CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 17 janvier 2013, n° 10-08921
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Brigitte Ermel Joailler (Sté)
Défendeur :
Creadia (EURL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Perrin
Conseillers :
Mmes Pomonti, Michel-Amsellem
Avocats :
Mes Flauraud, Jarrige, Maury, Bettan, Papin
Faits constants et procédure
La société SB Gold, aujourd'hui dénommée Brigitte Ermel Joaillier, a pour activité la fabrication et la commercialisation de produits de joaillerie en or, platine, argent, pierres précieuses, pierres fines et perles.
Par un contrat d'agent commercial en date du 20 mars 2007, elle a confié à la société Creadia, dont le gérant est M. Laurec, la représentation de ses produits sur la France, Monaco, le Benelux et Andorre, à l'exception de deux clients réguliers de la société à Cannes et St Tropez.
Il était stipulé un objectif annuel de ventes minimum de 1 million d'euros HT et une rémunération de l'agent comportant une partie fixe de 6 000 euros mensuels et une partie variable selon deux paliers de chiffre d'affaires fixés respectivement à 1 200 000 euroHT et 1 500 000 euro HT par an outre le dédommagement des frais de déplacement à hauteur de 30 000 euro.
Le 26 octobre 2007, la société SB Gold a résilié ce contrat, reprochant à son agent des performances insuffisantes, une perte de confiance, la rétention de la collection et une attitude générale inappropriée.
La société Creadia, contestant les motifs de cette résiliation, a introduit la présente instance.
Par acte du 11 juin 2008, la société Creadia a assigné la société SB Gold devant le Tribunal de commerce de Paris aux fins de l'entendre condamnée au paiement d'indemnités au titre de brusque rupture, de rupture anticipée et au paiement de commissions pour le mois d'août 2007.
Par un jugement en date du 9 avril 2010, assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de commerce de Paris a :
- condamné la société SB Gold à verser à la société Creadia les sommes de :
29 000 euros HT d'indemnité au titre de la résiliation anticipée du contrat d'agent signé le 20 mars 2007,
20 000 euros d'indemnité de rupture,
7 176 euros au titre des honoraires dus pour le mois d'août 2007,
2 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile .
- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires au présent dispositif,
- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement, sauf en ce qui concerne l'indemnité de rupture.
Vu l'appel interjeté le 19 avril 2010 par la SB Gold contre cette décision.
Vu les dernières conclusions, signifiées le 4 octobre 2012, par lesquelles la société Brigitte Ermel Joaillier, anciennement la société SB Gold, demande à la cour de :
- la recevoir en ses écritures et y faire droit,
En conséquence,
A titre principal,
- infirmer le jugement rendu le 9 avril 2010 par le Tribunal de commerce de Paris en toutes ses dispositions,
- débouter la société Creadia de l'intégralité de ses demandes relatives tant à l'exécution qu'à la rupture du contrat d'agent commercial,
- condamner la société Creadia à lui rembourser la somme de 47 125,22 euros correspondant à la somme versée en application du jugement du 9 avril 2010,
- condamner la société Creadia à lui payer la somme de 12 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
A titre subsidiaire,
dans l'hypothèse où la cour d'appel considérerait que la faute grave justifiant la rupture anticipée du contrat d'agent commercial n'est pas caractérisée :
- ramener le montant de l'indemnité allouée à la société Creadia sur le fondement de l'article L. 134-12 du Code de commerce à de plus justes proportions et, en tout état de cause, à un montant qui ne saurait être supérieur à la somme de 20 000 euros fixée par le Tribunal de commerce de Paris dans son jugement du 9 avril 2010,
- débouter la société Creadia de sa demande de dommages et intérêts pour respect d'une clause de non-concurrence illicite,
- débouter la société Creadia du surplus de ses demandes,
Dans l'hypothèse où la cour d'appel considérerait que la faute grave justifiant la rupture anticipée du contrat d'agent commercial n'est pas caractérisée et que la clause de non concurrence du contrat d'agent commercial n'est pas licite,
- ramener le montant de l'indemnité allouée à la société Creadia sur le fondement de l'article L. 134-12 du Code de commerce à de plus justes proportions et, en tout état de cause, à un montant qui ne saurait être supérieur à la somme de 20 000 euros fixée par le Tribunal de commerce de Paris dans son jugement du 9 avril 2010,
- ramener la demande de dommages et intérêts au titre du respect d'une clause de non concurrence illicite à de plus justes proportions,
- débouter la société Creadia du surplus de ses demandes.
