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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 7 février 2013, n° 10-24348

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Fid'l (SAS), Jof Distribution (SAS), Sogereims (SAS)

Défendeur :

Diapar (SAS), Groupe 20 (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Perrin

Conseillers :

Mmes Pomonti, Michel-Amsellem

Avocats :

Mes Ingold, Romelly, Guizard, Brouard

T. com. Paris, du 26 nov. 2010

26 novembre 2010

Faits constants et procédure

La société Groupe 20 est une société anonyme coopérative à capital variable qui regroupe des commerçants indépendants, exploitant des supermarchés, notamment dans Paris et sa région sous l'enseigne " G20 ".

La société Jof Distribution (la société Jof), qui exploite un supermarché au 146 rue de Belleville 75020 Paris, a adhéré à la société coopérative Groupe 20 le 4 juin 1998.

La société Sogereims, qui exploite un supermarché au 14 rue de Reims 75013 Paris, a adhéré à la société coopérative Groupe 20 le 3 juin 2004.

La société Fid'l, qui exploite un supermarché au 21/23 rue Gabriel Péri 92300 Levallois-Perret, a adhéré à la société coopérative Groupe 20 le 5 juin 2003.

La société Diapar Distribution Alimentaire Parisienne (la société Diapar) est une société de distribution alimentaire livrant notamment les supermarchés exploités par les commerçants indépendants adhérents de la coopérative G20.

Courant 2008, M. Amiach, gérant des trois sociétés adhérentes précitées, a décidé de céder la totalité des parts formant leur capital, ce dont il a informé M. Pithon, président du conseil d'administration de la société Groupe 20, par lettre recommandée avec accusé de réception du 3 juin 2008 reçue le 4 juin 2008, avec copie de cette lettre adressée au président de la société Diapar, M. Segurel. Il a précisé que de ce fait chacune des sociétés cesserait d'être adhérente.

La société Diapar a pu constater que les trois sociétés adhérentes avaient cessé toute commande auprès d'elle dès octobre 2008.

Des constats d'huissier de novembre 2008, établis à la demande des sociétés Diapar et Groupe 20, ont fait apparaître que les trois sociétés adhérentes présentaient à la vente des marchandises de marque Leader Price, dépendant d'un groupe concurrent, que certaines d'entre elles distribuaient des sacs en plastique d'une autre enseigne et avaient un personnel portant des polos d'une autre enseigne, alors que l'enseigne G20 était toujours présente sur le fonds de commerce.

La société Groupe 20 a alors fait sommation à chacune des sociétés d'avoir à respecter les statuts de la société, notamment l'engagement de tout coopérateur de respecter la politique commerciale de l'enseigne et de ne faire aucun acte de nature à porter atteinte à son image.

Parallèlement, la société Diapar a, par lettre recommandée du 19 novembre 2008, indiqué à chacune des trois sociétés que la cessation brutale de toute commande auprès de ses entrepôts, au mépris du préavis annoncé par lettre du 3 juin 2008, entraînait pour elle un préjudice dont elle entendait demander réparation.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 15 janvier 2009, la société Groupe 20 a adressé une mise en demeure à chacune des trois sociétés.

Par actes du 25 et 26 mars 2009, les sociétés Groupe 20 et Diapar ont assigné les sociétés Jof, Sogereims et Fid'l devant le Tribunal de commerce de Paris aux fins de les voir condamnées au paiement de l'indemnité prévue par les statuts de la coopérative, de dommages et intérêts et d'une indemnité au titre de la violation du pacte de préférence, ainsi qu'au paiement d'indemnités au titre de la rupture fautive du contrat d'approvisionnement.

Par un jugement en date du 26 novembre 2010, assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de commerce de Paris a : - condamné les sociétés défenderesses à payer à la société Groupe 20 les sommes suivantes :

96 750,42 euros pour la société Jof,

67 779,09 euros pour la société Fid'l,

52 637,16 euros pour la société Sogereims,

avec intérêts de droit à compter de la mise en demeure en date du 15 janvier 2009.

