CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 16 janvier 2013, n° 11-13734
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Triumph (Sté)
Défendeur :
Auto Moto Fusion 66 (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Roche
Conseillers :
M. Vert, Mme Luc
Avocats :
Mes Monin, Bricogne, Teytaud, Redon
Vu le jugement rendu le 5 avril 2011 par lequel le Tribunal de commerce de Meaux a condamné la société Triumph à payer à la société Auto Moto Fusion 66 la somme de 103 000 euros TTC au titre du préjudice résultant de la mise en œuvre de la clause de non-concurrence, ordonné l'exécution provisoire de la décision, et condamné la société Triumph à payer à la société Auto Moto Fusion 66 la somme de 2 000 euros TTC au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu l'appel interjeté le 20 juillet 2011 par la société Triumph et ses conclusions enregistrées le 4 septembre 2012, tendant à ce que soient jugées irrecevables les demandes formulées au titre de la brutalité de la résiliation du contrat de concession, et, subsidiairement, que la société Auto Moto Fusion 66, ne justifiant pas du préjudice allégué, soit déboutée de toutes ses demandes et condamnée à verser à la société Triumph la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu les conclusions de la société Auto Moto Fusion 66, enregistrées le 5 juin 2012 tendant à faire confirmer le jugement entrepris, sauf dans son quantum, et demandant à la cour de condamner la société Triumph à payer à la société Auto Moto Fusion 66 la somme de 309 000 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de l'exploit introductif d'instance, lesdits intérêts capitalisés en application de l'article 1154 du Code civil, et de condamner la société Triumph à verser à la société Auto Moto Fusion 66 la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Sur ce
Considérant qu'il résulte de l'instruction les faits suivants :
Le 24 juin 2003, la société Triumph, importateur en France des motos de la marque Triumph, a conclu avec la société Auto Moto Fusion 66, vendeur et réparateur de motos neuves et d'occasion de différentes marques, un contrat de concession exclusive à durée indéterminée pour la vente de produits de la marque Triumph, sur la zone de Perpignan. Ce contrat portait sur " des motos neuves, des pièces de rechange, ainsi que les accessoires et vêtements commercialisés par le concédant sous les marques Triumph" (article 3 du contrat).
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 17 décembre 2007, la société Triumph a notifié à la société Auto Moto Fusion 66 qu'elle mettait fin à ce contrat, la résiliation prenant effet six mois après la réception de ce courrier, conformément aux stipulations de l'article 17 du contrat de concession. Le préavis a pris fin le 21 juin 2008. La société Triumph a choisi de confier la concession à la société Prestige Moto, ancien concessionnaire BMW.
Le 24 novembre 2008, la société Auto Moto Fusion 66 a mis la société Triumph en demeure de lui régler la somme de 690 000 euros en réparation du préjudice subi par elle, en raison d'une clause de non-concurrence stipulée à l'article 22 du contrat de concession.
La société Triumph n'ayant pas donné suite à cette demande, la société Auto Moto Fusion 66 l'a assignée devant le Tribunal de commerce de Meaux, par acte du 18 juin 2009, afin qu'elle soit condamnée à lui payer la somme de 606 000 euros, sous le régime de l'exécution provisoire.
