CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 17 janvier 2013, n° 11-05373
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
France Télécom (SA)
Défendeur :
Petavy (ès qual.), DA France (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Perrin
Conseillers :
Mmes Pomonti, Michel-Amsellem
Avocats :
Mes Ribaut, Regnier, Belfayol Broquet, Cretier
FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE
La société DA France a réalisé le nettoyage et la maintenance des cabines téléphoniques de la société France Télécom, avant de ne plus effectuer que l'activité de maintenance. Le début de ces relations commerciales, 1984 ou 1997, est discuté dans la présente instance.
Quoiqu'il en soit, le dernier contrat-cadre signé par les deux sociétés a été conclu le 29 décembre 2004 et a été prorogé jusqu'au 22 décembre 2007. Indiquant qu'elle procédait à une réorganisation des services, la société France Télécom a, en février 2008, proposé à la société DA France, un avenant à leur convention pour une cessation de leurs relations en deux ans que cette dernière a refusé de signer.
Par une décision du Tribunal de commerce du Puy-en-Velay en date du 24 octobre 2008, la société DA France a été déclarée en liquidation judiciaire et M. Petavy a été nommé liquidateur.
Par acte du 10 septembre 2009, Me Petavy ès qualité a fait assigner la société France Télécom devant le Tribunal de commerce de Paris aux fins d'engager sa responsabilité du fait de la rupture de leurs relations commerciales et pour abus de sa position de dépendance économique.
Par un jugement en date du 4 mars 2011, assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de commerce de Paris a :
- condamné la société France Télécom à payer à Me Petavy, ès qualité, de mandataire judiciaire de la société DA France la somme de 110 000 euros, à titre d'indemnité pour rupture brutale de relations commerciales établies,
- condamné la société France Télécom à payer à Me Petavy ès qualité de mandataire judiciaire de la société DA France la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs demandes respectives plus amples ou contraires au présent dispositif.
Vu l'appel interjeté le 25 mars 2011 par la société France Télécom contre cette décision.
Vu les dernières conclusions, signifiées le 3 octobre 2011, par lesquelles la société France Télécom demande à la cour de :
- constater que la société DA France a refusé de signer l'avenant de préavis valant cessation des relations proposé par la société France Télécom,
- constater dès lors que la société France Télécom n'est pas à l'origine de la rupture,
- constater que la société DA France a refusé de signer le contrat et qu'elle est à l'origine de la rupture,
- dire en conséquence que la société DA France est, en sa qualité d'auteur de la rupture, irrecevable à agir et déclarer Me Petavy irrecevable en son action,
- constater que la société DA France ne justifie pas de l'existence de relations antérieures à 1997,
- dire en tout état de cause que le préavis de deux ans offert par la société France Télécom est satisfaisant,
- dire en conséquence qu'il n'y a pas rupture brutale des relations commerciales établies au sens de l'article L. 442-6-I du Code de commerce,
- dire, subsidiairement, que seule la perte de marge pendant le délai de préavis est indemnisable, ce dont il n'est pas justifié,
- dire que la société DA France est seule responsable de son refus de diversification et qu'elle ne peut en imputer la responsabilité à la société France Télécom ce qui minore son préjudice,
- débouter en conséquence Me Petavy de son appel incident,
- dire plus généralement Me Petavy mal fondé en sa demande de réparation et en toutes ses demandes et l'en débouter,
- infirmer en conséquence purement et simplement le jugement entrepris,
- condamner Me Petavy à payer à la société France Télécom la somme de 8 500 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société France Télécom soutient que la société DA France en refusant de signer l'avenant valant préavis a elle-même rompu les relations commerciales.
Elle considère qu'au regard du préavis de deux ans qui avait été proposé, M. Petavy ne peut exciper d'une rupture brutale, pas plus qu'il ne peut conclure à l'insuffisance du préavis ainsi consenti.
Elle ajoute que le contrat conclu en 1997 avec la société DA France était devenu caduc, que les relations commerciales se poursuivaient donc dans un cadre contractuel nouveau et que le désengagement proposé par l'avenant était définitif pour intervenir à l'échéance contractuelle nouvellement définie. Elle fait valoir qu'en conséquence l'action de M. Petavy est irrecevable. Elle soutient que l'article 6-2 du contrat invoqué par M. Petavy pour démontrer que la rupture était injustifiée n'était plus en vigueur au moment où elle a proposé de signer l'avenant.
Enfin, elle fait valoir qu'elle démontre que la rupture querellée ne constitue pas une pratique discriminatoire ayant pour objet ou pour effet d'avantager un autre opérateur intervenant sur le même marché mais qu'elle résulte d'une réorganisation face au dépérissement du marché.
Vu les dernières conclusions, signifiées le 20 décembre 2011, par lesquelles Me Petavy demande à la cour de :
- déclarer la société France Télécom mal fondée en son appel et la débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- in limine litis, dire et juger recevables que les demandes présentées par Me Petavy et confirmer la décision rendue par le Tribunal de commerce de Paris sur ce point,
- dire et juger en effet que la société France Télécom est bel et bien à l'origine de la rupture des relations contractuelles,
- dire et juger que c'est à bon droit que la société DA France a refusé de régulariser l'avenant proposé au regard des conditions unilatéralement imposées par la société France Télécom et la modification d'éléments primordiales [sic] du contrat-cadre de 2004,
- dire et juger en effet que l'avenant proposé introduisait un déséquilibre plus que significatif dans les relations contractuelles faisant perdre à la société DA France son exclusivité et portant parallèlement abandon par cette dernière de toute demande indemnitaire,
- débouter dès lors la société France Télécom de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions de ce chef,
- au fond, dire et juger les demandes de Me Petavy bien fondées et confirmer, en son principe, la décision rendue par le Tribunal de commerce de Paris, recevant Me Petavy ès qualité en son appel incident et l'y déclarant bien fondé,
- dire et juger en premier lieu que la société DA France se trouvait en état de dépendance économique vis-à-vis de la société France Télécom,
- dire et juger que la société France Télécom a manifestement abusé de cette position de relation de dépendance économique en tentant d'imposer à la société DA France l'avenant litigieux,
- dire et juger, au regard des conditions de l'avenant, que la société France Télécom a manifestement abusé de la relation de dépendance dans laquelle se trouvait la société DA France afin de rompre abusivement et sans respect d'un réel préavis les relations commerciales existantes,
- dire et juger en effet qu'au travers de l'avenant la société DA France perdait toute exclusivité signifiant l'acceptation de sa mort à petit feu,
- dire et juger qu'intrinsèquement la rédaction même de l'avenant déniait en fait à ce document le caractère de préavis contractuel,
- dire et juger en fait que cet avenant permettait à la société France Télécom, et ce à sa seule convenance du fait de la perte d'exclusivité, de retirer petit à petit toute prestation à la société DA France,
- réformant parallèlement la décision rendue par le Tribunal de commerce de Paris s'agissant du quantum des dommages et intérêts alloués, condamner la société France Télécom à payer et porter Me Petavy, ès qualité de mandataire judiciaire de la société DA France, une somme de 165 000 euros correspondant à trois années de résultats,
- à titre subsidiaire, confirmer en tous points la décision rendue par le Tribunal de commerce de Paris, en ce compris s'agissant du quantum du préjudice arrêté,
- condamner par ailleurs la société France Télécom à payer à Me Petavy ès qualité une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel.
A titre liminaire, M. Petavy soutient que ses demandes sont parfaitement recevables. Il prétend que la société DA France bénéficiait bien d'une exclusivité en vertu de l'accord-cadre et que l'avenant proposé par la société France Télécom prévoyait la perte de l'exclusivité accordée à la société DA France, ce qui entraînait une modification majeure des relations contractuelles et donc une rupture des relations de sa part. Il fait ensuite valoir la situation de dépendance économique de la société DA France à l'égard de la société France Télécom qui était son seul client.
Il affirme également que les parties étant liées par différents contrats à durée déterminée, la relation commerciale existante doit être appréciée à l'aune de l'intégralité des relations contractuelles existantes. Il fait valoir que les relations commerciales ont débuté en 1984 pour s'achever en 2008. Il ajoute que rien ne laissait présager entre 2000 et 2007, la tournure qu'allaient prendre les relations contractuelles, puisque la société DA France avait vu son chiffre d'affaires progresser de manière constante entre 2000 et 2007, comme en attestent les comptes produits.
