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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 18 janvier 2013, n° 10-21703

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Laboratoires Asepta (SA)

Défendeur :

Millet Innovation (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lachacinski

Conseillers :

M. Coujard, Mme Nerot

Avocats :

Mes Hollier-Larousse, Garnier, Delsart

TGI Paris, du 14 oct. 2010

14 octobre 2010

La société Millet Innovation, spécialisée dans la recherche et la mise au point de matériaux et de produits de soin pour les pieds, est titulaire d'un brevet français FR 2 793 406 portant sur un manchon de protection de l'hallux valgus et sur le procédé de fabrication de ce manchon ;

Elle est également titulaire de la marque française Digitubes déposée le 31 mai 1999 et enregistrée sous le numéro 99 795 504 qu'elle utilise pour des protections de type pansement destinées à protéger les orteils ;

Estimant que la société Les Laboratoires Asepta commercialisait une protection Hallux valgus intégrale contrefaisant les revendications 1 et 2 de son brevet, la société Millet Innovation, après y avoir été judiciairement autorisée par ordonnance du 17 octobre 2007, a fait pratiquer une saisie-contrefaçon le 19 octobre 2007 au cours des Entretiens de Podologie qui se tenaient à la Cité de la Villette à Paris ;

Elle faisait également procéder, selon autorisation donnée par ordonnance du 16 octobre 2007, à une saisie-contrefaçon destinée à établir la contrefaçon de sa marque Digitubes par la mention "Akileine podoprotection digitube à découper" sur des emballages ;

Par acte du 31 octobre 2007, elle faisait assigner la société Les Laboratoires Asepta devant le Tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon des revendications 1, 2 et 13 de son brevet FR 0 793 406, en contrefaçon de sa marque déposée Digitubes et en concurrence déloyale en lui reprochant notamment la commercialisation de ses produits dans la classe I définie par la directive européenne 93-42 comme ne nécessitant aucune certification par un organisme agréé alors que ces produits relèvent en réalité de la classe III car contenant une substance antiseptique et bactéricide ;

Par jugement assorti de l'exécution provisoire du 14 octobre 2010, le tribunal a :

- déclaré valable la saisie-contrefaçon réalisée le 19 octobre 2007 par la société Millet Innovation sur la base du brevet FR 2 793 406,

- dit que le dispositif protecteur hallux valgus intégral commercialisé par la société Les Laboratoires Asepta reproduisait les revendications 1, 2 et 13 du brevet FR 2 793 406 de la société Millet Innovation,

- fait interdiction à la société Les Laboratoires Asepta de fabriquer, détenir, offrir à la vente et vendre sur le territoire français ledit produit sous astreinte de 600 euros par infraction constatée passée la signification du jugement,

- condamné la société Les Laboratoires Asepta à payer à la société Millet Innovation la somme de 70 000 euros à titre de dommages intérêts,

- déclaré nulle la marque française n° 99 795 504 de la société Millet Innovation pour les produits suivants : matériel pour pansement (à l'exception des instruments) notamment en forme de tubes pour orteils et doigts et articles orthopédiques (notamment pansements orthopédiques sous forme de tube, notamment incluant du gel),

- déchu la société Millet Innovation de ses droits sur la marque française n° 99 795 504 pour les produits suivants : produits pharmaceutiques, vétérinaires, produits hygiéniques pour la médecine et l'hygiène intime, emplâtre, désinfectant à usage médical ou hygiénique (autre que les savons), matériel de suture, prothèse, appareils et instruments chirurgicaux, médicaux dentaires et vétérinaires,

- rejeté les demandes de la société Millet Innovation fondée sur la contrefaçon de cette marque,

- dit qu'en faisant figurer les mentions 'au calbénium antiseptique bactéricide' sur des dispositifs médicaux présentés comme relevant de la classe I, la société Les Laboratoires Asepta a commis des actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société Millet Innovation,

- fait interdiction à la société Les Laboratoires Asepta de faire figurer lesdites mentions sur les emballages et notices de ses dispositifs médicaux de la classe I, sous astreinte de 300 euros par infraction constatée passée la signification du jugement,

- dit que la société Les Laboratoires Asepta n'a pas commis d'actes de concurrence déloyale dans le cadre de la procédure d'autocertification des dispositifs médicaux de la classe I,

- condamné la société Les Laboratoires Asepta à payer à la société Millet Innovation la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice résultant des actes de concurrence déloyale,

- rejeté la demande de dommages intérêts pour préjudice économique,

- rejeté la demande publication de la décision judiciaire,

- dit n'y avoir lieu à provision et à expertise,

- dit que le tribunal se réservera la liquidation de l'astreinte,

- rejeté les demandes reconventionnelles de la société Les Laboratoires Asepta,

- condamné la société Les Laboratoires Asepta à payer à la société Millet Innovation la somme de 25 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la société (manque un mot) aux dépens ;

Vu l'appel interjeté le 8 novembre 2010 par la société Les Laboratoires Asepta ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 5 novembre 2012 par lesquelles la société Les Laboratoires Asepta demande au visa des articles L. 615-7 du Code de la propriété intellectuelle, R. 5211-7 du Code de la santé publique, de la Directive 93-42 CEE et de l'article 1382 du Code civil :

- d'infirmer le jugement rendu le 14 octobre 2010 en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société Millet Innovation la somme de 70 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la contrefaçon du brevet FR 2 793 406 de la société Millet Innovation,

- de dire que le préjudice subi par la société Millet Innovation du chef de la contrefaçon de brevet ne peut excéder la somme de 15 000 euros,

- de dire que les produits podoprotecteurs litigieux qu'elle commercialise appartiennent à la classe I, indépendamment de la mention "au calbenium antiseptique bactéricide",