Par jugement du 5 avril 2011, le Tribunal de commerce de Meaux a fait partiellement droit à cette demande. Les Premiers Juges ont estimé que la rupture du contrat de concession était exempte d'abus, mais ont condamné, sous le régime de l'exécution provisoire, la société Triumph à payer à la société Auto Moto Fusion 66 la somme de 103 000 euros TTC, au titre du préjudice subi du fait de la clause de non-concurrence stipulée dans la convention, "cette clause (étant) sans contexte (selon le tribunal), un avantage commercial pour le concédant mais un handicap immédiat pour le concessionnaire, constituant de fait un abus de position dominante dans la mesure où une mesure compensatoire n'est pas accordée au concessionnaire" ;
Sur ce
Considérant que la société Triumph, appelante, demande à la cour de déclarer irrecevable la demande formulée au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies, s'agissant d'une demande nouvelle, au sens de l'article 564 du Code de procédure civile, et de débouter la société Auto Moto Fusion 66, aucune faute génératrice de préjudice ne lui étant imputable ;
Sur la recevabilité des demandes formées au titre de la rupture brutale des relations commerciales :
Considérant que si la société Triumph soutient que les demandes formées par la société Auto Moto Fusion 66, au titre de la prétendue brutalité de la rupture seraient irrecevables, au sens de l'article 564 du Code de procédure civile, s'agissant de demandes nouvelles, il convient de souligner que, selon les dispositions de cet article, "A peine d'irrecevabilité prononcée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait" et que l'article 565 du même code dispose que "les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent" ;
Considérant qu'en première instance, la société Auto Moto Fusion 66 a demandé aux Premiers Juges de condamner la société Triumph à lui verser des dommages et intérêts pour réparer le préjudice résultant de la rupture des relations contractuelles ; que la demande fondée sur l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce, invoquée pour la première fois en cause d'appel au soutien de cette action en réparation, tend bien aux mêmes fins que celle soumise aux Premiers Juges, même si le fondement juridique en est différent ; qu'ainsi, aucune prétention nouvelle n'étant formulée par la société Auto Moto Fusion 66, au sens des articles 564 et 565 du Code de procédure civile, il y a lieu de constater que la société Auto Moto Fusion 66 est recevable en ses demandes ;
Sur la résiliation du contrat de concession :
Considérant, en premier lieu, que la société Auto Moto Fusion 66 soutient que la société Triumph aurait commis un abus en résiliant le contrat de concession ; que, selon l'article 1134 alinéa 3 du Code civil, les conventions doivent être exécutées de bonne foi ; que si la partie qui met fin à un contrat à durée indéterminée dans le respect des modalités prévues au contrat n'a pas à justifier d'un quelconque motif, le juge peut néanmoins, à partir de l'examen des circonstances établies, retenir la faute faisant dégénérer en abus l'exercice du droit de rompre ; qu'en l'espèce, aucun grief sur l'exécution du contrat de concession n'aurait été formulé par la société Triumph à l'encontre de la société Auto Moto Fusion 66 ; que la société Triumph aurait choisi un autre concessionnaire dans la même ville, sans avoir discuté avec son ancien concessionnaire l'éventuelle poursuite de leurs relations dans le cadre des nouvelles conditions souhaitées par le concédant ; que la société Triumph aurait, enfin, imposé à la société Auto Moto Fusion 66 des investissements d'un montant de 42 000 euros concernant la réalisation d'une vitrine, l'installation d'un chauffage dans le magasin et la peinture de la façade extérieure ;
Mais considérant qu'il résulte de l'article 1134 alinéa 2 du Code civil, que, dans les contrats à exécution successive dans lesquels aucun terme n'a été prévu, la résiliation unilatérale est offerte aux deux parties, sauf abus sanctionné par l'alinéa 3 du même texte ;
