CA Montpellier, 2e ch., 29 janvier 2013, n° 11-08105
MONTPELLIER
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Pantel Ruli
Défendeur :
Profiles Sud Pyrénées (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bachasson
Conseillers :
M. Prouzat, Mme Olive
Avocats :
SCP Capdevila, Vedel Salles, Mes Lugagne Delpon, Salvignol Guilhem, Salvignol, Grimaldi
Faits et procédure - Moyens et prétentions des parties :
Christian Pantel-Ruli a conclu, le 15 décembre 2009, avec la société Profilés Sud Pyrénées (la société PSP) un accord de commercialisation à effet du 4 janvier 2010, par lequel lui était confiée, pour une durée d'un an éventuellement renouvelable de l'accord des parties, la représentation des produits de la société sur un secteur géographique correspondant aux départements 9, 11 et 66 (le secteur 12), ainsi qu'auprès d'un certain nombre de clients dits " clients direction ".
L'article 4 du contrat contenait une clause d'objectifs, imposant à l'agent commercial de réaliser, au cours de la période du 4 janvier 2010 au 4 janvier 2011, un minimum de ventes en tonnages, soit 1 086 tonnes sur les trois départements (départ. 9 : 178 T ; départ. 11 : 42 T ; départ. 66 : 488 T) et 450 tonnes auprès des clients " direction " ; le taux de commissionnement de l'agent sur les commandes directes et indirectes était fixé, à l'article 5 dudit contrat, à 3,5 % incluant, pour 1 %, une indemnité de clientèle, et à 2 % pour les clients " direction " incluant une indemnité de clientèle de 1 %.
Par courrier recommandé du 14 octobre 2010, la société PSP a informé M. Pantel-Ruli que son contrat ne serait pas reconduit à sa date anniversaire, en raison du défaut de réalisation des objectifs.
En réponse, M. Pantel-Ruli a, par lettre du 18 février 2011, pris acte de la rupture de son contrat d'agent commercial et réclamé le paiement d'une indemnité en réparation du préjudice subi, conformément à l'article L. 134-12 du Code de commerce.
Par acte du 26 septembre 2011, il a fait assigner la société PSP devant le Tribunal de commerce de Perpignan en paiement de la somme de 15 023,13 euro à titre d'indemnité de cessation de contrat.
Le tribunal, par jugement du 22 novembre 2011, l'a débouté de sa demande et condamné à payer à la société PSP la somme de 700 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
M. Pantel-Ruli a régulièrement relevé appel de ce jugement par déclaration reçue le 25 novembre 2011 au greffe de la cour.
Il conclut à l'infirmation du jugement et à la condamnation de la société PSP à lui payer la somme de 15 023,13 euro au titre de l'indemnité prévue par les articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce, outre celle de 1 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile (conclusions reçues par le RPVA le 15 février 2012).
Au soutien de ses prétentions, il fait essentiellement valoir que :
- le caractère d'ordre public des dispositions de l'article L. 134-12 sur le droit à indemnisation de l'agent en cas de cessation du contrat, s'oppose aux stipulations contractuelles fixant par avance et de manière forfaitaire le montant de l'indemnité, comme celle qui, en l'espèce, prévoit que 1 % des commissions versées l'est à titre d'indemnité de clientèle,
- le fait que son contrat ait été conclu à durée déterminée n'est pas de nature à le priver de l'indemnité due,
- la non-atteinte du chiffre d'affaires minimum prévu n'est pas constitutif d'une faute grave de nature à justifier le non-renouvellement du contrat sans indemnité,
- le montant des commissions annuelles perçues pour la société PSP s'élève à la somme de 15 023,13 euro, l'indemnité de cessation de contrat devant ainsi être chiffrée à cette somme.
La société PSP conclut, pour sa part, à la confirmation du jugement et à la condamnation de M. Pantel-Ruli à lui payer les sommes de 3 000 euro à titre de dommages et intérêts pour appel abusif et 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile (conclusions déposées le 23 mars 2012).
Elle soutient que l'indemnité de clientèle a été expressément prévue au bénéfice de l'agent dans le contrat faisant la loi des parties, en sus des commissions de 2,5 % sur les ventes, que M. Pantel-Ruli a bénéficié d'une indemnité de clientèle, égale à 1 % des ventes, équivalente et de même nature que l'indemnité prévue aux articles L. 134-1 et suivants et qu'il ne peut, en aucun cas, bénéficier deux fois des mêmes prestations pour la même cause.
Motifs de la décision :
Il résulte de l'article L. 134-12 du Code de commerce que sauf faute grave, l'agent commercial a droit, cas de cessation de ses relations avec le mandant, à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi ; l'article L. 134-16 dispose que toute clause ou convention dérogeant, au détriment de l'agent, aux dispositions de ce texte est réputée non écrite ; il s'ensuit que si les parties peuvent convenir d'indemnités se cumulant avec celle qui est prévue par l'article L. 134-12, toute clause prévoyant une indemnisation différente est non avenue.
En l'occurrence, le contrat liant les parties dispose qu'une indemnité de clientèle égale à 1 % du montant des commandes réalisées par l'intermédiaire de l'agent est incluse dans le commissionnement de celui-ci et qu'en cas de résiliation à l'initiative de l'agent, aucune indemnité compensatrice ne lui est due.
L'indemnité de clientèle, qu'a perçue M. Pantel-Ruli en cours d'exécution du contrat, a ainsi été fixée à l'avance et de manière forfaitaire, et son montant - 4 292,82 euro de janvier à décembre 2010 - est loin d'assurer à celui-ci l'indemnisation complète de son préjudice résultant de la perte, pour l'avenir, des revenus retirés de l'exploitation de la clientèle ; l'intéressé n'est pas, en effet, à l'initiative de la rupture du contrat d'agence, que la société PSP a décidé de ne pas renouveler à l'expiration de sa durée initiale d'un an, et les commissions perçues, déduction faite de l'indemnité de clientèle, se sont élevées à 10 732,06 euro au cours de la période considérée ; dès lors, la clause litigieuse, évaluant l'indemnité de clientèle à seulement 1 % des commandes, doit être considérée comme non avenue.
Il n'est pas soutenu que M. Pantal-Ruli, en dépit de la non-atteinte des objectifs prévus contractuellement, ait commis une faute grave, privative de l'indemnité de cessation de contrat ; le fait que le contrat conclu l'ait été à durée déterminée est également sans incidence sur le droit à indemnité.
Pour l'évaluation du préjudice consécutif à la cessation du contrat d'agence, il convient de retenir que la relation contractuelle a duré une année, qu'il était interdit à M. Pantel-Ruli de représenter les produits d'une entreprise concurrente du mandant et qu'il ne justifie pas avoir effectué des investissements particuliers, en vue du développement de la clientèle commune ; il y a donc lieu de fixer le montant de l'indemnité de cessation de contrat à une année de commissions et de condamner en conséquence la société PSP à payer à M. Pantel-Ruli la somme de 10 732 euro à titre d'indemnité.
Au regard de la solution apportée au règlement du litige, la société PSP doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel, sans qu'il y ait lieu de faire application, au profit de M. Pantal-Ruli, par ailleurs bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale, des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs : LA COUR, Infirme le jugement entrepris et statuant à nouveau, Condamne la société Profilés Sud Pyrénées (la société PSP) à payer à Christian Pantel-Ruli la somme de 10 732 euro à titre d'indemnité de cessation de contrat, Condamne la société PSP aux dépens de première instance et d'appel, les dépens d'appel étant recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile, Dit n'y avoir lieu à l'application au profit de M. Pantal-Ruli, des dispositions de l'article 700 du même code.