CA Pau, 2e ch. sect. 1, 31 janvier 2013, n° 11-03787
PAU
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Action Pin (SA)
Défendeur :
Spring (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Bui-Van
Conseillers :
Mme Claret, M. Scotet
Avocats :
SCP Longin-Longin Dupeyron-Mariol, SCP Duale-Ligney, Mes Declety, Dat
Vu l'appel interjeté le 21 octobre 2011 par la société Action Pin à l'encontre du jugement rendu par le Tribunal de commerce de Bayonne le 12 septembre 2011,
Vu l'ordonnance de clôture en date du 20 juin 2012 pour la fixation de l'affaire à l'audience du 1er octobre 2012.
Vu les conclusions de la société Action Pin SA en date du 8 août 2012,
Vu les conclusions de la SARL Spring en date du 20 août 2012,
Vu le renvoi à l'audience du 5 novembre 2012,
Vu le rabat de l'ordonnance de clôture au 5 novembre 2012 sur accord des parties,
La société Action Pin SA est spécialisée dans la fabrication et la commercialisation des produits désinfectants à usage de professionnels et de particuliers sous deux marques "Le Vrai Professionnel" et "Saniterpen".
La SARL Spring fabrique des insecticides et des désinfectants à l'usage de particuliers dont deux sont commercialisés sous les noms de Subito Bacto S et Subito Bacto New.
Arguant d'actions déloyales de la part de la SARL Spring, par la commercialisation de produits sans autorisation de mise sur le marché, de produits contenant des substances interdites et de produits ne respectant pas les dispositions légales et réglementaires en matière d'étiquetage, la société Action Pin SA a fait assigner la SARL Spring devant le Tribunal de commerce de Bayonne aux fins principales de retrait des produits Subito Bacto S et Subito Bacto New du marché et de condamnation à des dommages et intérêts.
Par jugement rendu le 12 septembre 2011, auquel il est expressément référé pour le rappel des faits et de la procédure, le Tribunal de commerce de Bayonne :
- a reçu les parties en leurs demandes, fins et conclusions,
- in limine litis, s'est déclaré territorialement compétent mais s'est limité à l'éventuel préjudice lié au produit Subito Bacto S,
- a rejeté toutes les demandes de la société Action Pin SA,
- condamné la société Action Pin SA à régler à la SARL Spring la somme de 5 000 euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- a condamné la société Action Pin SA à régler à la SARL Spring la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- a rejeté comme inutiles et non fondées toutes autres demandes contraires des parties,
- a condamné la société Action Pin SA aux entiers dépens.
La société Action Pin SA demande à la cour d'appel :
- d'ordonner le rabat de l'ordonnance de clôture prononcée le 20 juin 2012 et ce au regard des conclusions signifiées par la société Spring le 19 juin 2012 et du respect du principe du contradictoire et des droits de la défense,
- de déclarer recevable et bien fondé l'appel interjeté par la société Action Pin à l'encontre du jugement du Tribunal de commerce de Bayonne du 12 septembre 2011,
- de réformer le dit jugement et statuant de nouveau,
vu les articles 1382 et 1383 du Code civil, vu les règlements CE n° 2032-2003, vu la loi du 2 novembre 1943 telle que modifiée, vu le décret du 26 Février 2004 et le Code de l'environnement, vu l'arrêté du Ministère de l'Ecologie et du Développement durable du 19 mai 2004, vu la loi du 1er août 2008, vu les articles 46 et 75 du Code de procédure civile, 649 et 112 du Code de procédure civile,
- de déclarer irrecevable et subsidiairement mal fondée l'exception d'incompétence formée par la SARL Spring,
- de se déclarer territorialement compétent pour statuer sur l'entier litige opposant la société Action Pin SA à la SARL Spring,
- de condamner la SARL Spring à retirer des circuits de commercialisation et des lieux de vente les produits Subito Bacto S et Subito Bacto New tels que visés au procès-verbal de constat de Maître Samson, huissier de justice, du 19 mai 2009 et au procès-verbal de la SCP Pennes & Noel, huissier de justice, du 13 juillet 2010, ce sous astreinte de 5 000 euro par infraction constatée sur le territoire français commençant à courir quinze jours après la signification de l'arrêt à intervenir,
- de condamner la SARL Spring à payer à la société Action Pin SA des dommages et intérêts d'un montant de 80 000 euro,
- d'ordonner la publication de l'arrêt à intervenir soit en totalité soit par extraits dans trois journaux au choix de la société Action Pin SA et ce aux frais de la SARL Spring et dans la limite de 10 000 euro HT,
- de condamner la SARL Spring aux entiers dépens de la procédure y compris les coûts du procès-verbal de constat du 19 mai 2009 et du procès-verbal du 13 juillet 2010,
- de condamner la SARL Spring à payer à la société Action Pin SA une indemnité de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- de déclarer irrecevables et mal fondées toutes demandes et prétentions de la SARL Spring.
