ADLC, 13 février 2013, n° 13-D-03
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
Décision
Relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du porc charcutier
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré sur le rapport oral de M. Didier Ferrero, rapporteur, , l'intervention de M. Etienne Pfister, rapporteur général adjoint, par M. Patrick Spilliaert, vice-président, président de séance, Mmes Laurence Idot, Pierrette Pinot, M. Emmanuel Combe, membres.
L'Autorité de la concurrence (section V),
Vu la lettre enregistrée le 10 septembre 2008 sous le numéro 08/0096 F, par laquelle quatre éleveurs porcins d'Ille-et-Vilaine ont saisi le Conseil de la concurrence, devenu l'Autorité de la concurrence ; Vu la décision n° 11-SO-02 du 10 février 2011, par laquelle l'Autorité de la concurrence s'est saisie d'office, sous le numéro 11/0018 F, de pratiques mises en œuvre dans le secteur de la commercialisation du porc charcutier ; Vu la décision du 14 février 2011 procédant à la jonction des affaires 08/0096 F et 11/0018 F ; Vu l'article 101 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) ; Vu le livre IV du Code de commerce modifié ; Vu le procès-verbal du 9 février 2012 par lequel le Syndicat national du commerce du porc (SNCP), devenu French Meat Association, a déclaré ne pas contester les griefs qui lui avaient été notifiés et a demandé à bénéficier des dispositions du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce ; Vu le procès-verbal du 15 février 2012 par lequel les sociétés AIM Groupe SAS et HAIM SAS ont conjointement déclaré ne pas contester les griefs qui leur avaient été notifiés et ont demandé à bénéficier des dispositions du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce ; Vu le procès-verbal du 17 février 2012 par lequel les sociétés Gad SAS et Financière du Forest SA ont conjointement déclaré ne pas contester les griefs qui leur avaient été notifiés et ont demandé à bénéficier des dispositions du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce ; Vu le procès-verbal du 17 février 2012 par lequel les sociétés Groupe Bigard SA et Socopa Viandes SAS ont conjointement déclaré ne pas contester les griefs qui leur avaient été notifiés et ont demandé à bénéficier des dispositions du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce ; Vu le procès-verbal du 21 février 2012 par lequel la société Bernard SAS a déclaré ne pas contester les griefs qui lui avaient été notifiés et a demandé à bénéficier des dispositions du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce ; Vu le procès-verbal du 21 février 2012 par lequel la Fédération des acheteurs au Cadran (FAC) a déclaré ne pas contester les griefs qui lui avaient été notifiés et a demandé à bénéficier des dispositions du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce ; Vu les décisions de secret des affaires n° 10-DSA-138 du 20 juillet 2010, n° 10-DSA-147 du 2 août 2010, n° 11-DSA-131 du 20 avril 2011, n° 11-DSA-157 du 6 mai 2011, n° 11-DSA-269 du 3l août 2011, n° 11-DSA-281 du 20 septembre 2011, n° 12-DSA-69 du 15 février 2012, n° 12-DSA-128 du 2l mars 2012, n° 12-DSA-129 du 22 mars 2012, n° 12-DSA-147 du 4 avril 2012, n° 12-DSA-230 et 12-DSA-231 du 28 juin 2012 et n° 12-DSA-328 à 12-DSA-330 du 4 octobre 2012 ; Vu la décision de déclassement n° 10-DECR-20 du 12 novembre 2010 ; Vu les observations présentées par l'entreprise EARL Oger, la société Fadier SARL, M. X et M. Y, l'association du Marché du Porc Breton, la Fédération des Acheteurs au Cadran, l'association French Meat Association (anciennement le Syndicat National du Commerce du Porc), la société Abera SAS, la société Bernard SAS, la société Cooperl Arc-Atlantique, les sociétés Groupe Bigard SA et Socopa Viandes SAS, les sociétés Gad SAS et Financière du Forest SA, les sociétés AIM Groupe SAS et HAIM SAS, la société Kermené SAS et le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général adjoint, le commissaire du Gouvernement, les représentants de l'entreprise EARL Oger, la société Fadier SARL, M. X et M. Y, l'association du Marché du Porc Breton, la Fédération des Acheteurs au Cadran, la French Meat Association (anciennement, le Syndicat National du Commerce du Porc), la société Etablissements Abera SAS, la société Bernard SAS, la société Cooperl Arc-Atlantique, les sociétés Groupe Bigard SA et Socopa Viandes SAS, les sociétés Gad SAS et Financière du Forest SA, les sociétés AIM Groupe SAS et HAIM SAS, et la société Kermené SAS, entendus lors de la séance du 24 octobre 2012 ;
Adopte la décision suivante :
I. Constatations
1. Par lettre enregistrée le 10 septembre 2008 sous le numéro 08/0096 F, quatre agriculteurs d'Ille-et-Vilaine spécialisés dans l'élevage porcin, MM. Z, gérant de la SARL Fadier élevage et adhérent de l'Organisation de Producteurs (ci-après OP) Syproporcs, M. A gérant de l'EARL Oger, et MM. X et Y, exploitants agricoles, ont saisi le Conseil de la concurrence, devenu l'Autorité de la concurrence, de pratiques mises en œuvre dans le secteur de la commercialisation du porc sur le marché du porc breton, situé à Plérin.
