêt fixé par l'ARP respectait la méthode de fixation des taux de référence que la Commission peut appliquer à la place du taux du marché. Cette méthode est décrite dans la communication sur les taux de référence. Conformément à celle-ci, le taux de référence est formé par l'ajout d'une marge au taux de base correspondant au taux IBOR à un an (taux du marché monétaire à un an disponible dans l'État membre concerné). La marge appliquée dépend de la notation de l'entreprise considérée et de la sûreté offerte (voir tableau 6).

(78) Étant donné que le taux de base pour la Pologne en septembre 2010 s'élevait à 4,49 % (12), le taux du prêt de l'ARP (6,81 %) serait plus élevé que le taux de référence obligatoire si, au moment de l'octroi du prêt :

- la notation de Crist était "faible" (B) et le niveau de sûretés "élevé" ;

- la notation de Crist était "satisfaisante" (BB) et le niveau de sûretés "normal" ; ou

- le niveau de sûretés était "bas" et la notation de Crist au minimum "bonne" (BBB).

Dans les trois scénarios, le taux de référence s'élèverait à 6,69 % (4,49 % + 2,20 %), soit un niveau inférieur à celui du taux d'intérêt appliqué au prêt de l'ARP (6,81 %).

(79) Sur la base de ce qui précède, la Commission considère que la notation de Crist au moment de l'octroi du prêt était, au pire, "faible" (B). En ce qui concerne la sûreté, même dans le scénario le plus défavorable, qui estime sa valeur à [...] millions de PLN, son montant représente plus de 100 % de la valeur du prêt et, de ce fait, la Commission considère que la perte attendue en cas de non-remboursement du prêt (perte en cas de défaut) se situe dans une fourchette ne dépassant pas 30 %, ce qui correspond à un niveau de sûretés élevé selon la définition de la communication sur les taux de référence. En tenant compte de la sûreté élevée constituée pour le prêt, dans le pire des scénarios, le taux d'intérêt du prêt au moment de l'opération ne doit pas être inférieur à 6,69 % (taux de référence pour la Pologne égal à 4,49 + 2,20 %, voir tableau 6). L'ARP a accordé son prêt assorti d'un taux d'intérêt plus élevé (6,81 %).

(80) En conclusion, les éléments communiqués à la Commission lui permettent d'affirmer qu'en décidant d'accorder le prêt à l'entreprise Crist, l'ARP s'est comportée comme l'aurait fait un prêteur privé disposant des mêmes informations et qu'elle a appliqué un taux d'intérêt conforme à celui du marché.

Valeur de référence

(81) Dans la décision d'ouvrir la procédure, la Commission contestait l'utilisation du crédit de la banque [...] en tant que référence dans cette affaire. La Commission affirmait, entre autres, que ce crédit était différent du prêt de l'ARP, car il portait sur un montant nettement inférieur et ne servait qu'à refinancer une opération que l'entreprise Crist avait initialement financée sur ses propres ressources. En outre, la Commission estimait provisoirement que le prêt de l'ARP comportait un risque supérieur à celui du crédit de la banque [...], car sa durée était nettement plus longue que celle du crédit de la banque [...].

(82) Comme souligné aux considérants 50 à 55, les autorités polonaises ont réaffirmé que, selon elles, il était approprié d'utiliser le crédit de la banque [...] comme élément de référence pour le prêt de l'ARP. La Pologne a cependant souligné qu'avant l'adoption de la décision d'octroi, d'autres éléments ont aussi été pris en compte.

(83) La Commission note que la décision de l'ARP d'accorder le prêt à Crist s'est fondée sur une analyse d'expert complexe de la situation financière et économique de l'entreprise, qui a montré la rentabilité de l'investissement planifié, et qu'une décision antérieure d'un établissement financier indépendant, la banque [...], l'élément de référence en question, a servi de référence supplémentaire pour l'ARP.

(84) La Commission tient aussi compte du fait que l'acquisition du bassin de radoub par l'entreprise Crist marquait l'achèvement d'une ligne de production et, de ce fait, peut être considérée comme une étape moins risquée dans la réalisation de la stratégie commerciale de l'entreprise que celle pour laquelle la banque [...] avait octroyé un crédit. Au moment de l'octroi du crédit de la banque [...], il existait une incertitude sur le fait de savoir si l'entreprise serait en mesure d'achever la dernière étape de l'investissement prévu, à savoir l'acquisition du bassin de radoub. En outre, la Commission note que la signature, entre l'obtention du crédit et celle du prêt, du contrat le plus important jamais conclu par l'entreprise (d'un montant de [...] millions d'EUR) a renforcé la position de celle-ci par rapport au moment où elle a obtenu le crédit de la banque [...].

(85) Enfin, la Commission entend souligner que le secteur financier avait évalué positivement le potentiel financier de l'entreprise et sa capacité à générer des revenus, ce que confirment les nombreuses sources de financement extérieures dont l'entreprise bénéficiait au moment de l'octroi du prêt de l'ARP.