Considérant, en l'espèce, qu'aux termes de son article 17-1, le contrat de concession conclu entre les sociétés Triumph et Auto Moto Fusion 66 est un contrat à durée indéterminée ; que l'article 17-2 dudit contrat stipule que "chacune des parties pourra notifier à tout moment, par lettre recommandée avec accusé de réception, son intention de mettre fin à la présente convention. La résiliation prendra effet six mois après la réception de cette lettre" ; que la société Triumph a notifié la résiliation du contrat par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 17 décembre 2007 et la résiliation a pris effet le 21 juin 2008 ; que le concédant a ainsi respecté le délai de préavis de six mois contractuellement prévu ;
Considérant, par ailleurs, que la faculté de résiliation était prévue par le contrat de concession, sans qu'il soit exigé la démonstration d'une faute du concessionnaire ou d'un quelconque motif ; que celui-ci ne peut donc exciper de la progression de ses ventes de motos Triumph et de sa bonne foi pour s'opposer à cette résiliation ;
Considérant que si la société Triumph, en prononçant la résiliation du contrat de concession la liant à l'intimée, n'a fait que mettre en œuvre les stipulations de ce contrat, une telle résiliation peut, néanmoins, revêtir un caractère abusif en raison des circonstances accompagnant la rupture ; qu'en effet, il s'infère des dispositions de l'alinéa 3 de l'article 1134 du Code civil aux termes desquelles les conventions légalement formées "doivent être exécutées de bonne foi" que la faculté de résiliation d'un contrat de droit privé à durée indéterminée ne saurait être exercée dans des conditions exclusives d'une semblable bonne foi, telle, notamment, la création chez le concessionnaire d'une confiance légitime dans la pérennité des relations commerciales entretenues ; qu'en l'espèce, la société Auto Moto Fusion 66 ne rapporte aucunement la preuve que les coûts des rénovations de ses installations, réalisées en 2005, d'un montant de 42 000 euros, auraient été engagés à la demande et au bénéfice exclusif de la société Triumph ; qu'au surplus, il apparaît que lesdits travaux, s'agissant de la rénovation de la façade du bâtiment, de l'isolation du local et de l'installation de chauffage, n'avaient rien de spécifique à la marque Triumph et étaient des travaux de rénovation globale du bâtiment ; que si la société Auto Moto Fusion 66 avait envisagé de créer un show-room dédié à l'exposition des produits de la marque Triumph, elle ne rapporte pas la preuve d'avoir effectivement réalisé des investissements en ce sens, ni d'en avoir reçu la demande du concédant ;
Considérant que ces circonstances de fait et de droit n'ont pu créer chez la société intimée une confiance légitime dans le maintien de la relation commerciale l'unissant à l'appelante ; qu'en définitive, la société Auto Moto Fusion 66 ne démontre pas la mauvaise foi de la société Triumph dans l'exercice de son droit de résilier la concession ;
Considérant, en conséquence, que l'exercice, par la société Triumph, de son droit de résilier le contrat de concession n'a pas été abusif, au sens de l'article 1134 alinéa 3 du Code civil ;
Sur la durée du préavis :
Considérant, en deuxième lieu, que la société Auto Moto Fusion 66 soutient, à l'appui de sa demande en dommages et intérêts pour rupture abusive, qu'il résulte des dispositions de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce que la rupture d'une relation commerciale établie, sans préavis écrit d'une durée suffisante, engage la responsabilité de son auteur ; qu'en l'espèce, les relations commerciales ayant duré sept ans et la part de vente de motos Triumph dans le chiffre d'affaires de la société Auto Moto Fusion 66 étant importante, le préavis contractuellement prévu était manifestement insuffisant ;
Considérant, néanmoins, que, selon l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce "engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : [...] 5° De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels" ;