LA COUR renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions initiales des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.
MOTIFS
Sur la recevabilité de l'action de M. Petavy
L'article L. 442-6, I, 5° invoqué par M. Petavy pour engager la responsabilité de la société France Télécom envers la société DA France, institue une cause de responsabilité délictuelle pour les opérateurs économiques qui rompent une relation commerciale établie sans accorder de délai de préavis à leur partenaire. La mise en œuvre de cette cause de responsabilité ne requiert pas que les parties aient été liées par un contrat écrit, mais seulement qu'il ait existé entre eux des relations commerciales, ce qui en l'espèce n'est pas contesté. Il en est de même de l'exploitation abusive d'une situation de dépendance économique laquelle n'exige pas que la relation de dépendance soit le résultat d'un contrat. Dès lors, il est sans conséquence, concernant l'action de M. Petavy, que le contrat ayant lié les sociétés France Télécom et DA France soit arrivé à son terme et ait été, du fait de sa poursuite, remplacé par un dispositif nouveau régissant les relations des parties.
Par ailleurs la question de savoir qui de la société France Télécom ou de la société DA France est l'auteur de la rupture relève du fond et ne saurait conduire au prononcé de l'irrecevabilité de l'action de M. Petavy.
Sur l'auteur de la rupture
La dernière convention écrite conclue entre les parties est l'accord-cadre signé le 10 janvier 2005 entre la société France Télécom et la société DA France en qualité de mandataire d'un groupement constitué d'elle-même et de la société Legrand, cotraitant solidaire.
Cette convention prévoyait, à son article 7, qu'elle était conclue pour une période de 12 mois à compter de sa signature et qu'elle était renouvelable par "reconduction expresse (...) par période de 12 mois sans que sa durée totale puisse excéder 24 mois", elle stipulait aussi, à son article 6.2 qu'"Aucun montant minimum n'est fixé pour le présent accord-cadre, toutefois, France Télécom s'engage à confier à l'entreprise cocontractante 100 % de l'activité de publiphonie de la zone susceptible d'être externalisée durant la période du contrat, sauf défaillance de l'entreprise".
Le projet d'avenant proposé à la signature de la société DA France prévoyait à l'article 2 "Les parties prorogent l'accord-cadre d'une durée totale de 24 mois à compter du 23 décembre 2007 (...). Il est expressément convenu qu'au terme de cette date aucun nouveau contrat ni aucune nouvelle commande (...) ne sera faite à l'entrepreneur. En conséquence, il est expressément convenu entre les parties qu'aucune indemnité d'aucune sorte ne saurait être due par l'une quelconque des parties. Les parties renoncent expressément à porter tout recours du fait du non-renouvellement de l'accord-cadre à l'issue du terme prévu au présent avenant. Le présent avenant constitue un préavis de résiliation d'une durée suffisante et est par lui-même libératoire de toute indemnité. En outre, il est expressément convenu que l'Entrepreneur s'interdit de démarcher directement et/ou de signer des contrats et/ou des commandes auprès de toutes entités, département, divisions, services de France Télécom, en dehors de la Direction des Achats et de l'amélioration de de performance (DAAP). La DAAP étant le seul interlocuteur de l'Entrepreneur pour toute démarche ou demande éventuelle de nouveaux contrats et/ou de commandes dans l'avenir, ce qui n'est à ce jour pas envisagé au titre et au terme de l'avenant."
Les parties ne précisent pas à quelle date ce projet a été adressé à la société DA France, mais il est certain qu'elle l'a reçu avant le 21 février 2008, date à laquelle son conseil a adressé à la société France Télécom une lettre opposant un refus catégorique à la signature de l'avenant. Cette lettre fait état d'une ancienneté de plus de 20 ans des relations commerciales, indique que la rédaction de l'accord proposé qui comporte plusieurs clauses abusives, sans toutefois préciser lesquelles, constitue une rupture unilatérale de cette relation et reproche à la société France Télécom d'avoir déjà retiré plus de 50 % des chantiers habituellement confiés ce qui aurait eu pour effet de conduire la société DA France à licencier de nombreux salariés et à subir un préjudice financier tel qu'elle serait obligée de déposer son bilan. Elle précise encore que la société DA France serait dans une position de dépendance économique vis-à-vis de la société France Télécom puisque celle-ci serait son unique client, que la rupture n'aurait été précédée d'aucun reproche sur le travail effectué et qu'elle n'aurait pas été en mesure de l'anticiper. Elle réclame en conséquence le versement d'une somme d'un million d'euros à titre de dommages-intérêts et menace, à défaut de versement, de diligenter une procédure judiciaire à l'encontre de la société France Télécom.
Par une lettre du 3 mars 2008, la société France Télécom a contesté les termes de la lettre du conseil de la société DA France en faisant valoir que l'accord-cadre du 10 janvier 2005 était, depuis l'arrivée du terme du dernier avenant le prorogeant jusqu'au 22 décembre 2007, devenu caduc, que ses dispositions ne trouvaient plus à s'appliquer et que les termes de ces accords démontraient qu'elle n'avait pas l'obligation de proposer de nouveau contrat. Elle faisait en outre observer que la société DA France n'avait pas tenté de négocier le contrat. Enfin, elle invitait le conseil de la société DA France à prendre contact avec son propre avocat. Par une lettre du 8 avril suivant, adressée au conseil de la société DA France la société France Télécom prenait acte du défaut de réponse de celle-ci et du fait qu'elle avait refusé d'exécuter les commandes passées. Par une lettre datée du lendemain, adressée au gérant de la société DA France, elle prenait acte de la rupture unilatérale par celle-ci et la mettait en demeure d'achever, d'ici la fin du mois, les commandes en cours.
Ce n'est que par une lettre du 17 avril 2008, signée par son gérant que la société DA France a fait connaître les raisons précises de son refus de signer le projet d'avenant. Ce gérant a rappelé de nombreuses difficultés rencontrées au quotidien dans l'exécution des prestations qui lui étaient demandées et ce de la faute d'une désorganisation des services responsables de France Télécom. Il indique qu'il n'a jamais refusé la négociation, ce qu'il a fait connaître à la société France Télécom par téléphone, lors une conversation au lendemain de la réception par celle-ci de la lettre de son conseil, mais que personne n'a repris contact avec lui en dépit de la promesse qui lui avait été faite. Il précise, enfin, que les termes de l'avenant consistent à lui "proposer deux ans d'agonie avec licenciements progressifs sans m'autoriser à soumissionner pour toute activité avec France Télécom (...)".
M. Petavy, ès qualité, fait valoir que l'avenant proposé n'avait pas pour but de prolonger les relations comme cela est cependant énoncé, mais d'y mettre fin, puisque l'article 3 prévoyait l'autorisation pour la société France Télécom de ne plus faire appel à la société France Télécom en exclusivité ce qui constituait une modification majeure des relations contractuelles. Le préavis proposé n'aurait donc pas permis la poursuite du contrat aux conditions initiales. Il ajoute que d'autres clauses comme celles manifestant une renonciation à toute indemnité ou autre recours relatif aux conditions de la rupture avaient pour effet de lier la société DA France et étaient donc inacceptables.
Les courriers échangés entre les parties permettent de constater qu'en dehors d'une conversation téléphonique dont aucune des parties ne précise la teneur, la société DA France n'a nullement tenté de négocier les termes du projet d'avenant qui lui avait été adressé, mais a immédiatement réagi en accusant la société France Télécom d'une rupture brutale des relations et en demandant réparation de celle-ci, alors même que les parties étaient en pourparlers pour négocier une fin de leurs relations sur une durée de deux ans. Pourtant, il est démontré que la société DA France avait reçu de multiples signes d'une fin progressive des relations d'affaires entretenues avec sa partenaire. En effet, d'une part, les conventions jusqu'alors signées entre les parties l'avaient toujours été pour une durée déterminée, précaution qui montrait explicitement que la société France Télécom souhaitait pouvoir se désengager des relations entretenues entre elles, d'autre part, le contexte de disparition des cabines téléphoniques en raison de la généralisation des téléphones portables à partir de l'année 2000, était parfaitement connu de M. Artic, gérant de la société DA France, qui le mentionne dans un mémoire retraçant les relations de sa société avec la société France Télécom, enfin, ce même document comporte un graphique des chiffres d'affaires réalisés entre les deux sociétés qui montre qu'après une hausse continue entre 1985 et 1995, ce chiffre d'affaires n'a cessé de décroître au fil des années suivantes jusqu'en 2003. Par ailleurs, dans sa lettre précitée, M. Artic relève de multiples difficultés relationnelles, ainsi qu'une baisse d'activité l'ayant déjà conduit à licencier une partie de son personnel.
Si la formulation de l'avenant prévoyait l'arrêt des relations entre la société DA France et la société France Télécom dans un délai de deux ans, ainsi qu'une modification essentielle des relations des parties en ce qu'ils mettaient fin à l'exclusivité jusqu'alors accordée par la société France Télécom à la société DA France, il n'en demeure pas moins que celle-ci n'a pas tenté de discuter ces points avec sa partenaire ni fait valoir ses arguments autrement qu'en la menaçant de la poursuivre pour rupture brutale. Or, le document adressé était intitulé "projet" et il ne résulte d'aucun élément du dossier que la société France Télécom aurait tenté d'imposer ce projet à la société DA France, ni qu'elle était fermée à la discussion et à la négociation pour modifier soit le délai de préavis, soit les termes du désengagement progressif dans un sens permettant à la société DA France de mettre en œuvre une reconversion et de trouver d'autres partenaires dans le délai de préavis qui lui était proposé. Il résulte en réalité des termes de la lettre de son conseil que la société DA France s'opposait à la fin même des relations avec la société France Télécom, avec un préavis de deux ans, qu'elle considérait comme cause de sa propre disparition sans nullement envisager la possibilité de proposer ses services à d'autres entreprises qui auraient pu en être satisfaites ou même de se reconvertir.
Ainsi, la société DA France est l'auteur de la rupture des relations commerciales qu'elle a entretenues avec la société France Télécom et le jugement doit être infirmé.
Sur l'abus de dépendance économique
La société DA France soutient, sans être contredite, que les prestations accomplies pour la société France Télécom représentaient 99,58 % de son chiffre d'affaires et que celle-ci aurait, par l'avenant proposé, abusé de la situation de dépendance dans laquelle sa partenaire se trouvait envers elle. La société France Télécom ne conteste pas la situation de dépendance de la société DA France envers elle, mais soutient qu'elle n'a pas commis d'abus.
Il convient sur ce point de relever que la société France Télécom n'a ni par les conventions conclues avec la société DA France, ni par d'éventuelles pressions, demandé à celle-ci de lui consacrer l'intégralité de ses moyens et de son activité. Par ailleurs, dans sa lettre du 17 avril 2008, M. Artic gérant de la société DA France rappelait qu'il avait déjà dû, pendant le cours de l'année précédente, licencier une partie de son personnel en raison de la diminution des commandes de la société France Télécom. Ainsi, la situation de dépendance invoquée ne résulte pas du fait de cette dernière qui a, par ailleurs, ainsi qu'il a été relevé précédemment, donné de multiples signes à sa partenaire de la précarité de leurs relations. En outre, si la société France Télécom ne conteste pas avoir détenu 100 % des cabines téléphoniques, il ne peut être admis que les compétences des techniciens et autres salariés de la société DA France ne pouvaient trouver à s'exercer que dans la réparation desdites cabines et n'auraient pu, pendant le cours des deux années de préavis, permettre à la société DA France de trouver d'autres marchés sur lesquels proposer ses services.
Enfin, ainsi qu'il a été retenu dans le cadre de l'examen visant à déterminer l'auteur de la rupture, celle-ci a été décidée par la société DA France qui n'a pas tenté de négocier les termes de la proposition d'avenant, ni envisagé la possibilité de rechercher d'autres partenaires ou d'autres activités, ni d'ailleurs demandé à sa partenaire de lui proposer des solutions équivalentes pour lui donner le temps de se reconvertir.
Dans ces circonstances aucun abus ne peut être reproché à la société France Télécom.
Sur l'article 700 du Code de procédure civile
L'équité et la situation économique des parties commandent qu'aucune condamnation ne soit prononcée en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Infirme le jugement entrepris en toutes se dispositions, Statuant à nouveau, Dit recevable l'action de M. Petavy, en qualité de liquidateur de la société DA France ; Rejette ses demandes ; Rejette les autres demandes de la société France Télécom ; Dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.