La société Action Pin soutient que l'exception d'incompétence territoriale soulevée par la société Spring était irrecevable, la société Spring ne désignant pas une seule juridiction devant laquelle elle souhaitait que la procédure soit renvoyée mais deux juridictions : Tarascon et Perpignan.
La société Action Pin SA fait ensuite valoir que son action est une action délictuelle fondée sur les articles 1382 et 1383 du Code civil, rendant compétente la juridiction du lieu du fait dommageable et selon elle, les produits Subito sont commercialisés dans le ressort du Tribunal de commerce de Bayonne.
La société Action Pin SA soutient que les actes commis par la SARL Spring constituent des actes de concurrence déloyale, car en commercialisant des produits sans respecter les réglementations et prohibitions légales, elle perturbe le marché, se plaçant dans une situation anormalement favorable vis-à-vis de ses concurrents.
La société Action Pin SA fait valoir que le non-respect d'une réglementation est habituellement retenu comme constituant une faute qui justifie une condamnation pour concurrence déloyale.
Selon la société Action Pin SA, la fabrication et la commercialisation des produits antiparasitaire à usage agricole et de produits contenant des substances actives et biocides est encadrée par une réglementation d'ordre public telle que fixée par la loi du 2 novembre 1943, le décret du 26 février 2004, le Code de l'environnement, l'arrêté du Ministère de l'Ecologie et du Développement durable du 19 mai 2004.
La société Action Pin SA souligne également que depuis le 1er septembre 2006, l'huile de pin est formellement interdite en tant que substance active dans la composition des produits biocides qu'ils soient à usage ménager ou professionnels.
La société Action Pin SA cite les non conformités des produits Subito Bacto S et Subito Bacto New et formule trois griefs envers la SARL Spring :
- utilisation de produits interdits (huile de pin),
- absence d'autorisation de mise sur le marché auxquels sont soumis les produits biocides en vertu de la loi du 1er août 2008, et pas uniquement ceux à usage agricole,
- défauts d'étiquetage.
La SARL Spring demande à la cour d'appel :
- d'ordonner le rabat de l'ordonnance de clôture prononcée le 20 juin 2012 et ce au regard des pièces signifiées par la SARL Spring le 19 juin 2012, des conclusions signifiées le 8 août 2012 et du respect du principe du contradictoire et des droits de la défense,
- vu les articles 32-1, 42, 46 du Code de procédure civile, 1382 et suivants du Code civil et L. 215 et suivants de Code de la consommation,
- vu le procès-verbal dressé par la DGCCRF le 28 Avril 2010,
- de dire et juger que la société Action Pin SA ne démontre pas avoir découvert de produit Subito Bacto New dans le ressort du Tribunal de commerce de Bayonne,
- de dire et juger que la société Action Pin SA est défaillante dans l'administration de la preuve d'une faute de la part de la SARL Spring,
- de dire et juger que la société Action Pin SA est défaillante dans l'établissement d'un lien de causalité entre la faute alléguée et le dommage allégué,
- de débouter la société Action Pin SA de l'ensemble de ses demandes,
- de confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Bayonne le 12 septembre 2011,
- de condamner la société Action Pin SA au paiement de la somme de 5 000 euro au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
La SARL Spring soutient qu'aucun produit Subito Bacto New a été découvert sur le ressort du Tribunal de commerce de Bayonne et que c'est à bon droit que le tribunal de commerce s'est déclaré compétent uniquement pour le produit découvert, le Subito Bacto S.
Selon la SARL Spring la plupart des textes cités par la société Action Pin SA sont inapplicables, les produits saisis étant à usage ménager et non agricole.
Pour la SARL Spring l'action de la société Action Pin SA vise à éliminer un concurrent, en sollicitant le retrait des produits du marché sous astreinte de 5 000 euro par jour de retard.
La SARL Spring fait valoir que la société Action Pin SA ne rapporte pas la preuve d'agissements déloyaux de la part de la SARL Spring, soulevant la portée limitée des procès-verbaux de constat produits.
La SARL Spring souligne que la DCCRF avisée des griefs de la société Action Pin, a contrôlé la SARL Spring et n'a relevé aucune faute ni aucune irrégularité à l'encontre des produits Subito Bacto New et Subito Bacto S.
La SARL Spring fait valoir que seule la DGCCRF peut engager des poursuites quant à l'étiquetage mais qu'en outre, il a été modifié pour satisfaire à la réglementation actuelle.
La SARL Spring soutient que les Autorisations de Mise sur le Marché (AMM) ne concernent que les produits utilisés en matière agricole, comme ceux de la société Action Pin, à la différence des produits commercialisés par la SARL Spring.
La SARL Spring souligne que l'ensemble des produits de sa gamme a été déclaré à l'Institut National de la Recherche et de la Sécurité et que les deux produits incriminés ont fait l'objet d'une déclaration auprès du Ministère du Développement Durable, le 27 juillet 2009.
La SARL Spring fait également valoir que la société Action Pin SA ne dispose pas d'AMM pour le produit Saniterpen Désinfectant.
Concernant l'utilisation de l'huile de pin, la SARL Spring fait valoir que son utilisation est interdite depuis septembre 2007, en tant que subsistance active pour les produits biocides, mais que son utilisation reste possible en tant qu'adjuvant en raison de ses propriétés odorantes.
La société Spring souligne qu'elle n'utilise l'huile de pin que pour ses qualités odorantes et que les étiquettes mentionnent effectivement "parfum pin".
Enfin la société Spring soutient l'absence de dommage et d'un lien de causalité entre les faits reprochés et un préjudice non établi.
La société Spring sollicite la confirmation du jugement du tribunal de commerce en ce qu'il a condamné la société Action Pin SA au paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive, au regard de la mauvaise foi et de la malice de la société Action Pin SA.
Au-delà de ce qui sera repris pour les besoins de la discussion et faisant application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la cour entend se référer, pour l'exposé plus ample des moyens et prétentions des parties, aux dernières de leurs écritures ci-dessus visées.
MOTIFS
Au regard de l'accord des parties qui ont conclu les 8 et 20 août 2012, le rabat de l'ordonnance de clôture est ordonné et l'ordonnance de clôture est fixée au 5 novembre 2012.
Sur l'exception d'incompétence soulevée par la SARL Spring
L'article 75 du Code de procédure civile dispose que la partie qui soulève l'incompétence de la juridiction saisie, doit à peine d'irrecevabilité la motiver et faire connaître dans tous les cas devant quelle juridiction elle demande que l'affaire soit portée.
Si le demandeur à une exception d'incompétence doit désigner une seule juridiction, il est admis que s'il se prévaut d'une option de compétence, il peut désigner plusieurs juridictions.
En l'espèce il existe une option de compétence entre la juridiction du lieu où demeure le défendeur et la juridiction du lieu du fait dommageable ou dans le ressort de laquelle le dommage a été subi.
A l'appui de sa demande, la société Action Pin SA produit deux procès-verbaux de constat de la présence des produits incriminés, un procès-verbal dressé à Saint-Estève (Pyrénées Orientales) et un procès-verbal dressé à Bayonne.
La SARL Spring désigne comme juridictions compétentes Tarascon, au regard de son siège social, et Perpignan.
L'exception soulevée par la SARL Spring est donc recevable et le jugement du tribunal de commerce sera confirmé à ce titre.
En matière de concurrence déloyale, est compétente la juridiction dans le ressort de laquelle les produits litigieux sont offerts à la vente.
En l'espèce le procès-verbal dressé par la SCP Pennes et Noel le 13 juillet 2010 dans les locaux de la SARL Cometgrains à Bayonne, établit la vente de Subito Bacto S sur Bayonne, il s'agit d'un fait dommageable tel qu'exigé par l'article 46 du Code de procédure civile.
Il est constant que la compétence territoriale d'une juridiction peut résulter du lieu où s'est produit même partiellement le dommage, peut important que le dommage se soit également produit dans le ressort d'autres tribunaux.
Le Tribunal de commerce de Bayonne était donc compétent pour statuer sur l'entier litige qui lui était soumis par la société Action Pin SA.
Le jugement du Tribunal de commerce de Bayonne sera infirmé en ce qu'il s'est déclaré compétent uniquement pour le Subito Bacto S.
Sur les demandes de la société Action Pin SA
1°) Sur l'existence d'une concurrence déloyale
La société Action Pin SA agissant sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, doit établir l'existence d'un fait générateur, d'un dommage et du lien de causalité entre la faute et le dommage subi.
- le fait générateur
Il est constant qu'un manquement à une obligation légale par une entreprise, ainsi que le non-respect d'une réglementation peuvent constituer une faute justifiant une condamnation pour concurrence déloyale, en ce que ce comportement perturbe le marché de par la situation plus favorable dans laquelle cette entreprise se trouve par rapport à celles qui respectent la réglementation.
En l'espèce, la société Action Pin SA a pour objet la production, la commercialisation de produits destinés en particulier aux domaines du nettoyage, de la désinfection et du traitement phytosanitaire.
Ses produits sont à destination des professionnels et du grand public.
La SARL Spring a pour objet la fabrication, la distribution et l'application de produits d'entretien, d'hygiène et de désinfection, duplication par offset, l'acquisition et la vente de ces produits.
Ses produits sont à destination des particuliers.
Selon la société Action Pin SA, la SARL Spring commercialise des produits sans autorisation de mise sur le marché, avec un étiquetage non conforme à la législation et utilise de l'huile de pin en tant que subsistance active alors que cette utilisation est interdite.
La commercialisation et l'utilisation des produits biocides sont encadrées par les articles L. 522-1 à L. 522-18 du Code de l'environnement, par le décret n° 2004-187 du 26 février 2004, l'arrêté du 19 mai 2004.
Cette réglementation issue de la législation européenne a pour but la protection des personnes pouvant être en contact avec ces produits souvent utilisés dans des pesticides, insecticides, et désinfectants ménagers.
De par le danger de ces produits, leur mise sur le marché est contrôlée ainsi que leur étiquetage, aux fins d'information des utilisateurs.
L'usage de certains produits est interdit, c'est le cas de l'huile de pin ; la mise sur le marché de produits biocides comportant de l'huile de pin comme substance active est interdite depuis le 1er septembre 2006 et l'utilisation de ces produits est interdite depuis le 1er septembre 2007 (pièce 20 de la société Action Pin SA).
Pour certains produits l'autorisation de mise sur le marché (AMM) est nécessaire.
La liste de ces produits et leur classification figure dans un tableau établi par le Ministère de l'Ecologie du développement et de l'aménagement durables.
Ce tableau stipule les produits pour lesquels une autorisation est nécessaire avant la mise sur le marché, pendant la période transitoire avant la mise en place des AMM biocides.