2. Les saisissants dénonçaient le fait que les abatteurs présents au MPB s'échangeaient leurs intentions de prix avant chaque séance en vue de maintenir à un niveau artificiellement bas le cours du porc charcutier sur le marché au cadran breton, dont le prix sert de référence pour l'ensemble des transactions nationales portant sur les porcs charcutiers entre abattoirs et éleveurs.
3. Parallèlement, le 10 octobre 2008, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a communiqué au Conseil de la concurrence un rapport administratif d'enquête en date du 13 novembre 2007 sur la situation de la concurrence dans le secteur du porc charcutier.
4. Sur demande de la rapporteure générale, les services d'instruction de l'Autorité, accompagnés des services d'enquête de la DGCCRF, ont procédé à des opérations de visite et saisie le 16 septembre 2009, autorisées par ordonnance du 9 septembre 2009 du juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Paris, dans les locaux du syndicat national du commerce du porc (ci-après le " SNCP "), de l'association du Marché du Porc Breton (ci-après le " MPB "), de la société Kermené SAS, de la coopérative Cooperl Arc-Atlantique (ci-après la " Cooperl "), de la société Gad SAS, de la société Groupe Bigard SA et de la société Bernard SAS.
5. Par sa décision n° 11-SO-02 du 10 février 2011, l'Autorité de la concurrence s'est saisie d'office de pratiques mises en œuvre dans le secteur du porc charcutier. Les deux affaires 08/0096 F et 11/0018 F ont été jointes par décision en date du 14 février 2011 du rapporteur général adjoint.
6. Le 14 novembre 2011, une notification de griefs a été adressée aux organismes et sociétés suivants : le SNCP, devenu depuis la French Meat Association, le MPB, la Fédération des Acheteurs au Cadran (ci-après la " FAC "), la SAS Abattoirs Industriels de la Manche (ci-après " AIM ") et la Holding AIM SAS (ci-après " HAIM "), la société Bernard SAS, la société Établissement Abera SAS, Cooperl, la société Kermené SAS, la société Gad SAS et la société Financière du Forest SA, la société Groupe Bigard SA et la société Socopa Viandes SAS.
7. Le SNCP et la FAC, d'une part, et les sociétés Groupe Bigard SA et Socopa Viandes SAS, Gad SAS et holding Financière du Forest SA, Bernard SAS, Etablissement Abera SAS, AIM et holding HAIM, d'autre part, ont sollicité le bénéfice du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce pour les griefs qui leur étaient reprochés.
8. Le MPB, d'une part, et les sociétés Kermené SAS et Cooperl Arc-Atlantique, d'autre part, n'ont pas sollicité le bénéfice de cette disposition.
9. Une séance s'est tenue le 24 octobre 2012 devant l'Autorité.
A. LE SECTEUR CONCERNÉ
1. L'ÉLEVAGE PORCIN EN FRANCE
10. Avec 25,227 millions de porcs abattus en 2010, la France occupe la troisième place en Europe dans ce secteur, derrière l'Allemagne et l'Espagne. Celles-ci ont respectivement enregistré une croissance globale de leur production de 10,3 % et de 14 % entre 1999 et 2010, pour passer de 41,7 à 46 millions de porcs abattus pour la première et de 35,1 à 40,1 millions pour la seconde. A l'inverse, la production française est tendanciellement orientée à la baisse. Elle est passée de 27 millions de porcs abattus en 1999 à 25,2 millions de porcs abattus en 2010, soit une diminution de 6,8 % sur la période.