Considérant, en l'espèce, que les relations commerciales ont débuté réellement en 2001, même si le contrat de concession n'a été signé qu'en 2003 et la durée des relations contractuelles entre le concédant et son concessionnaire a été d'une durée de sept ans ; que la société Auto Moto Fusion 66 représentait d'autres marques et n'était tenue à aucune exclusivité à l'égard de la marque Triumph, conformément à l'article 6.1 du contrat de concession ; qu'elle déclarait, au 15 mai 2005, réaliser avec les marques Guzzi et Voxan respectivement 20 et 25 % de son chiffre d'affaires ; qu'elle ne démontre pas être en situation de dépendance économique à l'égard de la société Triumph ; que la société Auto Moto Fusion 66 est un distributeur multi-marques qui n'était pas lié à la société Triumph par des relations d'exclusivité et était libre de déterminer sa stratégie commerciale ; que n'est pas rapportée la preuve d'une quelconque influence de la société Triumph sur cette stratégie commerciale ; que la société Triumph n'est donc pas responsable de la part représentée par la marque Triumph dans le chiffre d'affaire réalisé par le concessionnaire ; qu'en conséquence de ces éléments, le délai de préavis contractuellement prévu, à savoir six mois, était suffisant au regard des circonstances de l'espèce ; qu'il n'y a donc pas lieu d'engager la responsabilité de la société Triumph sur le fondement de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce ;
Considérant qu'il convient donc de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Auto Moto Fusion 66 de ses demandes afférentes à la rupture abusive ou brutale du contrat ;
Sur le prétendu préjudice résultant de la mise en œuvre de la clause de non-concurrence post-contractuelle :
Considérant, en troisième lieu, que la société Auto Moto Fusion 66 soutient que la clause de non-concurrence post-contractuelle stipulée dans le contrat de concession l'unissant à la société Triumph lui aurait causé un préjudice en la dépossédant de sa clientèle ; qu'elle invoque au soutien de sa prétention les dispositions de l'article 5 du règlement communautaire n° 2790-1999 du 29 décembre 1999 relatif à "l'application de l'article 81 paragraphe 3 du traité à des catégories d'accords verticaux et des pratiques concertées" qui prévoient les conditions de validité des clauses de non-concurrence post-contractuelles, ainsi qu'un arrêt rendu le 9 octobre 2007 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation, selon lequel l'exécution d'une clause de non-concurrence du fait du franchiseur lui impose d'indemniser son franchisé du préjudice subi, constitué par sa perte de clientèle ; que cette analyse pourrait, selon elle, être appliquée par analogie au contrat de concession, qui, comme le contrat de franchise, est un contrat-cadre de distribution ;
Considérant, de première part, que, si, aux termes de l'article 17-4 du contrat de concession, il est stipulé que "en aucun cas le concessionnaire ne pourra prétendre au versement d'une indemnité à la fin du présent contrat et ce, quelle qu'en soit la cause'", cette clause particulière ne vise que l'article 17, relatif à la résiliation du contrat et non la clause régissant la situation post-contractuelle et interdisant à l'ancien concessionnaire l'achat de motos Triumph pendant un an ; que cet article ne s'oppose donc pas à l'examen des prétentions de la société Auto Moto Fusion 66 ;
Considérant, de deuxième part, que les jurisprudences excipées par les sociétés Triumph et Auto Moto Fusion 66 sont inopérantes dans le présent litige ; que l'arrêt VAG c/ Magne rendu par la Cour de justice des Communautés européennes le 18 décembre 1986, repris par l'arrêt rendu le 3 décembre 2003 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation, se borne à énoncer qu'une clause non couverte par le règlement d'exemption n'est pas nécessairement illégale ; que l'arrêt rendu le 9 octobre 2007 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation, au visa de l'article 1371 du Code civil, constitue un arrêt d'espèce, relatif à la résiliation d'un contrat de franchise contenant une véritable clause de non-concurrence et appelant les juges du fond à une indemnisation du franchisé du fait la perte de sa clientèle ;
Considérant, de troisième part, qu'une obligation de non-concurrence est définie à l'article premier du règlement CE n° 2790-1999, applicable à l'espèce, comme "une obligation directe ou indirecte interdisant à l'acheteur de fabriquer, d'acheter, de vendre ou de revendre des biens ou des services qui sont en concurrence avec les biens ou les services contractuels" ; qu'en l'espèce, selon les dispositions de l'article 22 du contrat de concession, intitulé "non-concurrence", "pendant une durée de douze mois à compter de la date de fin du contrat, le concessionnaire ne pourra pas s'intéresser à la vente de motos Triumph sur le territoire contractuel ou