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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 30 janvier 2013, n° 10-07885

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Cariatys (SARL), Giffard

Défendeur :

Kone (SA), ATS Ascenseurs (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vert

Conseillers :

Mmes Luc, Pomonti

Avocats :

Mes Guizard, Godard

T. com. Bobigny, du 16 mars 2010

16 mars 2010

Vu le jugement rendu le 16 mars 2010 par lequel Tribunal de commerce de Bobigny a condamné, sous le régime de l'exécution provisoire, la société Ceci Gama à verser à la société Kone la somme de 84 719 euros et à la société ATS Ascenseurs la somme de 5 995 euros en réparation de leur préjudice matériel pour concurrence déloyale par détournement de clientèle et dénigrement, a condamné la société Ceci Gama à verser à la société Kone la somme de 50 000 euros et à la société ATS Ascenseurs la somme de 3 750 euros au titre du préjudice constitué par les troubles commerciaux nés des agissements de la société Ceci Gama, a débouté les sociétés Kone et ATS Ascenseurs de leurs demandes de réparation pour perte de chance, ou pour leur préjudice d'image et l'atteinte à leur réputation, a ordonné à la société Ceci Gama de cesser immédiatement ses actes de résiliation des contrats de maintenance des sociétés Kone et ATS Ascenseurs, et ce, sous astreinte de 1 000 euros par nouveau courrier de résiliation, a débouté les sociétés Kone et ATS Ascenseurs de leurs demandes tendant à faire injonction à la société Ceci Gama de retirer de son site internet les passages dénigrant les partenaires non agréés Ceci et les comparatifs entre ces derniers et les ascensoristes agréés, a ordonné la publication de la décision à intervenir dans le journal Le Parisien, édition Ile de France et ce aux frais de la société Ceci Gama, dans la limite d'un maximum de 3 000 euros, a débouté la société Ceci Gama de ses demandes de condamnation des sociétés Kone et ATS Ascenseurs à lui payer une somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et tendant à voir prononcer la publication de la décision à intervenir dans le journal Le Parisien, édition Ile-de-France et ce, aux frais des sociétés Kone et ATS Ascenseurs, a condamné la société Ceci Gama à payer à la société Kone la somme de 15 000 euros et à la société ATS Ascenseurs la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu l'appel interjeté par la société Cariatys (anciennement dénommée Ceci Gama) le 6 avril 2010 et ses conclusions enregistrées le 5 août 2010 aux fins d'infirmation du jugement entrepris, de rejet des demandes des sociétés Kone et ATS, et, à titre reconventionnel, afin que soit ordonnée la publication de la décision à intervenir dans le journal Le Parisien édition Ile-de-France et ce, aux frais des sociétés Kone et ATS, que les sociétés Kone et ATS soient condamnés solidairement à payer la somme de 30 000 euros à la société Cariatys ainsi que celle de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu les conclusions des sociétés Kone et ATS Ascenseurs, enregistrées le 18 novembre 2011, et tendant à la confirmation du jugement déféré, à l'exception des quantum fixés, que la société Cariatys soit condamnée à verser aux sociétés Kone et ATS les sommes respectives de 105 899,77 euros et 7 493,98 euros en réparation de leur préjudice matériel du fait du détournement de la clientèle, celles de 100 000 euros et de 7 500 euros, correspondant à la perte de chance de signer de nouveaux contrats avec les syndics concernés par la présente action, les sommes de 200 000 euros et 15 000 euros au titre des préjudices constitués par le trouble commercial né des agissements déloyaux de la société Cariatys, les sommes de 200 000 euros et 15 000 euros au titre de leur préjudice d'image et d'atteinte à leur réputation, que soit ordonné à la société Cariatys d'avoir à retirer de son site internet les passages dénigrant les prestataires non agréés Ceci et les comparatifs entre ces derniers et les ascensoristes agréés, et enfin que la société Cariatys soit condamnée à verser aux sociétés Kone et ATS les sommes respectives de 15 000 euros et 7 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Sur ce,

Considérant qu'il résulte de l'instruction les faits suivants :

La société Kone et sa filiale, la société ATS Ascenseurs (ci-après ATS), sont des entreprises de services exerçant des activités de fabrication, d'installation et de maintenance en matière d'ascenseurs. Ces deux sociétés signent de manière habituelle des contrats de maintenance avec des copropriétés représentées par leur syndic.