11. La France est autosuffisante à 105,2 % en viande de porc. Elle affiche un excédent commercial en volume de 118 000 tonnes équivalent carcasse. Cependant, les échanges extérieurs font apparaître un déficit en valeur multiplié par plus de 6 en 2010, à - 115 millions d'euros contre - 18 millions d'euros en 2008, et un excédent de 42 millions d'euros en 2007 (cotes 7812, 2817).
12. Le rapport annuel 2010 du MPB constatait à cet égard que " [u]n nouveau recul de la production française est observé en 2009 (-1,2 %). Au regard de la crise économique chez les producteurs, cette baisse est très limitée. Les producteurs ont bénéficié de supports de leurs fournisseurs, coopératives et banquiers pour passer ce cap difficile qui s'éternise par la prolongation de la crise [...] après les matières premières, la crise financière mondiale avec toutes les conséquences sur l'économie " (cote 2815).
13. Le cheptel porcin français s'est ainsi réduit de 2,1 % en 2009 par rapport à 2008, pour ne représenter plus que 14,3 millions de têtes en mai 2009 contre 14,7 millions en mai 2008 et 15,2 millions de têtes en mai 2004 (- 6 %). Près de 80 % des élevages ont un cheptel d'une taille moyenne comprise entre 50 et 200 truies, contre 20 % qui disposent d'un cheptel supérieur à 200 truies (produisant chacune plus d'une vingtaine de porcs/an de six mois d'âge). La réduction du nombre de truies a toutefois été compensée, pour partie, par une meilleure productivité, obtenue grâce à l'augmentation du nombre de porcelets par truie (entre 20 et 30 par portée).
14. La production de porcs présente la particularité d'être géographiquement très concentrée, puisque 80 % (soit 20,1 millions sur un total de 25,2 millions de porcs élevés en 2010) de l'effectif porcin est produit dans la zone Uniporc Ouest, qui englobe les régions Bretagne, Centre, Basse-Normandie, Haute-Normandie, Pays de la Loire, Picardie et Poitou- Charentes. À elle seule, la Bretagne concentrait, en 2010, 14,14 millions de porcs élevés, soit plus de la moitié de la production nationale (55,9 %), avec une densité porcine particulièrement forte dans les départements du Finistère et des Côtes-d'Armor.
15. La production reste très atomisée, puisque la France compte environ 40 000 exploitations de porcs. Pour des raisons administratives et économiques, liées notamment au coût des aliments et à la vente de porcs, les éleveurs sont cependant souvent associés à l'une des Organisations de Producteurs (ci-après " OP ") recensées en France. Ces dernières années, ces OP se sont regroupées, puisqu'on en dénombrait environ 75 en 2009 contre plus de 200 en 1972.
2. LA DEMANDE INTERMÉDIAIRE DES ABATTOIRS
16. Plus de la moitié des abattoirs français sont publics. Ceux-ci n'ont cependant effectué que 8 % des abattages nationaux en tonnage pour 2007, contre 92 % pour les sites privés. La concentration géographique de l'élevage des porcs en Bretagne y a pour conséquence une forte présence des abattoirs ; on estime à environ 120 kilomètres la distance moyenne entre la porcherie et le lieu d'abattage.
17. L'outil d'abattage implanté en Bretagne représente ainsi 55,5 % de la tuerie des 25,2 millions de porcs en 2010. Cette région héberge les plus gros opérateurs d'abattagedécoupe de la filière porcine (Abera, Bernard, Cooperl, Groupe Bigard/Socopa, Gad, Gatine et Kermené).
18. Alors que la tuerie des deux premiers opérateurs (Cooperl et Groupe Bigard) se chiffre à 5 millions de porcs par an, le Haut-Conseil de la coopération agricole recommandait dans son rapport de mai 2008 que " se dégage [...] un leader français structurant d'un minimum de 7 millions de porcs et que d'autres regroupements s'opèrent " (cote 5383). Selon une étude Xerfi d'août 2009, " [l]e mouvement de restructuration n'est pas achevé, la filière demeurant beaucoup moins organisée que dans d'autres pays européens (Allemagne, Pays-Bas, Danemark, etc.). La recommandation émise par le Haut Conseil de la coopération agricole va d'ailleurs dans le sens d'une concentration accrue du secteur en France [secteur de l'abattage] ". De façon similaire, une note de la société Ernst & Young du 16 février 2011, réalisée pour l'interprofession Inaporc, constate qu'il n'y a " pas réellement de restructuration de l'activité abattage découpe sur les dernières années " (cote 7148).