- condamné la société Sogereims à payer à la société Diapar une somme de 18 600,03 euros avec intérêts au taux légal à compter du 25 mars 2009,

- condamné la société Jof à payer à la société Diapar une somme de 35 838,65 euros avec intérêts au taux légal à compter du 25 mars 2009,

- condamné la société Fid'l à payer à la société Diapar une somme de 22 401,64 euros avec intérêts au taux légal à compter du 25 mars 2009,

- condamné chacune des sociétés Jof, Sogereims et Fid'l à payer aux sociétés Diapar et Groupe 20 ensemble une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires.

Vu l'appel interjeté le 17 décembre 2010 par les sociétés Jof, Sogereims et Fid'l contre cette décision.

Vu les dernières conclusions, signifiées le 29 novembre 2012, par lesquelles les sociétés Jof, Sogereims et Fid'l demandent à la cour de :

- recevoir les sociétés Jof, Sogereims et Fid'l en leurs présentes écritures et les y dire bien fondées,

En conséquence,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- débouté la société Groupe 20 en sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 100 000 euros relative à la violation du pacte de préférence par chacune des sociétés défenderesses,

- débouté la société Groupe 20 en sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 1 000 000 euros pour chacune des sociétés défenderesses au titre du discrédit porté à la société, du non-respect de la politique commerciale et de l'atteinte à son image,

- débouté la société Diapar en sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 50 000 euros pour chacune des sociétés défenderesses au titre du préjudice né de la brusque rupture,

- l'infirmer pour le surplus

Et statuant à nouveau,

- dire que le pacte de préférence n'est pas opposable aux sociétés Jof, Sogereims et Fid'l,

- débouter les sociétés Groupe 20 et Diapar de toutes de leurs demandes, fins et conclusions telles que dirigées à l'encontre des sociétés Jof, Sogereims et Fid'l,

A titre infiniment subsidiaire,

- constater que le chiffre d'affaires réalisé par les sociétés Jof, Sogereims et Fid'l avec la coopérative Groupe 20 est inexistant,

- dire que toute éventuelle condamnation des sociétés Jof, Sogereims et Fid'l aux sanctions prévues par les statuts de la coopérative Groupe 20 doit être calaculé en fonction de ce chiffre d'affaires,

À titre plus subsidiaire encore,

- dire que cette éventuelle indemnisation doit être calculée prorata temporis,

- condamner in solidum les sociétés Groupe 20 et Diapar à payer aux sociétés Jof, Sogereims et Fid'l la somme globale de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Les sociétés Jof, Sogereims et Fid'l soutiennent que leurs retraits de la coopérative étaient tout à fait possibles. Elles prétendent également avoir le droit de s'approvisionner auprès d'un autre fournisseur conformément aux statuts de la coopérative, ainsi qu'il a été dit par le Conseil de la concurrence. Dans ces conditions, il n'y avait pas lieu, selon elles, de leur reprocher une rupture anticipée des relations commerciales avec la coopérative Groupe 20. Par ailleurs, elles considèrent que la modalité d'indemnisation n'a pas été prévue dans les statuts en vigueur à la date de la rupture et affirme que la société Groupe 20 ne réalise aucun chiffre d'affaires avec elles.

Elles affirment ensuite que les statuts en vigueur à la date des retraits ne prévoyaient aucune clause de préférence et que la société Groupe 20 instaure une confusion entre la cessation de la qualité d'associé et la fixation du terme définitif de l'éventuelle continuation des relations de l'ex-associé avec la coopérative. Subsidiairement, elles considèrent que le pacte de préférence est nul et de nul effet.

Elles font également valoir que la société Groupe 20 ne dispose d'aucune politique commerciale établie ni d'aucun cahier des charges et que les quelques constations de faits mineurs ne démontrent pas une confusion volontairement engendrée dans l'esprit de la clientèle, caractérisant un discrédit porté à la coopérative.