La société Ceci Gama dont la nouvelle dénomination est Cariatys a pour activité principale l'audit des ascenseurs et propose aux copropriétés des solutions d'optimisation concernant leur parc d'ascenseurs, grâce au recours à des ascensoristes agréés par elle.

En novembre 2008 et juillet 2009, la société Kone et sa filiale la société ATS, ont reçu de la part de la société Ceci Gama des courriers résiliant des contrats de maintenance qu'elles avaient passés avec des copropriétés.

Selon les sociétés Kone et ATS, la société Ceci Gama s'était employée à démarcher les copropriétés clientes de la société Kone afin de tenter de les détourner de cette dernière et, ce, dans le but d'installer à sa place des ascensoristes agréés par elle. Ces agissements seraient la cause de la résiliation anticipée des contrats de maintenance de la société Kone.

Par acte du 13 octobre 2009, les sociétés Kone et ATS ont assigné la société Ceci Gama devant le Tribunal de commerce de Bobigny pour que soit constatée l'existence d'actes de concurrence déloyale de la part de la société Ceci Gama au préjudice de la société Kone et que soit mis fin au trouble concurrentiel.

Par un jugement du 16 mars 2010, le Tribunal de commerce de Bobigny a fait droit aux demandes des sociétés Kone et ATS, tout en diminuant le quantum des sommes réclamées.

Le 19 janvier 2012, la société Kone a déclaré au passif de la société Cariatys la somme de 144 695,84 euros, et la société ATS la somme de 8 806 euros.

Considérant que la société Cariatys (anciennement Ceci Gama), appelante, expose qu'aucune pratique de dénigrement ne peut lui être imputée, n'exerçant pas la même activité que les sociétés Kone et ATS et aucun propos dénigrant ne pouvant lui être attribué ni aucune désorganisation des sociétés Kone et ATS ;

Mais considérant que l'action en concurrence déloyale, reposant non sur la présomption de responsabilité de l'article 1384 du Code civil, mais sur une faute engageant la responsabilité civile quasi-délictuelle de son auteur au sens des articles 1382 et 1383 du même code, suppose l'accomplissement d'actes positifs et caractérisés dont la preuve, selon les dispositions de l'article 1315 du même code, incombe à celui qui s'en déclare victime ; que la pratique de dénigrement consiste à jeter publiquement le discrédit sur une personne, un produit ou un service identifié et se distingue de la critique dans la mesure où il émane d'un acteur économique qui cherche à bénéficier d'un avantage concurrentiel en jetant le discrédit sur son concurrent ou sur les produits de ce dernier ; que cette définition limite la qualification de dénigrement aux pratiques d'opérateurs liés par certaines relations commerciales, aux propos ou écrits publics et dont le contenu, destiné aux consommateurs finals, vise à jeter le discrédit sur des produits ou services ; que le démarchage déloyal de clientèle implique, pour permettre sa caractérisation, la démonstration de manœuvres destinées à permettre le détournement de celle-ci, étant observé que nul ne dispose d'un droit privatif sur une clientèle donnée ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Ceci Gama, se présentant comme un bureau d'études spécialisé dans les ascenseurs et un prestataire de services et de conseils innovants dans le secteur des ascenseurs, propose aux syndicats de copropriété ou à leurs mandataires, les syndics, la signature d'un contrat intitulé " Gama Programme Optima ", avec une option " Evolution ", d'une durée de 3 ans, renouvelable par tacite reconduction pour des périodes d'un an ; que ce contrat lui permet de mettre en place des audits " qualité maintenance " ayant pour but la vérification des installations d'ascenseurs, l'identification des anomalies et la renégociation technique et financière des contrats de maintenance en cours, pouvant entraîner leur résiliation, la copropriété donnant tout pouvoir à Ceci Gama pour procéder à ces résiliations à ses frais avancés et proposer de nouveaux prestataires ascensoristes, agréés par elle et promettant aux usagers de meilleurs prestations, tant en prix qu'en qualité ; que pour ces prestations, la société Ceci Gama perçoit une rémunération annuelle correspondant à un pourcentage de l'économie réalisée sur le contrat d'entretien lors du changement de prestataire, et un pourcentage sur les pénalités appliquées en cas de carences constatées dans l'entretien de l'ascenseur ;