La société Brigitte Ermel Joaillier soutient que la société Creadia n'a pas respecté ses engagements contractuels, au regard du chiffre d'affaires réalisé au 26 octobre 2007 et qu'elle s'est rendue coupable d'une rétention de la collection, engendrant une perte de confiance, faits qu'elle estime constitutifs d'une faute grave au regard de la jurisprudence applicable en la matière.
Elle estime que la société Creadia ne justifie d'aucun élément permettant de fixer une éventuelle indemnisation pour brusque résiliation. Elle affirme que la clause de non concurrence est conforme aux dispositions légales et jurisprudentielles. Elle remet également en doute la valeur des attestations rédigées par des bijoutiers joailliers à la demande de la société Creadia. Enfin, elle affirme que M. Laurec n'a effectué aucune activité durant le mois d'août 2007 et que, par conséquent, la société Creadia ne peut réclamer des honoraires pour ce mois.
Vu les dernières conclusions, signifiées le 25 octobre 2012, par lesquelles la société Creadia demande à la cour de :
- la déclarer recevable et fondée en son appel incident,
Réformant la décision déférée,
A) dire et juger que la rupture du contrat d'agence ne repose pas sur une faute grave de la société Creadia, mais sur une faute grave de la société Brigitte Ermel Joaillier,
En conséquence,
- condamner la société Brigitte Ermel Joaillier à lui payer les sommes suivantes :
42 000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article L. 134-12 du Code de commerce,
29 000 euros à titre d'indemnité pour rupture anticipée du contrat d'agence.
B) condamner la société Brigitte Ermel Joaillier à lui payer la somme de 7 176 euros TTC correspondant au commissionnement convenu pour le mois d'août 2007.
Y ajoutant,
- dire réputée non écrite la clause de non-concurrence figurant à l'article 8 du contrat d'agence,
En conséquence,
- condamner la société Brigitte Ermel Joaillier à lui payer la somme suivante,
144 000 euros à titre de dommages et intérêts pour respect d'une clause de non concurrence illicite.
En tout état de cause, la somme de 12 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société Creadia conteste les griefs invoqués par la société Brigitte Ermel Joaillier, qualifiés par elle de fautes graves et prétend au contraire que c'est la société Brigitte Ermel Joaillier qui a commis des fautes graves au regard des obligations contractuelles des articles 2, 3 et 5 du contrat d'agence. De même, elle affirme que la société Brigitte Ermel Joaillier a violé l'article 7 du contrat d'agence, et que la violation de cette obligation qualifiée d'essentielle par le contrat constitue non pas un chantage comme l'allègue la société Brigitte Ermel Joaillier, mais une faute grave de celle-ci qui doit être sanctionnée par l'allocation de dommages et intérêts.
Enfin, elle demande le paiement d'indemnités de brusque de résiliation et de rupture anticipée, des dommages et intérêts pour respect d'une clause de non-concurrence disproportionnée ainsi que le reliquat d'honoraires dus.
La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions initiales des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.