(86) Tous les doutes formulés dans la décision d'ouvrir la procédure ayant été levés, la Commission considère que les conditions d'octroi du crédit par la banque [...] de même que celles de l'accès de Crist à d'autres sources de financement extérieures permettent de conclure qu'un prêteur privé aurait accordé le prêt à Crist à des conditions semblables à celles dont le prêt de l'ARP est assorti.

Plan d'entreprise

(87) Dans la décision d'ouvrir la procédure, il est indiqué qu'au moment de l'octroi du prêt par l'ARP, malgré la bonne situation financière et économique de Crist, les résultats nets de l'entreprise montraient depuis trois ans une tendance au recul, sur un marché se caractérisant par des surcapacités de production. La Commission doutait initialement qu'un investisseur privé puisse accorder le financement, compte tenu du risque de marché sous- jacent et du fait qu'au moment de l'octroi du prêt, la crise financière battait son plein.

(88) Ainsi qu'il est exposé aux considérants 56 à 60, la Pologne a présenté des explications supplémentaires sur les éléments qui ont amené l'ARP à accepter d'accorder le prêt, parmi lesquels, entre autres, une analyse en trois étapes de la situation financière de l'entreprise qui montrait la solvabilité de l'entreprise et une analyse indépendante réalisée par [...]. La Pologne a souligné que la rentabilité de l'investissement fixée sur la base de la valeur actuelle nette et le taux de rentabilité interne de l'investissement étaient élevés.

(89) La Commission a examiné l'appréciation de la rentabilité de l'investissement de Crist transmise par la Pologne, qui montre que même si l'entreprise devait acquitter pour le bassin de radoub un montant supérieur à celui initialement prévu (175 millions de PLN), les valeurs financières correspondantes restent élevées (valeur actuelle nette et taux de rentabilité interne de l'investissement s'élevant respectivement à [...] millions de PLN et à [...] % sur la base des informations connues au moment de la conclusion de l'opération). Du point de vue d'un investisseur privé, ces résultats montrent que l'entreprise Crist était dotée d'un plan d'entreprise solide et que, grâce à cet investissement, elle a acquis la possibilité de conclure de nouveaux contrats dans le secteur de l'ingénierie hydromécanique. La valeur des contrats conclus témoigne concrètement de la croissance rapide de l'entreprise.

(90) La Commission note que les ventes et l'activité opérationnelle de l'entreprise ont montré une forte dynamique de croissance. En outre, les autorités polonaises ont expliqué que la baisse du résultat net, qui ne concerne que deux années (2008 et 2009, voir tableau 4) était liée à la nouvelle stratégie commerciale de Crist. Les doutes concernant l'appréciation globalement positive des résultats financiers de l'entreprise ont donc été levés.

(91) En ce qui concerne les doutes exprimés en liaison avec l'existence de surcapacités de production, la Commission observe que même si la construction navale traditionnelle peut afficher des surcapacités de production, l'entreprise Crist, conformément à sa nouvelle stratégie décrite dans le plan d'entreprise fourni à l'ARP aux fins de l'octroi du prêt, a tiré entre [...] % (en 2009) et [...] % (en 2011) de ses revenus de marchés autres que la construction navale traditionnelle (voir tableau 1). La structure des revenus de Crist et les informations concernant les perspectives de croissance de l'énergie éolienne en mer (secteur dans lequel l'entreprise exerce principalement son activité) donnent une indication du potentiel de croissance de l'entreprise.

(92) Sur la base de ce qui précède, la Commission conclut que les informations commerciales disponibles au moment de la conclusion de l'opération renfermaient des éléments suffisants pour permettre à un investisseur privé de prendre la même décision que l'ARP.

(93) La présente analyse est confirmée par les résultats financiers de Crist en 2010-2011 qui, faisant partie intégrante du plan d'entreprise, peuvent aujourd'hui être appréciés ex post. Même si, en 2010, l'entreprise n'a réalisé que [...] % de ses prévisions concernant les ventes, le rendement des ventes et la marge de bénéfice nette prévus ont été dépassés ; le bénéfice net réalisé par Crist a atteint 12,6 millions de PLN et a été [...] fois supérieur à celui prévu pour cette année-là. En 2011, les résultats de l'entreprise se sont encore améliorés, le niveau des ventes a été supérieur de [...] % à ce qui avait été prévu, tandis que le bénéfice net réalisé a dépassé les prévisions de [...] %. Le bilan total de l'entreprise à la fin de 2010 et en 2011 était supérieur à ce qui avait été prévu de, respectivement, [...] % et [...] %.

Traitement préférentiel accordé à l'entreprise

(94) Dans la décision d'ouvrir la procédure, la Commission exprimait des doutes sur le fait de savoir si certaines conditions du programme étaient remplies, notamment si l'entreprise était admissible au bénéfice d'un soutien dans le cadre de ce programme et si le prêt accordé ne dépassait pas le plafond d'intensité fixé dans le programme (voir considérant 15).

