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Décisions

Cass. crim., 5 novembre 1998, n° 97-81.591

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gomez

Rapporteur :

M. de Mordant de Massiac

Avocat général :

M Amiel

Avocats :

SCP Piwnica, Molinie

Toulouse, 3e ch., du 6 février 1997

6 février 1997

LA COUR : - Statuant sur les pourvois formés par :- Y... Pierre, - X... Blandine, épouse Y..., contre l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse, 3e chambre, du 6 février 1997, qui, pour organisation de loteries prohibées et tenue d'une maison de jeux de hasard, les a condamnés à 8 mois d'emprisonnement avec sursis et 50 000 francs d'amende, a ordonné la publication et l'affichage de la décision ainsi que la fermeture de l'établissement ; - Joignant les pourvois en raison de leur connexité ; - Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-4 du Code pénal, 1 et 6 de la loi du 31 mai 1836, 1er de la loi du 27 janvier 1988, 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, défaut de réponse à conclusions ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré les demandeurs coupables d'organisation de loteries prohibées ;

"aux motifs repris des premiers juges, d'une part, que la SARL des lotos de la Vialette organise toute l'année, à la demande en principe de diverses associations, des jeux de lotos, à une fréquence de quatre fois par semaine, dans des salles louées à la SCI la Vialette et à un particulier, pour un loyer mensuel global de 20 000 francs ; aux termes d'un contrat signé entre la SARL et l'Association, celle-ci bénéficie d'un forfait de 600 francs outre d'une somme constituée par la différence entre le chiffre d'affaires réalisé au cours de la soirée et les frais de fonctionnement de la SARL (publicité, location des salles, achats des lots, stockage, frais de transport et prestations de services) ; dans ce cadre, Pierre Y..., responsable de l'organisation matérielle des lotos, se charge de faire la publicité pour l'association commanditaire sur le Tarn Libre, achète les cartons de jeux dont il fixe le prix, se procure les lots qu'il détermine librement avec son épouse, organise le ramassage des participants aux lotos en traitant avec des entreprises de transports qui se déplacent dans plusieurs départements et le soir venu, se charge avec sa fille de la tenue de la caisse ; que l'importance des moyens mis en œuvre pour l'organisation des lotos, par les dirigeants de la SARL les lotos de la Vialette, tels que la location de deux salles permettant le rassemblement de 800 personnes et en accueillant une moyenne de 400 ou 600 lors de chaque séance, l'organisation d'un service de transports interdépartementaux, la haute fréquence du nombre de lotos (4 par semaine), la disparité des participants dépassant et de très loin les seuls membres des associations servant de support à la réalisation des lotos, s'inscrit dans le cadre d'une activité de type industriel, totalement étrangère à la notion de lotos traditionnels telle que définie par l'article 6 de la loi du 21 mai 1836 ; que cette activité, par son ampleur, sa complexité et le but recherché, bien différent de celui d'une simple animation locale mais davantage la réalisation d'importants profits, concrétise au contraire l'organisation par les prévenus des loteries prohibées par l'article 1er de ce même texte ;

"aux motifs propres, d'autre part, que les associations clientes des prévenus ne peuvent être considérées comme les organisatrices des lotos, ceux-ci constituant en réalité une activité purement commerciale, totalement incompatible avec les objectifs des lotos traditionnels définis et autorisés par l'article 6 de la loi du 21 mai 1836 ;

"alors que la notion de cercle restreint autorisant, aux termes de l'article 6 de la loi du 21 mai 1836, l'organisation de loteries concerne la fréquentation par les gens du cru et des départements limitrophes et qu'un rassemblement de 400 à 600 personnes amenées par un service de transports interdépartementaux caractérise un tel cercle restreint au sens du texte susvisé ;

"alors que la notion d'animation locale autorisant, aux termes de l'article 6 de la loi du 21 mai 1836, l'organisation de loteries est applicable au jeu de lotos relevant de la tradition du Sud-Ouest auquel les participants se rendent ensemble et que l'arrêt qui relevait expressément que les participants se rendaient ensemble à de tels jeux à Marssac-sur-Tarn par autocar, ne pouvait, sans méconnaître le texte susvisé, entrer en voie de condamnation du chef de loteries prohibées à l'encontre des demandeurs ;

"alors que, pour échapper à l'interdiction des loteries, la valeur des lots dans les lotos traditionnels ne doit pas dépasser, en application des dispositions combinées des articles 6 de la loi du 21 mai 1836 et 1er de la loi du 27 janvier 1988, la somme de 2 500 francs et que l'arrêt, qui ne constatait pas que les époux Y... aient dépassé ce plafond, ne pouvait, sans violer les textes susvisés, entrer en voie de condamnation à leur encontre ;

"alors que le principe de légalité impose au juge d'interpréter strictement la loi pénale ; que l'article 6 de la loi du 21 mai 1836 ne prohibe aucunement les loteries organisées par des commerçants ayant pour objet la réalisation de bénéfices dès lors qu'elles ont un but d'animation locale et que la valeur des lots ne dépasse pas le plafond fixé par la loi et que, dès lors, en se référant à un critère qui n'était pas compris dans les prévisions du législateur, la cour d'appel a violé le principe susvisé ;

"alors que l'article 6 de la loi du 21 mai 1836 ne limite pas davantage la fréquence des loteries qu'elle autorise et que, dès lors, en introduisant à nouveau dans la loi un critère qui n'y était pas compris, la cour d'appel a derechef méconnu le principe de l'application stricte de la loi pénale en sorte que la cassation est encourue" ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1er et 3 de la loi du 12 juillet 1983, relative aux jeux de hasard, 6 de la loi du 21 mai 1836, 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré les demandeurs coupables de participation à la tenue d'une maison de jeux de hasard ;

"alors que l'article 1er de la loi du 12 juillet 1983 réprime le fait de participer à la tenue d'une maison de jeux de hasard où le public est librement admis et que, dès lors que les conditions de l'article 6 de la loi du 21 mai 1836 sont remplies, le public, en raison de son caractère restreint, ne saurait être considéré comme librement admis au sens de la loi du 12 juillet 1983 ; que tel est le cas en l'espèce et que, dès lors, la cassation est encourue" ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3 du Code pénal, 339 de la loi du 16 décembre 1992 dite "d'adaptation", 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré les demandeurs coupables d'organisation de loteries prohibées et de participation à la tenue d'une maison de jeux de hasard, sans constater l'élément intentionnel des infractions poursuivies et retenues à leur encontre" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer qu'après avoir répondu, comme elle le devait, aux conclusions dont elle était saisie, la cour d'appel a caractérisé en tous leurs éléments constitutifs les délits d'organisation de loteries prohibées et de tenue d'une maison de jeux de hasard, dont elle a reconnu les prévenus coupables ;

Que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ne peuvent qu'être écartés ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette les pourvois.