Motifs
Sur les manquements allégués par la société Brigitte Ermel Joaillier à l'encontre de son agent
Considérant que la société Brigitte Ermel Joaillier soutient que son agent a manqué à ses obligations contractuelles, de sorte qu'il a réalisé un chiffre d'affaires très inférieur à ce qu'il aurait dû être au regard de celui convenu ce qui a justifié, selon elle, la résiliation anticipée du contrat de représentation commerciale ;
Considérant que les premiers juges ont constaté que le montant des ventes réalisées par la société Creadia était sans rapport avec l'objectif annuel fixé contractuellement par les parties sans pour autant retenir une faute de l'agent ;
Considérant que la société Brigitte Ermel Joaillier soutient que la société Creadia en est responsable pour n'avoir pas accompli les diligences nécessaires ;
Considérant que la société Creadia prétend que le chiffre d'affaire lui a été imposé mais était irréalisable et qu'elle a au contraire parfaitement exécuté les obligations qui étaient les siennes ;
Considérant que M. Laurec, gérant de la société Creadia, affirme être un professionnel accompli de sa spécialité, ayant une grande expérience d'environ 20 ans dans la profession ; qu'il a dès lors accepté un volume minimal en parfaite connaissance de cause ;
Qu'il ne peut être fait grief au mandant de ne pas avoir adressé de reproches à son mandataire au regard de la brièveté des relations commerciales d'autant que les griefs invoqués résultent d'une part de la constatation d'un chiffre d'affaires bien en deçà de celui escompté ce qui ne pouvait être constaté qu'après plusieurs mois d'activité, d'autre part de la rétention de la collection intervenue en octobre 2007 ;
Que la société Creadia explique son déficit de résultat par le fait qu'elle aurait été privée de la collection pendant 7,5 semaines et qu'elle aurait récupéré une collection incomplète à raison de pièces vendues par la société Brigitte Ermel Joaillier sans donner lieu à un réassort ; qu'elle indique que les périodes non travaillées ont toutes correspondu à des rétentions de la collection par son mandant ;
Considérant que M. Laurec excipe de 9 rapports d'activité adressés à son mandant qui retracent les villes où il s'est rendu, le nombre de visites effectif, les visites annulées et le nombre de contact téléphonique ; que si celles-ci révèlent un nombre important de kilomètres parcourus au cours de la période d'activité, elles mettent aussi en évidence qu'un certain nombre l'ont été en pure inutilité à raison de l'absence des responsables ; que M. Laurec ne conteste pas avoir négligé tout contact préalable afin d'organiser sa visite et prétend en justifier par les risques propres à son activité qui expliqueraient des visites impromptues ; que les risques liés au transport d'une collection de bijoux de valeur, soit près d'un million d'euros, sont indéniables ; que pour autant ceux-ci existent dès lors que la collection est déplacée ; qu'en conséquence des déplacements inutiles ne les diminuaient en rien, bien au contraire ; qu'au regard même de la valeur de la collection transportée, M. Laurec ne pouvait ignorer qu'il était indispensable de la présenter au client lui-même et non à ses salariés ce qui impliquait nécessairement une prise de contact préalable à tout déplacement ; qu'en négligeant celle-ci, M. Laurec ne pouvait que se heurter soit à l'absence du responsable, soit à son désintérêt ; qu'ainsi au cours de la semaine 24 soit du 11 au 16 juin 2007, il prétend avoir effectué :
. une visite à Vannes
. une visite à la Baule qui n'a pas pu avoir lieu en raison de l'absence du responsable
. une visite à Nantes
. une visite à La Rochelle, le responsable n'ayant pas souhaité le recevoir
. une visite à Royan
. une visite à Poitiers
. deux visites à Tours dont l'une n'a pas eu lieu, le responsable n'ayant pas souhaité le recevoir
M. Lautec indiquant avoir parcouru 2 227 kms alors que les distances Vannes-Royan et Royan-Tours ne sont que de 320 et 350 kms.