19. À eux seuls, les neuf premiers groupes d'abattages ont réalisé 77,4 % de la tuerie des 25,7 millions de porcs sur l'année 2009, dont 70 % pour les sept opérateurs présents au MPB.
3. LA DISTRIBUTION DE DÉTAIL
20. Avec 33 kilogrammes par an et par habitant, la viande de porc est la viande la plus consommée en France devant le boeuf (25 kg/an/h) et la volaille (24 kg/an/h). Cependant, entre 2007 et 2010, la consommation est passée de 34,8 kg/an/habitant à 33,1 kg/an/habitant (rapport annuel 2010 du MPB, 12 mai 2011, panorama français, p. 3, cotes 7811 et 7813).
21. Les grandes et moyennes surfaces alimentaires (ci-après " GMS ") constituent le premier circuit de commercialisation en captant 84,5 % de la viande fraîche et 89 % de celle transformée revendue aux consommateurs finaux. Le rapport de M. B de décembre 2008 sur la formation des prix alimentaires a mis en avant l'absence de corrélation du prix à la production avec celui de la vente au détail dans la grande distribution : " [l]'écart entre le prix à la production et le prix de vente au détail d'un kilogramme de rôti ou de jambon est en moyenne de un à huit dans le premier cas, de un à onze dans le second [...]. Les prix de détail sont ainsi non seulement quasi-indépendants des prix à la production, mais ils suivent aussi parfois des évolutions opposées (une baisse du prix producteur peut se traduire par une hausse du prix de détail) : ici, les prix se forment clairement aux étapes de transformation et de distribution et non pas à celle de la production " (p. 16, cote 7901).
22. Ce même rapport précise que " [l]a faible concentration de la filière limite le pouvoir de négociation des abattoirs face à leurs clients (absence de taille critique vis-à-vis de la grande distribution) et la compétitivité des industriels français sur un marché européen par ailleurs très concentré (Allemagne, Pays-Bas et Danemark). Le secteur a engagé un grand mouvement de concentration (plus de 500 entreprises il y a 23 ans), mais celui-ci reste limité par la diversité des stratégies entrepreneuriales individuelles et l'importante segmentation du marché avec plus de 400 dénominations de produits répertoriées dans le Code des usages de la profession " (cotes 7912 et 7913).
23. Le manque de segmentation du marché en classes de prix ou de qualité procure un certain avantage aux principaux clients, à savoir les salaisonniers et surtout la grande distribution.
4. L'ÉVOLUTION DE LA FILIÈRE PORCINE ENTRE 2008 ET 2011
24. La filière porcine connaît depuis plusieurs années des évolutions affectant autant les éleveurs que les industriels, qui doivent faire face à une augmentation des coûts ainsi qu'à l'évolution des habitudes alimentaires des consommateurs.
25. En 2007 et 2008, les éleveurs de porcs ont ainsi dû faire face à la hausse du coût de revient des matières premières, qui est monté jusqu'à 1,60 euro/kg. Malgré la hausse du prix du porc, " le maillon production n'a pas réussi à répercuter la hausse du coût de revient de la matière première " auprès des GMS notamment, comme l'indique le CER France de Bretagne dans une note intitulée " bilan de situation " de 2009 (cote 3691).
26. Une note du cabinet Ernst & Young du 16 février 2011 intitulée " Accompagnement à la situation de crise pour l'adaptation du projet stratégique pour la filière porcine française 2015 ", met en exergue la " situation financière difficile pour la majorité des élevages : après 2 années de pertes (2007 et 2008), 2 années légèrement bénéficiaires (2009 et 2010), avec un dernier semestre 2010/2011 fortement dégradé " (cote 7135).
27. Au cours du 1er semestre 2010, le prix de vente de la viande de porc était de 1,27 euro/kg pour un coût de revient moyen de 1,22 euro/kg, ce qui permettait de dégager un surplus de 0,05 euro/kg par porc vendu (cote 7129). Cependant, le cours des céréales n'étant pas couplé avec le prix du porc au stade de la vente au détail, la situation de la filière porcine s'est à nouveau dégradée en 2011 à la suite de la hausse du coût de l'alimentation animale.
28. Ainsi, en février 2011 le prix de vente moyen d'un porc se situait à 1,41 euro/kg pour un coût de revient moyen de 1,56 euro/kg, ce qui conduisait à dégager en moyenne une perte de 0,15 euro/kg par porc vendu (cote 7129). En avril 2011, un élevage très rentable produisait du porc charcutier à 1,25 euro/kg pour un prix de vente de 1,51 euro/kg (cours MPB de 1,36 euro/kg plus 0,15 euro/kg de plus-value), soit une rentabilité de 0,26 euro/kg.