Enfin, elles observent qu'il n'existait aucun contrat entre les sociétés Jof, Sogereims et Fid'l et la société Diapar. Pour cette raison, elles considèrent que la société Diapar est particulièrement mal fondée à invoquer une rupture brutale des relations commerciales, et en tout état de cause, estime qu'elle ne pouvait arguer d'une demande de réparation d'un préjudice distinct de celui prévu dans les statuts de la coopérative Groupe 20.

Vu les dernières conclusions, signifiées le 29 novembre 2012, par lesquelles les sociétés Groupe 20 et Diapar demandent à la cour de :

- déclarer irrecevables et mal fondées les sociétés Jof, Sogereims et Fid'l en leur appel,

- recevoir les sociétés Diapar et Groupe 20 en leur appel incident,

- les déclarer bien fondées,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il emporte condamnation des sociétés Jof, Sogereims et Fid'l au profit des sociétés Diapar et Groupe 20,

- l'infirmer en ce qu'il déboute les sociétés Groupe 20 et Diapar de leurs autres demandes ;

Statuant à nouveau,

a) en ce qui concerne la société Groupe 20

- dire et juger que les sociétés Jof, Sogereims et Fid'l ont violé le pacte de préférence prévu par l'article 10.2 des statuts,

- dire et juger que le discrédit porté à la société coopérative Groupe 20, le non-respect de la politique commerciale par les sociétés Jof, Sogereims et Fid'l et l'atteinte à son image ont généré un préjudice en terme d'image qu'il convient de réparer,

En conséquence,

- condamner les sociétés Jof, Sogereims et Fid'l à payer chacune à la société coopérative Groupe 20 la somme de 1 000 000 euros par fonds de commerce, somme à parfaire après communication des actes de cession,

- condamner, chacune des sociétés Jof, Sogereims et Fid'l à payer à la société Groupe 20 une somme de 100 000 euros à ce titre,

b) en ce qui concerne la société Diapar

- dire et juger fautive la brusque rupture par chacune des sociétés Jof, Sogereims et Fid'l du contrat d'approvisionnement conclu avec la société Diapar, son principal fournisseur,

- condamner chacune des sociétés Jof, Sogereims et Fid'l à payer à la société Diapar une somme de 50 000 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice né de la brusque rupture avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

- débouter les sociétés Jof, Sogereims et Fid'l de leurs demandes dirigées tant à l'encontre de la société Groupe 20 que de la société Diapar,

Y ajoutant,

- condamner les sociétés Jof, Sogereims et Fid'l à payer aux sociétés Diapar et Groupe 20 une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Groupe 20 soutient que les sociétés Jof, Sogereims et Fid'l n'ont pas respecté leurs obligations d'associées relatives à la notification du retrait et au respect du préavis de retrait et que c'est pour préserver l'intérêt commun que les coopérateurs associés de la société Groupe G20 ont organisé un pacte de préférence statutaire permettant de préserver le réseau à compter de l'Assemblée générale extraordinaire du 5 juin 2008 modifiant les statuts en ce sens.

Elle affirme agir en tant que centrale d'achats et de référencement afin de négocier des conditions favorables d'approvisionnement pour ses adhérents auprès des fournisseurs et que les sociétés appelantes sont tenues par les statuts de la coopérative et son règlement intérieur lesquels ont valeur de contrat de droit privé et s'exécutent en conséquence de bonne foi. Selon elle, la qualité d'adhérent ne cesse qu'à l'expiration du préavis, et pendant cette période, l'adhérent reste soumis aux obligations qui sont celles nées des statuts mais également du règlement intérieur.