- d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé qu'elle se serait procurée un avantage commercial injustifié à l'égard de la société Millet Innovation en se soustrayant la certification plus contraignante des produits appartenant à la classe III,

- d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé qu'en faisant figurer la mention "au Calbenium antiseptique bactéricide" sur les conditionnements des dispositifs médicaux présentés comme relevant de la classe I, elle a commis des actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société Millet Innovation,

- de déclarer la société Millet Innovation mal fondée en toutes ses demandes en concurrence déloyale,

- d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société Millet Innovation la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice résultant des actes de concurrence déloyale,

- d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il lui a fait interdiction de faire figurer les mentions litigieuses sur les emballages et notices de ses dispositifs médicaux de la classe I,

- d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société Millet Innovation la somme de 25 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- de dire que la société Millet Innovation devra lui restituer la somme de 130 000 euros qu'elle lui a payée en exécution du jugement frappé d'appel,

- de condamner la société Millet Innovation à lui payer la somme de 4 064 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'exécution de la mesure d'interdiction assortie de l'exécution provisoire,

- de confirmer le jugement déféré pour le surplus,

- de condamner la société Millet Innovation à lui verser la somme de 30 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 16 octobre 2012 par lesquelles la société Millet Innovation demande à la cour au visa des articles L. 613-1 et suivants, L. 615-1 et suivants et L. 615-5-1, L. 711-2, L. 713-1, L. 713-2, L. 713-3 et L. 716-1 du Code de la propriété intellectuelle, 1382 du Code civil et L. 121-1 du Code de la consommation et de la Directive 93/42 CEE :

- de dire irrecevable et mal fondée la société Les Laboratoires Asepta, - de confirmer le jugement déféré sauf en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes au titre de la contrefaçon de marque Digitubes n° 99 795 504 et d'une partie de ses demandes au titre de la concurrence déloyale,

- de dire que la société Les Laboratoires Asepta s'est rendue coupable de contrefaçon des revendications 1, 2 et 13 du brevet FR 2 793 406 lui appartenant,

- de dire que la marque Digitubes est distinctive,

- de débouter la société Les Laboratoires Asepta de l'ensemble de ses demandes en déchéance,

- de dire que la société Les Laboratoires Asepta s'est rendue coupable de contrefaçon de la marque française Digitubes n° 99 795 504 dont elle est titulaire,

- de dire qu'en commercialisant des produits de la classe III comme des produits relevant de la classe I et ce, au surplus, sans même pour autant respecter la règlement applicable à cette catégorie, la société Les Laboratoires Asepta s'est rendue coupable de faits de concurrence déloyale à son encontre, En conséquence,

- de valider les saisies-contrefaçon en date du 17 octobre 2007,

- de faire interdiction à la société Les Laboratoires Asepta de fabriquer, de détenir, d'offrir à la vente, et de vendre sur le territoire français un dispositif reproduisant les caractéristiques du brevet français n° 2 793 406 et ce, sous astreinte de 600 euros par infraction constatée à compter de la signification du jugement (sic) à intervenir,

- de faire défense à la société Les Laboratoires Asepta de détenir, d'offrir à la vente et de vendre sur le territoire français la dénomination de Digitubes, sous quelque forme que ce soit et sur quelque support que ce soit, et, sous astreinte définitive de 3 000 euros par infraction constatée, chaque fait de reproduction et d'utilisation étant constitué d'une infraction distincte et ce, à compter de la signification du jugement (sic) à intervenir,

- de dire que la cour se réservera le contentieux de la liquidation des astreintes,

- de condamner Les Laboratoires Asepta à lui payer la somme de 70 000 euros au titre de la contrefaçon du brevet n° 2 793 406,

- de condamner Les Laboratoires Asepta à lui payer la somme de 240 000 euros au titre de la contrefaçon De la marque Digitubes n° 99 795 504,

- de condamner Les Laboratoires Asepta à lui payer la somme de 300 000 euros au titre de la concurrence déloyale,

- d'ordonner la publication de la décision à intervenir aux frais avancés de la société Les Laboratoires Asepta dans cinq journaux de son choix en disant que le coût de chaque publication ne devra pas excéder la somme de 5 000 euros hors taxes,

- de rejeter l'ensemble des demandes de la société Les Laboratoires Asepta, A titre subsidiaire :

- de commettre tel expert qu'il plaira à la cour aux fins de déterminer les préjudices qu'elle a subis et, dans ce cas, de condamner la société Les Laboratoires Asepta à lui verser une provision de 200 000 euros, Dans tous les cas,

- de condamner Les Laboratoires Asepta à lui payer la somme de 75 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens qui comprendront le coût des procès-verbaux de saisie-contrefaçon ;

Sur quoi, la Cour :

Sur le brevet français FR 2 793 406 et sur la réparation du préjudice de la société Millet Innovation :

La société Les Laboratoires Asepta ne conteste plus en cause d'appel la validité du brevet français FR 0 793 406 ainsi que les actes de contrefaçon des revendications 1, 2 et 13 de ce brevet que lui imputait la société Millet Innovation ;

Elle sollicite toutefois l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il l'a condamnée à verser à la société Millet Innovation la somme de 70 000 euros en réparation du préjudice de cette dernière ;

Elle estime que les premiers juges ont incorrectement apprécié le préjudice de la société Millet Innovations à la suite des actes de contrefaçon qui lui sont imputés puisque ce préjudice ne peut en aucun cas être évalué en prenant pour base la marge bénéficiaire que la société Millet Innovation aurait réalisée sur la vente d'un nombre de produits égal à la totalité des produits contrefaisants qu'elle a commercialisés ;