29. Les élevages qui peuvent produire des céréales disposent d'une marge de manœuvre par rapport à ceux qui les achètent au jour le jour. Le président de la section porcine de la Fédération Régionale des Syndicats d'Exploitants Agricoles (FRSEA) de la région Pays de la Loire relevait dans la revue " Le Paysan Tarnais " parue le 15 septembre 2011, que : " [d]ans la région des Pays de la Loire, la compétitivité de nos exploitations semble se maintenir un peu mieux. C'est sans doute dû à notre politique de lien au sol qui permet les ateliers de fabrication d'aliment à la ferme " (cotes 7142, 7983 à 7984).
30. Ces évolutions touchent également les outils industriels, ceux-ci étant soumis aux pressions exercées en amont par les producteurs de porc, et en aval par la grande distribution. Dans sa note précitée, le cabinet Ernst & Young signale que " la rentabilité des acteurs de l'abattage/ découpe porc est en forte dégradation sur 2010 faisant suite à un exercice 2009 également déficitaire " (cote 7124).
31. En définitive, si le secteur traverse des difficultés marquées depuis la fin de l'année 2007, celles-ci ne sont pas uniquement liées à un déséquilibre dans les relations commerciales entre éleveurs et abatteurs, d'une part, et abatteurs et grande distribution, d'autre part. Elles s'inscrivent dans un contexte plus large de crise européenne et mondiale aggravée par l'augmentation des cours de l'alimentation animale.
B. LA COMMERCIALISATION DES PORCS SUR LE MARCHÉ DU PORC BRETON
1. L'OFFRE ET LA DEMANDE AU MPB
32. En amont de la filière, l'offre et la demande de carcasses de porc mettent en présence, du côté de l'offre, les éleveurs, le plus souvent associés à un groupement coopératif ou à une OP, lesquels organisent leurs ventes auprès des abattoirs et, du côté de la demande, les abattoirs privés, coopératifs ou publics.
33. Sur le MPB, l'offre des OP est concentrée. Les cinq principaux apporteurs en 2009 (Initia LT, Initia Porfimad, Presto/Cecab, Initia Poraven et Syproporcs) représentaient 78,5 % des porcs commercialisés au MPB, les dix autres se partageant les 21,5 % restants.
34. Pour sa part, la demande des abatteurs est moins concentrée que dans d'autres États membres de l'Union européenne. En 2005, sur les 13 abatteurs encore présents au MPB, les 5 premiers, à savoir Kermené (18,8 %), Gad (14,8 %), Bernard (13,8 %), Socopa (13,5 %) et Bigard (11,2 %), représentaient 72,1 % des porcs enchéris, les huit autres n'en représentant que 18 %, dont Cooperl (4,4 %), Abera (2,6 %) et AIM (3 %).
35. En 2010, sept abatteurs s'approvisionnaient toujours au MPB. Les quatre plus importants, à savoir Groupe Bigard/Socopa (23,2 %), Bernard (22 %), Kermené (21,2 %) et Gad (18,1 %) représentaient 84,6 % des porcs enchéris (soit 12,5 points de plus qu'en 2005), devant Cooperl (7 %), Abera (5,6 %) et AIM (2,8 %) (cotes 178, 7822).
36. Ce caractère modérément concentré du secteur de l'abattage-découpe par rapport aux autres pays européens est relevé dans le rapport de M. B précité, selon lequel " la faible concentration de la filière limite le pouvoir de négociation des abattoirs face à leurs clients (absence de taille critique vis-à-vis de la grande distribution) " (cote 7887).
37. Enfin, le degré d'implication des abatteurs dans leurs achats de porc via le marché au cadran par rapport à leur tuerie totale varie fortement d'un acteur à l'autre : 3,8 % pour Cooperl, 14,8 % pour Groupe Bigard, 15,1 % pour AIM, 17,5 % pour Abera, 24 % pour Gad, 36,3 % pour Bernard et 41,8 % pour Kermené (cf. ci-après). Certains abatteurs dépendent donc davantage de l'offre au cadran que d'autres, ce qui les contraint à veiller à la sauvegarde de leur quota d'achats pour satisfaire la demande de leurs clients.
