CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 16 janvier 2013, n° 11-10912
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Aubervilliers Conseil Funéraire (SARL)
Défendeur :
Groupe Roc-Eclerc (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Rajbaut
Conseillers :
Mmes Chokron, Gaber
Avocats :
Mes Hamani, Teytaud, Moiroux
Vu l'appel interjeté le 9 juin 2011 par la société Aubervilliers Conseil Funéraire (SARL), du jugement contradictoire rendu par le Tribunal de grande instance de Bobigny le 4 mai 2011 ;
Vu les dernières conclusions de la société Aubervilliers Conseil Funéraire, ci-après la société ACF, appelante, signifiées le 29 mai 2012 ;
Vu les dernières conclusions de la société Groupe Roc-Eclerc (SAS), signifiées le 6 novembre 2012 ;
Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 13 novembre 2012 ;
SUR CE, LA COUR :
Considérant que, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, il est expressément référé à la décision entreprise et aux écritures, précédemment visées, des parties ;
Qu'il suffit de rappeler que la société ACF, exploitant à Aubervilliers (93), suivant contrat de franchise du 17 décembre 1997, un service de pompes funèbres à l'enseigne Roc-Eclerc Pompes Funèbres Européennes, s'est vue notifier par lettre recommandée avec avis de réception du 11 mai 2007, le non-renouvellement du contrat de franchise arrivé à échéance le 17 décembre 2007 ;
Que la société Groupe Roc-Eclerc, titulaire des marques attachées au réseau de franchise Roc-Eclerc et notamment de la marque française semi-figurative n° 98 722 068 "Roc-Eclerc Pompes Funèbres Européennes", déposée le 10 mars 1998 et régulièrement renouvelée depuis en classes 6, 19 et 42, ainsi que de la marque française semi-figurative n° 3 394 002 "Roc-Eclerc Pompes Funèbres et Marbrerie", déposée le 25 novembre 2005 en classes 6, 19, 20, 21, 26, 37, 39, 44 et 45, ayant constaté que la société ACF persistait à faire usage de la dénomination Roc-Eclerc en dépit d'une mise en demeure du 20 février 2008 de retirer l'enseigne correspondante, a introduit, suivant assignation du 28 avril 2009 devant le Tribunal de grande instance de Bobigny, une instance en contrefaçon de droits de marque ;
Que le tribunal, par le jugement dont appel, a retenu à la charge de la société ACF des actes de contrefaçon des marques n° 98 722 068 et n° 3 394 002 appartenant à la société Groupe Roc-Eclerc, prononcé une mesure d'interdiction sous peine d'une astreinte de 300 euros par infraction constatée, condamné la société ACF à payer à la société Groupe Roc-Eclerc la somme de 55 000 euros à titre de dommages-intérêts outre la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ordonné à titre d'indemnisation complémentaire une mesure de publication judiciaire, débouté la société ACF de sa demande reconventionnelle en procédure abusive ;
Que la société appelante fait valoir, pour conclure à l'infirmation du jugement, qu'elle a pris les mesures nécessaires pour mettre un terme à l'utilisation de la dénomination Roc-Eclerc et que la société Groupe Roc-Eclerc ne justifie d'aucun préjudice, estime subsidiairement, avoir fait illicitement usage de la dénomination Roc-Eclerc sur une période de 6 mois tout au plus et devoir une somme de 17 000 euros en réparation du préjudice subi à ce titre par la société intimée à laquelle elle réclame en toute hypothèse 20 000 euros de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
Que la société intimée poursuit la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et le rejet de la demande reconventionnelle de la société ACF ;
Sur la contrefaçon,
Considérant qu'il n'est pas démenti que le contrat de franchise liant les parties a été régulièrement résilié à effet au 17 décembre 2007 et qu'en conséquence de cette résiliation, la société ACF s'obligeait, conformément à l'article 11 du contrat, à cesser immédiatement tout usage de la dénomination Roc-Eclerc ;
Or considérant qu'il ressort d'un procès-verbal de constat des 5 et 6 mars 2008 que l'enseigne Roc-Eclerc était toujours en place sur la vitrine du magasin exploité par la société ACF à Aubervilliers, 19 boulevard Anatole France, qu'en outre, ce magasin était désigné dans l'annuaire électronique des Pages Jaunes, sous la dénomination Roc-Eclerc Aubervilliers Conseil Funéraire ;