Elle reconnaît que les statuts ne lui confèrent aucune exclusivité d'approvisionnement et n'engagent l'adhérent à s'approvisionner auprès d'aucune centrale définie, néanmoins elle estime que les sociétés adhérentes n'en sont pas moins tenues de respecter les obligations de tout associé coopérateur, soit exploiter le fonds de commerce sous enseigne " G20 ", y exposer les marchandises correspondant au concept de l'enseigne et ne pas provoquer dans l'esprit de la clientèle une confusion entre les différents groupes de distribution.

Elle prétend également que les sociétés Jof, Sogereims et Fid'l ont violé le pacte de préférence, engendrant un préjudice constitué par la perte de chance de pouvoir exercer son droit de préemption, voire de permettre à un associé coopérateur d'exercer ce droit en se substituant à la coopérative et qu'elles se sont rendues débitrices d'une indemnité forfaitaire, en raison du non-respect des conditions statutaires de retrait. Enfin, elle considère que les sociétés Jof, Sogereims et Fid'l n'ont pas respecté la politique commerciale et ont porté atteinte à l'image de l'enseigne.

La société Diapar fait valoir que la rupture du contrat d'approvisionnement est brutale et abusive et que le préavis n'a pas été respecté. Elle observe qu'il existe bien des relations contractuelles d'approvisionnement entre elle et les sociétés Jof, Sogereims et Fid'l et qu'elle a donc subi un préjudice du fait de la cessation de toute relation d'approvisionnement en cours de préavis. Elle demande également la réparation de la brusque rupture qui, selon elle, a un objet distinct de l'indemnité réclamée au titre de la perte de marge.

La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions initiales des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

Motifs

-Sur les relations entre les sociétés Jof, Fid'l et Sogereims et la société Groupe 20 :

La société Groupe 20 reproche aux sociétés Jof, Fid'l et Sogereims le non-respect de leurs obligations d'associés coopérateurs quant à la notification du retrait et au respect du préavis de retrait, quant au pacte de préférence et quant au respect de l'image de la coopérative et de son enseigne.

*sur la rupture anticipée en violation du préavis statutaire : La lettre recommandée avec accusé de réception adressée le 3 juin 2008 par la société Sogest, détentrice de l'intégralité des parts sociales des sociétés Jof, Fid'l et Sogereims à la société Groupe 20, et réceptionnée par celle-ci le lendemain, l'a informée, qu'en application de l'article 10 des statuts de la société coopérative, elle avait l'intention de céder la totalité des parts formant le capital social de chacune des sociétés appelantes et lui a indiqué que, dans le délai prévu à l'article 13-2 desdits statuts, ces sociétés cesseraient d'être adhérentes ou associées de la coopérative et de s'approvisionner auprès de la centrale d'achat Diapar.

L'article 13-2 prévoit que "tout associé a le droit de se retirer à tout moment de l'exercice social moyennant le respect d'un préavis de six mois à compter du jour de la réception de sa démission par lettre recommandée avec avis de réception adressée au Président du Conseil d'Administration...".

La société Groupe 20 produit des procès-verbaux de constats établis par des huissiers de justice, le 20 novembre 2008 en ce qui concerne la société Jof, le 20 novembre 2008 en ce qui concerne la société Fid'l et le 17 novembre 2008 en ce qui concerne la société Sogereims, dont il résulte que lesdites sociétés ont conservé l'enseigne G20 en façade de leur fonds de commerce.

Ces constats démontrent que les sociétés Jof et Fid'l vendent des produits sous marque Leader Price dépendant du Groupe Franprix Casino et que la société Fid'l distribue des sacs sur lesquels apparaissent l'inscription "Le marché Franprix". S'agissant de la société Jof, deux produits Leader Price ont été achetés par le clerc habilité aux constats qui, par ailleurs, indique "qu'il avait vu à plusieurs reprises dans tous les rayons que des produits de marque Leader Price étaient proposés à la vente". S'agissant de la société Fid'l, l'huissier a constaté qu'un salarié de la société Diapar pénètre dans la superette les mains vides et 'en ressort quelques minutes plus tard et me remet un sac plastique sur lequel apparaît l'inscription suivante : "Le marché Franprix". S'agissant de la société Sogereims, seule la présence de l'enseigne a été relevée.

Sur le fondement de ces constatations, la société Groupe 20 a adressé aux trois sociétés appelantes des sommations en date du 3 décembre 2008 ainsi rédigées :

"Il a été constaté qu'alors même que vous exploitez sous l'enseigne G20, vous présentez à la vente des marchandises dépendant d'un groupe de distribution concurrent, à savoir le groupe Casino-Leader Price-Franprix, notamment en proposant à la vente des marchandises Leader Price.

En outre, il apparaît que vous usez également de toute la signalétique propre à cette enseigne notamment par la signalétique intérieure du magasin, les vêtements du personnel, ainsi que les sacs présents en sortie de caisse qui sont tous à enseigne Le Marché Franprix.

En qualité d'associé du groupement G20, vous vous êtes engagés à suivre la politique commerciale de cette enseigne et à ne faire aucun acte de nature à porter atteinte à son image.

Or, de tels agissements sont particulièrement dommageables pour le groupement, notamment par la confusion qu'il crée dans l'esprit de la clientèle".

Les sociétés Jof, Fid'l et Sogereims ne contestent pas ces affirmations, faisant simplement valoir qu'elles ont continué à s'approvisionner auprès de la société Diapar et que l'existence dans leur magasin "de certaines marchandises sous marque Leader Price ne permettait pas de conclure à la rupture d'approvisionnement auprès de Diapar". Elles font également observer que les procès-verbaux ont été établis peu de temps avant l'expiration du préavis qu'elles situent au 4 décembre 2008, de sorte qu'il était normal de faire côtoyer progressivement d'autres produits avec ceux en provenance de la société Diapar.

Elles ajoutent que les statuts de la coopérative G20 et son règlement intérieur ne lui confèrent aucune exclusivité et n'obligent pas les adhérents à des quantités minimales d'approvisionnement, de sorte qu'elles avaient le droit de se fournir même chez un concurrent, ce qui a été reconnu par une décision n°92-D-38 du Conseil de la Concurrence du 9 juin 1992.

Mais, si cette décision confirme l'absence d'exclusivité d'approvisionnement auprès de la coopérative et s'oppose à toute clause visant à interdire les relations commerciales directes entre commerçants adhérents et fournisseurs offrant de meilleures conditions, elle n'autorise pas pour autant l'adhérent d'une coopérative à provoquer dans l'esprit de la clientèle une confusion entre les enseignes des différents groupes de distribution en proposant à la vente des marchandises de marques propres à des groupes de distribution concurrents alors même qu'il est encore adhérent G20. Les exploitants sous enseigne G20 n'ont pas vocation à faire la promotion auprès des consommateurs d'une enseigne de distribution concurrente telle que "Franprix" ou "Leader Price".

Il est par ailleurs incontestable que les constatations ont été faites pendant la période de préavis, le fait qu'elles l'aient été une quinzaine de jours avant la fin de celui-ci étant inopérant. Il convient de rappeler que la qualité d'adhérent ne cesse qu'à l'expiration du préavis et que, pendant cette période, l'adhérent reste soumis aux obligations qui sont prévus par les statuts mais également par le règlement intérieur.

Contrairement à ce que soutiennent les appelantes, la société Groupe 20 est propriétaire de la marque G20, même s'il n'existe pas de produits G20 (les produits sous marque de distributeur diffusés dans le réseau à l'enseigne G20 sont les produits de marque "belle France" ou "délices de belle France"). Elle a développé un concept pour l'exploitation des supermarchés sous son enseigne, avec des aménagements spécifiques en termes de couleurs et signalétiques, communs à tous les coopérateurs et qui font l'identité de l'enseigne. Elle dispose d'un site internet, met en place des opérations de communication, développe une radio et une revue d'information internes. Elle agit également en tant que centrale de référencement afin de négocier des conditions favorables d'approvisionnement pour ses adhérents auprès des fournisseurs.

En adoptant de nombreuses caractéristiques d'un groupe de distribution concurrent, notamment en offrant des marchandises de marque distributeur de ce concurrent et en usant de toute la signalétique propre à cette enseigne, les sociétés Jof, Fid'l et Sogereims ont cessé de remplir leurs obligations de coopérateur, à savoir respecter l'image de l'enseigne, assurer une cohésion de l'offre de tous les associés de la coopérative et s'abstenir de faire la promotion de produits concurrents, et ont donc rompu par anticipation le préavis de 6 mois de retrait qu'elles s'étaient engagées expressément à respecter.

Dès lors que les sociétés Jof, Fid'l et Sogereims n'ont pas respecté les modalités de retrait déterminées statutairement, elles sont redevables envers la coopérative de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article 14-3 des statuts. Elles ne sauraient sérieusement soutenir qu'aucune indemnité ne serait due au motif qu'elles n'auraient réalisé aucun chiffre d'affaires avec la société Groupe 20 alors qu'il est évident que la clause statutaire se réfère au chiffre d'affaires des 6 derniers mois réalisé par chacune des sociétés appelantes sous enseigne G20, soit :

-la somme de 96 750,42 € pour la société Jof,

-la somme de 63 779,09 € pour la société Fid'l

-la somme de 52 637,16 € pour la société Sogereims

avec les intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 15 janvier 2009.

Le jugement dont appel doit donc être confirmé sur ce point.

* sur la violation du pacte de préférence :

La société Groupe 20 reproche aux sociétés Jof, Fid'l et Sogereims d'avoir violé le pacte de préférence résultant de l'article 10.2 des statuts, tels qu'ils résultent d'une modification intervenue lors de l'assemblée générale extraordinaire du 5 juin 2008, qui dispose :

"Compte tenu de ce qu'il est de l'essence même du système coopératif que les coopérateurs associés s'entraident et créent des outils communs collectivement financés, que le nombre de coopérateurs associés est une conditions essentielle de la pérennité de l'enseigne et de la notoriété de celle-ci qui bénéficie à chacun des coopérateurs, il est défini ci-après les conditions d'un droit de préférence sur la vente du fonds ou des parts et/ou actions de la société adhérente ou lors d'opérations qui s'y rapportent."

Il est constant que ce texte ne s'appliquait pas dans les statuts en vigueur lors de l'envoi par les sociétés Jof, Fid'l et Sogereims de la lettre d'information en date du 3 juin 2008 et lors de la réception par la société Groupe 20, le 4 juin 2008, de cette lettre puisqu'ils ont été modifiés le 5 juin 2008. Les statuts en vigueur à la date de la lettre d'information étaient ceux mis à jour au 31 mai 2007 qui ne prévoyaient que l'information de la coopérative de l'intention de l'adhérent de céder ses parts, la lettre d'information constituant le point de départ du préavis de 6 mois.

Il est exact que, comme le soutient la société Groupe 20, les sociétés Jof, Fid'l et Sogereims sont restées associées de la coopérative pendant la durée du préavis et que, par conséquent, elles étaient soumises, comme les autres associés, aux statuts modifiés à compter du 5 juin 2008 puisque les décisions prises en assemblée générale ont un effet immédiat sur les associés.

Pour autant, il n'est pas possible de faire rétroagir les statuts et de soumettre les sociétés Jof, Fid'l et Sogereims à des obligations qui n'existaient pas au moment de l'envoi de la lettre d'information. Force est de constater, qu'au moment de la notification par les adhérentes du projet de cession des parts sociales, elles n'avaient pas l'obligation d'indiquer, comme cela a été le cas ultérieurement l'état civil et la qualité du successeur et les conditions de cette vente pour permettre à la coopérative d'exercer un droit de préférence qui n'existait alors pas. Il ne peut donc leur être reproché de ne pas avoir procédé à une notification dans les formes requises par les nouveaux statuts alors que ces formes n'existaient pas au moment de la notification.