2. LE RÔLE DU MPB
38. Le MPB n'assure aucune mission d'organisation des relations entre les éleveurs et les abatteurs, puisqu'il ne représente en principe que les intérêts des premiers. Une convention dite de " ventes au classement " associe les abatteurs, avec leur consentement, à son fonctionnement. Il vise à atténuer les effets, perçus comme perturbateurs par les opérateurs, d'un marché qui fonctionnerait sans aucun encadrement des variations de prix, et à stabiliser les cours. À cette fin, plusieurs stipulations ont été introduites dans la convention en vue de limiter l'amplitude des cours, et adaptées au fil de ses versions successives.
39. Un ancien responsable des achats de l'abattoir AIM a souligné à cet égard que " la mise en place du MPB a fait suite à la demande des pouvoirs publics d'organiser un peu le marché pour stabiliser les prix, en fixant un prix plancher et un prix plafond, qui servent de gardefous " (cote 425). La prévention des troubles à l'ordre public dans les départements bretons, plus particulièrement dans les Côtes-d'Armor et dans le Finistère, a conduit les pouvoirs publics, de manière informelle, à encourager la profession à s'organiser pour stabiliser les prix de vente du porc. Dans ce contexte, un représentant du Réseau des nouvelles du marché (RNM, anciennement SNM), piloté par l'Établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer), assiste aux séances d'enchères.
40. À titre d'illustration, l'annulation à deux reprises des cotations au MPB au mois de septembre 2010 ont entraîné des difficultés dont rend compte le bulletin de l'OP Syproporcs : " Ce qui semble mettre tout le monde d'accord c'est la nécessité d'avoir un prix public transparent et respecté. Pour s'en convaincre il suffit de jeter un oeil sur les différents prix proposés par les abatteurs lors de livraisons de porcs en direct entre le 20 et le 23 septembre. Autant d'abatteurs, autant de prix allant de 1,171 euro à 1,200 euro en passant par 1,180 euro, 1,182 euro et 1,191 euro " (cote 6720).
41. Le MPB n'est cependant pas un marché réglementé. Les OP et les abatteurs n'ont pas l'obligation légale de s'y présenter, à l'instar de SVA Gatine, abatteur breton sous enseigne Intermarché. Il demeure purement associatif et fonctionne sur une base volontaire. Son rôle directeur découle donc avant tout de l'importance économique des regroupements associatifs constitués d'un côté par les OP et de l'autre par les principaux acheteurs représentés au sein de la FAC, qui y sont présents.
42. Le MPB assure, notamment, l'écoulement d'une production et l'approvisionnement des abattoirs. C'est pour cette raison que les OP peuvent refuser de vendre des lots en cours de séance alors qu'elles les avaient apportés au marché, et que pèsent sur les abattoirs des obligations de quotas d'achat. L'OP Syproporcs souligne ainsi que " le cadran souvent dénoncé, par ceux à qui il rend service, est un outil juste. Les cotations définies deux fois par semaine sont le reflet de la confrontation de l'offre et de la demande. " (cote 14838).
43. Le président du MPB a précisé que la création du cadran en 1972 a également permis la clarification des rapports interprofessionnels en organisant une certaine transparence des transactions entre les producteurs et les abatteurs : " [l]e marché du porc breton a été créé en 1972 à l'initiative des éleveurs adhérents au LT [OP Léon-Tréguier]. Avec les éleveurs des autres groupements, ils ont mis en place ce marché au cadran dans un souci de défense des producteurs de porcs. Avant la création du MPB, les transactions se faisaient de gré à gré, directement entre les éleveurs et les abattoirs. Ces derniers avaient une forte influence sur la fixation du prix ainsi que sur la pesée et avaient souvent le dernier mot ! Il s'agissait donc à l'époque de faire un front uni entre éleveurs face aux abattoirs pour définir un prix de nos porcs ".
44. L'ancien président de la FAC a confirmé, lors de son audition le 20 mars 2007, qu'" [a]uparavant, avant que n'existent les règles de la convention, notamment, celles relatives aux prix plafond et prix plancher, les prix pouvaient s'envoler ou s'effondrer. Le ministère de l'Agriculture nous rappelait alors à l'ordre pour que nous régulions les cours. J'estime que le système mis en place par le MPB est satisfaisant car il maintient la concurrence. Aujourd'hui, beaucoup d'opérateurs auraient intérêt à ce qu'il disparaisse. Au Danemark par exemple, il n'existe plus de concurrence, il n'y a plus qu'un gros trust coopératif. Le MPB sert de référence qui permet à chacun de se situer, notamment pour les producteurs adhérents de coopératives qui peuvent complètement être dépendants de leur coopérative " (cote 241).
