CA Toulouse, 2e ch. sect. 1, 30 janvier 2013, n° 11-01721
TOULOUSE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
ITM Entreprises (SAS)
Défendeur :
Faclair (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cousteaux
Conseillers :
Mme Salmeron, M. Delmotte
Avocats :
SCP Boyer & Gorrias, Selarl Jacob Associés, Mes de Lamy, Monsegur
Faits et procédure
La SAS ITM Entreprises anime un groupe de commerçants indépendants, le groupement des mousquetaires et est propriétaire de l'enseigne Intermarché.
La SA Faclair a été créée par les époux Deleris et exploitait sous l'enseigne Intermarché un point de vente à Estancarbon depuis le 19 décembre 1989 par un contrat de 10 ans renouvelable par tacite reconduction pour une même durée.
Le 12 décembre 2008, M. Deleris a notifié à la SAS ITM Entreprises sa décision de ne pas renouveler le contrat et depuis décembre 1999, la SA Faclair exploite le commerce sous l'enseigne Casino.
Le 18 janvier 2010, un huissier de justice a constaté à la jumelle que la SA Faclair se livrait à une publicité affirmant que plus de 3 500 prix ont baissé par rapport à Intermarché et qu'un chariot Casino coûterait 115,29 euros au lieu de 134,08 euros pour un chariot Intermarché.
Par ordonnance du 22 février 2010, le président du Tribunal de commerce de Toulouse a autorisé un huissier de justice à procéder à différents constats au sein de l'établissement exploité par la SA Faclair, constats auxquels il a été procédé le 5 mars 2010.
Par acte du 9 juillet 2010, la SAS ITM Entreprises a fait assigner la SA Faclair devant la juridiction consulaire toulousaine afin de :
- lui enjoindre de retirer les publicités litigieuses sous astreinte,
- la condamner à lui payer la somme de 100 000 euros par mois d'affichage des publicités, soit 600 000 euros ainsi que la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par jugement du 17 mars 2011, le Tribunal de commerce de Toulouse a :
- dit que la SAS ITM Entreprises ne justifie pas de son intérêt à agir,
- dit qu'au 5 mars 2010, aucune publicité comparative n'existait ni l'intérieur ni hors du magasin,
- dit que la publicité relevée à la jumelle ne contrevenait pas aux dispositions de l'article L. 121-8 du Code de la consommation,
- débouté la SAS ITM Entreprises de ses demandes,
- condamné La SAS ITM Entreprises à payer à la SA Faclair la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
La SAS ITM Entreprises a interjeté appel le 13 avril 2011.
La SAS ITM Entreprises a déposé des écritures le 8 juillet 2011.
La SA Faclair a déposé des écritures le 31 août 2011.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 6 novembre 2012.
Moyens et prétentions des parties
Dans ses écritures, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'énoncé du détail de l'argumentation, au visa des articles L. 121-8, L. 121-12 et L. 121-14 du Code de la consommation ainsi que 1382 du Code civil, la SAS ITM Entreprises demande à la cour de :
- infirmer la décision de première instance,
- juger que les publicités comparatives affichées par la SA Faclair exploitant son point de vente sous enseigne Casino, se prévalant notamment d'une baisse de prix sur 3 500 produits par rapport à l'enseigne Intermarché sont illicites, la liste des produits comparés, leurs caractéristiques et notamment leurs prix étant inconnus de la SA Faclair elle-même, et trompeuses, présentant un caractère provocateur dans la mesure où elle a été réalisée par une société arborant l'enseigne qui pratique notoirement les prix les plus élevés dans la grande distribution au préjudice de l'une des enseignes pratiquant les prix les plus bas,
- condamner la SA Faclair à lui payer :
- la somme de 300 000 euros, compte tenu des frais publicitaires qu'elle a dû engager pour préserver son image sur l'ensemble du territoire en ce compris la région d'Estancarbon
- la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
- autoriser la SAS ITM Entreprises à faire publier aux frais de la SA Faclair le dispositif de la décision dans trois quotidiens nationaux,
- condamner la SA Faclair à afficher une copie de l'arrêt sur les portes d'entrée du point de vente pendant un mois.
Dans ses écritures, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'énoncé du détail de l'argumentation, au visa des articles, la SA Faclair demande à la cour d'appel de :
- constater l'absence de publicité comparative le 5 mars 2010,
- juger que les constatations de l'huissier étaient donc sans objet,
- constater que la publicité comparative du 18 janvier 2010 ne contrevenait pas aux dispositions de l'article L. 121-8 du Code de la consommation,
- juger que la SAS ITM Entreprises ne démontre pas l'impossibilité pour le consommateur de procéder à une comparaison efficace et objective des produits,
- confirmer le jugement,
- condamner la SAS ITM Entreprises à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Motifs de la décision
Selon l'article L. 121-8 du Code de la consommation, toute publicité qui met en comparaison des biens ou services en identifiant, implicitement ou explicitement, un concurrent ou des biens ou services offerts par un concurrent n'est licite que si :
1° Elle n'est pas trompeuse ou de nature à induire en erreur ;
2° Elle porte sur des biens ou services répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif ;
3° Elle compare objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives de ces biens ou services, dont le prix peut faire partie.
Toute publicité comparative faisant référence à une offre spéciale doit mentionner clairement les dates de disponibilité des biens ou services offerts, le cas échéant la limitation de l'offre à concurrence des stocks disponibles et les conditions spécifiques applicables.
Selon l'article L. 121-12 dudit code, sans préjudice des dispositions de l'article L. 121-2, l'annonceur pour le compte duquel la publicité comparative est diffusée doit être en mesure de prouver dans un bref délai l'exactitude matérielle des énonciations, indications et présentations contenues dans la publicité.
Lors du constat dressé par l'huissier de justice le 18 janvier 2010, deux publicités comparatives étaient en place à l'extérieur de l'établissement exploité par la SA Faclair, l'une portant sur le prix de 3 500 produits dont il était indiqué qu'ils avaient baissé par rapport à Intermarché, étant précisé que les produits étaient signalés dans les rayons alimentaires, hygiène et droguerie, et l'autre portant sur la valeur d'un chariot contenant divers produits, les produits de la marque Casino se montant à 115,29 euros et ceux de la marque Intermarché à 134,08 euros. Publicité comparative dans la mesure où les bandeaux publicitaires en place mentionnaient le terme "Comparez".
Mais, d'une part, la SA Faclair verse aux débats la liste du prix de 3 500 produits en vente dans son commerce sous l'enseigne Casino ainsi que le prix de ces mêmes produits sous l'enseigne Intermarché avant le changement, sans que la SAS ITM Entreprises ne relève la moindre erreur concernant le prix de ses propres produits. L'examen de ces listes établit qu'effectivement les prix des 3 500 produits listés sont inférieurs sous l'enseigne Casino à ceux qui étaient pratiqués par la SA Faclair, dans les mêmes locaux, sous l'enseigne Intermarché.
S'agissant d'un changement d'enseigne dans une petite localité du département de la Haute-Garonne, la comparaison ne vaut que pour ce commerce et non pour tous les magasins Casino et Intermarché installés sur le territoire national. D'ailleurs, la SAS ITM Entreprises ne rapporte pas la preuve d'une publicité comparative de même nature ailleurs que dans le commerce litigieux.
D'autre part, la SA Faclair justifie avoir fait établir deux constats d'huissier en date des 8 décembre et 29 décembre 2009, avant la mise en place de l'une des deux banderoles litigieuses, sur le prix de divers produits, le premier alors que l'enseigne était celle d'Intermarché et le second alors qu'elle était celle de Casino. Il résulte de l'examen de ces constats que la SA Faclair n'a pas tenu compte de quelques produits ne se retrouvant pas dans les deux enseignes et que la différence de prix mentionnée sur l'une des banderoles litigieuses est réelle.
Par ailleurs, la SAS ITM Entreprises ne rapporte pas la preuve de l'impossibilité pour un consommateur de vérifier l'information donnée. Ayant la charge de la preuve des faits dénoncés, il lui appartenait de faire procéder, de toute urgence, à un constat à l'intérieur du magasin tant que les banderoles étaient apposées à l'extérieur.
Ainsi, les publicités réalisées n'étaient ni illicites, les prix pouvant être l'élément unique de comparaison s'agissant de produits comparables, ni trompeuses, les différences de prix étant justifiées. Il est par ailleurs à relever que la SAS ITM Entreprises ne rapporte aucun élément de preuve sur la durée de mise en place des publicités contestées.
En revanche, lors du constat dressé le 5 mars 2010 sur autorisation du président du tribunal de commerce, aucune publicité comparative n'a été relevée par l'huissier de justice. En conséquence, la SA Faclair n'avait pas à prouver dans un bref délai l'exactitude matérielle des énonciations, indications et présentations contenues dans la publicité qui n'était plus en place.
Dès lors, aucune infraction au Code de la consommation n'étant établie par la SAS ITM Entreprises, sans qu'il y ait lieu d'examiner la question du préjudice allégué par celle-ci, il convient de confirmer le jugement entrepris.
Enfin, la SAS ITM Entreprises qui succombe sera condamnée aux dépens.
Par ces motifs : Confirme le jugement du tribunal de commerce, Y ajoutant, Vu l'article 700 du Code de procédure civile, Déboute la SAS ITM Entreprises de sa demande de ce chef, Condamne la SAS ITM Entreprises à payer à la SA Faclair la somme de 1 500 euros, Condamne la SAS ITM Entreprises aux dépens d'appel dont distraction par application de l'article 699 du Code de procédure civile.