De surcroît, la société Groupe 20 ne s'est jamais prévalue, dans les sommations adressées aux sociétés Jof, Fid'l et Sogereims, et encore dans les mises en demeure du 15 janvier 2009, de la nouvelle rédaction des statuts lui octroyant un droit de préférence et n'a jamais manifesté son intention de le mettre en application en sollicitant auprès des sociétés appelantes les informations qui, selon elle, faisaient défaut.

En conséquence, la société Groupe 20 ne peut se prévaloir d'un préjudice lié à la perte de chance de pouvoir exercer son droit de préemption et a, à juste titre, été déboutée de sa demande relative à la violation du pacte de préférence par les sociétés Jof, Fid'l et Sogereims.

* sur le non-respect de la politique commerciale et l'atteinte à l'image de la société Groupe 20 :

Il y a lieu d'observer, d'une part que l'associé qui se retire doit respecter pleinement les obligations qui sont à sa charge jusqu'à l'expiration du préavis en terme d'image de l'enseigne et de suivi de la politique commerciale, et, d'autre part, qu'après l'expiration du préavis il ne dispose plus du droit d'utiliser la signalétique G20.

Or, il a été démontré ci-dessus, à propos de la violation du préavis statutaire, qu'il existait bien une politique commerciale de la société Groupe 20 et qu'en violant ce préavis, les sociétés Jof, Fid'l et Sogereims n'ont pas respecté leurs obligations contractuelles et ont porté atteinte à cette politique commerciale ainsi qu'à l'image de l'enseigne, en provoquant une confusion dans l'esprit des consommateurs en proposant à la vente des marchandises de marque "Leader Price".

Il convient de relever que les articles 3 et 7 du règlement intérieur encadrent l'utilisation de la marque "Groupe 20" en indiquant que chaque membre devra faire figurer ce sigle, en complément de sa publicité personnelle, sur sa correspondance commerciale, sur ses factures, ainsi qu'en enseigne dans ses magasins et sur ses véhicules et que la dénomination sociale devra être indiquée dans tous les actes, lettres, annonces, publications et autres documents de toute nature émanant des sociétés adhérentes.

Or, les sociétés Jof, Fid'l et Sogereims, tout en maintenant l'enseigne G20 pendant la durée du préavis, se sont dans le même temps affiliées à un réseau concurrent, dont elles ont adopté les outils de communication, ces agissements étant de nature à brouiller dans l'esprit du consommateur la distinction entre les deux enseignes.

A l'inverse, après la fin du préavis, alors que les magasins étaient passés sous l'enseigne Franprix, les sociétés appelantes ont continué à utiliser la signalétique G20 (en 2009 certains magasins délivraient des tickets de caisse à enseigne G20 et des panonceaux propre à l'enseigne G20 figuraient encore dans les magasins), en contravention avec l'article 7 du règlement intérieur qui prévoit que l'adhérent qui ne dispose plus du droit d'utiliser l'enseigne doit la faire déposer dans un délai maximum d'un mois et faire enlever de son magasin tout élément décoratif, publicitaire, etc...rappelant l'image du groupe. Cette attitude a inévitablement maintenu la confusion déjà engendrée dans l'esprit de la clientèle.

La société Groupe 20 évalue à la somme de 100 000 € son préjudice résultant des agissements de chacune des sociétés appelantes. Cependant, elle n'explique pas de quelle manière elle parvient à ce chiffre.

Le non-respect du préavis contractuel a certes été sanctionné par la condamnation des sociétés appelantes à payer l'indemnité forfaitaire prévue au contrat mais leur comportement ,tel qu'il est décrit ci-dessus, a également généré un préjudice d'image pour la société Groupe 20, au titre duquel il convient de mettre à la charge de chacune des sociétés Jof, Fid'l et Sogereims la somme de 50 000 €.

-Sur les relations entre les sociétés Jof, Fid'l et Sogereims et la société Diapar :

Les sociétés Jof, Fid'l et Sogereims n'ont présenté sur ce point en appel aucun moyen nouveau de droit ou de fait qui justifie de remettre en cause le jugement attaqué, lequel repose sur des motifs pertinents, résultant d'une analyse correcte des éléments de la procédure, notamment des pièces contractuelles et de la juste application de la loi et des principes régissant la matière.

Il convient tout d'abord de rappeler qu'il n'est pas nécessaire pour l'application de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce qu'un contrat ait existé entre les parties puisqu'il n'est question que d'une relation commerciale établie et non d'une relation contractuelle.

Ainsi, aux termes de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.

Il est indéniable, comme l'a retenu le tribunal, que chacune des sociétés appelantes s'est approvisionnée quasi exclusivement auprès de la société Diapar à partir de son adhésion à la société Groupe 20, soit juin 1998 pour la société Jof, juin 2003 pour la société Fid'l et juin 2004 pour la société Sogereims et qu'en conséquence s'est nouée entre elles une relation commerciale établie, ce qu'elles ont d'ailleurs reconnu en adressant à la société Diapar la copie du courrier du 3 juin 2008 aux termes duquel elles informaient la société Groupe 20 de ce qu'elles cesseraient d'être adhérentes à l'issue du préavis de 6 mois.

Il est établi que les sociétés appelantes ont continué à s'approvisionner auprès de la société Diapar jusqu'au début du mois d'octobre 2008. Le tribunal a observé, à juste titre, qu'au-delà de l'engagement de ces sociétés de respecter un préavis de 6 mois, un tel préavis était conforme aux usages et que la société Diapar était donc fondée à solliciter la condamnation des sociétés Jof, Fid'l et Sogereims à lui payer des dommages et intérêts correspondant à la perte de marge brute qu'elle aurait normalement dû réaliser entre la date à laquelle les sociétés appelantes ont cessé de s'approvisionner auprès d'elle et la date normale d'expiration du préavis, soit le 4 décembre 2008.

Cela correspond à deux mois de préavis non effectué, soit un tiers de la somme réclamée par la société Diapar qui demandait des dommages et intérêts à hauteur de six mois de préavis c'est à dire les sommes de 35 838,65 € pour la société Jof, 18 600,03 € pour la société Sogereims et 22 401,64 € pour la société Fid'l.

Il convient de préciser qu'il s'agit bien d'un préjudice propre à la société Diapar, qui se distingue de celui subi par la société Groupe 20, s'agissant de deux sociétés distinctes avec des patrimoines séparés, pour lesquelles aucune "confusion" n'est démontrée.

C'est également justement que les premiers juges ont débouté la société Diapar de sa demande de dommages et intérêts supplémentaires, à hauteur de 50 000 € pour chacune des appelantes, au titre de l'indemnisation de "la brusque rupture née notamment des moyens mis en place devenus sans objet et des contraintes de réorganisation brutale auxquelles elle a dû faire face", dans la mesure où l'indemnisation prévue par l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce a précisément pour objet de compenser notamment les moyens mis en place devenus sans objet et les contraintes de réorganisation.

L'équité commande d'allouer à chacune des intimées, les sociétés Groupe 20 et Diapar une indemnité de 8 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté la société Groupe 20 de sa demande d'indemnisation de son préjudice lié au non-respect de sa politique commerciale et de l'atteinte à son image, Statuant à nouveau sur ce point, Condamne chacune des sociétés Jof Distribution, Fid'l et Sogereims à payer à la société Groupe 20 la somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts Deboute les parties de leurs plus amples demandes, Condamne in solidum les sociétés Jof Distibution, Fid'l et Sogereims à payer à chacune des intimées, les sociétés Groupe 20 et Diapar la somme de 8 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne in solidum les sociétés Jof, Fid'l et Sogereims aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.