(95) La Commission prend acte des explications des autorités polonaises, dont il ressort que l'entreprise était admissible au bénéfice d'un financement dans le cadre du programme et que le niveau de financement de l'investissement de Crist par l'ARP n'a pas dépassé le plafond de 80 % prévu par le programme (voir considérants 61 à 64). En ce qui concerne le second point, la Commission a vérifié que le plafond, tel que décrit par les autorités polonaises, a bien été respecté aussi sur la base des informations dont l'ARP disposait au moment où elle a décidé d'octroyer le prêt : le financement à hauteur de 150 millions de PLN d'un investissement d'un montant total de 188,2 millions de PLN (13) correspond à une intensité d'aide de 79,7 %.

(96) Au vu de ces explications, la Commission considère que ses doutes sur le fait de savoir si un investisseur privé aurait accordé le prêt sont levés.

1.2. Conclusions concernant l'octroi d'un avantage

(97) Compte tenu de ce qui précède, la Commission considère que l'entreprise n'a bénéficié d'aucun avantage indu découlant des conditions auxquelles l'ARP lui a octroyé son prêt. En particulier, la Commission considère que i) les renseignements dont l'ARP disposait auraient amené un investisseur privé à la même décision et que ii) le taux d'intérêt du prêt de l'ARP à Crist correspond au taux du marché.

(98) Les éléments permettant d'établir l'existence d'une aide d'État au sens de l'article 107, paragraphe 1, du TFUE étant cumulatifs, l'absence de n'importe lequel d'entre eux est rédhibitoire. En conséquence, il n'est pas nécessaire d'analyser les autres éléments énumérés au considérant 66 ci-dessus,

A ADOPTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION :

Article premier

La mesure que la République de Pologne a mise en œuvre en faveur de Crist S.A. sous la forme d'un prêt d'un montant de 150 millions de PLN assorti d'un taux d'intérêt de 6,81 % ne constitue pas une aide d'État au sens de l'article 107, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

Article 2

La République de Pologne est destinataire de la présente décision.

Notes

(1) JO C 129 du 4.5.2012, p. 9.

(2) Décision de la Commission du 6 novembre 2008 concernant l'aide d'État C 19/05 (ex N 203/05) accordée par la Pologne en faveur du chantier naval de Szczecin (JO L 5 du 8.1.2010, p. 1) et décision de la Commission du 6 novembre 2008 concernant l'aide d'État C 17/05 (ex N 194/05 et PL 34/04) accordée par la Pologne en faveur du chantier naval de Gdynia (JO L 33 du 4.2.2010, p. 1).

(3) Voir note 1.

(4) Dans la présente décision, les montants en EUR sont des approximations fournies à titre indicatif uniquement, à l'exception du montant de [...] millions d'EUR, qui correspond à la valeur du contrat entre Beluga Hochtief Offshore et Crist, conclu en EUR. Tous les montants en PLN sont convertis en EUR, au taux 1 EUR = 4 PLN.

(5) Cet article dispose : "Les dispositions des traités ne font pas obstacle aux règles ci-après : [...] b) tout État membre peut prendre les mesures qu'il estime nécessaires à la protection des intérêts essentiels de sa sécurité ...".

(6) Dans la lettre du 25 novembre 2010, la Pologne a erronément informé la Commission que le taux d'intérêt avait été fixé au niveau du taux de base, défini comme le taux WIBOR à six mois (au lieu du taux WIBOR à trois mois) et que le taux d'intérêt global de l'emprunt contracté par Crist s'élevait à 7,02 % (au lieu de 6,81 %). La Pologne a corrigé cette information dans sa lettre du 27 février 2012.

(7) Warsaw interbank reference rate (taux de référence du marché monétaire à Varsovie).

(8) JO C 14 du 19.1.2008, p. 6.

(9) En associant l'estimation de la valeur par la méthode basée sur le compte de résultat (recommandée par un expert), qui aboutit à un montant de [...] millions de PLN, et l'hypothèque immobilière (une partie de la zone n° 2 du chantier), expertisée à 169,5 millions de PLN.

(10) L'entreprise Crist a bénéficié d'une série d'autres sources de financement privées extérieures. Sont concernés des crédits et des garanties accordés par la banque [...], par [...], par [...], par [...], par [...] et par [...] pour un montant de plus de [...] PLN en 2010 et s'élevant à plus de [...] PLN en 2011.

(11) 38,2 millions de PLN pour la zone n° 1 du chantier et 175 millions de PLN pour la zone n° 2.

(12) Le taux de base pour la Pologne en septembre 2010, calculé conformément à la communication sur les taux de référence, figure sur le site internet de la Commission, à l'adresse suivante : http ://ec.europa. eu/competition/state_aid/legislation/reference_rates.html

(13) L'ARP ne pouvait pas savoir à l'époque qu'en réalité, la valeur totale de l'investissement serait supérieure de 25 millions de PLN à ce qui était prévu (213,2 millions de PLN au lieu de 188,2 millions de PLN, du fait de l'augmentation du prix du bassin de radoub).