Qu'il apparaît encore, au vu d'un procès-verbal de constat établi le 22 décembre 2008, que l'annuaire électronique des Pages Jaunes indiquait toujours l'enseigne Roc-Eclerc Aubervilliers Conseil Funéraire, accompagnée du logo constitutif de la marque semi-figurative n° 98 722 068 et qu'une telle enseigne, toujours accompagnée du logo précité, figurait en outre sur des sites Internet tels que "www.annuaire.pompes.funebres.fr", "www.118218.fr", "www.net-obseques.com", "www.renseignements118000.fr" ;
Que force est de constater enfin que l'extrait Kbis de la société ACF levé le 5 mars 2009, indique pour enseigne "Roc-Eclerc Pompes Funèbres Marbrerie" et pour nom commercial "Roc-Eclerc" ;
Considérant qu'il résulte par ailleurs des pièces de la procédure que la société Groupe Roc-Eclerc a mis en demeure la société ACF, par lettres recommandées avec avis de réception du 20 février 2008 et du 30 octobre 2008, de cesser tout usage des marques Roc-Eclerc et qu'elle n'a reçu aucune réponse ;
Considérant que la société ACF soutient vainement n'avoir aucune maîtrise sur son référencement Internet alors qu'elle ne justifie aucunement avoir pris l'attache des sites Internet concernés pour voir supprimer sa désignation sous la dénomination "Roc-Eclerc" et qu'au surplus, les éléments ci-avant évoqués montrent qu'elle n'a pris la moindre initiative pour faire retirer de la vitrine de son magasin l'enseigne litigieuse ni davantage, pour faire procéder à la rectification des mentions portées sur le registre du commerce et des sociétés ;
Considérant que selon les dispositions de l'article L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle, sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion, dans l'esprit du public : a) La reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ; b) L'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ;
Considérant qu'il résulte des développements qui précèdent que la société ACF a fait usage, sans autorisation, de la dénomination "Roc-Eclerc", qui représente l'élément distinctif et dominant des marques opposées ainsi que du logo constitutif de la marque opposée n° 98 722 068 et qu'il est constant par ailleurs que cet usage a été fait pour des services identiques ou similaires à ceux couverts par ces marques ;
Considérant qu'il s'en infère, compte tenu du fort degré de similitude tant entre les services qu'entre les signes, un risque de confusion avéré pour le consommateur d'attention moyenne, normalement avisé et raisonnablement informé ;
Que la contrefaçon des deux marques invoquées est en conséquence caractérisée ;
Sur le préjudice,
Considérant que la résiliation du contrat étant intervenue le 17 décembre 2007, force est de constater que le 5 mars 2009 la société ACF faisait encore usage du signe "Roc-Eclerc" dans l'exercice de son activité commerciale et que le préjudice qui en résulte pour la société Groupe Roc-Eclerc est loin d'être circonscrit sur une période de six mois ainsi que le prétend la société appelante ;
Considérant que le préjudice de la société intimée résulte de la banalisation de ses marques et de la dépréciation subséquente de leur valeur patrimoniale ;
Qu'il découle par ailleurs du détournement de clientèle dont la société ACF a inéluctablement bénéficié en laissant accroire à la clientèle qu'elle était affiliée au réseau de franchise "Roc-Eclerc" ;
Que le tribunal a fait, au regard de ces éléments, une juste appréciation du préjudice subi et prononcé des mesures accessoires pertinentes et proportionnées, strictement imposées par la nécessité de faire cesser les actes illicites et de prévenir leur renouvellement ;
Considérant qu'il s'infère du sens de l'arrêt que la demande reconventionnelle en dommages-intérêts pour procédure abusive n'est pas fondée ;
Que le jugement déféré sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions ;
Par ces motifs : Confirme le jugement dont appel, Y ajoutant, Dit que la mesure de publication fera mention du présent arrêt, Condamne la société ACF aux dépens de la procédure d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile et à payer à la société Groupe Roc-Eclerc une indemnité complémentaire de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles.