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Décisions

CA Poitiers, 2e ch. civ., 29 janvier 2013, n° 11-03252

POITIERS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie

Défendeur :

Soredis (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. du Rostu

Conseillers :

Mme Fauresse, M. Ralincourt

Avocats :

SCP Musereau Mazaudon Provost-Cuif, Me Renaudier

T. com. La Roche-sur-Yon, du 14 mars 200…

14 mars 2006

Vu le jugement du Tribunal de commerce de la Roche-sur-Yon en date du 14.03.2006 qui a :

- rejeté la demande de la SAS Soredis en nullité de l'assignation du 15.10.2004,

- rejeté la demande de la SAS Soredis en nullité partielle de l'assignation, pour ce qui concerne les demandes de nullité des contrats et la répétition de l'indu,

- rejeté, comme recevable mal fondée, l'action du ministre de l'Economie et des Finances,

- dit n'y avoir lieu à indemnité au profit de la SAS Soredis au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné le ministre de l'Economie et des Finances aux dépens,

Vu l'appel interjeté le 19.06.2006 par le ministre de l'Economie et des Finances,

Vu les dernières conclusions du 28.11.2012 du ministre de l'Economie et des Finances, demandant à la cour de :

- constater que M. Ville était dispensé de produire un pouvoir spécial, a valablement signé la déclaration d'appel, et en conséquence rejeter la demande de la SAS Soredis en nullité de la déclaration d'appel,

- constater que le ministre appelant a procédé à l'information des fournisseurs conformément à la réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel, et que la SAS Soredis n'est en tout état de cause pas fondée à soulever un prétendu manquement à cette information, et en conséquence rejeter la demande d'irrecevabilité (sic) de la SAS Soredis des demandes du ministre,

- constater que l'action du ministre appelant est recevable,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a dit mal fondée,

Pour les contrats relatifs à des services non rendus :

- constater que les services intitulés "anniversaire", "participation inventaire", "parrainage 13 points de vente", "CA/développement de gamme" et facturés par la SAS Soredis aux sociétés DMC, Kodak et Argoat Le Hir ne correspondent à aucun service spécifique fourni par la SAS Soredis,

- constater que les avantages perçus à ce titre par la SAS Soredis sont donc contraires aux dispositions de l'ancien article L. 442-6 § I 2° a), devenu l'article L. 442-6 § I 1° du Code de commerce,

- prononcer en conséquence la nullité des clauses et contrats relatifs à ces services,

- enjoindre en conséquence le versement au Trésor public des sommes indûment versées en application des accords ou clauses susvisés dès lors qu'elles ne correspondent à aucun service de coopération commerciale effectivement rendu (soit 16 232,05 euro) à charge pour ce dernier de les restituer aux fournisseurs comme suit :

> DMC : 1 869,74 euro

> Kodak : 14 153,75 euro

> Argoat Le Hir : 208,53 euro

Pour les contrats rétroactifs :

- constater que les 12 contrats en cause ne sont pas de simples addenda à des contrats antérieurs, mais, au contraire, qu'ils créent de nouvelles obligations entre les parties,

- prononcer en conséquence la nullité de ces 12 contrats relatifs à des remises rétroactives,

En outre :

- condamner la SAS Soredis au paiement d'une amende civile de 100 000 euro,

- la condamner au paiement d'une indemnité de 3 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions du 22.11.2012 de la SAS Soredis, demandant à la cour de :

I. in limine litis, et à titre principal,

- constater que M. Ville ne dispose pas du pouvoir de signer la déclaration d'appel du 19.06.2006,

- en conséquence, prononcer la nullité de la déclaration d'appel du 19.06.2006,

II. en tout état de cause,

- constater que le ministre n'a pas, préalablement à ses demandes formées à l'audience du 9.11.2004, informé les sociétés DMC, Kodak, Argoat Le Hir et Usval de l'introduction de la présente action,

- en conséquence, juger irrecevable l'ensemble des demandes du ministre,

III. à titre subsidiaire, sur les demandes de nullité des contrats et de répétition de l'indu présentées par le ministre :

- constater que ce dernier ne rapporte pas la preuve des reproches qu'il adresse à la SAS Soredis sur l'inexistence des services rendus par cette dernière, et qu'il va même parfois jusqu'à reconnaître lui-même la réalité desdits services,

- constater l'effectivité des services rendus par la SAS Soredis,

- en conséquence, rejeter les demandes du ministre de l'Economie en nullité et en restitution, car mal fondées,

- constater que les contrats présentés comme rétroactifs par le ministre ne constituent pas les accords entre la SAS Soredis et les fournisseurs mais de simples addenda auxdits accords,

- constater l'existence d'accords conclus entre la SAS Soredis et les fournisseurs, préalablement à la réalisation des prestations, y compris dans les pièces communiquées par le ministre dans le cadre de la présente procédure,

- en conséquence, rejeter la demande du ministre de l'Economie en nullité, car mal fondée,

- en conséquence du rejet des demandes de nullité des contrats et de répétition de l'indu du ministre, rejeter sa demande de condamnation de la SAS Soredis au paiement d'une amende civile de 100 000 euro,

A titre plus subsidiaire, sur le montant de l'amende civile :

- constater le caractère excessif, injustifié et disproportionné de l'amende civile de 100 000 euro demandée par le ministre de l'Economie,

- en conséquence, et en toute hypothèse, ramener le montant de l'amende civile à de plus justes proportions,

V. en tout état de cause :

- rejeter la demande présentée par le ministre de l'Economie sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- le condamner à payer à la SAS Soredis une indemnité de 10 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

En 2003, la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) de la Vendée a diligenté une enquête sur les accords de coopération commerciale conclus par la SAS Soredis avec ses fournisseurs, dans le cadre de laquelle elle a procédé à des saisies de documents commerciaux et contractuels, et à des auditions de salariés de la SAS Soredis et de certains de ses fournisseurs.

Sur la base de cette enquête, le ministre de l'Economie et des Finances a, par assignation du 15.10.2004 introductive de l'instance dont appel, agi à l'encontre de la SAS Soredis, sur le fondement de l'article L. 442-6 § III du Code de commerce dans sa rédaction alors en vigueur, aux mêmes fins que celles figurant dans ses dernières conclusions d'appel.

1 - La SAS Soredis excipe de la nullité de la déclaration d'appel du ministre sur la base d'un moyen dont l'intimée indique elle-même, dans ses dernières conclusions, qu'elle l'a précédemment articulé devant le conseiller de la mise en état qui l'a rejeté par ordonnance du 17.10.2007, puis devant la présente cour saisie par déféré, qui l'a également rejeté par arrêt du 24.06.2008.

Cette exception est donc irrecevable en raison de l'autorité de la chose jugée attachée audit arrêt de la présente cour du 24.06.2008.

2 - La SAS Soredis invoque l'irrecevabilité des demandes du ministre pour absence d'information donnée par ce dernier aux parties aux contrats (fournisseurs de l'intimée) en vertu de la réserve d'interprétation posée par la décision du Conseil constitutionnel n° 2011-126 du 13.05.2011, en faisant valoir :

- que cette information aurait dû être donnée préalablement à l'engagement de l'action judiciaire, ou à tout le moins avant la première audience de première instance,

- qu'en l'occurrence, le ministre n'aurait informé de son action les fournisseurs Kodak, Argoat Le Hir, Usval et DMC que le 8.06.2012, au cours de l'instance d'appel,

- que ce défaut d'information préalable des fournisseurs constituerait une fin de non-recevoir qui ne serait pas régularisable au sens de l'article 126 du Code de procédure civile, dès lors que l'article 554 du même Code ne permettrait pas à l'intervenant en cause d'appel de soumettre un litige nouveau ni de demander des condamnations personnelles n'ayant pas subi l'épreuve du premier degré de juridiction,

- que cette irrecevabilité porterait sur l'intégralité des demandes du ministre, et non pas seulement sur les demandes en nullité des clauses et contrats et en répétition de l'indu.

Le ministre conclut en réplique à la recevabilité de ses demandes en faisant valoir :

- que l'information de l'action en cours, donnée le 8.06.2012 aux quatre fournisseurs de la SAS Soredis, serait conforme à la réserve d'interprétation posée par le Conseil constitutionnel,

- que ce dernier n'aurait aucunement indiqué que cette information devrait être donnée "préalablement" à l'introduction de l'action par le ministre,

- que la fin de non-recevoir sanctionnant ledit défaut d'information des fournisseurs pourrait être régularisée jusqu'au moment où le juge statue, conformément à l'article 126 du Code de procédure civile,

- que le Conseil constitutionnel aurait exclu les demandes de cessation de pratiques illicites et de prononcé d'amende civile du champ d'application de l'obligation d'information des parties.

2.1 - L'article L. 442-6 § III du Code de commerce dispose, dans sa rédaction en vigueur au jour de l'assignation introductive de l'instance dont appel :

L'action est introduite devant la juridiction civile ou commerciale compétente par toute personne justifiant d'un intérêt, par le Ministère public, par le ministre chargé de l'Economie ou par le président du Conseil de la concurrence lorsque ce dernier constate, à l'occasion des affaires qui relèvent de sa compétence, une pratique mentionnée au présent article.

Lors de cette action, le ministre chargé de l'Economie et le Ministère public peuvent demander à la juridiction saisie d'ordonner la cessation des pratiques mentionnées au présent article. Ils peuvent aussi, pour toutes ces pratiques, faire constater la nullité des clauses ou contrats illicites, demander la répétition de l'indu et le prononcé d'une amende civile dont le montant ne peut excéder 2 millions d'euros. La réparation des préjudices subis peut également être demandée.

Par décision n° 2011-126 du 13.05.2011, le Conseil constitutionnel, saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité visant les dispositions du second alinéa du paragraphe III de l'article L. 442-6 du Code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008, les a déclarées conformes à la Constitution, sous la réserve d'interprétation suivante :

" 8. Considérant, en premier lieu, que les dispositions contestées n'interdisent ni au partenaire lésé par la pratique restrictive de concurrence d'engager lui-même une action en justice pour faire annuler les clauses ou contrats illicites, obtenir la répétition de l'indu et le paiement de dommages et intérêts ou encore de se joindre à celle de l'autorité publique par voie d'intervention volontaire, ni à l'entreprise poursuivie d'appeler en cause son cocontractant, de le faire entendre ou d'obtenir de lui la production de documents nécessaires à sa défense ; que, par conséquent, elles ne sont pas contraires au principe du contradictoire ;

" 9. Considérant, en second lieu, qu'il est loisible au législateur de reconnaître à une autorité publique le pouvoir d'introduire, pour la défense d'un intérêt général, une action en justice visant à faire cesser une pratique contractuelle contraire à l'ordre public ; que ni la liberté contractuelle ni le droit à un recours juridictionnel effectif ne s'opposent à ce que, dans l'exercice de ce pouvoir, cette autorité publique poursuive la nullité des conventions illicites, la restitution des sommes indûment perçues et la réparation des préjudices que ces pratiques ont causés, dès lors que les parties au contrat ont été informées de l'introduction d'une telle action ; que, sous cette réserve, les dispositions contestées ne portent pas atteinte aux exigences constitutionnelles susvisées".

Il résulte de l'article L. 442-6 § III alinéa 2 précité du Code de commerce, tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision précitée qui s'impose à la présente cour en vertu de l'article 62 alinéa 3 de la Constitution du 4.10.1958, que, si le ministre de l'Economie et des Finances est recevable à poursuivre la nullité des conventions illicites, la restitution des sommes indûment perçues et la réparation des préjudices que ces pratiques ont causés, c'est sous la condition que les parties au contrat aient été informées de l'introduction d'une telle action.

2.2 - Contrairement à l'affirmation de la SAS Soredis, la décision précitée du Conseil constitutionnel n'exige aucunement que ladite information soit donnée préalablement à l'introduction de l'action par le ministre.

A cet égard, le commentaire de la décision du 13.05.2011 publié dans les Cahiers du Conseil constitutionnel énonce :

"L'action prévue par (l'article L. 442-6 § III alinéa 2 du Code de commerce) n'est pas une action de substitution, c'est-à-dire une action en justice exercée par une autorité habilitée dans l'intérêt individuel d'autrui. L'autorité publique agit avant tout en défense de l'ordre public économique qui n'est pas limité aux intérêts immédiats des fournisseurs. En outre, son action ne se substitue pas aux actions particulières susceptibles d'être exercées par les personnes qui s'estimeraient lésées par les pratiques abusives.

"(...) Le Conseil a estimé que le droit au recours juridictionnel, de même que la liberté contractuelle découlant de l'article 4 de la Déclaration de 1789, puisqu'est en cause une action en nullité contractuelle, impliquaient une obligation d'informer l'ensemble des cocontractants de l'engagement de l'action en justice. En d'autres termes, le respect de ces deux exigences constitutionnelles ne se limite pas à la seule faculté d'agir en justice mais également à l'information des personnes directement intéressées et susceptibles d'intervenir pour défendre leurs intérêts.

"Or, l'information de l'ensemble des parties au contrat dont l'annulation est demandée, préalablement, le cas échéant, à la demande en répétition de l'indu, n'était pas prévue par les dispositions contestées. Il n'existait ni d'obligation à la charge de l'autorité publique de notifier l'action en justice engagée ni, à la charge du juge, de veiller à ce qu'une telle mise en cause a été faite.

"C'est la raison pour laquelle le Conseil constitutionnel a énoncé une réserve d'interprétation garantissant l'information des parties au contrat".

Ce commentaire vise l'obligation à la charge de l'autorité publique de notifier l'action en justice "engagée", ce qui exclut que l'information doive impérativement être préalable à l'introduction de l'action.

A cet égard, la SAS Soredis, en invoquant le caractère impérativement préalable de l'information par rapport à l'action, dénature le commentaire précité qui énonce que "l'information de l'ensemble des parties au contrat dont l'annulation est demandée, préalablement, le cas échéant, à la demande en répétition de l'indu, n'était pas prévue (...)".

En premier lieu, l'adverbe "préalablement" ne peut, grammaticalement, se rattacher au substantif "l'information", de sorte que le commentaire ne vise pas une "information préalable".

En second lieu, l'adverbe "préalablement" est exclusivement employé au regard de la logique juridique imposant de présenter une demande en nullité de clause ou de contrat avant de demander la répétition de l'indu consécutive à cette nullité.

2.3 - Dès lors que, selon le commentaire précité, d'une part, l'action du ministre "n'est pas une action de substitution", et que, d'autre part, l'obligation d'information imposée par la réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel tend notamment à permettre aux "personnes directement intéressées" d'"intervenir pour défendre leurs intérêts", il s'en déduit que les demandes susceptibles d'être présentées par les fournisseurs intervenant volontairement à l'instance peuvent être différentes, dans leur objet et/ou leur portée, de celles du ministre.

A cet égard, il résulte de l'article 329 alinéa 1er du Code de procédure civile que l'intervention volontaire est principale lorsqu'elle élève une prétention au profit de celui qui la forme.

Si l'article 554 du même Code permet l'intervention volontaire, en cause d'appel, des personnes qui y ont intérêt dès lors qu'elles n'ont été ni parties ni représentées en première instance (ou qu'elles y ont figuré en une autre qualité), toutefois, ce texte ne permet pas à l'intervenant volontaire en cause d'appel de soumettre un litige nouveau et de demander des condamnations personnelles n'ayant pas subi l'épreuve du premier degré de juridiction.

Il en résulte qu'au cas particulier, l'information de l'action engagée par le ministre, donnée uniquement en cause d'appel aux fournisseurs, n'ouvre pas à ces derniers le droit, si, à la suite de cette information, ils sont intervenants volontaires en cause d'appel, de présenter des demandes personnelles distinctes de celles du ministre par leur objet et/ou leur étendue (notamment des demandes en dommages et intérêts), lesquelles seraient irrecevables pour méconnaissance du principe du double degré de juridiction.

En conséquence, l'information de l'action engagée par le ministre, donnée uniquement en cause d'appel aux fournisseurs, induit une amputation d'une partie des droits de ces derniers, qui n'est pas régularisable au sens de l'article 126 alinéa 1er du Code de procédure civile.

Par suite, la tardiveté d'une telle information est sanctionnée par l'irrecevabilité des demandes du ministre.