Considérant que pour inciter les syndicats de copropriété à signer ces contrats et à résilier les contrats de maintenance Kone et ATS, la société Ceci Gama a procédé, gratuitement, et sans débat contradictoire, à l'examen succinct des installations d'ascenseurs de ces copropriétés, dont la maintenance était assurée par les sociétés Kone ou ATS ; que ces examens succincts ont mis en évidence, selon elle, de nombreuses anomalies, dont certaines concernaient la sécurité des personnes ; que le procédé utilisé par la société Ceci Gama était identique pour toutes les copropriétés ; qu'ainsi, après la réalisation de ces examens succincts, Maître Saidani, représentant la société Ceci Gama, envoyait à chacune d'entre elles un courrier type, comportant comme seuls éléments distinctifs les trois ou quatre anomalies relevées, au cas par cas ; que les phrases types suivantes se retrouvaient dans chacun des courriers, versés aux débats par la société intimée : " a cela s'ajoute le fait que votre intervention s'est résumée à des interventions de dépannages effectuées avec peu de soin et sans respect des règles de l'art ", " Ni l'entretien préventif, ni l'entretien courant n'ont été réalisés. Les défauts constatés du fait de vos manquements ont pour effet de mettre en cause la sécurité des usagers des ascenseurs " ; que ces courriers mettaient les sociétés Kone ou ATS en demeure de remédier aux problèmes constatés dans les huit jours, à peine de résiliation du contrat les liant aux copropriétés impliquées ; que par un autre courrier type envoyé au terme des huit jours, Maître Saidani prenait acte de la résiliation du contrat pour motif grave et légitime " ; que ce courrier était ainsi rédigé : " Il vous était laissé un délai de 8 jours pour effectuer une mise en conformité de vos appareils à la sécurité que sont en droit d'attendre vos clients. Cependant, il a été constaté que vous n'avez pris aucune initiative pour remédier à vos manquements, laissant perdurer un risque grave d'atteinte à la sécurité et à la santé de vos usagers " ; qu'il concluait en ces termes : " De ce fait et devant vos manquements graves et renouvelés, la société Cariatys, agissant pour le compte des copropriétaires vous demande, par mon intermédiaire de prendre acte de la résiliation immédiate de votre contrat pour motifs graves et légitimes " ; qu'à ce courrier type n'était joint aucun mandat des copropriétés pour résilier les contrats de maintenance en cause ; que ces courriers ont fait l'objet d'envois groupés, la première lettre étant envoyée aux alentours des 2 ou 3 juillet 2009, la seconde autour du 15 juillet suivant, témoignant ainsi d'une stratégie d'éviction de la part de la société Cariatys (Ceci Gama) ;

Considérant que si les intimées soutiennent que ces pratiques constituent des pratiques de dénigrement déloyales, la société Ceci Gama prétend qu'aucun des éléments constitutifs de cette pratique n'est démontré, ni le rapport de concurrence entre commerçants, ni les propos dénigrants, ni la diffusion aux clients, ni la perturbation de l'entreprise victime ;

Sur le rapport de concurrence :

Mais considérant que l'existence d'une situation de concurrence directe et effective entre les sociétés considérées n'est pas une condition de l'action en concurrence déloyale ou parasitaire qui exige seulement l'existence de faits fautifs générateurs d'un préjudice ; qu'ainsi, toute personne victime d'agissements déloyaux, à savoir toute personne physique ou morale arguant d'un préjudice concurrentiel est recevable à intenter une telle action ;

Considérant, en l'espèce, que si la société Ceci Gama expose ne pas être en situation de concurrence avec les prestataires de maintenance Kone et ATS, se présentant comme un prestataire de diagnostic, d'audit et d'optimisation, qui n'exerce pas l'activité de maintenance, mais propose à ses clients des prestataires agréés par elle, il convient de souligner que la société Ceci Gama commercialise des contrats d'assistance, selon l'extrait Kbis du 8 octobre 2009 versé aux débats ; que le contrat d'assistance proposé aux copropriétés est un contrat global, proposant diverses prestations liées dont celle de maintenance ; que dès lors, même si cette activité de maintenance n'est pas directement exercée par Ceci Gama, mais par ses prestataires agréés, la société Ceci Gama est rémunérée pour l'ensemble d'entre elles et constitue le premier interlocuteur des usagers ; qu'ainsi, ce contrat global a vocation à remplacer les contrats de simple maintenance conclus avec les sociétés Kone et ATS, et les concurrence ainsi frontalement, la pratique de Ceci Gama consistant dans la critique du travail effectué par ces sociétés auprès de copropriétés, dans le but de leur faire souscrire leur contrat, " en leur faisant miroiter la perspective d'une économie sur les frais d'entretien de leurs ascenseurs en même temps qu'une amélioration du service " ; qu'il en résulte que l'argument de l'appelante contestant le rapport de concurrence est inopérant en droit, mais aussi en fait ;

Sur le caractère dénigrant des pratiques et la communication aux usagers :

Considérant que les anomalies relevées lors des examens succincts réalisés par la société Ceci Gama constituent des propos dénigrants ; que les intimées démontrent en effet par la production d'audits opérés, à leur demande, par des spécialistes, tels le bureau Veritas ou l'Apave, que les anomalies relevées sont soit inexactes, soit ne reflètent que des problèmes courants, auxquels les contrats de maintenance ont pour objet de remédier naturellement, sans qu'elles constituent la moindre menace pour la sécurité et ne reflètent une mauvaise maintenance ; que, par exemple, les courriers laissent supposer que les normes de maintenance (EN 13015 et FD P 82 022) ne seraient pas respectées et que les visites de maintenance des intimées, d'une durée inférieure à 60 minutes, seraient trop courtes, alors qu'aucune prescription règlementaire ne vient en règlementer la durée ;

Considérant que si la cour ne dispose pas des éléments qui ont été communiqués aux copropriétés, ces courriers n'étant pas versés aux débats, ni d'ailleurs les examens sommaires, qui auraient été, pourtant, selon l'appelante, librement accessibles sur son site internet, il résulte de la description de la stratégie de Ceci Gama que c'est au vu des constats alarmants opposés aux copropriétés en cause, que celles-ci ont décidé de contracter avec Ceci Gama ; qu'en effet, la société Ceci Gama ne verse aux débats aucun élément permettant d'établir que les vingt-cinq résiliations seraient intervenues, de façon concomitante, pour un autre motif que celui des prétendus dysfonctionnements signalés par elle aux copropriétés ; qu'il résulte en outre des conclusions de la société Ceci Gama elle-même que les constats d'anomalies figuraient sur son site et étaient librement accessibles et qu'une diffusion large n'en était pas exclue ; que la société Ceci Gama menaçait, par ailleurs, ses concurrentes de transmettre les constats unilatéraux, réalisés par elle sans aucune procédure contradictoire, aux associations de consommateurs ;

Considérant que ces pratiques de dénigrement sont d'autant plus graves qu'elles portent sur une matière technique où les préoccupations de sécurité sont essentielles et où les usagers sont d'autant plus vulnérables et captifs des critiques réalisées par des opérateurs se prétendant des spécialistes de l'audit ;

Considérant, par ailleurs, qu'ainsi que l'a souligné le jugement déféré, l'article L. 125-2-3 du Code de la construction et de l'habitation dispose que la personne chargée du contrôle technique des ascenseurs " ne doit avoir aucun lien de nature à porter atteinte à son impartialité et à son indépendance, ni avec le propriétaire qui fait appel à elle, ni avec une entreprise susceptible d'effectuer des travaux sur un ascenseur ou son entretien " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'elle ne peut donc exercer simultanément des missions de contrôle et de prescription ; qu'en l'espèce, la société Ceci Gama, bien que n'intervenant pas dans une mission de contrôle technique, stricto sensu, s'en donne l'apparence trompeuse, sans en supporter les contraintes, puisqu'elle propose aux copropriétés des prestataires agréés par elle, qu'elle n'est pas accompagnée par le prestataire faisant l'objet de l'examen succinct pendant ses contrôles et ne lui communique pas ses rapports, et le met en demeure de remédier à de prétendues anomalies dans le délai extrêmement court et irréaliste d'une semaine ; " qu'il était donc aisé, ainsi que l'ont souligné les Premiers Juges, dans ces conditions, pour Ceci Gama de convaincre les copropriétés, qui n'avaient aucune raison de douter de ses constatations, de lui donner mandat de dénoncer les contrats d'entretien pour manquement grave de l'ascensoriste à ses obligations, afin de pouvoir les faire reprendre par une des sociétés qu'elle présentait opportunément à cet effet au syndic de copropriété " ;

Sur la désorganisation des sociétés Kone et ATS :

Considérant que la preuve de la désorganisation de l'entreprise victime des pratiques n'est requise que lorsque la pratique de concurrence déloyale alléguée consiste dans le débauchage de salariés ou de clientèle ; qu'ici, le débauchage de clientèle est directement la conséquence de la pratique de dénigrement pour la démonstration de laquelle la preuve de ce que l'entreprise a été désorganisée n'est pas exigée ; qu'au demeurant, une telle preuve est également rapportée ; qu'en effet, si la cour ne peut mesurer les effets des pratiques en cause, ne connaissant pas le nombre de copropriétés perdues à la suite du dénigrement par les sociétés Kone et ATS, à l'exception des 22 signalées pour Kone et trois pour ATS, dans la présente affaire, la perte de ces copropriétés, dont la part dans le chiffre d'affaires des intimées n'est pas indiquée, est intervenue sur une courte période, témoignant d'une stratégie systématique d'éviction de ces deux sociétés pour les contrats de maintenance en cours ; que la désorganisation provient de l'incertitude dans laquelle les deux prestataires de maintenance étaient tenus, quant à la résiliation de leur contrat ; qu'en effet, aucun mandat ne leur a jamais été communiqué, qui aurait habilité la société Ceci Gama à résilier le contrat de maintenance pour le compte de ses clients ; qu'ainsi, ces deux sociétés se considéraient comme encore liées par le contrat de maintenance les liant à ces clients et ne pouvaient, pourtant, librement accéder aux ascenseurs, une autre entreprise ayant déjà été investie de la maintenance à leur place ; qu'en effet, les intimées démontrent que les prestataires recommandés par Ceci Gama étaient dans les lieux ou réalisaient des prestations avant même la résiliation effective des contrats de Kone ou ATS, s'agissant notamment des copropriétés de Montigny Le Bretonneux, de Versailles, Vanves, Fontenay Le Fleury et Paris Xvème ; que cette incertitude était source de désorganisation et était également de nature à entraîner la mise en jeu de leur responsabilité, si un accident s'était produit pendant cette période de flou juridique ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le jugement déféré doit être confirmé sur l'existence d'une pratique de dénigrement imputable à la société Ceci Gama au détriment des sociétés Kone et ATS ;

Sur les préjudices :

Considérant que les sociétés victimes demandent réparation pour leur préjudice matériel constitué par la perte de clientèle, leur préjudice économique constitué par la perte de chance de signer de nouveaux contrats avec les syndics concernés, pour trouble commercial, et préjudice moral pour atteinte à leur image et à leur réputation.

- Sur le préjudice subi du fait des résiliations :

Considérant que la société Kone demande le paiement des sommes restant dues sur les contrats résiliés, ainsi que les sommes qui auraient dues lui être payées jusqu'à la fin des contrats, soit la somme globale de 113 393,75 euros ;

Considérant que si la société Ceci Gama prétend que sa responsabilité ne saurait être engagée, étant un tiers aux contrats de maintenance résiliés, il convient de souligner que sa responsabilité est recherchée sur le fondement délictuel, et non contractuel et que sa faute a entraîné, pour la société Kone, la résiliation anticipée de ses contrats ;

Considérant que la société Kone expose à juste titre que la réduction de 20 % pratiquée par le tribunal de commerce sur son chiffre d'affaires, dont elle a été privée au titre des mensualités perdues, au motif que les prestations de maintenance n'ont pas été exécutées et donc qu'aucun coût n'a été exposé, ne saurait s'appliquer aux sommes échues impayées, pour lesquelles les prestations ont bien été effectuées ; que le jugement entrepris sera donc infirmé sur ce point et la société Ceci Gama condamnée à payer à la société Kone la somme de 98 214,60 euros, correspondant à la somme de 37 632,97 euros de factures échues impayées et de 80 % de 75 760,78 euros (au titre des mensualités perdues) ; que le jugement sera en revanche confirmé en ce qu'il a condamné la société Ceci Gama à payer la somme de 5 995 euros à la société ATS ;

- Sur la perte de chance de signer de nouveaux contrats de maintenance :

Considérant que la campagne de dénigrement menée auprès des syndics de copropriétés a nécessairement eu un impact plus large que les résiliations décrites plus haut ; qu'en effet, les syndics gérant plusieurs copropriétés sont nécessairement influencés dans leur gestion de toutes les copropriétés, même si la pratique de dénigrement n'a directement visé qu'une seule d'entre elles ; que la cour dispose des éléments nécessaires pour évaluer cette perte de chance à la somme de 30 000 euros pour la société Kone et 1 750 euros pour ATS ;

- Sur l'atteinte à l'image :

Considérant que les pratiques de dénigrement portent nécessairement atteinte à l'image des sociétés qui en sont victimes ; que la campagne menée a discrédité les deux sociétés auprès des administrateurs d'immeubles en général ; qu'en l'absence de chiffrage précis de ce préjudice, la cour dispose des éléments suffisants pour évaluer ce préjudice à la somme de 20 000 euros pour la société Kone et 2 000 euros pour la société ATS ;

Considérant que le jugement déféré sera donc confirmé sur le quantum global de l'indemnisation pour perte de chance et atteinte à l'image, qualifiée par celui-ci de " préjudice commercial " ;

- Sur le trouble commercial pour désorganisation de l'entreprise :

Considérant que si les deux intimées prétendent qu'elles ont dû mobiliser du personnel pour gérer la période de désorganisation de l'entreprise, et intervenir sur leurs ascenseurs, dans l'incertitude de la résiliation des contrats de maintenance en cours, elles n'apportent aucun commencement de preuves pour établir ce préjudice et seront donc déboutées de cette demande, ainsi que l'ont également jugé les Premiers Juges ;

- Sur la demande d'injonction et de publication :

Considérant qu'il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a enjoint à la société Ceci Gama de cesser ses pratiques ; que cependant, preuve n'est pas rapportée de la continuation des pratiques de dénigrement ; que l'injonction ne sera donc pas prolongée ;

Considérant en outre qu'il n'y a pas lieu d'ordonner la publication d'extraits du présent arrêt, compte tenu des circonstances de l'espèce et de l'incertitude sur la continuation des pratiques litigieuses ;

- Sur le site internet :

Considérant qu'il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande tendant à voir ordonner à la société Ceci Gama de retirer de son site internet des propos dénigrants ou les comparatifs des prestataires, aucun dénigrement ne ressortant des pièces versées aux débats ;

Sur la demande de Ceci Gama pour procédure abusive :

Considérant que cette demande sera rejetée, faute de toute démonstration d'un abus du droit d'ester en justice des deux intimées et le jugement sera aussi confirmé sur ce point ;

Par ces motifs : Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a condamné la société Ceci Gama à verser à la société Kone la somme de 84 719 euros , L'infirme sur ce point, et, statuant à nouveau Condamne la société Cariatys à payer à la société Kone la somme de 98 214,60 euros, y ajoutant, Rejette la demande de publication d'extraits de l'arrêt à intervenir, Rejette la demande tendant à voir prolonger l'injonction de cesser les pratiques, Déboute les parties du surplus de leurs demandes, Condamne la société Cariatys aux dépens d'appel qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, La Condamne à payer à la société Kone la somme de 5 000 euros et à la société ATS la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.