Que sur les visites, 43 visites programmées l'ont été sans rendez-vous, soit plus de la moitié et que 24 soit plus de 25 % n'ont pas eu lieu et l'ont donc été en pure perte ;
Que se trouve ainsi caractérisé un défaut patent d'organisation de son activité par M. Laurec, préjudiciable à son efficacité ce qu'il ne pouvait manquer de constater dès ses premières semaines d'activité mais qui n'a pas entraîné de sa part une modification de ses pratiques ;
Considérant que la société Brigitte Ermel Joaillier pointe d'une part l'insuffisance des visites, d'autre part le nombre de jours consacrés par M. Laurec à son activité pour le compte de la société Brigitte Ermel Joaillier ; que si ses rapports d'activité mentionnent des visites dans de nombreuses villes sur le territoire français, il convient de relever que certaines pouvaient être regroupées sur une même journée ; qu'en toute hypothèse, il ressort de ces rapports que celui-ci a consacré une moyenne de 2 jours par semaine à l'exécution de son contrat d'agent commercial ;
Qu'enfin, la société Brigitte Ermel Joaillier ajoute que M. Laurec n'a visité aucune des 100 premières entreprises d'horlogerie joaillerie de France dont elle fournit la liste et qui étaient les seules susceptibles d'être intéressées et de passer des commandes de nature à permettre la réalisation de l'objectif minimal ; que le contrat en son article 2 relatif au secteur géographique limite la clientèle visée aux "bijoutiers-joailliers et magasins haut de gamme diffusant de la joaillerie" ; que la société Creadia ne le conteste pas dans la mesure où elle indique qu'il s'agissait d'un secteur de "très haut de gamme pour lequel la clientèle n'est pas légion" et que "avec un prix moyen de 10 390euro peu de professionnels sont aptes à commercialiser de tels produits", convenant ainsi, comme le soutient la société Brigitte Ermel Joaillier, qu'elle devait cibler sa clientèle ; que M. Laurec écrivait encore le 1er mai 2007 dans son rapport semaine 18/07 "En un mot la collection est bien perçue, tendance et tout à fait représentative d'une image haut de gamme. Nous sommes de ce fait en concurrence avec les Italiens, sans doute un peu cher, mais sans égal quant à la qualité" ;
Que la société Brigitte Ermel Joaillier fait valoir que la société Creadia s'est contentée de prospecter sa clientèle habituelle composée de bijouteries "moyen/bas de gamme" et ajoute que certains des clients prétendument visités par M. Laurec ont démenti toute visite, citant notamment les bijouteries André Faur à Biarritz, St Jean de Luz et Toulouse, Beaumont et Finet à Lyon, Dubail à Paris, Barrier à Paris ;
Considérant que la société Creadia rétorque qu'elle ne peut produire autant d'attestations que de magasins visités sans pour autant apporter le moindre élément concernant une visite aux clients précités ;
Que, pour justifier son activité, M. Laurec fournit des attestations à savoir :
. celle de M. Etienne, bijoutier joaillier à Chalons Sur Saone ; qu'il résulte toutefois des rapports de M. Laurec qu'il ne s'est pas rendu dans cette ville ; que cette attestation ne porte que sur le comportement de M. Laurec, tout comme celles de MM. Williamson, Muller, Mezzolini, Minner, Gueguin et Sallier qui ne mentionnent aucune présentation de collection et font seulement état des qualités professionnelles de M. Laurec,
. celle de M. Barichella, bijoutier joaillier à Nice qui indique avoir reçu la visite de M. Laurec en été 2007 alors que les rapports de M. Laurec font état d'un déplacement le 11 octobre 2007 ; que de plus, l'auteur de cette attestation indique de façon imprécise pour un professionnel "avoir examiné la jolie collection de bijoux, joaillerie",
. celle de M. Mazet, bijoutier joaillier à Grenoble qui indique ne pas avoir passé de commande au motif que "l'offre était déjà en place dans le magasin" alors que M. Laurec renseigne son rapport en indiquant que "la collection est trop élevée en prix pour Grenoble" ;
