Ministre de l’Économie, 28 novembre 2006, n° ECOC0700066Y
MINISTRE DE L’ÉCONOMIE
Lettre
Relative à une concentration dans le secteur de la tôlerie industrielle
Maître,
Par dépôt d'un dossier déclaré complet le 21 novembre 2006, vous avez notifié l'acquisition par Arcelor SA, par l'intermédiaire de sa filiale PUM Service d'Acier (ci-après "PUM"), du contrôle exclusif de Groupe Alliance Métal SA, société de tête du groupe Alliance Métal (ci-après "Alliance Métal"). Cette opération a été formalisée par une convention de cession d'actions signée le 4 octobre 2006.
I. - Les entreprises concernées et l'opération
Arcelor SA est la société de tête du groupe Arcelor (ci-après "Arcelor"), producteur d'acier qui développe ses activités dans quatre métiers principaux : les aciers plats au carbone, les aciers longs au carbone, les aciers inoxydables et la distribution et le service (via Arcelor Steel Solutions & Services ou "A3S").
Suite à l'offre publique lancée par la société Mittal Steel Company N.V., société de tête du groupe Mittal Steel (ci-après "Mittal Steel") sur Arcelor SA (1), les deux sociétés ont mené des négociations qui ont conduit, le 25 juin 2006, à la conclusion d'un memorandum of understanding approuvé par le conseil d'administration d'Arcelor SA. A l'issue de la clôture de l'offre le 13 juillet 2006, Arcelor SA est devenue une filiale de Mittal Steel, qui détient au moins 93,7 % de ses actions avec droit de vote.
Le groupe sidérurgique Mittal Steel produit une large gamme de produits semi-finis et finis en acier au carbone, englobant des produits plats, de longs produits et des tubes, et commercialise ces produits dans plus de 150 pays.
Arcelor a réalisé en 2005 un chiffre d'affaires total consolidé de 36,7 milliards d'euros, dont [...] milliards en France (2). Mittal Steel a réalisé en 2005 un chiffre d'affaires total consolidé de 22,9 milliards d'euros, dont environ [> 50] millions en France. L'ensemble Arcelor/Mittal Steel a ainsi réalisé en 2005 un chiffre d'affaires total d'environ 60 milliards d'euros, dont environ [...] milliards en France.
Alliance Métal est actif en matière de tôlerie industrielle, activité qui consiste en la transformation de la tôle (principalement en acier au carbone ou en acier inoxydable) en pièces manufacturées prêtes à l'assemblage pour le compte de donneurs d'ordre actifs pour la plupart d'entre eux dans les secteurs de la construction, des poids lourds, des machines textiles et du conditionnement d'air. Alliance Métal regroupe cinq sites de production, dont quatre sites en région Rhône-Alpes et un en Chine (province de Changzhou).
Ce groupe a réalisé en 2005 un chiffre d'affaires total consolidé de 68,8 millions d'euros, dont [> 50] millions en France.
En 2003, PUM, filiale précitée d'Arcelor, a acquis 34 % du capital de Groupe Alliance Métal SA (3). Le protocole d'accord conclu à l'occasion de cette acquisition ménageait à PUM une option d'achat pour le solde des actions, les anciens actionnaires pouvant demander à conserver 34 % du capital. Par lettre du 19 septembre 2006, PUM a fait part de son intention d'exercer cette option d'achat. A l'issue de l'opération notifiée, PUM détiendra ainsi 66 % du capital de Groupe Alliance Métal SA. Il ressort de l'instruction que PUM exercera un contrôle exclusif sur Alliance Métal.
L'opération constitue donc une concentration au sens des dispositions de l'article L. 430-1 du Code de commerce et, compte tenu des chiffres d'affaires des entreprises concernées, ne revêt pas une dimension communautaire. Elle est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 du Code de commerce et suivants relatifs à la concentration économique.
II. - Marchés concernés
L'acquéreur distribue des produits plats sidérurgiques. De plus, l'acquéreur et la cible sont simultanément actifs en matière de tôlerie industrielle, activité située en aval de celle de distribution de produits plats sidérurgiques.