territoire limitrophe et ce, de façon directe ou indirecte pour son compte ou pour le compte d'un tiers. Cette interdiction ne jouera pas en cas de conclusion d'un nouveau contrat Triumph, sur le même territoire défini dans ledit contrat'" ; que l'alinéa 3 du même texte dispose que "le concédant pourra vendre mais seulement sur l'ancien territoire contractuel, les motos que le concédant ne lui aurait pas reprises à la fin du contrat en raison de l'un des motifs cités à l'article 19.2.2." ; qu'il est également spécifié à l'article 3.1 dudit contrat que celui-ci porte sur des motos neuves, les motos d'occasion n'étant pas comprises dans la liste des produits contractuels ;
Considérant qu'il ressort de ces stipulations contractuelles que la clause susdite n'interdit pas à l'ancien concessionnaire de vendre des motos d'autres marques que la marque Triumph, et ne constitue donc pas une clause de non-concurrence au sens du règlement susvisé ; qu'elle constitue néanmoins, au sens de l'article 5, b) de ce règlement une "obligation directe ou indirecte interdisant à l'acheteur, à l'expiration de l'accord, de fabriquer, d'acheter, de vendre ou de revendre des biens ou services'", qui n'est pas couverte par l'exemption automatique de ce règlement au regard de l'alinéa 3 de l'article 101 du TFUE ; qu'en effet, ce genre de clause n'est couverte que dans les conditions limitatives prévues par le b, à savoir lorsque l'obligation en cause "concerne des biens ou des services qui sont en concurrence avec les biens ou services contractuels'", est "limitée aux locaux et aux terrains à partir desquels l'acheteur a opéré pendant la durée du contrat" et "est indispensable à la protection d'un savoir-faire transféré par le fournisseur à l'acheteur" ; qu'aucune de ces conditions n'est, en l'espèce, réunie ;
Considérant qu'en revanche, cette clause n'est pas illégale au sens du droit des ententes, car couverte par la Communication de la Commission concernant les accords d'importance mineure qui ne restreignent pas sensiblement le jeu de la concurrence au sens de l'article 81, paragraphe 1, du traité instituant la Communauté européenne (de minimis) (2001-C 368-07) ; que cette communication dispose que "les accords entre entreprises qui affectent le commerce entre États membres ne restreignent pas sensiblement la concurrence au sens de l'article 81, paragraphe 1, du traité" (...) si b) si la part de marché détenue par chacune des parties à l'accord ne dépasse 15 % sur aucun des marchés en cause affectés par l'accord, lorsque l'accord est passé entre des entreprises qui ne sont des concurrents existants ou potentiels sur aucun de ces marchés (accords entre non concurrents)" et si les accords en cause ne contiennent pas de restrictions caractérisées de concurrence, définies au point 7 de cette Communication ; qu'en l'espèce, la société Triumph soutient à juste titre que la marque Triumph représente seulement 1,43 % du marché de la moto en France en 2006 et 2,02 % en 2007, soit une part de marché inférieure au seuil de 15 % et la clause n'est pas citée au rang des restrictions caractérisées du point 7 ;
Considérant, cependant, que même non sanctionnée au titre du droit des ententes, cette clause n'en constitue pas moins une restriction abusive de la liberté d'entreprendre de l'ancien concessionnaire en lui interdisant de vendre des motos Triumph neuves qu'il aurait pu se procurer dans les circuits d'importations parallèles ou auprès des autres concessionnaires Triumph, et, ce, pendant un an à compter du terme du contrat, non seulement sur son ancien territoire contractuel, mais aussi sur un territoire limitrophe ; que l'exclusion d'un commerçant d'un réseau de distribution exclusive ne saurait en effet le priver de la faculté de s'approvisionner auprès de l'opérateur qu'il souhaite et de vendre les produits ainsi acquis aux consommateurs finals ; que cette clause d'interdiction de vente constitue le pendant de l'article 5 du contrat de concession Triumph, aux termes duquel "Les produits contractuels sont uniquement destinés à être vendus par le concessionnaire à des utilisateurs et en aucun cas à des revendeurs non liés au concédant par un contrat, sauf accord préalable et écrit du concédant qui pourra être accordé pour des opérations exceptionnelles ayant pour objectif d'améliorer le service de la clientèle des marques Triumph" ; que cet article vise à s'opposer aux ventes passives hors réseau pratiquées par les concessionnaires Triumph, clause noire au sens du règlement CE n° 2790-1999, invoqué par l'appelante ; que la restriction ainsi apportée par le concédant à la liberté d'achat et de revente de son ancien concessionnaire est donc fautive, le concédant ne pouvant s'opposer aux achats et ventes parallèles ; que ces facultés d'approvisionnement parallèle existent bien puisque la société Auto Moto Fusion 66 avait, antérieurement au contrat de concession, acheté des motos de la marque Triumph ;