Elle fait observer qu'elle-même et la société Millet Innovation n'ont pas la même politique de distribution pour la vente de leurs produits, que le taux de pénétration en pharmacie n'est pas le même pour chacune des sociétés, elle-même ayant un taux de 70 % tandis que la société Millet Innovation un taux de 35 % et que la société Millet Innovation dont la part de marché serait de 46 % en pharmacie et elle-même ne sont pas les seuls fournisseurs de protection hallux valgus sur le marché français ;

Elle estime que le préjudice commercial de la société Millet Innovation doit être évalué en prenant pour base le chiffre d'affaires qu'elle aurait réalisé sur la vente d'un nombre de produits qui peut être évalué à 7 933 unités multiplié par 50 % et par 46 % ; que compte tenu des remises consenties de l'ordre de 20 %, le chiffre d'affaires manqué par la société Millet Innovation ne saurait excéder le chiffre d'affaires de (83 137,84 : 7 933) x 1.825 x 80 % = 15 300,80 euros et la marge bénéficiaire manquée la somme de 15 300,80 euros x 82,27 % = 12 587, 97 euros ;

Elle évalue le taux de redevance indemnitaire due à la société Millet Innovation à 10 % du chiffre d'affaires qu'elle a réalisé soit (68 074,64 : 7 933) x 6 108 x 10 % = 5 241,40 euros ;

La société Millet Innovation fait remarquer que la société Les Laboratoires Asepta concède avoir commercialisé, au cours de l'exercice 2007, 7 933 protections contrefaisantes ;

Elle contredit la société Les Laboratoires Asepta qui prétend qu'elle n'aurait pas été capable de fabriquer et de commercialiser les produits litigieux, que l'essentiel de son chiffre d'affaires ne serait pas réalisé en pharmacie et qu'elle n'aurait pu vendre que 1 825 articles (7 933 x 50 % x 46 %) ;

Elle soutient encore que les produits contrefaits par la société Les Laboratoires Asepta ont nécessairement entraîné pour elle la perte de clients, que le taux de pénétration de 35 % proposé est inexact comme ne correspondant pas à sa force de vente qui fait que ses 38 vendeurs sont en mesure de visiter 60 % des points de vente soit 13 300 pharmacies, compte non tenu des grossistes répartiteurs qui sont en mesure de répondre à la totalité des demandes clients de la totalité des pharmacies sur l'ensemble du territoire national ;

Elle estime que 15 900 pharmacies soit près de 72 % des pharmacies étaient revendeurs d'Hallux valgus qu'elle fabriquait et qu'ayant vendu 88 225 protections Hallux valgus en 2007, elle était en mesure de fournir toutes les pharmacies en France ;

Elle ajoute que son produit breveté Epitact(r) était vendu 20,78 euros TTC alors que celui contrefaisant de la société Les Laboratoires Asepta l'était de façon volontairement inférieur à 16,56 TTC pour profiter de ses investissements de communication ;

Elle évalue son chiffre d'affaires manqué à la somme de 83 137,84 euros et son préjudice économique à une somme qui ne peut être inférieure de 68 397 euros et fait observer qu'elle a également subi un préjudice moral du fait de l'appropriation illicite de son invention, ce qui lui permet de conclure que la somme de 70 000 euros allouée par les premiers juges n'apparaît pas excessive et ne couvre au contraire que très justement l'entier préjudice qu'elle a subi ;

L'article L. 615-7 du Code de la propriété intellectuelle dispose que pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération les conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices réalisés par le contrefacteur et le préjudice moral causé au titulaire des droits du fait de l'atteinte ;

Il convient en conséquence dans un premier temps de rechercher le manque à gagner de la société Millet Innovation du fait des actes de contrefaçon des revendications 1, 2 et 13 du brevet FR 2 793 406 qu'a commis la société Les Laboratoires Asepta puis, dans un second temps, les bénéfices réalisés par cette dernière à l'occasion de la commercialisation des produits contrefaisants afin d'évaluer son préjudice globale incluant le préjudice moral subi ;

Le manque à gagner de la société Millet Innovation doit correspondre à ce qu'elle aurait été capable de fabriquer, de commercialiser et de vendre à des pharmaciens, à des grossistes répartiteurs ou par correspondance si la société Les Laboratoires Asepta n'avait pas commercialisé et vendu des produits contrefaisants par l'entremise des mêmes canaux ;

La société Les Laboratoires Asepta admet avoir commercialisé 7 933 unités en 2007 mais estime que la société Millet Innovation n'aurait pu atteindre cet objectif du fait qu'elle ne présente qu'un taux de pénétration en pharmacie de 35 % au lieu de 70 % pour elle-même comme l'atteste son commissaire aux comptes le 15 mars 2011 qui indique que la société Les Laboratoires Asepta a vendu ses produits à environ 15 500 pharmacies en France, ce qui représente environ 69 % des pharmacies en France (Pièce n° 76 du dossier Asepta ) ;

La société Millet Innovation réplique et indique à titre informatif sur ses pages internet (Pièce n° 89 du dossier Asepta) qu'elle possède une force de vente de 35 commerciaux, que 5 300 pharmacies sont actives en 2005 (23 % de pénétration), que 64 % des commandes 2005 sont des "réassorts" et qu'elle procède également à des ventes par correspondance ;

Elle justifie également par la production d'une attestation de son commissaire aux comptes datée du 8 novembre 2012 qu'elle employait en 2008, 27 VRP multicartes, 15 agents commerciaux sous contrat et un salarié (Pièce n° 53 du dossier Millet) ;

La société Les Laboratoires Asepta ne démontre par conséquent pas que la société Millet Innovation n'était pas en mesure en 2007 d'atteindre les mêmes objectifs qu'elle ;

Pour conforter sa thèse, la société Millet Innovation verse encore aux débats une série de documents chiffrés (Pièces n°30-1, 33-1 à 33-6, 35 et 53 du dossier Millet) qui, n'étant pas certifiés, ne possèdent aucune valeur probante ; qu'il en est de même des tableaux de chiffres non certifiés annexés à l'attestation du commissaire aux comptes (Pièces n° 33-4bis du dossier Millet) qui ne permettent pas de déterminer de façon exacte le manque à gagner de la société Millet Innovation ;

La société Millet Innovation ne saurait davantage trouver dans les importantes dépenses de communication qu'elle a réalisées le chiffrage exact du manque à gagner que la société Les Laboratoires Asepta lui aurait fait subir du fait de la vente des produits contrefaisants ;

La société Les Laboratoires Asepta verse aux débats l'Etat financier annuel Exercice clos au 31 décembre 2008 de la société Millet Innovation (Pièce n° 91 du dossier Asepta) qui révèle la part du chiffre d'affaires par réseau suivant :

Exercice clos au / 31/12/2007 / 31/12/2008

Part du CA

par réseau :

Vente par correspondance / 15,7 % / 13,8 %

Pharmacies et grossistes / 64,3 % / 57,8 %

Distributeurs France-Export / 19,6 % / 27,7 %

par zone géographique :

France / 87,8 % / 79,2 %

Export / 12,2 % / 20,8 %

Cet état précise que 26 VRP, 10 ouvriers et 13 employés collaboraient à l'entreprise au cours de l'année 2008 ;

Ces données, parce que trop générales, ne permettent cependant pas davantage de chiffrer le manque à gagner de la société Millet Innovation ;

Pour déterminer le préjudice subi par la société Millet Innovation, il convient encore de chiffrer les bénéfices réalisés par la société Les Laboratoires Asepta à l'occasion de la commercialisation des produits contrefaisants ;

Sur la base de la commercialisation de 7 933 unités vendus en 2007 au prix unitaire de 16,56 euros TTC soit 13,34 HT, il apparaît que la société Les Laboratoires Asepta aurait perçu la somme de 105 826,22 euros HT de laquelle il conviendra de retrancher, notamment les coûts de fabrication et de distribution lesquels n'ont pas été communiqués ;

La société Les Laboratoires Asepta souhaite voir appliquer à la Société Millet Innovation un taux moyen des redevances contractuelles qui se situe selon elle entre 4,80 % et 6,40 % ;

Mais ce taux consenti par le titulaire d'un brevet à son licencié ne saurait servir de base de calcul pour indemniser la victime d'actes de contrefaçon, le contrefacteur qui a agi au mépris de droits également protégés ne pouvant bénéficier des mêmes avantages, le contraire reviendrait à favoriser la contrefaçon et à désavantager les honnêtes licenciés ;

Compte tenu de ce qui précède et de ce qu'elle a également subi un préjudice moral que les dispositions de l'article L. 615-7 précité prévoient d'indemniser, il apparaît que la somme de 70 000 euros fixée par les premiers juges indemnisera la société Millet Innovation pour les actes de contrefaçon de brevet commis à son préjudice ;

Sur les actes de concurrence déloyale imputés à la société Les Laboratoires Asepta :

Sur la classification en classe 1 de produits pouvant relever de la classe III :

La société Millet Innovation reproche à la société Les Laboratoires Asepta de commercialiser sous la marque Akileine les produits qui entrent dans le cadre de la Directive européenne 93-42 CEE tels le Protecteur Hallux Valgus intégral, le doigtier protecteur, le coussinet plantaire intégral, le protecteur talon, la demi-semelle anti-gliss, l'osselet séparateur et le séparateur d'orteils ;

Elle fait également grief à la société Les Laboratoires Asepta d'avoir apposé sur les conditionnements de ses produits podoprotecteurs la mention, au recto, "Au calbenium(r) Antiseptique Bactéricide" et au verso "Antiseptique et bactéricide, limite les risques d'infection" et fait grief à la décision déférée d'avoir considéré qu'elle a soustrait ces produits de la certification des produits relevant de la classe III qui est plus contraignante et qu'elle s'est ainsi procuré un avantage concurrentiel injustifié au préjudice de la société Millet Innovation ;

Elle soutient encore que les premiers juges auraient également dû considérer comme constitutif de concurrence déloyale à son égard le non-respect par la société Les Laboratoires Asepta des règles applicables aux produits de la classe I ;

Selon les termes de la règle 13 article 4.1 de l'annexe IX de la Directive 93-42-CEE, "tous les dispositifs incorporant comme partie intégrante une substance qui, si elle est utilisée séparément, peut être considérée comme un médicament au sens de l'article 1er de la directive 65-65 CEE et qui est susceptible d'agir sur le corps par une action accessoire à celle des dispositifs font partie de la classe III" ;

L'article 4 de la Directive ajoute que "lorsqu'un dispositif incorpore comme partie intégrante une substance qui, si elle est utilisée séparément, est susceptible d'être considérée comme un médicament au sens de l'article 1er de la directive 65-65 CEE et qui peut agir sur le corps par une action accessoire à celle du dispositif, ce dispositif doit être évalué et autorisé conformément à la présente directive" ;

L'article L. 1511.1 du Code de la santé publique définit un médicament comme "toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines ou animales" ;

La société Les Laboratoires Asepta soutient que son dispositif commercialisé vise uniquement à garantir la qualité micro biologique du dispositif, dans le seul but de réduire le risque d'infection ou de contamination du patient, de l'utilisateur ou des tiers par le produit, sans pour autant exercer sur ledit patient un quelconque effet thérapeutique et que le Calbenium(r), agent antifongique, antibactérien et antiviral a pour seul but d'empêcher la contamination du produit ;

Elle ajoute que l'ajout de Calbenium(r) qui n'est pas destiné à traiter une infection ou une complication infectieuse est une mesure de limitation de propagation d'infection par l'intermédiaire du produit ;

Elle invoque le rapport d'Yves Tillet (Pièce n ° 17 du dossier Asepta) qui indique que le produit distribué par la société Les Laboratoires Asepta est un dispositif médical qui, quoique contenant du Calbenium(r), n'est pas destiné à traiter une affection ou une complication infectieuse (bactérienne, fongique, virale ou autre) même localement chez l'homme mais à éliminer ou réduire autant que possible le risque d'infection ou de contamination pour le patient du dispositif médical lui-même qui ne répondra plus à l'exigence essentielle de conception et de fabrication du produit ;

Elle s'appuie également sur l'Etude de la tolérance cutanée aigue d'un dispositif médical chez le volontaire adulte patch-test 48 heures semi-occlusif sous contrôle dermatologique daté du 11 juin 2008 qui conclut que "le produit Akileine Podoprotecteurs Hallux Valgus Intégral lot 070205 08P5063-1 s'est révélé non irritant aux lectures 30 minutes et 24 heures selon la cotation de l'I.I.M" (Pièce n° 27 du dossier Asepta) ;

La société Millet Innovation réplique que si le dispositif médical de la société Les Laboratoires Asepta n'est effectivement pas un médicament, le calbenium en est un par fonction et par représentation et qu'associé au dispositif celui-ci est relevable de la classe III ;

Elle excipe de ce que la contre-indication "En cas de diabète, demander conseil à votre médecin ou à votre pharmacien" mentionnée sur les emballages du dispositif renforcera l'idée chez le consommateur qu'il s'agit d'un médicament et ne correspond pas, comme le prétend la société Les Laboratoires Asepta, à une simple mesure de précaution ;

Les parties s'accordent sur le fait que le dispositif médical "Protecteur Hallux Valgus Intégral" n'est pas un médicament mais s'opposent sur la présence en son sein de Calbenium(r), qui, selon la société Millet Innovation, serait un médicament et justifierait le classement du produit en classe III tandis que la société Les Laboratoires Asepta considère qu'il n'en est pas un et qu'il doit être classé dans la classe I ;

Il ne saurait être raisonnablement contesté que le Calbenium(r) est un médicament utilisé à titre de désinfectant et qu'intégré dans le dispositif médical, il a pour objet, comme le soutient la société Les Laboratoires Asepta, de le protéger des contaminations susceptibles de provenir du patient lui-même ;

La société Les Laboratoires Asepta ne saurait en revanche, comme elle le fait, soutenir qu'il ne peut être déduit des mentions "antiseptiques", "bactéricide" ou "limite le risque d'infection" apposées sur les emballages qu'elle revendique une action sur le corps humain ;

En effet, si le dispositif médical imprégné de calbenium est destiné à protéger le dispositif lui-même d'une contamination extérieure comme le soutient la société Les Laboratoires Asepta, il n'en demeure pas moins qu'il contient une substance médicamenteuse qui sera au contact de la peau avec laquelle elle interagira nécessairement, peu important les conclusions favorables de l'étude de la tolérance cutanée aigue du Groupe DERMSCAN qui apporterait la preuve que les propriétés chimiques intrinsèques du calbenium sont sans effet sur un épiderme sain (10 volontaires de sexe féminin à peau normale - Confère page 3 de l'étude) (soulignement de la cour) ;

Que le caractère prétendument inoffensif du Calbenium(r) - un médicament peut-il être inoffensif "- est par ailleurs contredit par les mentions portées sur les emballages du produit qui indique "Ne pas appliquer sur une plaie ouverte. En cas de diabète, demander conseil à votre médecin ou à votre pharmacien" démontrant ainsi que la société Les Laboratoires Asepta avait conscience de la possible interaction du calbenium sur la peau et que ces indications portées à la connaissance du consommateur n'étaient pas que de pure forme ;

Que pareillement, les indications au recto de l'emballage "Au calbenium(r) Antiseptique Bactéricide" conjuguées avec celles au verso 'Antiseptique et bactéricide, limite les risques d'infection' sont de nature à faire croire au consommateur que le produit Protecteur Hallux Valgus Intégral possède des vertus thérapeutiques puisqu'il limite, grâce au principe actif qu'il contient, les risques d'infection du pied ou des orteils ;

Il est par conséquent erroné de prétendre comme le fait la société Les Laboratoires Asepta que le consommateur comprendra que le Calbenium(r) est utilisé à titre de désinfectant uniquement pour protéger le dispositif médical ;

Le dispositif médical de la société Les Laboratoires Asepta répond par conséquent à la définition de la règle 13 article 4.1 de l'annexe IX de la Directive 93-42-CEE et relève donc de la procédure d'évaluation de leur conformité prévue pour les produits de la classe III ;

Et dans la mesure où la société Les Laboratoires Asepta n'a pas suivi la procédure adéquate prévue à l'article 17 de la Directive sus-visée et qu'elle a vendu ses produits comme des produits de la classe I, elle a ainsi tiré profit, de manière injustifiée des avantages procurés par un tel produit de la classe III sans avoir à vérifier les propriétés invoquées d'un tel produit ;

En ne respectant pas la réglementation, la société Les Laboratoires Asepta a par conséquent fautivement profité d'un avantage concurrentiel illicite ;

Sur l'absence de respect des dispositions réglementaires applicables aux produits de la classe I :

La société Millet Innovation soutient 'au surplus' que même si les produits commercialisés par la société Les Laboratoires Asepta devaient être considérés comme relevant de la classe I, celle-ci aurait dû, pour compléter son dossier d'autocertification et justifier le marquage CE, s'astreindre à des analyses de cytotoxicité, d'irritation et de sensibilisation comme le lui imposent les dispositions de l'article 3 de la Directive 93-42 CEE applicable à Monaco ;

Elle ajoute encore que la société Les Laboratoires Asepta doit être considérée comme le fabricant du produit au sens de l'article 1 Point f de la Directive 93-42 CEE et de l'article 4-6° de la loi monégasque 1267 du 23 décembre 2002, que le fait que la société de droit espagnol Luga ait adressé à son autorité de tutelle une déclaration CE de conformité ne constitue pas une preuve du respect par cette société des obligations imposées par la Directive et que le test de tolérance cutanée versé aux débats qui aurait dû être réalisé avant la mise sur le marché du produit n'est pas relevant ;

Mais la pertinence de l'ensemble de ces remarques n'a d'intérêt que s'il était démontré que le produit Protecteur Hallux Valgus Intégral ne relevait pas de la classe III ;

Or ce produit, comme il a été dit supra, relève de cette classe III qui impose au fabricant et à l'importateur des contraintes pharmacologiques et administratives supérieures à celle exigées pour les produits de la classe I de sorte que l'examen de ces objections est sans objet ;

Le jugement déféré qui a dit qu'en faisant figurer les mentions "au Calbénium antiseptique bactéricid" sur des dispositifs médicaux présentés comme relevant de la classe I, la société Les Laboratoires Asepta a commis des actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société Millet Innovation devra par conséquent être confirmé ;

Sur la réparation du préjudice issu des actes de concurrence déloyale :

La société Millet Innovation réclame à la société Les Laboratoires Asepta le paiement d'une somme de 300 000 euros à titre de dommages intérêts du fait des actes de concurrence déloyale ;

La société Les Laboratoires Asepta soutient que rien ne vient justifier l'existence d'un quelconque préjudice et encore moins l'évaluation à la somme de 50 000 euros faite par les premiers juges ;

Elle soutient que la société Millet Innovation fonde sa demande de dommages intérêts sur l'ensemble de ses produits contenant du Calbenium(r), sans même avoir pris la peine de démontrer préalablement un éventuel non-respect des dispositions européennes réglementaires pour ces autres produits et que compte tenu de son faible taux de pénétration en pharmacie et du déficit de notoriété de sa marque Epitact(r), elle ne peut valablement prétendre que la perte de son chiffre d'affaires serait égale au chiffre d'affaires qu'elle-même a réalisé au cours de l'année 2007 ;

La société Millet Innovation fonde sa demande de dommages intérêts à partir de l'état des ventes établi par la société IMS, société spécialisée dans l'analyse du marché pharmaceutique qui a fait ressortir qu'entre les mois de mai 2007 et décembre 2009, la société Les Laboratoires Asepta a vendu 96 288 produits comportant du Calbenium(r) pour un chiffre d'affaires de plus d'un million d'euros ;

Elle en conclut qu'ayant été en mesure de fabriquer et de vendre la totalité de ces produits, elle aurait réalisé un chiffre d'affaires de 522 843 euros et une marge brute de 429 776 euros, cette somme ne tenant pas compte des ventes réalisées hors des pharmacies ;

Mais la réparation du préjudice subi par la société Millet Innovation du fait du défaut de classification par la société Les Laboratoires Asepta des produits contenant du calbenium(r), lesquels auraient dû relever de la classe III au lieu de la classe I, ne saurait être calculée sur la base du chiffre d'affaires réalisé par la société appelante ;

En effet, les produits podoprotecteurs vendus par la société Les Laboratoires Asepta étaient porteurs d'un produit actif que les produits de la société Millet Innovation ne contenaient pas de sorte qu'aucune déloyauté commerciale ne saurait être imputée à la société intimée du fait de la commercialisation d'un produit différent de celui de la société intimée, chaque acteur commercial étant libre dans le cadre des dispositions législatives et réglementaires de mettre sur le marché les produits qu'il souhaite offrir à sa clientèle ;

La déloyauté commerciale provient en revanche de ce que la société Les Laboratoires Asepta s'est dispensée de suivre une réglementation communautaire davantage contraignante que celle prévue pour les produits de la classe I alors que son produit nécessitait de suivre la procédure prévue pour la classe III, avec comme conséquence la pénalisation de ses concurrents et, en particulier, la société Millet Innovation qui s'est vue commercialement opposer sur son terrain un produit irrespectueux des prescriptions réglementaires ;

Les premiers juges ont par conséquent exactement apprécié le préjudice subi par la société Millet Innovation à la somme de 50 000 euros ;

La décision déférée sera par conséquent confirmée de ce chef de préjudice ;

Sur la marque Digitubes n° 99 795 504 :

La société Millet Innovation a déposé le 31 mai 1999 la marque verbale Digitubes en classe 5 et 10 pour les produits suivants :

"Produits pharmaceutiques, vétérinaires. Produits hygiéniques pour la médecine et l'hygiène intime. Emplâtre, matériel pour pansements (à l'exception des instruments) notamment sous forme de gel, notamment en forme de tubes pour orteils et doigts ; Désinfectant à usage médical ou hygiénique (autre que les savons). Articles orthopédiques (notamment pansements orthopédiques sous forme de tube, notamment incluant du gel). Matériel de suture, prothèse. Appareils et instruments chirurgicaux, médicaux dentaires et vétérinaires" ;

La société Millet Innovation fait grief à la société Les Laboratoires Asepta de commercialiser un pansement pour protéger les orteils dénommé 'Podoprotecteur digitube à découper' et exploiter ainsi indûment sa marque déposée ;

Elle reproche à la décision déférée d'avoir à tort, selon elle, prononcé la nullité et la déchéance de sa marque et d'avoir écarté la contrefaçon qu'elle alléguait à l'encontre de la société Les Laboratoires Asepta ;

La société Millet Innovation rappelle à juste titre que la validité d'une marque doit s'apprécier à la date de son dépôt, en appréciant son caractère nécessaire, générique, usuel ou descriptif au regard des produits et services désignés dans l'enregistrement, en recherchant quel est le public visé par la marque et en recherchant si le signe est exclusivement la désignation nécessaire, usuelle et générique du produit ;

Elle prétend que le néologisme Digitubes n'était pas, à la date du dépôt en 1999, exclusivement nécessaire, générique ou usuel pour désigner des produits pharmaceutiques, vétérinaires, hygiéniques et du matériel et des articles à usage médical ou hygiénique ;

Mais la société Les Laboratoires Asepta réplique pertinemment que la juxtaposition de Digi et de Tubes forme une combinaison clairement décomposable laquelle est perçue par le public pertinent immédiatement et sans effort particulier d'analyse comme renvoyant à un tube pour le doigt ;

L'absence de tout élément additionnel verbal ou graphique à la marque Digitubes fera que le public considérera ce signe comme une indication portant sur la qualité du produit visé servant à désigner notamment du : Matériel pour pansements (à l'exception des instruments) notamment sous forme de gel, notamment en forme de tubes pour orteils et doigts ; Articles orthopédiques (notamment pansements orthopédiques sous forme de tube, notamment incluant du gel).

La société Millet Innovation reconnaît d'ailleurs dans ses écritures (Page 9 des dernières conclusions) que la marque verbale composée du radical Digi suivi du nom au pluriel Tubes fait que ces deux termes peuvent être évocateurs de certaines caractéristiques des produits désignés, tout en soutenant que leur association demeure parfaitement arbitraire ;

La société Les Laboratoires Asepta justifie par ailleurs qu'antérieurement à la date du dépôt de la marque critiquée le terme Digitubes était utilisé par des professionnels pour désigner des gaines tubulaires de protection des orteils (Pièces n°9a d'octobre 1998, n°9b de novembre 1993, n°9c de mai 1995, n° 9d de janvier 1997), ce que les dispositions de l'article L. 711-2 du Code de la propriété intellectuelle proscrivent lorsqu'elles considèrent que sont dépourvus de caractère distinctif les signes ou dénominations qui, dans le langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service (soulignement de la cour) ;

Il importe en outre peu comme le prétend à tort la société Millet Innovation que ces produits ne soient plus commercialisés depuis de nombreuses années ;

La société Millet Innovation prétend encore que la marque Digitubes aurait acquis un caractère distinctif par l'usage qu'elle en a fait depuis 1999 et sollicite l'application des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 711-2 du Code de la propriété intellectuelle ;

En application de l'article 6 quinquies de la Convention de l'Union de Paris, l'usage constant et étendu d'un signe enregistré comme marque alors même qu'il serait peu ou pas distinctif peut en effet lui conférer une distinctivité qu'il n'avait originellement pas ;

Mais pour pouvoir valider une marque en application des dispositions sus-visées, il convient pour son titulaire de démontrer que celle-ci a conquis un caractère distinctif au moment où le tiers supposé contrefacteur a commencé à utiliser les termes litigieux, soit en l'espèce au mois d'octobre 2007, date de la saisie destinée à établir la contrefaçon de la marque ;

Si les documents que la société Millet Innovation verse aux débats ne sont pas datés (Pièces n°12-4, 12-5, 16-2, 34-1, 34-2, 43, 47), comportent une date postérieure au mois d'octobre 2008 (Pièce n°12-3, 42) ou indiquent l'année 2007 sans davantage de précision quant au mois de l'année (Pièce n° 12-2), ceux en revanche communiqués (Pièces 16-3 à 16-27) datés des mois de juillet/août 2000 à février 2007 constitue la preuve suffisante que la marque dépourvue de distinctivité Digitubes a été utilisée antérieurement au mois d'octobre 2007 ;

Il convient toutefois d'observer que la marque Digitubes a été systématiquement employée à côté d'autres termes tels Digitubes à l'Epithélium 26 (Pièces n°16-2, 16-4, 16-5, 16-6, 16-8, 16-10 à 16-19), Epitact (Pièce n° 16-7, 16-9) ou Cors Digitubes (Pièces n° 16-20 à 16-27) de sorte que la société Millet Innovation ne démontre pas qu'elle a exploité principalement le signe Digitubes à titre de marque mais qu'elle l'a davantage utilisé pour désigner un manchon qui, adaptable aux orteils, intègre 1mm d'Epithelium 26, ce qu'elle reconnaît explicitement dans ses conclusions lorsqu'elle écrit 'exploiter la marque considérée depuis de très nombreuses années pour désigner une sorte de manchon destiné à prévenir et guérir les pathologies interdigitales ou dorsales' ;

La décision déférée qui a considéré qu'il n'était pas suffisamment établi que la marque Digitubes a acquis un caractère distinctif par l'usage qui en est fait pour les produits suivants "Matériel pour pansement (à l'exception des instruments) notamment en forme de tubes pour orteils et doigts et articles orthopédiques (notamment pansements orthopédiques sous forme de tube, notamment incluant du gel)" et qui a prononcé la nullité de la marque Digitubes n° 99 795 504 pour ces produits du fait du caractère nécessaire et générique de la marque devra par conséquent être confirmée ;

Sur la déchéance des droits de la société Millet Innovation sur la marque Digitubes :

La société Millet Innovation soutient faire un usage sérieux de sa marque pour les 'produits pharmaceutiques, emplâtres, matériel pour pansement (à l'exception des instruments) notamment en forme de tubes pour orteils et doigts et articles orthopédiques (notamment pansements orthopédiques sous forme de tube, notamment incluant du gel)' et conclut que la déchéance sollicitée n'est donc pas manifestement fondée ;

Elle demande également à la cour de débouter la société Les Laboratoires Asepta de l'ensemble de ses prétentions en déchéance en expliquant qu'elle n'a jamais reproché à la société Les Laboratoires Asepta des actes de contrefaçon pour les "produits pharmaceutiques, vétérinaires. Produits hygiéniques pour la médecine et l'hygiène intime. Emplâtre. Désinfectant à usage médical ou hygiénique (autre que les savons). Matériel de suture, prothèse. Appareils et instruments chirurgicaux, médicaux dentaires et vétérinaires" de sorte que le tribunal aurait dû déclarer la demande en déchéance irrecevable au lieu de la prononcer ;

Mais dans la mesure où la marque Digitubes a été annulée du fait de son caractère nécessaire et générique ou usuelle pour les produits suivants : "Matériel pour pansement (à l'exception des instruments) notamment en forme de tubes pour orteils et doigts et articles orthopédiques (notamment pansements orthopédiques sous forme de tube, notamment incluant du gel) et qu'elle est donc censée n'avoir jamais existé, la demande en déchéance sur cette partie de la marque devient sans objet ;

S'agissant des "Produits pharmaceutiques, vétérinaires. Produits hygiéniques pour la médecine et l'hygiène intime. Emplâtre. Désinfectant à usage médical ou hygiénique (autre que les savons. Matériel de suture, prothèse. Appareils et instruments chirurgicaux, médicaux dentaires et vétérinaires", il incombe à la société Millet Innovation de rapporter la preuve qu'elle a exploité et a fait un usage sérieux des produits sus-visés pendant une période ininterrompue de cinq ans laquelle a pour point de départ la signification des conclusions faite en première instance le 29 janvier 2010 contenant la demande de déchéance ;

Contrairement à ce que soutient la société Millet Innovation, la société Les Laboratoires Asepta est recevable à agir en déchéance de sa marque ;

En effet, œuvrant dans un secteur d'activité proche des produits ou service de la marque dont la déchéance est sollicitée, la société Les Laboratoires Asepta se trouve en situation de concurrence avec la société Millet Innovation de sorte que l'action qu'elle a engagée est légitime, l'existence de la marque Digitubes constituant pour elle une entrave à son activité économique ;

La société Millet Innovation ne verse toutefois aux débats aucune justification permettant de conclure qu'elle a exploité la marque Digitubes de façon sérieuse et ininterrompue au cours de la période qui s'est écoulée entre le 29 janvier 2005 et le 29 janvier 2010 pour désigner les produits suivants "Produits pharmaceutiques, vétérinaires. Produits hygiéniques pour la médecine et l'hygiène intime. Emplâtre. Désinfectant à usage médical ou hygiénique (autre que les savons. Matériel de suture, prothèse. Appareils et instruments chirurgicaux, médicaux dentaires et vétérinaires", de sorte qu'il y a lieu de confirmer le jugement déféré qui a prononcé la déchéance de la marque française n° 99 795 504 sur lesdits produits ;

Sur l'action en contrefaçon de marque :

La marque Digitubes servant à désigner les produits "Matériel pour pansement (à l'exception des instruments) notamment en forme de tubes pour orteils et doigts et articles orthopédiques (notamment pansements orthopédiques sous forme de tube, notamment incluant du gel)" ayant été annulée, la société Millet Innovation doit voir sa demande en contrefaçon formée à l'encontre de la société Les Laboratoires Asepta rejetée et le jugement déféré confirmé de ce chef ;

La demande de validation des saisies-contrefaçon du 17 octobre 2007 formée par la société Millet Innovation devient sans objet ;

Sur les autres demandes et les mesures dites accessoires :

Il sera fait droit aux demandes d'interdiction de fabriquer, de détenir, d'offrir à la vente et de vendre sur le territoire français un dispositif reproduisant les caractéristiques du brevet français FR 2 793 406 et de commercialiser les produits revendiquant un effet antiseptique sans respecter les dispositions de la Directive 93-42CEE, le montant des astreintes définitives par infraction constatée commençant à courir à compter de la signification du jugement déféré sans que la cour se réserve le contentieux de leur liquidation ;

Compte tenu de la nature de la décision qui donne raison pour partie à chacune des sociétés opposées, il n'apparaît pas que la mesure de publication de la décision sollicitée par Millet Innovation soit justifiée ;

La demande d'expertise aux fins de déterminer les préjudices subis par la société Millet Innovation doit être également rejetée ;

La société Les Laboratoires Asepta demande à la société Millet Innovation le paiement de la somme de 4 064 euros à titre de réparation du préjudice subi du fait de l'exécution de la mesure d'interdiction assortie de l'exécution provisoire ;

Mais cette mesure d'interdiction ayant été confirmée par la cour, la demande formée par la société Les Laboratoires Asepta sera rejetée ;

Il apparaît équitable de laisser à la charge de la société Les Laboratoires Asepta les frais non compris dans les dépens que la société Millet Innovation a engagés en cause d'appel qu'il convient de fixer à sa charge à la somme de 25 000 euros ;

La société Les Laboratoires Asepta sera également condamnée aux entiers dépens d'appel ;

Par ces motifs : Confirme le jugement rendu le 14 octobre 2010 par le Tribunal de grande instance de Paris en toutes ses dispositions, Déboute la société Les Laboratoires Asepta et la société Millet Innovation de leurs autres demandes, Condamne la société Les Laboratoires Asepta à payer à la société Millet Innovation la somme complémentaire de 25 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Les Laboratoires Asepta aux entiers dépens dont distraction dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.