Distribution de produits plats sidérurgiques
L'acquéreur est actif dans le secteur de la commercialisation d'aciers plats au carbone et inoxydables.
La Commission européenne a considéré, à plusieurs reprises, que la distribution de produits sidérurgiques constituait un marché distinct de ceux de la production et de la vente directe de ces produits (4).
Par ailleurs, la Commission a constaté que le secteur de la distribution de produits sidérurgiques recouvrait plusieurs métiers (5), englobant principalement le négoce (6), les activités des centres de service acier (ou "Steel Service Centers") (7) et les activités des centres d'oxycoupage (8).
Dans sa décision M.4137 Mittal / Arcelor, la Commission a ainsi considéré qu'il existait des marchés de produits distincts pour la distribution de produits plats en acier au carbone via les centres de service acier, la distribution de produits plats en acier au carbone via le négoce, la distribution de produits longs en acier au carbone via le négoce et pour les centres d'oxycoupage (9).
Compte tenu des relations verticales existant entre les activités de distribution de produits plats sidérurgiques de l'acquéreur et l'activité de tôlerie industrielle (10), les marchés étudiés pour les besoins de la présente opération sont donc les suivants :
- le marché de la distribution de produits plats en acier au carbone via le "négoce généraliste stockiste" ;
- le marché de la distribution de produits plats en acier au carbone via les centres de service acier.
La Commission considère que ces marchés sont au moins de dimension géographique nationale (11).
Tôlerie Industrielle
Arcelor (via sa filiale Arcelor SSC Développement) et Alliance Métal sont simultanément actifs en matière de tôlerie industrielle. Mittal Steel n'est pas actif en matière de tôlerie industrielle en France.
Cette activité consiste en la transformation de tôles ou plaques (en acier au carbone, en acier inoxydable, en aluminium ou en alliage) en un avant-produit plus élaboré destiné à des applications diverses (industrie des transports "poids lourds", machines agricoles, construction, chaudronnerie, équipements industriels, etc.) (12). Cette activité peut être réalisée soit de manière intégrée par les constructeurs, soit par l'intermédiaire de sous-traitants, les pièces métalliques étant alors réalisées pour le compte des constructeurs en leur qualité de donneurs d'ordres. La transformation de la tôle en produits semi-finis ou finis consiste en plusieurs étapes de fabrication successives : la découpe, le pliage/emboutissage, la soudure, la reprise mécanique, le traitement de surface et l'assemblage.
Il ressort de l'instruction que les opérateurs du secteur de la tôlerie transforment, avec un degré de spécialisation variable, différentes épaisseurs de tôle correspondant à des types d'applications distincts.
Ainsi, du point de vue de la demande, il apparaît notamment que les produits "fins" (jusqu'à 3 millimètres) sont utilisés par les industries actives dans l'électronique ou la climatisation (habillage des climatiseurs et des produits électroniques), alors que les produits d'épaisseurs "moyennes" (de 3 à 10 ou 12 millimètres) sont utilisés dans l'habillage des poids lourds et des véhicules utilitaires, des ascenseurs et des machines textiles.
Il est donc possible de s'interroger sur une segmentation éventuelle du marché de la tôlerie en fonction de l'épaisseur des tôles transformées. Toutefois, du point de vue de l'offre, il ressort des éléments fournis par la partie notifiante que, si les outils de découpe requis sont distincts en fonction de l'épaisseur de la tôle, la connaissance, le savoir-faire et les méthodes de production associés aux diverses manipulations effectuées demeurent identiques, et que, par ailleurs, les opérateurs sont en mesure d'adapter leur offre et leurs outils en fonction de la demande.
En tout état de cause, la question de la définition précise du marché ou des segments de marché concernés en matière de tôlerie industrielle peut être laissée ouverte au cas d'espèce, les conclusions de l'analyse demeurant inchangées, même si l'on devait envisager une segmentation en fonction de l'épaisseur des tôles transformées.
La partie notifiante considère que le marché de la tôlerie industrielle, étant un marché aval de ceux de la distribution de produits plats sidérurgiques, est de dimension nationale. De fait, Alliance Métal réalise plus de 90 % de son chiffre d'affaires en France, le solde correspondant à des exportations dans des pays limitrophes, principalement en Italie et en Espagne.
Toutefois, au cas d'espèce, la question de la délimitation géographique du marché de la tôlerie industrielle peut être laissée ouverte, les conclusions demeurant inchangées, quelle que soit la délimitation retenue.
III. - Analyse concurrentielle
Effets horizontaux
En matière de tôlerie industrielle, toutes épaisseurs de tôles confondues, les positions des parties en France, pour l'année 2005, sont estimées à moins de 1 % en valeur comme en volume pour Arcelor SSC Développement et à [0-10] % en valeur et [0-10] % en volume pour Alliance Métal. Le secteur de la tôlerie industrielle compte de nombreux opérateurs tels que le groupe Ruget ([0-10] % en volume), le groupe Piroux ([0-10] %), Axe Métal ([0-10] %), le groupe OTS ([0-10] %), le groupe Bérard (moins de [0-5] %).
L'opération n'est donc pas de nature à porter atteinte à la concurrence dans le secteur de la tôlerie fine, en l'absence de distinction selon l'épaisseur des tôles transformées.
Par ailleurs, Alliance Métal est principalement actif sur des épaisseurs de tôle "moyennes" (entre 3 et 12 mm), mais dispose de la capacité et de l'expertise pour offrir des produits d'épaisseurs plus fines et plus épaisses. Alliance Métal est ainsi en mesure d'offrir à ses clients une gamme étendue de produits transformés d'épaisseurs diverses et s'adresse aux industries des poids lourds, du matériel pour travaux publics, des machines textiles, des véhicules utilitaires, des ascenseurs, mais aussi de l'électricité et de la climatisation (épaisseurs de tôle plus fines). Parmi les concurrents précités des parties, certains ont pour partie un profil similaire, tels que le groupe Ruget, qui s'adresse principalement à des producteurs de matériel électrique, des fabricants d'ascenseurs et de climatiseurs (épaisseurs jusqu'à 15-20 millimètres), le groupe Piroux, qui s'adresse essentiellement à l'industrie des poids lourds et des véhicules utilitaires (épaisseurs principalement comprises entre 3 et 10 millimètres), et le groupe Bérard, qui s'adresse en particulier aux industriels de l'électronique, des poids lourds (cabines et moteurs) et des machines textiles (épaisseurs jusqu'à 6 millimètres).
Arcelor SSC Développement (anciennement Mobytech, activité acquise par Arcelor en 2005) était à l'origine principalement actif dans la transformation de la tôle pour la fabrication de mobilier de bureau et a récemment étendu son offre à d'autres applications telles que le chauffage et la ventilation, l'électroménager et le matériel électrique (coffrets, luminaires, etc.). Cette société transforme exclusivement des tôles fines d'une épaisseur comprise entre 0,3 et 3 millimètres. Parmi les concurrents précités des parties, Axe Métal est également spécialisé dans la tôlerie fine, en raison de sa proximité géographique avec des clients actifs sur les marchés de la téléphonie et des réseaux.
Ainsi, même si l'on devait distinguer selon l'épaisseur des tôles concernées, l'opération donnerait lieu à un chevauchement d'activité limité, en présence d'une concurrence effective, et ne serait pas susceptible de porter atteinte à la concurrence.
Effets verticaux
En matière de distribution, Arcelor (13) détient en France des parts de marché en volume de [30-40] % sur le segment de la distribution de produits plats au carbone via le négoce généraliste stockiste et de [30-40] % sur le segment de la distribution de produits plats au carbone via les centres de service acier (14). Mittal Steel n'est actif en matière de distribution en France que de manière marginale (15).
Toutefois, l'opération n'est pas susceptible d'entraîner un phénomène de forclusion sur ces marchés, dans la mesure où Alliance Métal se fournissait pour plus de [60-70] % de ses besoins auprès d'Arcelor préalablement à l'opération, et représente une part peu significative des ventes d'aciers plats au carbone de l'acquéreur (moins de [0-5] %).
En conclusion, il ressort de l'instruction du dossier que l'opération notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence, notamment par création ou renforcement de position dominante. Je vous informe donc que j'autorise cette opération.
Je vous prie d'agréer, Maître, l'expression de ma considération distinguée.
NOTA : Des informations relatives au secret des affaires ont été occultées à la demande des parties notifiantes et la part de marché exacte remplacée par une fourchette plus générale. Ces informations relèvent du "secret des affaires", en application de l'article 8 du décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence.
Notes :
1 Voir la décision de la Commission européenne M.4137 Mittal / Arcelor du 2 juin 2006.
2 Ces chiffres incluent le chiffre d'affaires du groupe Dofasco, sidérurgiste canadien acquis par Arcelor en février 2006.
3 Il ressort de l'instruction, et en particulier des dispositions du pacte d'actionnaires signé le 5 mars 2003 entre PUM et l'actionnaire majoritaire de Groupe Alliance Métal SA, que PUM ne disposait pas du contrôle conjoint d'Alliance Métal préalablement à l'opération notifiée.
4 Voir par exemple la décision de la Commission européenne M.1329 Usinor/Cockerill du 4 février 1999 (paragraphe 17) : "la distribution de produits sidérurgiques se différencie en effet de la production et de la vente directe proprement dite par la diversité de ses clients, par le montant moins élevé de ses commandes, par sa capacité à répondre rapidement aux besoins du client (les délais de livraison des aciéries se comptent généralement en semaines, voire en mois, tandis que les négociants-stockistes travaillent en heures ou en jours), par le caractère local de l'activité et par le nombre important d'entreprises présentes dans le secteur (...)".
5 Voir la décision M.1329 Usinor/Cockerill précitée (paragraphe 18).
6 Les négociants disposent d'entrepôts leur permettant d'offrir une large variété de produits sidérurgiques (plats, longs, tubes). Ils proposent ces produits sans autre transformation à des clients de petite et moyenne taille. Ils répondent ainsi à des commandes qui ne sont pas suffisamment importantes pour être honorées directement par les aciéries.
7 Les centres de service acier achètent des bobines d'acier auprès des producteurs sidérurgiques puis les découpent et les mettent à dimension selon les spécifications des clients. Ils sont uniquement actifs dans le domaine des produits plats (aciers au carbone, aciers inoxydables).
8 Les activités des centres d'oxycoupage diffèrent de celle des centres de service acier en raison de l'épaisseur des produits manipulés par les oxycoupeurs, c'est-à-dire des tôles quarto d'une épaisseur de 8 à 600 millimètres, qui requièrent des outils spécifiques. Voir la décision M.1329 Usinor/Cockerill précitée, paragraphe 19.
9 Paragraphe 80 de la décision précitée.
10 Il convient de relever qu'Alliance Métal ne s'approvisionne que très marginalement en aciers inoxydables (ces aciers ne représentent que 0,5 % du total de ses approvisionnements en valeur). Les activités de distribution d'aciers inoxydables ne seront donc pas étudiées dans la présente décision.
11 Décision M.4137 Mittal / Arcelor, précitée, paragraphe 80.
12 Les groupes sidérurgiques tels qu'Arcelor distribuent par ailleurs des tôles ou plaques découpées, parfois traitées en surface et/ou pliées, qui doivent cependant toujours faire l'objet de divers façonnements par le client (ou son sous-traitant) pour pouvoir être exploitées dans une chaine de production. Les produits issus des tôleries se distinguent donc par un travail plus élaboré de l'acier.
13 Mittal Steel n'est pas actif en matière de distribution en France.
14 Ces parts de marché correspondent à des évaluations à partir des volumes commercialisés en 2005 par Arcelor et par ses principaux concurrents.
15 Les sites de production de produits plats de Mittal Steel sont situés en Europe de l'Est (Pologne, Roumanie, République Tchèque et Macédoine) et approvisionnent principalement l'Europe de l'Est et les pays limitrophes. Mittal Steel ne réalise que peu de ventes en France.