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Décisions

CA Nîmes, 1re ch. civ. A, 10 janvier 2013, n° 11-02745

NÎMES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Pons Baillon Cazenave (SCP)

Défendeur :

Caisse nationale du régime social des indépendants

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bruzy

Conseillers :

M. Berthet, Mme Thery

Avocats :

SCP Niquet Tournaire Chailan, SCP Guizard Servais, Mes Pomies-Richaud, Vajou, Waquet

TGI Nîmes, du 21 mars 2011

21 mars 2011

La SCP Olivier Baillon-Francis Ponce, huissiers de justice à Montpellier, devenue la SCP Baillon Ponce Cazenave, est appelante du jugement du 21 mars 2011 par lequel le Tribunal de grande instance de Nîmes l'a déboutée de son action contre la Caisse nationale du Régime Social des Indépendants en réparation du préjudice causé par la brusque rupture des relations commerciales établies avec la Réunion des assureurs maladie de Languedoc-Roussillon. Par conclusions du 6 décembre 2011 auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et de ses moyens, elle demande à la cour, sur le fondement de l'article L. 442-6-I 5° du Code de commerce, de juger que la CNRSI s'est substituée à la RAM Languedoc-Roussillon, de juger brutale la rupture des relations d'affaires à l'initiative du RSI, subsidiairement de juger sa responsabilité engagée sur le fondement des articles 1134 et suivants du Code civil, de condamner le RSI à lui payer la somme de 479 617 euro en réparation de son préjudice économique et la somme complémentaire de 50 000 euro à titre de dommages et intérêts tenant les conditions vexatoires de la rupture abusive, enfin de condamner le RSI à lui payer la somme de 3 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, et aux entiers dépens distraits au profit de la SCP Pomies Richaud Vajou.

Par conclusions du 4 mai 2012 auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et de ses moyens, la Caisse nationale du Régime Social des Indépendants demande à la cour de juger qu'elle n'a pas noué de relations avec l'étude appelante et n'est pas le successeur juridique de la RAM, que les dispositions de l'article 1134 du Code civil n'ont pas vocation à s'appliquer en l'espèce, de juger que les dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ne sont pas applicables aux relations existant entre un organisme de sécurité sociale investi d'une mission de service public et une étude d'huissiers de justice, de juger que la relation antérieurement entretenue avec la RAM s'est achevée par l'effet de la loi et par épuisement des dossiers confiés par cet organisme et dont elle n'a pas été dessaisie, de juger que la CNRSI, légalement substituée aux anciens régimes autonomes Ava, Organic et Canam et en aucun cas à la RAM, n'avait aucune obligation juridique de confier des affaires à la SCP Olivier Baillon-Francis Ponce, que la réalité et l'étendue du préjudice ne sont étayées par aucun élément probant, de confirmer le jugement dont appel et de condamner la SCP Francis Ponce-Olivier Baillon-Philippe Cazenave à lui verser la somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure et aux dépens avec faculté de recouvrement direct pour la SCP Marion Guizard-Patricia Servais par application de l'article 699 du même code.

La mise en état a été clôturée par ordonnance du 9 mars 2012 à effet au 15 juin 2012.

Sur quoi, LA COUR :

Attendu que l'article L. 442-6 I du Code de commerce dispose que :

Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :

(...)

5° de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels (...)

Attendu que le RSI n'entre pas dans la catégorie des commerçants et artisans énumérés en tête des dispositions légales susvisées et ne peut, contrairement à des personnes morales de droit privé intervenant, telles des sociétés d'assurance ou des mutuelles, sur le "marché" complémentaire des risques de la santé et de la vieillesse, y être assimilé ; que sa relation avec un officier ministériel en vue du recouvrement des cotisations sociales obligatoires pour lequel cet organisme est investi par la loi d'une mission de service public n'est pas de nature commerciale et ne relève pas de la vie des affaires ; qu'à supposer qu'il puisse être considéré que le RSI ait rompu la relation établie antérieurement avec la RAM, cette rupture n'entrerait pas dans le champ d'application de l'article L. 442-6 du Code de commerce.

Attendu qu'il n'y a pas continuation par la Caisse nationale du RSI de la personne morale de la Réunion des Assureurs Maladie par l'effet d'une cession de fonds ou d'activité ou d'un traité de fusion ou d'absorption ; que c'est le législateur qui, dans le cadre de l'ordonnance n° 2005-1528 du 8 décembre 2005 réorganisant le régime de couverture sociale des travailleurs indépendants des professions non agricoles, a, par l'ordonnance n° 2005-129 de la même date, décidé l'institution d'un interlocuteur unique pour les indépendants, d'où est née cette caisse investie de la mission du recouvrement de cotisations sociales autrefois confiée à la RAM ; que l'appelante ne peut donc pas se prévaloir d'une relation contractuelle préexistante avec l'intimée, relevant des dispositions de l'article 1134 du Code civil.

Attendu que la Caisse nationale du RSI n'a dessaisi la SCP Baillon Ponce Cazenave d'aucun des dossiers en cours à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 8 décembre 2005 ; qu'elle n'avait aucune obligation légale de confier à l'étude de l'appelante les affaires nouvelles ; qu'elle était libre du choix de tout huissier territorialement compétent pour les actes de son ministère ; qu'elle n'a commis aucune faute en relation de causalité avec la perte de chiffre d'affaires dont fait état l'appelante ; que c'est par des motifs pertinents que le tribunal a débouté la demanderesse de son action ; que le jugement entrepris doit être confirmé.

Attendu que la SCP Baillon Ponce Cazenave qui succombe doit supporter les dépens ; que l'équité commande de laisser à l'intimée la charge de ses frais non compris dans les dépens.

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière civile, en dernier ressort, En la forme, reçoit la SCP Baillon Ponce Cazenave en son appel et le dit mal fondé. Confirme le jugement déféré. Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile. Condamne la SCP Baillon Ponce Cazenave aux dépens et alloue à la SCP Guizard-Servais le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.