Que ces attestations ne justifient dès lors ni que M. Laurec a eu une activité de représentation de la société SB Gold correspondant à ses rapports d'activité, ni de l'efficience de celle-ci au regard de la spécificité de la collection qu'il avait pour mission de présenter ;
Que, de plus, si M. Laurec a adressé à son mandant 9 rapports d'activité, ceux-ci contiennent des explications discordantes, permettant de douter de la réalité du renouvellement de ses visites auprès de certains clients ;
Considérant en revanche que la société Brigitte Ermel Joaillier justifie avoir adressé des cartons d'invitation pour le salon de Bâle à des clients potentiels déterminés par M. Laurec lui-même, dont pourtant aucun n'est venu, avoir adressé un courriel de présentation à M. Verhoaven, dont M. Laurec avait indiqué qu'il était intéressé par la collection présentée sans qu'il y ait la moindre suite ;
Que M. Laurec affirme que la société Brigitte Ermel Joaillier l'aurait privé de la disposition de sa collection pendant plusieurs semaines, aurait procédé à des ventes sans renouveler la collection et l'aurait ainsi empêché de la présenter à des clients éventuels ; que toutefois, il n'en rapporte pas la preuve ; qu'il indique, au demeurant, avoir encouragé la pratique des confiés à certains clients ce qui le privait d'une collection complète à présenter à certains autres ;
Considérant que si le chiffre d'affaires convenu était élevé, il n'est pas démontré qu'il ait été irréaliste au regard du secteur haut de gamme concerné ; que, de plus, il a été accepté par un professionnel averti ; que la société Brigitte Ermel Joaillier justifie d'un chiffre d'affaires de :
3 373 990 euro en 2004
4 228 462 en 2005
4 747 686 euro en 2006,
sa gérante indiquant qu'ayant repris l'activité de représentation avant la conclusion du contrat d'agence avec la société Creadia, elle a réalisé les chiffres d'affaires suivants :
226 552,30 euro en 2005 avec deux clients lors de deux déplacements (hors salon de Bâle)
220 377, 60 euro en 2006 avec deux clients lors de deux déplacements (hors salon de Bâle), montants qui permettent de retenir que le chiffre d'affaires minimal a été fixé en fonction d'éléments sur l'activité de la société Brigitte Ermel Joaillier que M. Laurec ne pouvait ignorer ;
Qu'en revanche, il est démontré que celui-ci n'a pas mis en œuvre les diligences nécessaires pour tenter d'atteindre cet objectif, ce que la société Brigitte Ermel Joaillier a pu constater dès le mois d'octobre 2007, le chiffre d'affaires réalisé par son mandant étant alors inférieur à celui qu'elle réalisait sans représentation commerciale, alors aussi que l'année 2007 a constitué une année "record" en matière de ventes dans le domaine de la bijouterie-joaillerie-horlogerie, les ventes ayant progressé en termes de valeur de 5 % ;
Que dans le secteur de la joaillerie, les périodes de forte commande se situant sur deux périodes, de mai à juillet puis en septembre et octobre pour les ventes détail de décembre, le chiffre d'affaires de 72 815 euro réalisé par la société Creadia à la fin du mois d'octobre 2007 soit 7,2 % de l'objectif annuel, rendait celui-ci inaccessible, ce qui n'est pas contesté ;
Que si la société Creadia prétend avoir réalisé un chiffre d'affaires de 131 980 euro HT à la fin du mois d'octobre, la société Brigitte Ermel Joaillier fait état d'un chiffre d'affaires de 72 815 euro soit 7,2 % de l'objecif convenu, indiquant que le joaillier Elie à Poitiers n'a pas honoré une commande de 3 312,92 euro HT passée en octobre, que la société Joromar à Paris lui a restitué les quatre pièces commandées en octobre pour un montant de 6 850 euro HT et que la prétendue vente de 13 000 euro à la bijouterie Gibson à Bruges, s'est révélée n'être qu'un confié de certaines pièces de la collection qui lui ont été restituées.
Que la société Brigitte Ermel Joaillier ajoute que M. Laurec a également eu un comportement personnel inapproprié à savoir un état d'ébriété à l'occasion de l'exécution de son contrat ; qu'elle verse une attestation de Mme Piveteau qui indique que M. Laurec s'est trouvé dans un "tel état d'ébriété après déjeuner" qu'il était incapable de pointer le confié des bijoux de la collection ; que M. Laurec produit des attestations de commerçants attestant d'un comportement irréprochable de sa part et une analyse de sang qui ne révèle aucune imprégnation alcoolique, justifie qu'il est titulaire de tous ses points sur son permis de conduire ; qu'il convient de noter que l'attestation de Mme Piveteau est imprécise en ce qu'elle évoque aussi le comportement de M. Laurec en avril 2007 au salon de Bâle, sans que ces affirmations soientt corroborées par des constatations personnelles ; que sur l'état d'ébriété qu'elle dit avoir constaté, elle n'apporte aucun élément précis permettant de situer dans le temps l'événement et au demeurant, elle ne le caractérise pas davantage par une constatation personnelle d'une consommation abusive alors qu'un autre salarié de la société SB Gold atteste au contraire n'avoir jamais noté un tel état ; qu'au surplus, Mme Piveteau étant salariée de la société SB Gold, son attestation doit être considérée avec réserve et ne saurait à lui seul caractériser le comportement de M. Laurec ; que si la société SB Gold fait observer que les notes de frais produites permettent de constater une consommation d'alcool lors des repas, la cour relève que celle-ci n'est pas significative et ne démontre pas une intempérance de M. Laurec ; qu'en conséquence ce grief ne saurait être retenu ;
Considérant que la société Brigitte Ermel Joaillier reproche enfin à la société Creadia d'avoir abusivement retenu sa collection, cette dernière soutenant avoir conservé celle-ci pendant 24 heures afin d'obtenir paiement des factures qu'elle avait émises.
Considérant qu'un protocole d'accord a été signé entre les parties le 19 octobre 2007 au terme duquel les parties ont convenu :
"d'acter la contestation relative à l'empêchement d'exercer l'activité et le paiement de l'intégralité des commissions prétendues par Creadia et que SB Gold ne reconnaît pas.
Du transfert de la collection de Creadia à SB GOLD à qui elle appartient contre récepissé
Du paiement de la somme de 7 176 euro à titre de commissions et 2 142,24 euro à titre de remboursement de frais sous réserve qu'ils soient justifiés.
Le solde réclamé par Creadia étant contesté par SB Gold
La société SB Gold donne quitus et récépissé de la collection et se déclare intégralement remplie de ses droits et renonce à toute action de ce chef " ;
Qu'en conséquence la société SB Gold ne saurait invoquer le grief de la rétention de la collection qui a définitivement été réglé par ce protocole.
Considérant qu'en revanche, il résulte de l'ensemble de ces éléments que la défaillance répétée de M. Laurec dans l'organisation de son activité et son inefficacité en découlant ont constitué une faute grave dans la mesure où dans le même temps, il a perçu des commissions fixes de 6 000 euro HT par mois, a facturé d'importants frais pour des déplacements dont 1 sur 2 n'était pas programmé, 1 sur 4 s'est avéré totalement inutile, circonstances rendant manifestement impossible le maintien du lien contractuel ;
Que la société Brigitte Ermel Joaillier était dès lors justifiée à rompre le contrat au regard des manquements graves de son mandataire à ses obligations contractuelles.
Sur les fautes reprochées par la société Creadia à la société Brigitte Ermel Joaillier
Considérant que la société Brigitte Ermel Joaillier fait valoir que, pour obtenir le remboursement de ses frais, M. Laurec ne fournissait jamais l'original des factures mais seulement des duplicata ou établissait des notes de frais ; qu'il résulte de l'article 7 du contrat que "l'agent commercial, pour obtenir le remboursement des frais engagés devra présenter les justificatifs nécessaires au mandant ; le remboursement des frais interviendra chaque mois, sur présentation d'une facture par l'agent commercial accompagnée des justificatifs " ; que l'expert-comptable de la société Creadia indique qu'il avait été convenu que celle-ci conserverait les originaux ; qu'il lui appartenait néanmoins de justifier de l'engagement effectif de la dépense auprès de la société SB Gold ce que rappelle d'ailleurs le protocole d'accord signé entre les parties ;
Considérant que la société Creadia fait valoir que la société SB Gold a violé l'article 2 du contrat au terme duquel elle bénéficiait d'une exclusivité en prenant directement des ventes, citant notamment trois clients :
. Coleman à Anvers
. ARF AN-Joromar à Paris
. Heurgon à Paris
sans, au surplus l'en avoir avertie ;
Considérant que la société SB Gold expose avoir produit des factures de la société Colvi, société de facturation du client Coleman mais affirme que celles-ci correspondent à des commandes passées en 2006 soit plus d'un an avant la conclusion du contrat d'agent commercial avec la société Creadia ; que, comme il a été indiqué, la société Joromar a restitué les pièces commandées en octobre 2007 ; qu'il n'est pas démontré de ventes effectives réalisées auprès du client Heurgon pour lequel M. Laurec avait seulement fait état d'une promesse de commande dans son rapport du 17 septembre 2007 ;
Sur la clause de non concurrence
Considérant que la société Creadia fait valoir que la clause de non concurrence était abusive et demande réparation pour avoir dû la respecter ;
Considérant que l'article 8 du contrat stipule que :
"Pendant toute la durée du présent contrat, l'agent commercial s'interdit expressément d'exercer, sans l'accord exprès, préalable et écrit du mandant, des représentations concurrentes de celles de ce dernier ;
L'agent commercial s'interdit également pendant une durée de deux années après la cessation du présent contrat pour quelque cause que ce soit, de s'intéresser directement ou indirectement à des activités concurrentes de celles exploitées par le mandant, cela sur le secteur géographique défini par le présent contrat et auprès de la clientèle ayant fait l'objet du contrat, la représentation des biens et services d'une entreprise concurrente du mandant pour le type de biens et services tels que définis à l'article 1 des présentes" ;
Que cette clause est limitée dans le temps, deux ans, dans l'espace, le secteur géographique du contrat et quant au champ d'activité dans la mesure où celui-ci visait les "bijoutiers-joailliers et magasins hauts de gamme diffusant de la joaillerie" ;
Qu'ainsi la société Creadia ne s'est pas trouvée empêchée de travailler dans toutes les catégories professionnelles de la bijouterie-joaillerie mais seulement dans un secteur très limité et spécifique, celui de la bijouterie joaillerie haut de gamme ; qu'il y a lieu, en conséquence, de la débouter de sa demande.
Sur les honoraires réclamés par la société Creadia
Considérant que la société Creadia affirme avoir été privée de sa rémunération contractuelle durant le mois d'août 2007 ; qu'elle indique avoir dû restituer la collection qui avait été placée dans le coffre de la société Brigitte Ermel Joaillier durant les semaines 31,32 et 33 ; que M. Laurec affirme avoir néanmoins effectué une visite chez Gilson à Bruges le 25 août ;
Considérant que la société Brigitte Ermel Joaillier fait valoir qu'il résulte des rapports de ce dernier qu'il n'a effectué aucune visite entre le 21 juillet et début septembre 2007 et que la rémunération d'un agent commercial est fonction de son activité ;
Considérant que les parties ont convenu d'une rémunération mensuelle fixe sans aucune réserve ; qu'il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Brigitte Ermel Joaillier à payer à la société Creadia la somme de 7 116 euro TTC en règlement des honoraires convenus au titre du mois d'août 2007 ;
Sur la demande de restitution des sommes versées par la société Brigitte Ermel Joaillier
Considérant que le présent arrêt constitue le titre ouvrant droit à restitution des sommes versées au titre de l'exécution de la décision, lesdites sommes assorties des intérêts au taux légal à compter de la notification de l'arrêt, valant mise en demeure ; qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de restitution ;
Sur l'article 700 du Code de procédure civile
Considérant que la société Brigitte Ermel Joaillier a dû engager des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge, qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 dans la mesure qui sera précisée au dispositif.
Par ces motifs : Et, adoptant ceux non contraires des Premiers Juges, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné la société SB Gold à payer à la société Creadia la somme de 7 116 euro TTC en règlement des honoraires convenus au titre du mois d'août 2007, Et statuant à nouveau, Deboute la société Creadia de l'ensemble de ses autres demandes, Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution, Condamne la société Creadia à payer à la société Brigitte Ermel Joaillier la somme de 6 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Creadia aux dépens qui seront recouvrés conformément aix dispsitions de l'article 699 du Code de procédure civile.