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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 18 janvier 2013, n° 11/20286

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Jean Eugene Borie (SA)

Défendeur :

Château Coufran (SCA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lachacinski

Conseillers :

Mme Nerot, M. Coujard

Avocats :

Mes Olivier, Agostini, Bernabe, Rivière

TGI Paris, 3e ch. 1re sect., du 4 oct. 2…

4 octobre 2011

La société Jean-Eugène Borie qui produit et commercialise des vins de Bordeaux, est titulaire des quatre marques semi-figuratives et figurative suivantes (pièces 1 à 6) :

- la marque semi-figurative "Château Ducru Beaucaillou" n° 1 614 692 déposée le 11 septembre 1990 en classe 33 et en couleur (avec, pour informations complémentaires : couleurs revendiquées : fond bistre, cadre octogonal or dans lequel s'inscrivent les mots Château Ducru Beaucaillou et Saint-Julien en blanc, dessin du château en blanc et marron sur fond bistre, inscriptions en marron),

- la marque semi-figurative "Ducru-Beaucaillou grand vin du château Ducru-Beaucaillou grand cru classé en 1885", n° 3 626 879, déposée en classe 33 et en couleur le 3 février 2009 (avec, pour informations complémentaires : couleurs revendiquées : pantone 1685, liseré doré pantone GTS 428, fond pantone 1365. La protection du millésime (2005) n'est pas revendiquée),

- la marque semi-figurative "Château Lalande-Borie" n° 3 472 690, déposée en classes 16, 33, 35 et en couleur le 04 janvier 2007 (avec, pour informations complémentaires : couleurs revendiquées : bord extérieur, pantone 1365 ; fond intérieur du liseré, pantone 1345, couleur du dessin stylisé et des lettres "Château Lalande-Borie" : pantone 1685 ; couleur de "Saint-Julien" : pantone 180),

- la marque figurative n° 3 454 433 déposée le 5 octobre 2006 en classes 16, 33, 35 et en couleur (avec, comme informations complémentaires : couleurs revendiquées : pour le fond, pantone 1365 ; pour le liseré, pantone 1685).

Etaient successivement visées en classe 33 les "vins d'appellation d'origine contrôlée Saint-Julien provenant de l'exploitation exactement qualifiée Château Ducru-Beaucaillou", les "vins d'appellation d'origine contrôlée Saint-Julien provenant de l'exploitation exactement dénommée Château-Ducru-Beaucaillou", les "vins d'appellation d'origine contrôlée Saint-Julien provenant de l'exploitation exactement dénommée Château Lalande Borie" et enfin, pour la marque figurative, les "boissons alcooliques (à l'exception des bières) vins".

En classe 16, sont désignés les produits suivants : "articles de papeterie, cartes, boîtes en carton, affiches, albums, cartes, livres ; cartons, boîtes en papier, étiquettes (non en tissu, non électroniques)" et, en classe 35, les services suivants : "services de ventes de vins, administration commerciale, publicité".

La société J.E. Borie utilise également, pour commercialiser ses produits mais sans qu'elle soit déposée sous forme d'étiquette, la dénomination "La Croix Beaucaillou Saint-Julien".

Estimant que la commercialisation de bouteilles de vin sous la marque semi-figurative "n° 2 de Coufran", n° 07 3 475 876, déposée à l'Institut national de la propriété industrielle de Paris le 17 janvier 2007 en classe 33 par la société civile agricole Château Coufran devait être qualifiée de contrefaçon par imitation de ses marques semi-figuratives ou figurative en ce qu'elle présentait la même nuance chromatique, la société Jean-Eugène Borie, après vaine mise en demeure de cesser cette utilisation, l'a assignée devant la juridiction de fond parisienne le 7 juillet 2009.

Par jugement rendu le 4 octobre 2011, le tribunal de grande instance de Paris, par ailleurs saisi de demandes reconventionnelles aux fins de déchéance et de nullité des marques revendiquées ainsi que d'une demande de nullité de la marque "Château Coufran", a, en substance et avec exécution provisoire :

- déclaré irrecevables les notes en délibéré adressées par les parties,

- dit que la société J.E. Borie est irrecevable à agir en contrefaçon des marques semi-figuratives n° 3 626 879 et n° 1 614 692,

- rejeté les demandes de la société Château Coufran aux fins :

* de déchéance des marques françaises semi-figuratives n° 3 626 879, n° 3 472 690 et figurative n° 3 454 433 pour défaut d'exploitation,

* de déchéance de la marque française semi-figurative n° 3 472 690 et de la marque figurative n° 3 454 433 pour dégénérescence,

* de nullité de la marque française semi-figurative n° 3 454 333 pour déceptivité,

- rejeté la demande de nullité de la marque de la société Château Coufran n° 3 650 137 formée par la société J.E. Borie,

- débouté la société J.E. Borie de son action en contrefaçon des marques françaises, semi-figurative et figurative, n° 3 472 690 et n° 3 544 433, par la marque de la société Château Coufran n° 3 475 876,

- débouté la société J.E. Borie de son action en concurrence déloyale présentée sur le fondement de la marque française semi-figurative n° 3 626 879 et de son action en concurrence déloyale en général,

- débouté la société Château Coufran de sa demande de radiation de la marque n° 3 626 879 ainsi que de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,

- condamné la société J.E. Borie à verser à la société Château Coufran la somme de 8.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens.

Par dernières conclusions signifiées le 12 novembre 2012, la société anonyme Jean-Eugène Borie, appelante, demande à la cour, au visa des articles L. 711-3, L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle, de l'article 1382 du Code civil, de l'article 57-1 du règlement (CE) n° 607-2009 du 14 juillet 2009 et de l'article 13 alinéa 4 du décret modifié du 19 août 1921 devenu article 7 du décret n° 2012-655 du 4 mai 2012, de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les diverses demandes de déchéance et de nullité de ses marques, de l'infirmer pour le surplus et :

1. de prendre en considération le fait que la SCA Château Coufran avait demandé l'interdiction d'usage et la résiliation de la marque n° 09 3 626 879 au prétexte qu'elle contrefaisait sa propre marque et qu'elle reconnaissait de ce fait que la marque "n° 2 de Coufran" contrefaisait les marques antérieures n° 1 614 692, n° 3 472 690 et n°3 454 433,

2. de prononcer l'annulation de la marque "Château Coufran", n° 3 650 137, pour violation des règles de l'étiquetage établies par les dispositions qu'elle vise,

3. de considérer que la marque "n° 2 de Coufran" n° 3 475 876 contrefait par imitation les marques n° 1 614 692, n° 3 472 690 et n° 3 454 433,

4. de considérer que cette marque "caractérise aussi une manœuvre confusionnelle à l'égard de J.E. Borie SA en général et de sa marque n° 3 626 879 en particulier",

5. d'ordonner en conséquence la radiation de ladite marque et d'en interdire tout usage, ce sous astreinte,

6 à 9. de condamner la SCA du Château Coufran à réparer le préjudice subi du fait de ces agissements, de commettre un expert pour établir "le chiffre" réalisé par l'intimée sur les ventes de vin couvert par la marque n° 3 475 876, de dire que l'indemnité sera fixée par affectation d'un taux de 4 % x 2 à ce chiffre et de lui allouer une somme provisionnelle qui ne saurait être inférieure à 100 000 euros,

10. d'ordonner une mesure de publication,

11. de constater la nullité pour déceptivité de la marque "Château Coufran" n° 3 650 137,

12 et 13. de condamner l'intimée à lui verser la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.

Par dernières conclusions signifiées le 15 novembre 2012, la société civile agricole Château Coufran demande en substance à la cour :

- de reporter la date de clôture, eu égard aux dernières conclusions adverses et pièces communiquées le 12 novembre 2012, de déclarer recevables ses conclusions responsives et, à défaut, de rejeter des débats les dernières conclusions de l'appelante,

1 et 2. de déclarer l'appel "infondé", de faire droit à son appel incident et de considérer :

* que la marque n° 3 454 433 est nulle sur le fondement de l'article L. 711-3 du Code de la propriété intellectuelle pour déceptivité et sur celui de l'article L. 711-1 du même Code eu égard à l'absence d'éléments distinctifs des produits vendus,

* que la société J.E. Borie est déchue de ses droits sur les marques n° 3 472 690, n° 1 614 692 et n° 3 454 433 sur le fondement de l'article L. 714-5 du Code de la propriété intellectuelle pour défaut d'exploitation des couleurs de marques telles que déposées et pour renonciation à faire de la couleur jaune l'élément distinctif de sa famille de marques,

* que la société J.E. Borie est déchue de ses droits sur les marques n° 3 472 690, n° 1 614 692 et n° 3 454 433 sur le fondement de l'article L. 714-6, a) du Code de la propriété intellectuelle pour dégénérescence du fait de la banalisation des couleurs déposées,

* que cette déchéance prendra effet à compter de la date de sa demande reconventionnelle, soit le 1er juillet 2010, en l'autorisant à procéder aux diligences subséquentes auprès de l'INPI,

3. au visa des dispositions des articles L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle, 1382 du Code civil, 75 et 122 du "NCPC" de confirmer le jugement en ses dispositions qui lui sont favorables et qui sont relatives à la contrefaçon, à la concurrence déloyale, au rejet de la demande de nullité de sa marque "Château Coufran" (ceci, toutefois, par substitution de motifs) et de condamner l'appelante à lui verser la somme indemnitaire de 10 000 euros sanctionnant un abus de procédure,

4. d'ordonner les mesures de publication d'usage,

5 et 6. de condamner l'appelante à lui verser la somme complémentaire de 25 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile outre celle de 6 000 euros au titre de la facture d'analyse de couleurs qu'elle a fait diligenter et à supporter tous les dépens.

SUR CE,

Sur la procédure :

Considérant que dans ses dernières conclusions signifiées le 15 novembre 2012, soit le jour où a été prononcée la clôture de l'instruction de l'affaire, l'intimée, qui avait initialement conclu le 17 octobre 2012, demande à la cour de reporter la date de cette clôture au jour de l'audience de plaidoiries et de déclarer recevables lesdites conclusions ;

Que cette demande doit être considérée comme sans objet dans la mesure où la recevabilité de ces conclusions du 15 novembre 2012, qui ne font que répondre aux conclusions adverses tardivement signifiées le 12 novembre 2012, ne fait l'objet d'aucune contestation ;

Sur la validité de la marque figurative n° 3 454 433 déposée le 5 octobre 2006 en classes 16, 33, 35 et en couleur (avec, comme informations complémentaires : couleurs revendiquées : pour le fond, pantone 1365 ; pour le liseret, pantone 1685) :

Considérant que, formant appel incident, la SCA Château Coufran poursuit la nullité de cette marque sur le fondement des articles L. 711-3 et L. 711-1 du Code de la propriété intellectuelle ;

Qu'elle fait d'abord valoir qu'alors que le premier de ces textes dispose :

"Ne peut être adopté comme marque ou élément de marque, un signe : (...) c) de nature à tromper le public, notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service",

la marque revendiquée, se présentant comme une étiquette de couleur jaune, est une marque nue qui ne vise aucun lieu de production ou produit et que l'ignorance dans laquelle est tenu le consommateur sur la protection recherchée est incompatible avec la protection de divers crus nominativement revendiquée ; que ce dépôt est, de plus, abusif en ce qu'il prive la concurrence de toute utilisation de la couleur jaune pour les boissons alcooliques, quels que soient l'alcool et la région ;

Qu'elle soutient également qu'alors qu'aux termes du second texte

" La marque de fabrique, de commerce ou de service est un signe susceptible de représentation graphique servant à distinguer les produits ou services d'une personne physique ou morale. Peuvent notamment constituer un tel signe : (...) c) Les signes figuratifs tels que : dessins, étiquettes, cachets, lisières, reliefs, hologrammes, logos, images de synthèse ; les formes, notamment celles du produit ou de son conditionnement ou celles caractérisant un service ; les dispositions, combinaisons ou nuances de couleurs",

la marque revendiquée ne comporte aucun élément distinctif des produits que vend la société J.E. Borie et que l'on ignore à quels vins de la société J.E. Borie se rattache ce signe ;

Considérant, ceci exposé, qu'il importe effectivement que le signe déposé remplisse la fonction d'une marque et désigne par conséquent, pour le public pertinent, l'origine des produits pour lesquels elle a été enregistrée en les différenciant de ceux qui ont une autre provenance ; qu'il est également nécessaire de ne pas restreindre indûment la disponibilité des signes pour les autres opérateurs ;

Qu'étant rappelé que le juge national est soumis à une obligation d'interprétation conforme au droit communautaire et en particulier à la lumière de la directive (CE) n° 89-104 devenue la directive (CE) n° 2008-95, éventuellement interprétée par la Cour de justice, il convient de considérer qu'en réponse à une question préjudicielle portant sur ce point, cette dernière a dit pour droit (CJCE du 6 mai 2003 , Libertel Groep Bv - points 67 à 69) que "même si une couleur en elle-même n'a pas ab initio un caractère distinctif au sens de l'article 3, paragraphe 1, sous b) de la directive, elle peut l'acquérir, en rapport avec les produits ou services revendiqués, à la suite de son usage conformément au paragraphe 3 de cet article. Un tel caractère distinctif peut être acquis, notamment après un processus normal de familiarisation du public concerné" ;

Que la cour ajoute qu'une couleur est susceptible de présenter un caractère distinctif "à condition, notamment, qu'elle puisse faire l'objet d'une représentation graphique qui soit claire, précise, complète par elle-même, facilement accessible, intelligible, durable et objective. Cette dernière condition ne peut pas être satisfaite par la simple reproduction sur papier de la couleur en question, mais peut l'être par la désignation de cette couleur par un Code d'identification internationalement reconnu" ; que ce caractère distinctif peut lui être reconnu "à condition que, par rapport à la perception du public pertinent, la marque soit apte à identifier le produit ou le service pour lequel l'enregistrement est demandé comme provenant d'une entreprise déterminée et à distinguer ce produit ou ce service de ceux d'autres entreprises" ;

Qu'en l'espèce, il y a lieu de relever que la société J.E Borie revendique la protection non point d'une couleur de base mais d'une nuance précise de couleur apte à constituer une marque selon les dispositions mêmes de l'article L. 711-1 du Code de la propriété intellectuelle in fine cité par la SCA Château Coufran ;

Que la société J-E Borie produit diverses pièces (n° 2, 22, 25 à 27) qui démontrent qu'il existe une continuité séculaire dans la couleur des étiquettes du vin Ducru-Beaucaillou, qu'elle peut se prévaloir de l'existence d'une famille ou série de marques adoptant une nuance de jaune particulière et que le dépôt contesté - se référant pour le fond, à pantone 1365 et pour le liseré à pantone 1685 - se borne à adapter aux dernières techniques la reproduction de la combinaison de nuances de couleurs déjà revendiquées lors du dépôt de la marque n° 1 614 692 précitée, en 1990 ;

Que le grief tiré de l'absence de distinctivité de cette marque ne peut donc prospérer ;

Qu'il en va de même du vice de déceptivité qui lui est par ailleurs opposé et qui suppose, selon la jurisprudence communautaire, l'existence d'une tromperie effective ou d'un risque suffisamment grave de tromperie du consommateur ;

Qu'en effet, il convient de considérer que les produits désignés dans l'enregistrement sont les boissons alcooliques (hors les bières) et les vins et que la SCA Château Coufran s'abstient de démontrer l'existence d'une tromperie ou un risque avéré de tromperie qui conduirait le consommateur à acquérir des produits ne se rapportant pas aux productions de boissons alcooliques et vins désignés par la marque déposée par la société J.E. Borie et par elle commercialisés, peu important la catégorie particulière à laquelle les boissons ainsi commercialisées se rattachent ;

Qu'il suit que la SCA Château Coufran n'est pas fondée à contester la validité de cette marque et que le jugement doit être confirmé sur ce point ;

Sur le moyen tiré de la déchéance pour défaut d'exploitation des marques n° 1 614 692, n° 3 472 690 et n° 3 454 433 :

Considérant que la SCA Château Coufran poursuit l'infirmation du jugement en ce qu'il a considéré que la preuve du défaut d'exploitation lui incombait alors, selon l'article L. 714-5 du Code de la propriété intellectuelle, qu'elle pèse sur le propriétaire de la marque ; qu'elle fait valoir que la société appelante qui revendique "le jaune" comme élément distinctif de ses marques ne démontre pas qu'elle utilise et exploite les couleurs qu'elle a déposées ;

Qu'elle-même est en revanche en mesure de produire un rapport d'analyse de couleurs établi le 2 octobre 2012 par la société Couleur et ICC, expert en colorimétrie (pièce 51) venant étayer ses affirmations ; qu'en effet, ayant procédé, au moyen d'un spectrophotomètre Xrite, à l'analyse spectrale des couleurs mesurées sur différentes étiquettes, à savoir celle du Ducru-Beaucaillou grand cru 1855 des millésimes 2000, 2004 et 2005 ainsi que celle du Lalande Borie, millésime 2005 et enfin celle de La Croix-Beaucaillou, millésime 2004, le technicien qu'elle a mandaté conclut : "les couleurs utilisées par la société Borie sur les étiquettes des bouteilles Ducru Beaucaillou-Grand cru 1855, Lalande Borie, Lacroix Beaucaillou qui m'ont été remises ne correspondent pas à celles qui sont revendiquées par la société Borie sur les dépôts de marques correspondantes" ;

Qu'en réplique, la société J.E. Borie conteste la compétence du technicien mandaté par l'intimée ou son outillage et entend démontrer qu'il existe bien une continuité chromatique de ses étiquettes, par-delà les analyses que peuvent en donner des descriptions anciennes ("bistre, or, blanc et marron" pour la marque Ducru-Beaucaillou n° 1 614 692) ou les nuances pantone, comme pour la marque n° 3 454 433, ajoutant incidemment qu'elle ne se prévaut pas d'une contrefaçon par reproduction mais par imitation ;

Considérant, ceci rappelé, que l'appelante ne peut contester le document technique qui lui est opposé en incriminant la compétence du technicien au seul motif qu'il ne serait pas inscrit sur une liste d'experts ou la fiabilité de l'appareil utilisé pour la raison que le certificat de performance serait établi par son fabricant dont elle ne conteste toutefois pas, comme il est affirmé, qu'il est le leader mondial dans le domaine des sciences et technologies de gestion des couleurs ;

Que l'écueil de ce rapport réside davantage dans la précision apportée par le technicien dans ses conclusions et que la cour relève, à savoir le fait qu'il a procédé à l'analyse d'étiquettes de bouteilles de vin "qui (lui) ont été remises" et que leur provenance précise ou leur état sont ignorés ;

Qu'en toute hypothèse, il apparaît que la société J.E. Borie ne prétend pas à une continuité parfaite de la nuance de couleur qu'elle revendique ; qu'à cet égard, de la même manière qu'est admise l'exploitation d'un signe sous une forme modifiée à la condition que la différence entre la marque enregistrée et la marque exploitée n'altère pas le caractère distinctif de la première et n'affecte donc pas la perception que le public peut en avoir, l'appréciation de la continuité d'usage de cette nuance de couleur au sein la famille de marques revendiquée, compte tenu de faits d'exploitation s'étalant en l'espèce sur plusieurs décennies, peut résulter d'une démarche semblable si cette même condition est satisfaite ;

Qu'à cet égard, la société J.E. Borie, sur laquelle pèse la charge de la preuve de l'usage sérieux de la nuance de couleur qui singularise ses marques, met en avant et verse aux débats divers éléments tendant à démontrer que si des procédés techniques permettent de relever, avec la réserve ci-dessus exprimée, des différences entre les nuances de couleur des marques déposées et celles des étiquettes commercialisées ou entre les nuances de cette série de marques déposée par la société J.E. Borie pour ses différentes productions, celle-ci peuvent être tenues pour négligeables ;

Qu'il ressort, en effet, d'ouvrages versés aux débats, à savoir ceux de Messieurs Kingman sur les Etiquettes des grands crus classés du Médoc de 1993 et Ginestet (pièces 7 et 17) que "de toute la collection d'étiquettes de Saint-Julien et Beychevelle, la plus ancienne est sans doute celle de Ducru-Beaucaillou qui, dans sa simplicité typographique, illustre bien l'art de la vignette dans la deuxième moitié du XIXème siècle" ; que parmi la soixantaine de crus classés en 1855, seul Ducru-Beaucaillou présentait une étiquette jaune, Monsieur Kingman précisant, s'agissant des étiquettes Ducru Beaucaillou qui se présentent selon un camaïeu de jaune, qu'"il n'y a presque pas de différence entre l'étiquette de 1909 et celle de 1985 et cela aussi est une bonne tradition"; que ces ouvrages tendent ainsi à attester d'une constance dans le choix de la charte graphique et de la gamme chromatique de cette étiquette ;

Que l'appelante soutient, par ailleurs, que la gamme des 747 couleurs obtenues par la combinaison de 10 couleurs primaires entre 9 encres de base n'a aucune valeur irréfragable ;

Que, sur ce point, elle relève dans les écritures de l'intimée (page 31/61) que cette dernière porte elle-même une appréciation à certains égards critique sur les références chiffrées du nuancier Pantone puisqu'elle écrit que le simple fait de prétendre bâtir la protection d'une marque sur des références chiffrées est insuffisant et d'autant plus léger que la notice technique annexée au nuancier indique :

"les papiers d'impression utilisés contiennent des éclaircisseurs optiques qui peuvent avoir une incidence (...)" et que "les formules produisent un résultat qui correspond à la couleur illustrée, dans le cas d'une impression lithographique réalisée sur papier semblable à celui du nuancier" ;

Qu'ainsi, opposant à l'appelante un moyen, étayé par une analyse d'ordre technique, qui tend à démontrer que la nuance de couleur exploitée ne correspond pas à celle du pantone sur lequel cette analyse s'appuie, la SCA Château Coufran soutient parallèlement, au risque d'affaiblir son moyen de preuve, que le support ou la luminosité peuvent avoir des incidences sur la reproduction de cette nuance de couleur ;

Que, semblablement, des écarts visuels sont envisagés par l'imprimeur chargé d'exécuter des étiquettes ; que l'appelante produit, pour en attester (en pièce 23) un triptyque de teintes émanant de l'imprimerie Berjon, concernant l'étiquette du Château Ducru-Beaucaillou et daté du 19 novembre 2004, qui comprend trois bons à tirer dénommés "nominal", "minimal" et "maximal" ; qu'elle explique, sans être démentie, que l'imprimeur se ménage de la sorte une marge de manœuvre dans la mesure où un mélange de couleurs peut, selon les conditions d'exécution, aboutir à des rendus visuels différents ;

Que, de plus, l'examen des pièces 25 à 27 de l'appelante qui donnent à voir, pour la première, des bouteilles de Ducru-Beaucaillou des millésimes 2000 à 2007, pour la deuxième un rapprochement des millésimes 2000 et 2006 et pour la troisième quatre photographies des millésimes 1911, 1982, 1996 et 2006, ne permet pas de déceler de différences visuellement perceptibles entre ces preuves d'exploitation de la nuance de couleur revendiquée présentée comme s'inscrivant dans une lignée ancienne ;

Qu'enfin et ainsi que relevé par l'appelante, bien que l'intimée tire argument du défaut de référence à la couleur jaune dans le dépôt de la marque "Ducru-Beaucaillou", n° 1 614 692, et débatte de la couleur bistre mentionnée, elle n'opère plus aucune distinction entre les quatre marques qui lui sont opposées dans son argumentation consacrée à la dégénérescence de la marque qui embrasse "l'ensemble des marques déposées par la société "J.E. Borie" et évoque "la banalisation de la couleur jaune" (page 20/61 de ses conclusions) ;

Qu'il suit que l'intimée qui ne peut se prévaloir que d'un rapport technique dont les conclusions sont à nuancer sera déboutée en ses demandes de ce chef et que le jugement mérite confirmation ;

Sur le moyen tiré de la dégénérescence des marques n° 1 614 692, n° 3 472 690, n° 3 454 433 et n° 3 626 879 :

Considérant que, se fondant sur les dispositions de l'article L. 714-6 a), la société intimée poursuit la déchéance de ces marques à compter du 1er juillet 2010 correspondant à la date de dépôt de ses conclusions de première instance qui comportent cette demande ;

Qu'elle fait valoir que la gamme de couleurs s'étendant du jaune pâle au jaune foncé en passant par l'ocre s'est totalement banalisée dans la chaîne de distribution des vins, comme le révèlent l'ouvrage-même de Monsieur Kingman précité ou les 43 photographies qu'elle verse aux débats; qu'elle ajoute que la société J.E. Borie s'est à cet égard montrée inactive pour défendre sa marque et en veut pour preuve cette multiplication d'étiquettes qu'elle a acceptées sur le marché sans réserve, se bornant à attraire la seule SCA Château Coufran en justice ; qu'elle soutient, surabondamment, que la société J.E. Borie a renoncé à faire de la couleur jaune l'élément distinctif de sa famille de marques et invoque quatre de ses dernières productions qui tendent à établir cet abandon ;

Mais considérant que quand bien même la SCA Château Coufran opposerait un nombre plus important d'étiquettes que celles qu'elle invoque "à titre d'exemple", elle ne saurait se dispenser d'une analyse lui permettant de soutenir que la nuance de couleur particulière qui distingue les étiquettes des vins de l'appelante des autres étiquettes ou encore des nuances de couleur qui ne s'en différencieraient que par des éléments insignifiants se retrouvent communément dans la chaîne de distribution des vins ;

Que, par ailleurs, l'appelante produit deux arrêts rendus par la Cour d'appel de Douai le 25 septembre 2012, après opposition à l'enregistrement d'une marque, un autre rendu par la Cour d'appel de Bordeaux le 24 septembre 2012 (pièces 41et 43) qui démontrent qu'elle agit pour défendre sa marque ; qu'en outre et quels que soient ses liens avec la société Sovex, il n'en demeure pas moins qu'elle a signé avec elle une transaction dont la finalité est, aux termes de la loi, de mettre fin à un différend ;

Qu'enfin, c'est sans pertinence que l'intimée invoque l'abandon, par l'appelante, de sa nuance de couleur destinée à distinguer ses produits en se prévalant de l'étiquetage de la cuvée spéciale de La Croix Beaucaillou, des bouteilles de Ducluzeau, de Fourcas-Borie et de Petit Caillou dans la mesure où l'appelante a pu légitimement, comme elle le précise, vouloir éviter le grief de déceptivité en n'assimilant pas à ses grands crus des vins moins nobles et, s'agissant du dernier vin cité, vouloir adopter une stratégie commerciale particulière pour une clientèle ciblée en faisant appel à un designer de renom ;

Que la société Château Coufran sera, par voie de conséquence, déboutée de cette autre demande et le jugement confirmé sur ce point ;

Sur la contrefaçon des marques n° 1 614 692, n° 3 472 690 et 3 454 433 par la marque semi-figurative "n° 2 de Coufran" n° 3 475 876 déposée le 17 janvier 2007 :

Sur la recevabilité à agir au titre de la marque n° 1 614 692 :

Considérant que si la SCA Château Coufran débat vainement de la recevabilité à agir de l'appelante au titre de sa marque n° 3 626 879 déposée en 2009 puisqu'elle ne lui est pas opposée, elle fait en outre valoir, s'agissant de la marque n° 1 614 492 déposée le 11 septembre 1990 par l'appelante, que les seules mentions de couleurs figurant au dépôt (fond bistre, blanc, marron sur fond bistre) accompagnées d'un certificat en noir et blanc ne permettaient pas d'en apprécier les caractéristiques essentielles ;

Qu'il résulte, toutefois, de ce qui précède que cette désignation de couleurs, avant que ne soit utilisé le nuancier Pantone, correspond à la nuance de jaune que la société J.E. Borie considère comme la couleur emblématique de ses grands crus et qu'elle en fait usage sur l'étiquette des vins qu'elle commercialise, étant une nouvelle fois relevé que la SCA Château Coufran, argumentant sur la déchéance de la marque, n'introduit pas de distinction entre les différentes marques déposées ;

Que le moyen doit, par conséquent, être rejeté et le jugement qui en dispose autrement infirmé à ce titre ;

Sur les agissements argués de contrefaçon :

Considérant, s'agissant de la comparaison des produits, que les signes opposés désignent semblablement les vins en classe 33 et qu'il s'agit, par conséquent, de produits identiques ;

Considérant, s'agissant de la comparaison des signes, que le signe critiqué ne constituant pas la reproduction à l'identique de la marque première qui lui est opposée, il convient de rechercher s'il n'existe pas entre les deux signes un risque de confusion (lequel comprend le risque d'association) qui doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce ; que cette appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique et conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l'impression d'ensemble produite par celles-ci en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants ;

Qu'en outre, un faible degré de similitude entre les produits ou services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les signes et inversement ;

Qu'en l'espèce, la marque seconde est une marque semi-figurative, déposée en couleur sans indication de nuances qui présente sur un fond jaune entouré d'un liseré doré l'indication "n°", figuré en lettre majuscule de couleur claire et dans la partie supérieure gauche ; qu'il introduit le chiffre "2", surdimensionné puisqu'il occupe toute la hauteur de l'étiquette et les deux-tiers de sa largeur, de couleur claire ; que ce '2" inclut dans sa boucle supérieure l'illustration d'un château vu de trois-quart ; qu'il est suivi des éléments verbaux "de Coufran", positionné, en lettres dorées au milieu de la bouteille puis, selon des lignes descendantes : "Haut-Médoc", "appellation Haut-Médoc contrôlée" suivies de diverses informations sur l'année et le propriétaire ;

* en regard de la marque semi-figurative n° 1 614 690,

laquelle se présente sur fond "bistre" (selon les termes de l'enregistrement) cerné d'un cadre octogonal de couleur dorée sur les côtés supérieur et inférieur duquel s'inscrivent les mots Ducru Beaucaillou et Saint-Julien en blanc ; au centre de ce cadre et sous des inscriptions désignant le vin et la mention "grand cru classé en 1885" figure le dessin d'un château représenté de côté avec la perspective de sa façade, ceci selon des couleurs blanches et marron se détachant d'un même fond "bistre" ;

Que, visuellement, si le choix commun de deux des quatre couleurs utilisées et la représentation identique d'un château est de nature à les rapprocher, ces deux marques se différencient nettement dans leurs compositions respectives par des éléments qui ne sauraient être considérés comme étant de détail et qui inscrivent, en particulier, la marque contestée dans un type de présentation d'allure contemporaine, contrairement à la marque revendiquée ;

Que la lecture des éléments verbaux de ces deux signes exclut toute parenté dans la prononciation ;

Que, conceptuellement, enfin, la Cour de justice de la Communauté européenne (CJCE , du 6 mai 2003 , Liberet Groep BV - point 40) a dit pour droit que "si les couleurs sont propres à véhiculer certaines associations d'idées et à susciter des sentiments, en revanche, de par leur nature, elles sont peu aptes à communiquer des informations précises. Elles le sont d'autant moins qu'elles sont habituellement et largement utilisées dans la publicité et dans la commercialisation des produits et des services pour leur pouvoir attractif, en dehors de tout message précis" ;

Qu'en l'espèce, si la nuance de couleur revendiquée par la société J.E. Borie constitue un élément distinctif qui, du fait de la longévité et de la constance de son usage, est apte à désigner ses produits, il n'en demeure pas moins, en l'espèce, que le consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, ne pourra négliger les éléments verbaux et graphiques précités, de sorte qu'il ne sera pas conduit à confondre les deux marques ou à les associer en pensant que les produits désignés proviennent de la même entreprise ou d'entreprises liées économiquement ;

Qu'il résulte, par conséquent, de l'analyse globale ainsi menée qu'en dépit de l'identité des produits couverts par les marques opposées, aucun risque de confusion ou d'association entre les signes opposés ne peut être retenu ;

* en regard de la marque semi-figurative n° 3 472 690,

laquelle se présente avec un bord extérieur dans la nuance de couleur jaune revendiquée entourant un liseré de couleur dorée de forme octogonale supportant, en ses parties supérieure et inférieure, l'année de production et la mention "mis en bouteille au château" ; l'intérieur de cette figure géométrique comprend, sur un fond clair, le dessin stylisé de la façade d'un château, de couleur marron et de petite taille, surmonté de l'indication "Château Lalande-Borie", de couleur marron, "Saint-Julien", de couleur rouge, ainsi que d'autres informations en petits caractères relatives au cru et au propriétaire, de couleurs marron puis rouge ;

Que la même analyse globale peut être faite sur les signes en présence que celle menée précédemment, eu égard aux éléments distinctifs et dominants qui caractérisent de la même façon les marques n° 1 614 690 et n° 3 472 690 et ceux qui caractérisent la marque contestée ;

Que la même conclusion s'impose, à savoir qu'en dépit de l'identité des produits couverts par les marques opposées, le consommateur pertinent ne sera pas conduit à confondre les deux marques ou à les associer en pensant que les produits qu'elles couvrent proviennent de la même entreprise ou d'entreprises liées économiquement ;

* en regard de la marque figurative n° 3 454 433

laquelle est une marque en couleur composée d'un fond dans une nuance de jaune (pantone 1365), incluant un octogone formé d'un liseré épais de couleur dorée (pantone 1685) ;

Qu'en l'absence d'éléments graphique ou textuel de la marque première, seule la nuance du fond, dont il a été dit qu'elle constituait un élément distinctif de cette marque du fait de son usage ancien et prolongé pour désigner des vins de grande qualité, et le liseré sont aptes à les rapprocher, étant toutefois relevé, s'agissant de ce dernier, qu'il est situé en bordure extrême de la marque seconde et qu'il a une forme rectangulaire alors que celui de la marque première est inséré à l'intérieur du rectangle que constitue la marque seconde et qu'il est octogonal ;

Qu'en dépit de l'adoption de deux couleurs qui les rapprochent et de leur désignation d'un même produit, les signes opposés ne pourront toutefois pas être confondus ni associés par le consommateur pertinent qui ne pourra négliger les éléments graphiques et verbaux de la marque seconde qui participent, comme les couleurs employées, à sa propre distinctivité ;

Qu'il suit que la société J.E. Borie n'est pas davantage fondée à agir en contrefaçon au titre de cette marque, ainsi qu'en a jugé le tribunal ;

Sur les "manœuvres confusionnelles" reprochées à la SCA Château Coufran :

Considérant que, visant les dispositions de l'article 1382 du Code civil, la société J.E. Borie impute à faute à la SCA Château Coufran des actes de parasitisme, expliquant qu'en suggérant une appartenance à la lignée de ses propres vins et, en particulier, du Ducru-Beaucaillou qui a été classé comme un grand cru en 1855 afin de commercialiser un second vin du Château Coufran, simple cru bourgeois du Haut-Médoc dont les étiquettes étaient jusque-là sur fond blanc avec de légères nuances dorées, la société intimée entend tirer profit de leur prestige ;

Qu'elle estime que ces agissements sont préjudiciables à la commercialisation de son vin "La Croix de Beaucaillou" doté d'une étiquette qui n'a pas fait l'objet d'un dépôt de marque et à celle du vin "Ducru Beaucaillou" doté d'une étiquette qui a été déposée à titre de marque postérieurement au dépôt de la marque "n° 2 de Coufran" et qu'elle ne peut donc lui opposer sur le terrain de la contrefaçon ;

Qu'elle fait valoir qu'il est indifférent que les appellations, les prix ou les réseaux de distribution ne soient pas identiques, seul important à ses yeux d'exclure "un intrus de la famille Ducru-Beaucaillou dans laquelle il s'est introduit par pur parasitisme" car cette famille ne pourra que pâtir de la comparaison ;

Qu'elle ajoute incidemment que l'intimée s'est prévalue, en cours de procédure, de la contrefaçon de sa marque "n° 2 de Coufran" par la marque n° 3 626 879 déposée en 2009, formant une demande reconventionnelle désormais abandonnée mais signant ainsi, selon elle, un aveu judiciaire spontané ;

Considérant, ceci rappelé que la longévité de l'usage de la nuance de couleur revendiquée entourée d'un liseré doré attaché à un vin de prestige conduit à considérer que ces couleurs ont acquis une valeur économique ; qu'elles sont de nature à attirer l'attention du consommateur et à favoriser la commercialisation d'un produit issu de la vigne qui en serait revêtu plutôt qu'un autre ;

Que le fait d'abandonner un traditionnel étiquetage de couleur blanche (pièce 10 de l'appelante) pour s'approprier, sans justes motifs, un élément distinctif d'un concurrent, au risque de contribuer à sa dilution, afin de bénéficier de son pouvoir attractif auprès de la clientèle contrevient aux usages honnêtes et loyaux du commerce, de sorte qu'il convient de qualifier de fautif un tel comportement et d'infirmer le jugement de ce chef ;

Sur les mesures réparatrices :

Considérant que les agissements fautifs retenus conduisent à accueillir la demande d'interdiction formée par l'appelante, ainsi qu'il sera précisé au dispositif ;

Que sans qu'il y ait lieu d'ordonner une expertise destinée à chiffrer le préjudice subi, il sera alloué à la société J.E. Borie la somme indemnitaire de 20 000 euros à ce titre ;

Qu'en raison de l'ancienneté de ces faits et de la circonstance que ces mesures réparent à suffisance le préjudice subi, il n'y a pas lieu d'y ajouter en faisant droit aux autres prétentions de l'appelante, rejetées par les premiers juges ;

Qu'enfin, si au décours de ses demandes indemnitaires, la société J.E. Borie sollicite l'annulation de la marque "Château Coufran" pour déceptivité au motif qu'elle désigne en classe 33 des vins au lieu de désigner des vins d'AOP provenant de l'exploitation ainsi exactement dénommée "Château Coufran", ceci en conformité à l'article 13 alinéa 4 du décret modifié du 19 août 1921 dont les dispositions ont été maintenues par le décret n° 2012-655 du 4 mai 2012 et l'article 57-1 du règlement (CE) n° 607-2009 du 14 juillet 3009 immédiatement applicable, force est de relever qu'elle vise la marque "Château Coufran" déposée le 12 mai 2005 et enregistrée sous le numéro 3 650 137 ;

Que c'est, par conséquent, à bon droit que l'intimée lui oppose une fin de non-recevoir tenant à son défaut d'intérêt à agir puisque cette marque n° 3 650 017 n'emprunte en aucune façon la nuance de couleur, objet du présent litige ;

Qu'en toute hypothèse, cette demande ne présente pas un lien suffisant avec l'objet du présent litige, au sens de l'article 70 du Code de procédure civile ;

Sur les demandes complémentaires :

Considérant qu'eu égard à la teneur du présent arrêt, la SCA Château Coufran sera déboutée de sa demande indemnitaire pour procédure abusive et le jugement confirmé sur ce point ;

Considérant que l'équité conduit à réformer le jugement en ses dispositions relatives à l'application de l'article 700 du Code de procédure civile et, sur ce fondement, à condamner la SCA Château Coufran à lui verser une somme de 10 000 euros à ce titre ;

Que la SCA Château Coufran supportera les entiers dépens ;

Par ces motifs : Constate que les demandes de l'intimée relatives à la clôture de l'instruction et à la recevabilité de ses dernières conclusions sont sans objet ; Confirme le jugement entrepris à l'exception de ses dispositions portant sur l'irrecevabilité de la société J.E. Borie à agir en contrefaçon de sa marque n° 3 626 879, sur les agissements parasitaires incriminés, sur les frais non répétibles et sur les dépens ainsi qu'en sa disposition rejetant la demande de nullité de la marque "Château Coufran" n° 3 650 137 et, statuant à nouveau dans cette limite ; Dit que la société anonyme Jean-Eugène Borie est recevable à agir en contrefaçon de sa marque n° 1 614 692 ; Dit qu'en tirant profit d'un élément distinguant les produits commercialisés par la société J.-E. Borie, pour promouvoir, offrir à la vente et vendre les produits commercialisés sous la marque "N° 2 de Château Coufran", n° 07 3 475 876, la société civile agricole Château Coufran a commis une faute au préjudice de la société J.E. Borie ; Fait interdiction à la SCA Château Coufran de faire usage, sous quelque forme que ce soit, de sa marque n° 07 3 475 876 pour promouvoir, offrir à la vente et vendre des vins, ceci sous astreinte de 500 euros par infraction constatée passé un délai de dix jours à compter de la signification du présent arrêt ; Condamne la SCA Château Coufran à verser à la société J.E. Borie la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice ainsi subi ; Déclare la société J.E. Borie irrecevable en sa demande tendant à voir prononcer l'annulation de la marque "Château Coufran", n° 3 650 137 ; Condamne la SCA Château Coufran à verser à la société J.E. Borie la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.