2.4 - Selon la réserve d'interprétation posée par le Conseil constitutionnel et son commentaire de sa décision du 13.05.2011, l'obligation d'information incombant au ministre demandeur initial ne vise que ses demandes tendant à "la nullité des conventions illicites, la restitution des sommes indûment perçues et la réparation des préjudices que ces pratiques ont causés", lesquelles actions sont concurremment ouvertes au ministre chargé de l'Economie et au Ministère public (article L. 442-6 § III alinéa 2), ainsi qu'à "toute personne justifiant d'un intérêt", y compris les fournisseurs victimes de pratiques illicites (§ III alinéa 1er).

Cette obligation d'information ne vise donc que les demandes relevant du champ contractuel.

En revanche, le Conseil constitutionnel n'a pas étendu cette obligation d'information à la demande en prononcé d'une amende civile, laquelle demande tend exclusivement à la sanction d'une violation de l'ordre public économique, et dont l'exercice est réservé à l'autorité publique (Ministère public et ministre chargé de l'Economie), à l'exclusion des parties contractantes.

En conséquence, le défaut d'information des parties au contrat, de l'action du ministre tendant au prononcé d'une amende civile n'est pas sanctionné par l'irrecevabilité de cette demande.

2.5 - Il résulte des motifs qui précèdent :

- d'une part, que les demandes du ministre en nullité des contrats litigieux et en restitution par la SAS Soredis des sommes indûment versées par ses fournisseurs sont irrecevables en raison de la tardiveté de l'information de l'action donnée à ces derniers, uniquement en cause d'appel ;

- et d'autre part, que la demande du ministre en prononcé d'une amende civile à l'encontre de la SAS Soredis est recevable.

3 - Sur le fond.

3.1 - Sur la demande fondée sur des contrats relatifs à des services non rendus.

3.1.1 - Sur le service "anniversaire" prétendument rendu à la société DMC.

Le ministre fait valoir :

- qu'au cours des opérations "anniversaire" réalisées par la SAS Soredis dans son hypermarché, les produits du fournisseur DMC n'auraient pas fait l'objet d'une mise en avant spécifique qui les aurait démarqués des produits concurrents,

- que les produits DMC ne seraient apparus sur aucun support publicitaire,

- que l'augmentation du chiffre d'affaires ne saurait constituer, en soi, un service de coopération commerciale, telle que défini par l'article L. 441-7 du Code de commerce qui exige "à l'occasion de la revente de produits ou services aux consommateurs, des services propres à favoriser leur commercialisation qui ne relèvent pas des obligations d'achat et de vente",

- qu'en réalité, ce service "anniversaire" ne correspondrait à aucun service commercial effectivement rendu à la société DMC par la SAS Soredis, laquelle se serait limitée à organiser l'animation commerciale de son magasin pour son propre compte et à son seul avantage.

La SAS Soredis fait valoir en réplique que l'opération "Anniversaire" du magasin Hyper U de Chantonnay aurait présenté pour le fournisseur DMC le double avantage suivant :

- d'une part, un avantage immédiat ayant consisté pour DMC à augmenter ses ventes lors de l'opération promotionnelle en cause,

- d'autre part, une notoriété à long terme de ses produits, dans la mesure où la participation à l'opération "Anniversaire" lui aurait permis de bénéficier d'une image forte vis-à-vis des consommateurs, bien au-delà de la durée de l'opération ; le contrat conclu avec la société DMC aurait prévu que "ces mises en avant pourront consister en une présentation différente de celle habituellement utilisée dans les magasins Hyper U, le cas échéant matérialisée par une affiche ou un stop rayon, permettant par conséquent de mettre particulièrement en valeur les produits concernés du fournisseur et d'attirer l'attention des consommateurs sur ceux-ci".

En droit, l'article L. 442-6 § I du Code de commerce dispose, dans sa rédaction en vigueur lors de la conclusion des contrats litigieux :

I. - Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou artisan :

(...) 2° a) d'obtenir ou de tenter d'obtenir d'un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu. Un tel avantage peut notamment consister en la participation, non justifiée par un intérêt commun et sans contrepartie proportionnée, au financement d'une opération d'animation commerciale, d'une acquisition ou d'un investissement, en particulier dans le cadre de la rénovation de magasins ou encore du rapprochement d'enseignes ou de centrales de référencement ou d'achat.

En fait, la société DMC a conclu trois contrats de coopération commerciale en date des 7.04.2000, 9.04.2001 et 3.04.2002 avec plusieurs sociétés affiliées au réseau Système U, dont la SAS Soredis (pièces n° 2, 3 et 4 de l'intimée).

Les deux premiers contrats stipulent, à la rubrique "anniversaires" :

"Les Hyper U organisent deux opérations promotionnelles spécifiques par an : "l'anniversaire" prévu en octobre 2000 et février et mars 2001.

"Ces opérations sont accompagnées d'une large diffusion par prospectus, affichages sur panneaux routiers et/ou messages radio ainsi que d'animations magasin (tirage au sort (...)).

"Le fournisseur demande à être expressément assuré de la présence effective de ses principaux produits dans chacun des Hyper U concernés, d'une rémunération en pourcentage qui sera calculée sur le montant HT des achats magasin/coopérative pour les produits qu'il diffuse".

Ce pourcentage a été fixé à 12 % dans le contrat de 2000 et à 15 % dans le contrat de 2001.

Le contrat du 3.04.2002 stipule, à la rubrique "mise en avant" :

"Le fournisseur demande aux Hyper U de mettre en œuvre différents moyens visant à valoriser notamment durant l'opération "anniversaire" Hyper U la vente aux consommateurs des produits ci-dessous désignés.

"Ces mises en avant pourront consister en une présentation différente de celle habituellement utilisée dans les magasins Hyper U, le cas échéant matérialisée par une affiche ou stop rayon, permettant par conséquent de mettre particulièrement en valeur les produits concernés du fournisseur et d'attirer l'attention des consommateurs sur ceux-ci".

Le contrat stipule une rémunération du distributeur égale à 15 % du chiffre d'affaires.

L'avantage consenti en vertu de ces clauses contractuelles par la société DMC à la SAS Soredis consiste en une participation du fournisseur au financement d'opérations d'animation commerciale réalisées par le distributeur, au sens de l'article L. 442-6 § I 2° a) précité du Code de commerce.

Dès lors que les contrats des 7.04.2000 et 9.04.2001 ne stipulent aucune mise en avant des produits du fournisseur DMC au cours des opérations "anniversaire", ni aucune mention ou promotion des produits DMC dans les prestations publicitaires accomplies par la SAS Soredis à l'occasion de ces opérations (prospectus, affichages sur panneaux routiers et/ou messages radio), il s'en déduit que la participation de la société DMC au financement de ces opérations à hauteur de 15 % du chiffre d'affaires réalisé sur ses produits ne peut être considérée comme justifiée par un intérêt commun, et apparaît manifestement disproportionnée au regard de la valeur du service rendu (accroissement seulement éventuel du chiffre d'affaires réalisé sur les produits DMC, sans promotion spécifique de ces derniers).

Le ministre justifie (pièce n° 10-h) de ce que la société DMC a versé à la SAS Soredis une rémunération de 1 438,04 euro HT à titre de participation au financement des opérations "anniversaire" réalisées entre octobre 2000 et mars 2002, en violation de l'article L. 442-6 § I 2° a) précité du Code de commerce.

La participation de la société DMC au financement des opérations commerciales "anniversaire" réalisées par la SAS Soredis en novembre 2002 et mars 2003 (15 % du chiffre d'affaires) apparaît justifiée par un intérêt commun et n'apparaît pas manifestement disproportionnée, dès lors que l'accord-cadre du 3.04.2002 stipule expressément une prestation spécifique de mise en avant des produits DMC.

Aucune pratique illicite ne peut être retenue à l'encontre de la SAS Soredis à ce titre.

3.1.2 - Sur le service "participation inventaire" prétendument rendu à la société DMC.

Le ministre justifie de ce qu'à deux reprises la société DMC a versé à la SAS Soredis une somme de 45,73 euro HT pour participation aux frais d'inventaire de cette dernière (pièces n° 10-i).

Le ministre fait exactement valoir que la SAS Soredis n'a, en contrepartie de la perception de cette rémunération, pas fourni à la société DMC un "avantage quelconque" au sens de l'article L. 442-6 § I 2° a) précité du Code de commerce, puisque la SAS Soredis en réalisant son inventaire, s'est seulement bornée à se conformer à l'obligation légale que lui impose l'article L. 123-12 alinéa 2 du même Code.

La SAS Soredis fait valoir de manière inopérante que la société DMC ne lui aurait pas versé une rémunération, mais lui aurait consenti une remise sous forme d'avoir, en compensation des sujétions particulières induites par l'inventaire des produits considérés, de petite taille (mercerie).

La modalité comptable (avoir ou facture) adoptée par les parties est indifférente, dès lors que la rémunération, par le fournisseur, de l'exécution par le distributeur d'une obligation légale lui incombant exclusivement, constitue l'obtention, par ce dernier, d'un avantage sans contrepartie, et contrevient donc au texte précité.

3.1.3 - Sur le service "parrainage 13 points de vente" prétendument rendu à la société Kodak.

Il est établi et non contesté que la société Laboratoires et Services Kodak a adressé en juin 2000 et réitéré le 4.11.2002 une offre de contrat de coopération commerciale pour la période du 14.06.2000 au 31.12.2003 à la SAS Soredis qui l'a implicitement acceptée (pièce n° 11-b et 11-c du ministre).

Ce contrat stipulait une rémunération due par Kodak envers la SAS Soredis à concurrence d'un pourcentage total de 18 % du chiffre d'affaires, réparti en 6 rubriques, dont une rubrique intitulée "accord 13 points de vente" pour un pourcentage de 3,5 % (le ministre invoquant à tort une rémunération prétendument indue de 14 153,75 euro en application d'un pourcentage erroné de 7,5 %).

Il est également établi (pièces n° 11-e du ministre) que la SAS Soredis a facturé à Kodak, sous l'intitulé "18 % sur CA", une somme de 33 969 euro HT pour l'année 2002.

Le responsable d'enseigne de Kodak, entendu par les agents de la DGCCRF, a déclaré le 18.09.2003 (pièce n° 11-d du ministre) : "concernant l'Hyper U de Chantonnay (exploité par la SAS Soredis), nous avions un accord magasin en 2000 pour 4 ans ((...) qui) prévoyait ((...) un) accord 13 points de vente : 3,5 %. Chantonnay devait "parrainer" les autres adhérents dans leurs relations avec Kodak. (...) En fait, ce dispositif d'entraînement potentiel de 13 adhérents par l'Hyper de Chantonnay n'a pas été suivi d'effets dans sa totalité. A ce jour, seul l'Hyper de Chantonnay travaille avec Kodak pour les prestations de laboratoire. Il me semble que les autres Hypers du groupe des 13 travaillent avec Fuji, bien que certains aient pu être nos clients épisodiquement au cours de ces 3 ans. Néanmoins nous avons toujours payé les pourcentages de coopération prévus à ces rubriques".

Il résulte des éléments qui précèdent que les parties ont conclu un contrat de coopération commerciale en vertu duquel d'une part la SAS Soredis a souscrit envers Kodak un engagement de parrainage auprès d'homologues du réseau Système U, et d'autre part Kodak s'est engagé à rémunérer ce service à hauteur de 3,5 % du chiffre d'affaires réalisé entre eux.

Dès lors que le responsable d'enseigne de Kodak, dans sa déclaration précitée, a indiqué que l'opération de parrainage avait été infructueuse, mais qu'il n'a pas affirmé que la SAS Soredis n'avait entrepris aucune démarche de parrainage auprès de ses homologues du réseau Système U, il ne peut être fait grief à la SAS Soredis d'avoir obtenu ou tenté d'obtenir de Kodak un avantage ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu, au sens de l'article L. 442-6 § I 2° a) précité du Code de commerce.

En conséquence, dès lors qu'il n'est pas établi que la SAS Soredis se soit livrée à une pratique illicite ayant porté atteinte à l'ordre public économique, aucune amende civile ne peut lui être infligée au titre de ce contrat sur le fondement du § III dudit article L. 442-6.

3.1.4 - Sur le service "CA/développement de gamme" prétendument rendu à la société Argoat Le Hir.

Le ministre fait valoir :

- que la SAS Soredis a facturé le 12.02.2003 à la société Argoat Le Hir une somme de 208,53 euro HT correspondant à 0,75 % du chiffre d'affaires réalisé en 2002 au titre des livraisons faites à la centrale d'achat de Système U et destinées à l'hypermarché exploité par la SAS Soredis,

- que l'avantage perçu par cette dernière ne correspondrait à aucun service commercial effectivement rendu, au sens de l'article L. 442-6 § I 2° a) du Code de commerce,

- qu'au surplus, selon l'accord contractuel, le seuil de déclenchement de cette rémunération aurait été fixé au niveau d'un chiffre d'affaires de 30 000 euro, non atteint en 2002.

La SAS Soredis fait valoir en réplique :

- que l'existence du service rendu en 2002 au fournisseur Argoat Le Hir ressortirait de l'augmentation significative du chiffre d'affaires intervenu en 2002 par rapport à 2001 (69 %) du chiffre d'affaires,

- que la critique adressée par le ministre à la SAS Soredis serait inopérante dans la mesure où elle relèverait de l'article L. 441-6 du Code de commerce, qui définit les services de coopération commerciale pouvant être rendus par le distributeur à son fournisseur, mais qu'en application de l'article L. 442-6-§ III du même Code, le ministre n'aurait le pouvoir de poursuivre judiciairement les entreprises que pour les infractions commises à l'article L. 442-6, et non pour non-respect de l'article L. 441-6.

La SAS Soredis et la société Argoat Le Hir ont conclu le 7.02.2003 un contrat à effet de l'année civile 2002, en vertu duquel la seconde s'est engagée à verser à la première une rémunération de 0,75 % du chiffre d'affaires réalisé entre elles en contrepartie de la prestation ainsi libellée : "développement gamme" (pièce n° 12-c du ministre).

Le directeur clientèle et marques distributeur de la société Argoat Le Hir a déclaré le 9.09.2003, lors de son audition par les agents de la DGCCRF : "le contrat-cadre 2002-2003 (...) vise à dynamiser les ventes des magasins dans le périmètre d'Hyper U Ouest (centrale régionale d'achat du réseau Système U) par l'attribution d'une remise liée à un niveau de chiffre d'affaires, mais non à un service spécifique".

Le responsable produits frais de la SAS Soredis a, pour sa part, déclaré le 24.04.2003 lors de son audition par les agents de la DGCCRF : "la facture n° (...) du 12.02.03 Argoat (de 208,53 euro HT) correspond au contrat n° 2038, lui-même issu de l'accord-cadre n° 239 : il s'agit d'une remise sur le CA annuel en fonction du CA atteint. Les services dont il est aussi question dans l'accord-cadre font eux l'objet d'une facturation séparée".

En droit, l'article L. 442-6 § I du Code de commerce, en érigeant la responsabilité du distributeur qui obtient ou tente d'obtenir d'un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu, tend à sanctionner une violation de la règle posée par le 5e alinéa de l'article L. 441-6 du même Code qui dispose, dans sa rédaction en vigueur en 2003 : les conditions dans lesquelles un distributeur ou un prestataire de services se fait rémunérer par ses fournisseurs, en contrepartie de services spécifiques, doivent faire l'objet d'un contrat écrit en double exemplaire détenue par chacune des parties.

En fait, il résulte des déclarations concordantes précitées des cadres des deux sociétés concernées que la remise consentie par le fournisseur Argoat Le Hir au distributeur Soredis, assise sur la seule évolution du chiffre d'affaires de leur relation commerciale, ne repose sur aucun service spécifique de la SAS Soredis et ne résulte que sa seule activité de négoce.

Cette remise constitue donc un avantage obtenu par le distributeur de son fournisseur, ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu.

L'application de l'amende civile édictée par le § III de l'article L. 442-6 du Code de commerce est donc encourue par la SAS Soredis à ce titre.

3.2 - Sur la demande fondée sur la rétroactivité des contrats.

L'article L. 442-6 § II du Code de commerce, invoqué par le ministre, dispose, dans sa rédaction applicable lors de la conclusion des contrats litigieux :

Sont nuls les clauses ou contrats prévoyant pour un producteur, un commerçant, un industriel ou un artisan, la possibilité :

a) De bénéficier rétroactivement de remises, de ristournes ou d'accords de coopération commerciale.

3.2.1 - Sur les contrats DMC.

3.2.1.1 - Le ministre invoque un contrat de coopération commerciale daté du 15.06.2002, portant sur le second semestre 2002, et stipulant, au titre de "solde 2002 - 2e semestre mercerie chaussant", une rémunération de 6 874 euro HT à la charge du fournisseur DMC envers le distributeur Soredis.

Le ministre soutient, sans être démenti par l'intimée, que cette somme correspond à 25 % du chiffre d'affaires réalisé, et que le contrat aurait été antidaté puisque ce chiffre d'affaires n'aurait pu être connu par avance.

La SAS Soredis fait valoir à bon droit, en réplique, que ce contrat ne constitue que la régularisation comptable d'une lettre d'accord préexistante adressée le 15.06.2011 par la société DMC à l'intimée stipulant, pour une prestation d'"allocation d'espace" pour la période du 2.01.2001 au 31.12.2002, une rémunération de 25 % du chiffre d'affaires devant être réalisé, payable selon les modalités suivantes :

- 3 294,04 euro au 30.06.2011,

- 3 811,23 euro au 31.12.2001,

- 3 811,23 euro au 30.06.2002,

- "solde en janvier 2003 sur CA réalisé à fin décembre 2002".

Le rapprochement de cette dernière stipulation avec celle du contrat daté du 15.06.2002 établit que la seconde n'est que l'application régularisatrice de la première.

Le caractère rétroactif du contrat du 15.06.2002 n'est pas démontré, de sorte qu'aucune amende civile n'est encourue par la SAS Soredis à ce titre.

En tant que de besoin, cette dernière fait exactement valoir qu'il est juridiquement indifférent que la lettre d'accord précitée de la société DMC du 15.06.2011 ne satisfasse pas aux exigences formelles de l'article L. 441-6 alinéa 5 du Code de commerce (dans sa rédaction alors en vigueur), dès lors que cette irrégularité formelle est sanctionnée par une amende pénale édictée par l'alinéa 6 du même texte, et non par l'amende civile édictée par l'article L. 442-6 § III alinéa 2 du même Code, dont le ministre demande le prononcé.

3.2.1.2 - Le ministre invoque un contrat de coopération commerciale daté du 15.10.2002, portant sur le mois de novembre 2002, et stipulant, au titre de "15 % anniversaire", une rémunération de 386 euro HT à la charge du fournisseur DMC envers le distributeur Soredis.

Le ministre soutient que cette somme correspond exactement à 15 % du chiffre d'affaires réalisé en novembre 2002, et que le contrat aurait été antidaté puisque ce chiffre d'affaires n'aurait pu être connu par avance.

La SAS Soredis fait valoir à bon droit, en réplique, que ce contrat ne constitue que la régularisation comptable d'un accord-cadre préalablement conclu entre les parties le 3.04.2002 (pièce n° 4 de l'intimée), qui stipule au § II des prestations souscrites par la SAS Soredis : "mise en avant - le fournisseur demande aux Hyper U de mettre en œuvre différents moyens visant à valoriser notamment pendant l'opération "anniversaire" la vente aux consommateurs des produits ci-dessous désignés (...) - mercerie chaussant : 15 % CA global nov. 2002".

Le caractère rétroactif du contrat du 15.10.2002 n'est pas démontré, de sorte qu'aucune amende civile n'est encourue par la SAS Soredis à ce titre.

3.2.2 - Sur les contrats Kodak.

Le ministre invoque deux contrats de coopération commerciale n° 300 et 302 datés du 28.12.2001, conclus entre la SAS Soredis et la société Kodak, stipulant les rémunérations de 30 686 euro HT et de 3 283 euro HT au titre de "18 % sur CA", le premier pour les mois de janvier à octobre, et le second pour le bimestre novembre-décembre.

Le ministre soutient que ces contrats auraient été antidatés puisque le chiffre d'affaires de l'année 2002 n'aurait pu être connu par avance.

La SAS Soredis fait valoir à bon droit, en réplique, que ces contrats n° 300 et 302 ne constituent que la régularisation comptable d'un accord préalablement conclu entre les parties selon lettre adressée en juin 2000 par la société Kodak à la SAS Soredis, laquelle stipulait, pour la période du 14.06.2000 au 31.12.2003, une rémunération globale de 18 % du chiffre d'affaires.

Le caractère rétroactif des contrats du 28.12.2001 n'est pas démontré, de sorte qu'aucune amende civile n'est encourue par la SAS Soredis à ce titre.

En tant que de besoin, le ministre conteste de manière inopérante l'irrégularité formelle de la lettre d'accord de la société Kodak de juin 2000, pour les motifs énoncés supra (cf. § 3.2.1.1 in fine).

3.2.3 - Sur les contrats Usval.

Le ministre invoque sept contrats trimestriels de coopération commerciale conclus entre la SAS Soredis et la société Usval, datés des 31.03.2001, 26.06.2001, 26.09.2001, 20.12.2001, 26.02.2002, 25.03.2002 et 2.11.2002, stipulant des rémunérations pour un montant cumulé de 29 142,15 euro HT au titre d'un "accord gamme", et concernant les trois derniers trimestres 2001 et les quatre trimestres 2002.

Le ministre soutient :

- que ces contrats auraient été antidatés puisque le chiffre d'affaires du trimestre suivant celui au cours duquel chaque contrat a été signé n'aurait pu être connu par avance, chiffre d'affaires sur lequel est assise la rémunération stipulée, ainsi qu'il résulte des factures versées aux débats (pièces n° 13-b à 13-h du ministre),

- que ces contrats ne constitueraient pas l'application d'un accord-cadre antérieur, dont la SAS Soredis ne justifie pas.

Cette dernière fait vainement valoir en réplique que le mode de calcul précis figurant sur les documents communiqués par le ministre, obtenus des fournisseurs, révélerait en lui-même l'existence d'un accord antérieur, alors que la précision du mode de calcul de la rémunération peut aussi bien procéder d'un contrat rétroactif.

En l'absence de production par la SAS Soredis d'un contrat-cadre antérieur aux contrats trimestriels produits par le ministre, la teneur de ces derniers fait présumer leur caractère rétroactif et antidaté puisqu'ils stipulent une rémunération assise sur un chiffre d'affaires nécessairement connu à l'expiration du trimestre concerné.

Le ministre rapporte ainsi la preuve de la perception illicite, par la SAS Soredis, de rémunérations à hauteur de 29 142,15 euro HT.

3.2.4 - Sur le contrat Argoat Le Hir.

Le ministre invoque un contrat de coopération commerciale n° 2038 conclu entre la SAS Soredis et la société Argoat Le Hir, daté du 7.02.2003, stipulant une rémunération de 208,53 euro HT pour "CA/développement gamme", et concernant l'année civile 2002.

Le ministre soutient que cette somme correspond exactement à 0,75 % du chiffre d'affaires réalisé en 2002 (pièce n° 12-f de l'appelant), et que le contrat serait donc rétroactif.

La SAS Soredis fait valoir en réplique que ce contrat ne constituerait que la régularisation comptable d'un accord-cadre préalablement conclu entre les parties le 7.03.2002 (pièce n° 12-e du ministre).

Il est établi que le chiffre d'affaires réalisé par la SAS Soredis au titre des produits fournis par la société Argoat Le Hir s'est élevé à 27 804 euro HT en 2002 (pièce n° 12-f du ministre) et que la rémunération litigieuse a été calculée au taux de 0,75 % sur ce montant.

Il est produit par le ministre deux versions d'un accord-cadre conclu le 7.03.2002 entre les parties.

La première version stipule une rémunération de la SAS Soredis de 0,75 % d'un chiffre d'affaires compris entre 18 000 euro et 33 000 euro pour la période annale d'avril 2002 à mars 2003.

La seconde version stipule, pour la même période, une première tranche de rémunération de 0,75 % d'un chiffre d'affaires compris entre 30 000 euro et 45 000 euro, ainsi que l'additif manuscrit suivant signé par le directeur clientèle de la société Argoat Le Hir : "suite à notre entretien téléphonique de ce jour, je vous confirme ci-dessus les barèmes du CA HT Objectif dûment rectifiés et correspondant à notre accord 2002/2003. Paliers de CA HT équivalents à ceux de l'exercice 2001/2002".

La rémunération stipulée dans le contrat n° 2038 daté du 7.02.2003 et invoqué par le ministre est conforme à la première version de l'accord-cadre, mais déroge à sa seconde version, en application duquel elle ne serait pas due pour un chiffre d'affaires inférieur à 30 000 euro.

Le doute induit par la succession des deux versions de l'accord-cadre ne permet pas d'établir si le contrat n° 2038 présente un caractère dérogatoire par rapport audit accord-cadre, et donc un caractère autonome et par conséquent rétroactif.

Aucune amende civile ne peut dès lors être infligée à la SAS Soredis à ce titre.

3.3 - Sur l'amende civile.

L'amende civile édictée par l'article L. 442-6 § III alinéa 2 du Code de commerce tend à sanctionner l'atteinte à l'ordre public économique causée par les agissements illicites définis aux § I et II du même article, et a donc, par essence, une vocation répressive et une finalité dissuasive.

Dès lors qu'en l'occurrence il résulte des motifs qui précèdent que la SAS Soredis a perçu de ses fournisseurs des rémunérations illicites pour un montant cumulé de 30 880,18 euro HT, il y a lieu de lui infliger une amende civile de 60 000 euro.

4 - Sur les dépens et les frais de procédure.

La SAS Soredis, partie principalement succombante, supportera les dépens de première instance et d'appel.

Contrairement à l'affirmation de cette dernière, même si l'action engagée par le ministre de l'Economie se rattache à l'exercice normal de ses fonctions de gardien de l'ordre public économique, il n'en demeure pas moins que ledit ministre et ses services ont dû exposer des frais spécifiques, notamment pour diligenter l'enquête sur laquelle est fondée ladite action [notamment : auditions faites à Paris, Chantonnay et Saint-Michel-en-l'Herm (85), Loudéac (22) et à Loos-lès-Lille (59)].

La demande indemnitaire du ministre fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile sera dès lors accueillie à hauteur d'une somme de 2 000 euro.

Par ces motifs : LA COUR, Confirme le jugement du Tribunal de commerce de la Roche-sur-Yon en date du 14.03.2006, mais seulement en ce qu'il a rejeté les exceptions de nullité de l'assignation introductive d'instance. Infirme ledit jugement en toutes ses autres dispositions et, statuant à nouveau, Déclare irrecevable l'exception tirée par la SAS Soredis de la nullité de la déclaration d'appel. Déclare irrecevables les demandes du ministre de l'Economie et des Finances en nullité des contrats de coopération commerciale conclus entre la SAS Soredis et les sociétés DMC, Kodak, Argoat Le Hir et Usval, et en répétition des sommes indûment perçues. Déclare recevable la demande dudit ministre en prononcé d'une amende civile. Condamne la SAS Soredis à payer au Trésor public : - une amende civile de 60 000 euro (soixante mille euros) en application de l'article L. 442-6 § III alinéa 2 du Code de commerce, - une indemnité de 2 000 euro (deux mille euros) en application de l'article 700 du Code de procédure civile. Rejette toutes demandes autres, plus amples ou contraires. Condamne la SAS Soredis aux dépens de première instance et d'appel.