Considérant que cette faute est susceptible de générer un préjudice pour la société Auto Moto Fusion 66 ;
Considérant, qu'en l'espèce, la société Auto Moto Fusion 66 était libre de continuer d'écouler un éventuel stock de motos Triumph non repris par le concédant et pouvait vendre des motos d'occasions de la marque Triumph ou des motos d'autres marques, ces motos n'étant pas comprises dans la liste des produits contractuels et n'entrant donc pas dans le champ d'application de la clause post contractuelle ; que son activité professionnelle s'est néanmoins trouvée réduite par l'effet de la clause de non-concurrence qui lui interdisait de "s'intéresser à la vente de motos Triumph [...] de façon directe ou indirecte, pour son compte ou pour le compte de tiers" et ce, pendant un an ; que cette stipulation contractuelle était de nature à priver la société Auto Moto Fusion 66 de la possibilité de pallier la résiliation du contrat de concession en achetant des motos auprès d'autres concessionnaires de motos Triumph, nationaux ou étrangers, puis en les revendant, ou encore en exerçant l'activité de mandataire ;
Considérant, cependant, que la société Auto Moto Fusion 66 ne peut démontrer avoir subi une perte de clientèle du fait de la clause litigieuse, en démontrant la baisse immédiate de son chiffre d'affaire à partir de juin 2008 ; qu'en effet, cette baisse constitue la conséquence logique de la résiliation du contrat de concession ; que son préjudice est constitué par les demandes de clients qui n'auraient pu être honorées, à cause de cette interdiction de vente ; que ce préjudice ne saurait être évalué, comme les Premiers Juges l'ont fait, à une année de marge ; qu'il est en effet évident que, ne faisant plus partie du réseau, la société Auto Moto Fusion 66 ne pouvait plus vendre le même nombre de motos ; qu'elle ne pouvait, au cas par cas, qu'essayer de répondre à des demandes de clients grâce à l'achat de motos Triumph auprès d'autres concessionnaires en France ou à l'étranger, faculté dont elle a précisément été privée par la clause litigieuse ; que si la société Auto Moto Fusion 66 a vendu en moyenne 44,5 motos Triumph par an pour les années 2006 et 2007, à un prix moyen HT de 8 500 euros, elle n'avance aucune indication sur les demandes de clients qu'elle n'aurait pu satisfaire à cause de la clause litigieuse, ni sur les possibilités de s'approvisionner sur les réseaux d'importations parallèles des motos Triumph ou auprès des autres concessionnaires Triumph et sur les pratiques usuelles en la matière ; qu'en l'absence de préjudice démontré, il convient donc de rejeter la demande de la société Auto Moto Fusion 66 et d'infirmer le jugement entrepris sur ce point ;
Sur l'application de l'article 700 du Code de procédure civile :
Considérant qu'il ne semble pas inéquitable de laisser à la charge de la société Triumph les frais irrépétibles de l'instance d'appel ;
Par ces motifs : Declare recevable les demandes de la société Auto Moto Fusion 66 au titre de la brutalité de la rupture des relations commerciales établies, Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a condamné la société Triumph à payer à la société Auto Moto Fusion 66 la somme de 103 000 euros TTC au titre du préjudice subi par la clause de non-concurrence de la convention, L'infirme sur ce point, Et, statuant à nouveau, Deboute la société Moto Fusion 66 de ses demandes de dommages-intérêts dirigées à l'encontre de la société Triumph, - Déboute les parties du surplus de leurs prétentions respectives, Condamne la société Auto Moto Fusion 66 aux dépens d'appel avec recouvrement dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile, - Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile.