CA Orléans, ch. com., économique et financière, 17 janvier 2013, n° 12-01266
ORLÉANS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Profilbox (SARL)
Défendeur :
Armatures Métalliques Services (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Raffejeaud
Conseillers :
MM. Garnier, Monge
Avocats :
SCP Desplanques Devauchelle, Mes Brillatz, Pelissier
Aux termes d'un contrat d'approvisionnement exclusif en date du 14 décembre 2009, la société Armatures Métalliques Services (AMS) s'est engagée à se fournir en boîtes d'attente auprès de la société Profilbox, laquelle s'engageait, de son côté, à approvisionner la société AMS, et ce à compter du 1er janvier 2010 pour une durée de trois ans.
Ayant appris que la société AMS s'approvisionnait auprès d'autres fournisseurs, la société Profilbox a fait procéder au constat des infractions, les 16 et 21 décembre 2010, par Maître Gousseau, huissier de justice à Tours, puis a saisi, le 9 mars 2011, le Tribunal de commerce de Tours aux fins de dommages et intérêts.
Par jugement en date du 16 mars 2012, le tribunal a condamné la société AMS à payer à la société Profilbox la somme de 55 510 euros à titre de dommages et intérêts, outre 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Pour chiffrer le préjudice, le tribunal a retenu une perte de chiffre d'affaires de 1 253 053 euros sur la durée du contrat et un résultat d'exploitation de 4,43 %.
La société Profilbox a régulièrement interjeté appel de cette décision le 25 avril 2012.
S'attachant à dénoncer la mauvaise foi de la société AMS et les prétextes fallacieux qu'elle avait invoqués pour tenter de justifier une violation caractérisée de ses obligations contractuelles, elle a conclu à la confirmation de la décision entreprise sauf en ce qu'elle avait fixé à 55 510 euros son indemnisation.
Se basant sur la perte de chiffre d'affaires qu'elle allait subir sur trois ans, soit 1 876 116,40 euros, et pour un taux de marge brute de 43,50 %, elle a estimé son préjudice à la somme de 816 110 euros.
Elle a sollicité le paiement de cette somme, outre d'une somme de 5 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société AMS a expliqué qu'elle avait passé commande auprès d'autres fournisseurs de boîtes d'attente en bois, alors que la société Profilbox ne fabriquait que des boîtes en métal et que l'exclusivité d'approvisionnement ne concernait donc pas les boîtes en bois.
Elle a justifié sa décision par le fait que les exigences tarifaires de la société Profilbox ne lui permettaient plus de se placer sur le marché des boîtes en métal.
Elle a encore fait valoir que les boîtes livrées ne correspondaient pas aux dimensions indiquées.
Elle s'est de plus plainte d'un défaut de livraison de boîtes commandées.
S'estimant, en définitive, victime de tromperies et d'un abus de position dominante de la part de la société Profilbox, elle a estimé qu'elle avait pu de bonne foi commencer à s'approvisionner auprès de concurrents après avoir constaté la résiliation de plein droit du contrat.
Elle a demandé, en conséquence, à la cour de constater la résiliation de plein droit du contrat à compter du 11 janvier 2011, le remboursement de la somme de 25 188,12 euros au titre de marchandises non livrées et le paiement d'une somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts, outre d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
En toute hypothèse, elle a estimé que le préjudice de la société Profilbox ne dépassait pas les 13 902 euros.
Sur ce,
Sur la violation de l'obligation d'approvisionnement exclusif :
Attendu que le contrat d'approvisionnement exclusif portait sur des boîtes d'attente sans précision de leur matière, et ne pouvait guère le faire sans perdre tout sens, dès lors que les boîtes, qu'elles fussent en bois ou en métal, avaient des propriétés similaires et surtout étaient destinées au même usage ;
Que la violation de l'obligation d'approvisionnement exclusif par la société AMS a été constatée par huissier de justice et est même revendiquée par l'intéressée qui, loin de la contester, tente de la justifier par des motifs qui, à supposer même qu'ils auraient été exacts, sont inopérants, dès lors qu'ils ne l'autorisaient pas à violer le contrat ;
Qu'ils seront donc ici simplement examinés pour apprécier la mauvaise foi de la société AMS ;
Attendu que celle-ci se plaint, en premier lieu, des variations de tarif inexpliquées pratiquées par la société Profilbox, alors que le prix des marchandises avait été fixé pour toute l'année 2010 dans un tarif figurant en annexe du contrat ; que les prix facturés figurant au tableau de la page 5 des conclusions de l'intimée sont conformes ou inférieurs au prix du contrat ; qu'un seul est supérieur (facture FA 01806), mais pour la raison qu'un produit a été remplacé par un autre ; que toute comparaison avec les tarifs des années antérieures est sans intérêt ; qu'en définitive, faute de démontrer que des prix supérieurs à ceux convenus dans le contrat lui auraient été appliqués, la société AMS n'est pas admise à se plaindre ;
Attendu qu'elle invoque, en deuxième lieu, le fait que les boîtes n'avaient pas, à quelques centimètres près, les dimensions indiquées, alors que la société Profilbox explique, sans être utilement contredite, que ceci a des raisons techniques, qu'elle justifie que ce phénomène est commun à tous les fabricants et que, de toute manière, s'agissant d'une non-conformité apparente, la société AMS est réputée l'avoir acceptée par la réception sans réserve des boîtes litigieuses ;
Attendu que la société AMS dénonce, en troisième lieu, une rupture d'approvisionnement en ce que la société Profilbox n'avait pu honorer qu'en partie une importante commande effectuée en juin 2010, en ne livrant que deux camions de marchandises sur les trois commandés, alors que l'acceptation de cette situation par la société AMS ressort non seulement de la mention manuscrite figurant sur la commande, mais encore de l'absence de réclamation de celle-ci à l'époque ;
Attendu que la société AMS se plaint plus généralement d'un abus de position dominante de la société Profilbox, caractérisé essentiellement par l'application de prix prohibitifs, alors que la société Profilbox n'occupe pas sur le marché des boîtes d'attente une position dominante, qu'il existe de nombreux fournisseurs, que la société AMS a librement contracté avec la société Profilbox et qu'en aucune manière, les prix pratiqués par celle-ci, seraient-ils même très supérieurs à ceux de ses concurrents, ne pourraient justifier une violation de l'obligation d'approvisionnement exclusif ;
Attendu que c'est dès lors sans motif légitime que la société AMS a violé son obligation ;
Sur le préjudice :
Attendu que la société AMS n'a exécuté le contrat que les six premiers mois de l'année 2010 et que la société Profilbox a réalisé un chiffre d'affaires de 156 917 euros, soit pour une année 313 834 euros ;
Que le préjudice sera apprécié sur cette base, et non pas sur celle des années précédentes qui s'inscrivait dans un contexte différent où les deux sociétés étaient liées entre elles et alors surtout que l'on notait une réduction régulière des commandes depuis 2007 ;
Que l'exécution du contrat étant soumis à des aléas qui auraient pu faire qu'il aurait pu être résilié pour des motifs autres qu'imputables à la société AMS, le préjudice de la société Profilbox s'analyse plutôt en une perte de chance, de sorte que la cour retiendra deux ans de perte de chiffre d'affaires, soit 627 668 euros ;
Que la société Profilbox allègue une marge brute de 43,50 %, établie sur la moyenne des années 2008-2009, qui apparaît excessive ;
Qu'au vu des pièces produites (n° 12 et 13 du bordereau), la cour retiendra la marge brute la plus faible y figurant, soit 31,39 % ;
Qu'il s'ensuit que le préjudice s'établit à 627 668 X 0,3139 = 197 025 euros ;
Et attendu que la société AMS qui succombe, paiera une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Par ces motifs : Réforme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société AMS au paiement d'une somme de 55 510 euros à titre de dommages et intérêts ; Statuant à nouveau, Condamne la société AMS à payer à la société Profilbox une somme de cent quatre-vingt-dix-sept mille vingt-cinq (197 025) euros à titre de dommages et intérêts ; Confirme les dispositions non contraires du jugement ; Y ajoutant, Condamne la société AMS à payer à la société Profilbox une somme de deux mille (2000) euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; La Condamne aux dépens.