Il apparaît que les produits de type 2 ne sont pas soumis à autorisation, sauf les produits utilisés pour la désinfection des locaux matériels de transport et de stockage des ordures et déchets quand les produits sont destinés aux professionnels ou à un public mixte.
Les produits de type 18 ne sont soumis à autorisation que s'ils sont destinés à des professionnels ou à un public mixte, ou pour les insecticides d utilisés en élevage, et dans des lieux de stockage, transport et préparation de l'alimentation humaine et animale.
Les produits commercialisés par la SARL Spring sont des produits biocides de types 2 et 18, c'est-à-dire des désinfectants utilisés dans le domaine privés et dans le domaine de la santé publique et autres produits biocides, insecticides, acaricides et produits utilisés pour lutter contre les autres arthoporodes.
L'utilisation de ces produits, tel que cela ressort des étiquettes est une utilisation diluée dans l'eau aux fins de nettoyage de surfaces dans le but de désinfecter les locaux, les murs, avec une action insecticide.
Si une utilisation est indiquée pour la désinfection des gaines de vide ordure, il est patent qu'il ne s'agit pas d'un des produits visés par l'article 9 de la loi du 1er août 2008 au titre des produits biocides destinés à l'assainissement et au traitement antiparasitaire des locaux, matériels, véhicules, emplacements et dépendances utilisés pour la collecte, le transport et le traitement des ordures ménagères et les déchets d'origine animale ou végétale.
Les produits commercialisés par la SARL Spring sont à destination des particuliers et non des professionnels.
La SARL Spring justifie de déclarations de produits biocides pour le Subito Bacto S et subito Bacto New.
La SARL Spring produit un courrier en date du 10 juin 2011 émanant de la Préfecture des Bouches du Rhône duquel il ressort que ces produits sont destinés à un usage grand public, que le produit Bacto S n'est pas classé comme toxique ce qui autorise sa commercialisation auprès du public et que le produit Bacto new ne contient pas de substance classée toxique.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la législation citée par la société Action Pin SA quant à l'AMM n'est pas applicable aux produits commercialisés par la SARL Spring sous les noms de Subito Bacto S et Subito Bacto new.
Cependant, il résulte des déclarations faites le 27 juillet 2007 par la société Spring quant à ces produits, qu'ils contiennent comme substance active de l'huile de pin, substance interdite depuis le 1er septembre 2006.
La déclaration faite le 8 Mars 2011 pour le Subito Bacto S mentionne encore comme substance active l'huile de pin.
Les produits objets des procès-verbaux de constat tant du 19 mai 2009 que du 13 juillet 2010 portent sur leurs étiquettes : "à l'huile de pin" (pièces 12 et 18 de la société Action Pin SA).
Le Subito Bacto new porte mention sur son étiquette : matière active : 100g/l d'huile de pin et le Subito Bactto S : 50gr/d'huile de pin.
Il est constant que la SARL Spring se trouvait donc en infraction avec la législation concernant l'interdiction de l'utilisation de l'huile de pin comme substance active.
Les étiquettes produites par la SARL Spring sont datées de juillet 2010 et là effectivement il est mentionné "parfum pin". Il s'agit de la commande des étiquettes et non d'étiquettes effectivement utilisées.
Concernant les étiquettes, l'arrêté du 19 mai 2004 précise les mentions obligatoires qu'elles doivent porter sur les dangers des produits et sur les précautions à prendre.
La cour remarque que le procès-verbal dressé par la DGCCRF a trait à des manquements relatifs à l'étiquetage des produits au regard de la législation sur les pratiques commerciales trompeuses.
Le procès-verbal du 19 mai 2010, faisant suite au contrôle effectué en décembre 2009 ne concernent pas les produits Subito Bacto S et Subito Bacto new.
L'article 10 de l'arrêté du 19 mai 2004 liste les indications obligatoirement portées sur l'étiquette d'un produit biocide.
Il apparaît au vu des produits objets des procès-verbaux dressés les 19 mai 2009 et 13 juillet 2010 que cet article n'était pas respecté par l'étiquetage de ces produits :
- absence de l'identité de la substance active biocide sous une dénomination univoque : dénominations définies dans l'annexe 2 du règlement 2032-2003-CE en y ajoutant le n° CAS,
- absence d'instructions pour l'élimination en toute sécurité du produit biocide et de son emballage : pour le Subito Bacto S, il est simplement indiqué : ne se débarrasser de ce produit et de son emballage qu'en prenant les précautions d'usage et pour le Subito Bacto new, les consignes sont plus précises éliminer le produit et son emballage et son récipient comme un déchet dangereux, éviter le rejet dans l'environnement,
- aucune date de péremption n'est indiquée,
- seul le flacon de Subito Bacto new mentionne le temps nécessaire à l'effet du produit, mais aucun élément sur la durée d'action ni sur l'intervalle à respecter entre deux applications,
- aucune consigne sur le nettoyage du matériel utilisé.
Concernant les précautions à prendre pendant l'utilisation, le stockage et le transport, pour le Subito Bacto new il est indiqué que le produit doit être conservé sous clé hors de la portée des enfants, à l'écart des aliments et boissons, y compris ceux pour animaux, qu'il faut éviter tout contact avec la peau et les yeux, et qu'il faut porter des gants appropriés et un appareil de protection des yeux et du visage.
Les indications pour le Subito Bacto S sont plus succinctes : conserver hors de la portée des enfants et des animaux domestiques, conserver à l'écart des aliments et boissons y compris ceux pour animaux, ne pas manger boire, fumer pendant l'utilisation.
Il apparaît donc qu'en 2009 et 2010, les produits commercialisés ne portaient pas une étiquette conforme à l'article 10 de l'arrêté du 19 mai 2004.
La SARL Spring produit les nouvelles étiquettes commandées en juillet 2010.
Les nouvelles étiquettes sont plus respectueuses de la légalisation mais manquent toujours les dates de péremption et les consignes de nettoyage du matériel utilisé.
Il apparaît donc que la SARL Spring n'a pas respecté la réglementation quant à la commercialisation de produits biocides d'une part en utilisant de l'huile de pin en tant que substance active et en utilisant un étiquetage non conforme.
- le dommage
Le comportement de la SARL Spring en ne respectant pas la réglementation concernant la commercialisation des produits biocides l'a placée dans une situation anormalement favorable par rapport à ceux qui la respecte.
Notamment, la SARL Spring a continué à commercialiser et à vendre, en 2009 et 2010 des produits contenant de l'huile de pin, alors que cette substance était interdite ; Elle n'a pas retiré ces produits du marché.
A tout le moins ce comportement perturbe le marché des produits sur lequel la SARL Spring intervient, puisque ses concurrents ont dû par exemple, engager des démarches de retrait des produits, non conformes, du marché, et engager des frais relatifs à la mise au point de produits respectueux de la législation.
Les concurrents ont légitimement intérêt à faire cesser ce préjudice né de la rupture de l'égalité.
Il existe donc un dommage.
- le lien de causalité
Ce lien est établi.
En effet, le comportement fautif de la SARL Spring générateur d'un trouble commercial manifeste implique l'existence d'un préjudice justifiant que ce comportement cesse.
Le jugement de première instance sera infirmé en ce qu'il a jugé que la SARL Spring n'avait pas commis d'actes de concurrence déloyale.
2°) Sur les conséquences de l'existence d'une concurrence déloyale
- l'indemnisation
Si la société Action Pin, concurrent de la SARL Spring a intérêt à faire cesser le comportement de celle-ci, elle peut aussi solliciter des dommages et intérêts afférents au trouble commercial incontestablement subi.
En effet, il est indéniable que la société Action Pin SA a dû investir pour suivre la réglementation à la différence de la SARL Spring qui a continué à commercialiser notamment des produits contenant de l'huile de pin cinq ans après l'interdiction de 2006.
Il convient cependant de tenir compte du fait que la cour est saisie sur deux procès-verbaux de constat.
Il convient d'évaluer le préjudice subi par la société Action Pin SA à la somme de 30 000 euro.
- le retrait des produits non conformes
La juridiction saisie d'une action en concurrence déloyale peut ordonner le retrait de la vente des produits non conformes.
En l'occurrence les produits concernés sont des produits pouvant présenter un danger pour les utilisateurs.
Il y a lieu d'enjoindre la SARL Spring de retirer de la vente les produits Subito Bacto S et Subito Bacto new non conformes à la législation en vigueur, c'est à dire mentionnant l'existence d'huile de pin en tant que substance active et portant un étiquetage non conforme à l'arrêté du 19 mai 2004, et ce sous astreinte de 800 euro par infraction constatée.
- la publication de l'arrêt
La nature du litige opposant les parties ne justifie pas qu'il soit fait droit à la demande de publication de l'arrêt formulée par la société Action Pin SA.
La société Action Pin SA sera déboutée de sa demande dont l'utilité n'est pas justifiée.
Sur les demandes de la société Spring
La SARL Spring sollicite la confirmation du jugement du tribunal de commerce en ce qu'il lui a alloué des dommages et intérêts pour procédure abusive.
Le jugement du tribunal de commerce est infirmé et la cour a fait droit à l'action en concurrence déloyale de la société Action Pin SA.
La SARL Spring sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et le jugement du tribunal de commerce sera donc infirmé également à ce titre.
Sur l'article 700 du Code de procédure civile
L'équité ne commande pas l'allocation d'une indemnité fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile à l'une quelconque des parties que ce soit en première instance qu'en appel.
Les frais d'huissier engagés par une partie sur son initiative ne constituent pas des dépens.
La société Action Pin SA sera donc déboutée de sa demande de mise à la charge de la SARL Spring des frais afférents aux deux constats d'huissier de justice qu'elle a sollicité.
Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire en dernier ressort, Vu le rabat de l'ordonnance de clôture au 5 novembre 2012 sur accord des parties. Confirme le jugement rendu le 12 septembre 2011 par le Tribunal de commerce de Bayonne en ce qu'il : - a déclaré recevable l'exception d'incompétence soulevée par la société Spring, - s'est déclaré territorialement compétent concernant le produit Subito Bacto S, Infirme le jugement rendu le 12 septembre 2011 par le Tribunal de commerce de Bayonne pour le surplus, Et statuant de nouveau, Déclare le Tribunal de commerce de Bayonne et donc la Cour d'appel de Pau compétents territorialement pour statuer sur les demandes de la société Action Pin concernant les deux produits : Subito Bacto S et Subito Bacto new, Dit que la SARL Spring s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale, Condamne la SARL Spring à payer à la société Action Pin SA la somme de 30 000 euro à titre de dommages et intérêts pour le trouble commercial causé, Enjoint la SARL Spring de retirer du marché les produits Subito Bacto S et Subito Bacto new non conformes à la législation c'est à dire mentionnant l'existence d'huile de pin en tant que substance active et portant un étiquetage non conforme à l'arrêté du 19 mai 2004, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt , et ce sous astreinte de 800 euro par infraction constatée à l'issue de ce délai, Déboute la société Action Pin SA de sa demande de publication du présent arrêt, Déboute la SARL Spring de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, Déboute la société Action Pin SA et la SARL Spring de leur demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Y ajoutant, Déboute la société Action Pin SA de sa demande afférente à la prise en charge du coût des procès-verbaux de constat dressés les 19 mai 2009 et 13 juillet 2010, Déboute la société Action Pin SA de sa demande fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile, Déboute la SARL Spring de sa demande fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la SARL Spring aux entiers dépens de première instance et d'appel. Autorise les avocats de la cause qui en ont fait la demande à recouvrer directement ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision.