Livv
Décisions

Cass. com., 29 janvier 2013, n° 11-28.924

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Bureaux de l'épargne (SAS)

Défendeur :

Banque de gestion privée Indosuez (SA), AFER (GIE)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Rapporteur :

Mme Riffault-Silk

Avocats :

SCP Bénabent, SCP Roger, Sevaux

Paris, pôle 5 ch. 5, du 13 oct. 2011

13 octobre 2011

LA COUR : - Donne acte à la société Les Bureaux de l'épargne du désistement de son pourvoi formé à l'encontre de la Banque de gestion privée Indosuez ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 octobre 2011), que l'Association française épargne et retraite (AFER) a conclu avec les sociétés d'assurance Aviva et Sev un contrat collectif d'assurance sur la vie dénommé "Compte à versements et retraits libres AFER" auxquels souscrivent les membres de l'association, la gestion administrative de ces contrats étant déléguée au Groupement d'intérêt économique GIE AFER (le GIE) ; que le 28 septembre 1998, le GIE a conclu avec certains apporteurs AFER un accord collectif instituant une commission annuelle sur les encours ; que la société Les Bureaux de l'épargne (la société LBE) agréée par le GIE en qualité d'apporteur pour les contrats AFER le 27 septembre 2004, a ratifié cet accord le 28 septembre 2004 ; qu'ayant acquis le 5 août 2005 de la Banque de gestion privée Indosuez (la BGPI) un portefeuille d'adhérents souscripteurs des formules d'assurance-vie de l'AFER, la société LBE a réclamé un commissionnement sur la totalité de son encours comprenant ce portefeuille et, dénonçant des pratiques discriminatoires, a assigné le GIE et la BGPI en paiement ;

Sur le premier moyen : - Attendu que la société LBE reproche à l'arrêt d'avoir rejeté l'intégralité de ses demandes, alors, selon le moyen : 1°) qu'à la suite d'une cession de créance, le cessionnaire bénéficie des droits issus de cette cession auxquels s'ajoutent ses droits personnels à l'encontre du débiteur cédé ; qu'en l'espèce, la lettre rédigée par le GIE AFER et contresignée par la société LBE le 28 septembre 2004, par laquelle cette dernière déclarait avoir pris connaissance et adhérer sans réserve à l'accord du 28 septembre 1998, a conféré à la société LBE un droit propre et personnel à l'obtention d'une commission sur encours à l'encontre du GIE AFER ; qu'à ce droit personnel de la société LBE à commission d'encours se sont ajoutés les droits tirés de la cession de portefeuille du 5 août 2005 ; qu'il en résulte qu'à compter du 5 août 2005, la société LBE devait bénéficier, en vertu d'un droit propre et personnel, d'un droit à commission d'encours sur le portefeuille d'assurance vie acquis de la BGPI, peu important que la BGPI ne disposât pas elle-même d'un droit à commission d'encours ; qu'en rejetant pourtant la demande de la société LBE en paiement de commissions d'encours en relevant que la cession de créance ne produisait pas d'effet novatoire de sorte que la société LBE ne pouvait disposer de davantage de droits que la société BGPI, cependant que la société LBE avait un droit propre à commission d'encours indépendamment de la cession, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et violé l'article 1689 du Code civil ; 2°) que l'article 2 de l'accord du 28 septembre 1998, modifié par circulaire du 27 juillet 2007, prévoyait "les parties conviennent qu'une commission sur encours sera mise en place, en lieu et place de la rémunération sur accroissement d'encours définie par le courrier du GIE du 30 mars 1998, au profit des apporteurs qui approuvent le présent texte " ; que la société LBE a adhéré à l'accord du 28 septembre 1998 par lettre du 28 septembre 2004 ; qu'il résultait ainsi des termes clairs et précis de l'accord du 28 septembre 1998 et de la lettre du 28 septembre 2004 que la société LBE avait un droit propre à commission sur encours ; qu'en rejetant pourtant la demande de la société LBE en paiement de commission d'encours en relevant que le droit à commission d'encours ne pouvait "concerner que la clientèle que l'appelante possédait déjà et la clientèle apportée ultérieurement au GIE par le travail de prospection de la SAS Les Bureaux de l'Epargne, à l'exclusion de la clientèle récupérée dans le portefeuille BGPI", la cour d'appel a ajouté une restriction au droit de la société LBE à commissionnement sur encours qui n'était nullement stipulée et dénaturé l'accord du 28 septembre 1998, en violation de l'article 1134 du Code civil ; 3°) que pour rejeter la demande de la société LBE en paiement de commissions d'encours, la cour d'appel a fait application de la circulaire du 7 février 2006 qui prévoyait qu'en cas de "décodification", les assurances vies qui ne donnaient pas lieu à commissionnement sur encours au profit du premier intermédiaire ne pouvaient générer que des commissionnements sur accroissement d'encours au bénéfice du second courtier ; qu'en retenant ainsi qu'il y avait lieu de faire application des règles de la décodification à la cession de portefeuille d'assurances vie conclue entre la BGPI et la société LBE cependant que cette procédure n'était applicable qu'aux décodifications individuelles, c'est-à-dire les cas où un adhérent désire, à titre personnel, changer d'intermédiaire, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient, par une application souveraine des usages invoqués par les parties et par une interprétation souveraine des accords intervenus et de leurs textes d'application, que l'imprécision de leurs termes rendait nécessaire, qu'en vertu des usages du courtage, le droit à commission est celui dû au courtier apporteur d'une police, tant au titre des primes initiales qu'au titre de celles ultérieurement versées, et qu'en cas de cession d'un portefeuille de courtage d'assurance, il est fait application des règles de calcul spécifiques en matière de "décodification", opération par laquelle l'adhésion recueillie par un apporteur est rattachée à un autre apporteur et recodifiée à son profit, ainsi que le précise la Charte du correspondant à laquelle la société LBE a adhéré ; qu'il relève encore que la BGPI, cédante du portefeuille en cause, ne disposait pas d'un droit à commission sur les encours, ce dont la société LBE cessionnaire était informée, et que la cession par le courtier initial, créateur des polices apportées aux assureurs ne saurait emporter une quelconque novation au mode de détermination de la contrepartie qui lui avait été consentie au titre de cette opération d'intermédiation, les modalités de commissionnement du cessionnaire au titre du portefeuille cédé restant celles qui avaient été consenties au courtier apporteur, qu'il s'agisse du taux des commissions d'acquisition ou de l'éventuel droit à commissionnement sur encours ; que de ces constatations et appréciations exemptes de dénaturation, la cour d'appel a pu déduire que la société LBE ne pouvait se prévaloir d'un droit à commissionnement sur encours au titre du portefeuille cédé ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen : - Attendu que la société LBE fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes tendant à la constatation des conditions discriminatoires pratiquées par le GIE à son égard, alors, selon le moyen : 1°) que la société LBE faisait valoir dans ses conclusions qu'elle était victime de pratiques discriminatoires dans la mesure où des établissements bancaires bénéficiaient de commissions sur encours versées par le GIE cependant que ces commissions lui étaient refusées par le GIE, s'agissant des assurances-vie du portefeuille cédé par la BGPI, au prétexte qu'elles ont été souscrites par l'intermédiaire d'un établissement bancaire ; qu'en rejetant pourtant la demande de la société LBE en paiement de dommages-intérêts pour pratiques discriminatoires sans répondre à ce moyen déterminant, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ; 2°) que le droit à commission de l'intermédiaire d'assurance trouve sa cause dans les primes payées par les souscripteurs démarchés par le courtier, et non dans les peines ou démarches du courtier ; que le droit à commission ne peut donc varier selon les efforts consacrés par les intermédiaires à la diffusion des contrats d'assurances, mais selon le montant des primes dont ils font bénéficier l'assureur ; qu'en l'espèce, pour retenir que le refus du GIE AFER de verser des commissions d'encours relativement au portefeuille acquis auprès de la BGPI n'était pas discriminatoire, la cour d'appel a retenu que l'instauration du commissionnement sur encours avait pour contrepartie les diligences particulières qui sont réalisées par les courtiers en assurances et non par les établissements bancaires pour qui la présentation de contrats d'assurance-vie n'est qu'une activité annexe ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'à supposer même que les établissements bancaires ne fassent pas preuve d'autant d'efforts que les courtiers en assurance, leur droit à commission ne pouvait dépendre des efforts fournis mais du montant de primes dont ils faisaient bénéficier la compagnie, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6 du Code de commerce ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé que les modalités de commissionnement du cessionnaire restaient, au titre du portefeuille cédé, celles qui avaient été consenties au courtier apporteur, la cour d'appel n'était pas tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes ;

Et attendu, d'autre part, que l'arrêt retient que la différence de traitement pratiquée entre les apporteurs est justifiée par les investissements et efforts particuliers consacrés par les apporteurs assurant principalement la diffusion du contrat AFER tandis qu'il s'agit d'une activité accessoire pour les établissements bancaires et financiers restés étrangers à l'accord en cause, et que ce commissionnement a pour contrepartie déclarée l'engagement de ses signataires d'œuvrer à l'accroissement de la diffusion et de l'épargne ainsi recueillie ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations faisant ressortir l'existence de contreparties réelles fournies par les apporteurs bénéficiaires du commissionnement complémentaire institué par l'accord du 28 septembre 1998 et ses textes d'application, la cour d'appel a pu statuer comme elle a fait ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.