45. Par ailleurs, le MPB est un lieu d'affichage et de référence pour le prix du porc, puisque le cours moyen pondéré négocié à Plérin sert de base à l'ensemble des transactions effectuées sur le reste du marché français (cote 7927). La convention " ventes au classement " prévoit que l'offre au MPB représente environ 18,5 % de la tuerie sur la zone Uniporc Ouest, répartie entre la séance du jeudi à hauteur de 80 % contre 20 % pour celle de simple complément du lundi suivant.
46. D'après son rapport annuel pour l'année 2012, en 2011 les transactions réalisées sur le MPB ont porté sur 3,577 millions de porcs, soit 17,8 % des 20,151 millions de porcs abattus sur la zone Uniporc Ouest et 14 % du volume d'abattage de 25,5 millions sur le marché français.
3. LE FONCTIONNEMENT DU MPB
47. Le mode de commercialisation instauré par le MPB est un cadran qui fonctionne sous forme d'enchères dégressives à deux tours. Quelques centaines de lots sont mis aux enchères à chaque séance, principalement celle du jeudi puis celle du lundi suivant. Chaque lot est présenté une première fois à un cours de départ généralement fixé à quelques centimes au-dessus du cours moyen obtenu lors de la séance précédente. Le prix décroît ensuite jusqu'à ce qu'un acheteur propose une offre d'achat en cliquant sur son pupitre. À défaut, le prix descend jusqu'au " prix de retrait " en deçà duquel aucune offre d'achat ne peut être acceptée. L'ordre de passage des lots est déterminé par tirage au sort. Les premiers lots vendus ont la garantie d'obtenir au moins le cours moyen du jour. Il y a deux enchères possibles par lot. Les lots invendus sans avoir été enchéris sont affectés au cours moyen en fin de séance au prorata des quotas d'achat des abatteurs calculés sur la base des quatre semaines précédentes.
48. La commercialisation des lots de porcs se fait au " classement carcasse " à partir du prix de base 56 TMP (taux de muscle des pièces), départ élevage vers les abattoirs contrôlés par Uniporc Ouest, organisme paritaire regroupant éleveurs et abatteurs dont la fonction est de peser et de classer les carcasses dans les abattoirs de la zone du grand ouest de la France. Les critères du prix d'un lot sont : le TMP, l'homogénéité du lot, le nombre de porcs du lot (capacité et coût du transport), la qualité de l'élevage, l'accès au quai et les facilités d'embarquement ainsi que la situation géographique notamment la proximité des abattoirs (cote 2835, rapport annuel 2009 du MPB).
49. Chaque OP présente un catalogue de lots d'au moins 50 porcs apportés par ses adhérents éleveurs. Elle peut refuser des offres pendant la tenue du marché sous réserve que le cours moyen (instantané) ne dépasse pas 0,03 euro/kg par rapport au cours précédent. Cependant, les lots de porcs refusés à la vente ne peuvent rester longtemps invendus sans prendre du poids et donc risquer de perdre de la valeur, en dépit de l'existence d'autres débouchés, tels la vente à d'autres abattoirs (Gatine par exemple, fourni toutefois par Cooperl pour ses compléments de production) ou l'export en vif (peu pratiqué toutefois).
50. La confrontation de l'offre et de la demande repose ainsi sur une stratégie de court terme. Au fur et à mesure de la séance, chaque acheteur découvre progressivement les quantités retirées - et donc les quantités restant disponibles - et les quantités demandées par les autres acheteurs. Le prix de chaque lot est le résultat de cette confrontation.
51. S'agissant de la grille de rémunération, il convient de souligner que le cours moyen du MPB n'a pas pour référence un prix de base représentatif des porcs vendus. En effet, le cours de base est calculé à partir d'un porc maigre de 56 TMP (1).
4. L'ENCADREMENT DES PRIX AU MPB
52. Le directeur du MPB a indiqué que le mécanisme d'encadrement des fluctuations du prix du porc au MPB a été instauré en 1989 " (...) après que le prix du porc a fluctué à l'époque de 1,50 FF à la hausse en 2 séances avant de corriger à la baisse de 1,40 FF une semaine plus tard. Les fluctuations avaient été considérées comme "anarchiques" dans un marché européen plus posé sur cette même période. Ces fluctuations intempestives avaient créé un malaise profond chez les éleveurs, les transformateurs, dont les clients avaient massivement fait appel aux viandes étrangères plus compétitives après la hausse exceptionnelle de 1,50 FF du cadran, créant les conditions d'un effondrement des prix quelques jours après [...] Le prix du porc fluctue beaucoup moins depuis quelques années par rapport aux dernières décennies " (cote 7953).
53. Une convention dite " ventes au classement " a été instaurée entre les éleveurs réunis en OP et les acheteurs réguliers. Il s'agit d'un mécanisme qui s'appuie principalement sur : un engagement d'apport et d'achat au MPB pour les abattoirs situés dans la zone Uniporc Ouest ;
une volonté de maîtrise des baisses et des hausses, dans une fourchette de +/-0,06 euro/kg la semaine, soit +/-0,05 euro/kg pour la séance du jeudi et de +/-0,01 euro/kg le lundi suivant (cote 6680) ;
une fourchette des hausses et des baisses le lundi, simple marché de complément de celui du jeudi précédent, qui se situe entre + et -0,02 euro/kg lorsqu'une hausse ou une baisse du jeudi précédent n'excède pas + ou -0,04 euro/kg. Elle peut monter jusqu'à + ou -0,03 euro/kg en cas de fortes hausses ou baisses (cotes 6680, 6681) ;
une limitation des hausses visant à atténuer les risques de spéculation, due à la raréfaction de l'offre, fait que tout lot recevant une enchère supérieure à +0,03 euro/kg par rapport au prix moyen du marché précédent ne peut être refusé à la vente (cote 6680).
54. Cette convention a donc pour objectif de lisser les variations du prix du porc en amont de la filière, qui s'avère très réactif à l'évolution de l'offre et de la demande. Le directeur du MPB précise ainsi qu' " il est démontré qu'une variation [en plus ou en moins] de 1 à 2 % du volume de l'offre peut entraîner une amplitude de 30 à 40 % du prix du porc. En effet, en période de surproduction ou du moins d'offre supérieure à la demande, les acheteurs étant assurés de subvenir à leurs besoins par le seul marché d'apports directs, peuvent laisser le cours descendre, ou laisser des lots invendus. À l'inverse, en période de ralentissement de la production, les abatteurs entrent brutalement en concurrence, ce qui provoque une flambée des cours " (cote 129).
55. La formation du prix du porc reste néanmoins soumise à la loi de l'offre et de la demande en raison des interactions entre le marché de la viande de porc française avec le reste du marché européen. En effet, les entreprises d'abattage exportent 20 à 30 % de leurs volumes d'activité (723 000 tonnes en 2008), tandis que les entreprises de transformation (par exemple de salaisons) ont importé, en 2008, 593 000 tonnes de viande des différents pays de l'UE (cote 13838).
56. Par ailleurs, les fluctuations de cours au MPB se révèlent généralement en phase avec l'évolution des marchés étrangers, comme le signale le rapport de juin 2011 de l'Observatoire de la formation des prix sur les prix et marges des produits alimentaires : " le marché français du porc est très ouvert sur le marché européen. Près du tiers de la consommation française est importé et près du tiers de la production est exporté vers le marché européen. En conséquence, le prix du porc en France suit le cours européen " (cote 11463).
57. Enfin, le prix du porc français se caractérise, pour chaque marché au cadran, par un encadrement selon un mécanisme dit de " tunnel " ou de " serpent " à la hausse (a) ou à la baisse (b), même si les autres marchés européens et mondiaux diminuent ou augmentent dans des proportions supérieures.
a) L'encadrement des variations de prix à la hausse
58. La variation à la hausse du cours moyen ne peut excéder 0,06 euro/kg par semaine, soit +/- 0,05 euro/kg pour le marché du jeudi, et +/-0,01 euro/kg pour celui du lundi, ou +0,02 euro/kg le lundi si la hausse a été inférieure à 0,04 euro/kg le jeudi précédent. 59. Les hausses maximales, ainsi décrites, de +0,05 euro/kg pour le jeudi, et de +0,01 euro/kg ou +0,02 euro/kg pour le lundi, ne correspondent pas à une hausse maximale du prix individuel d'un lot, mais à la hausse maximale du cours moyen d'une séance considérée par rapport à celle qui la précède. Dès lors, si au cours d'un marché du jeudi, le cours instantanément calculé devient haussier au-delà de +0,05 euro/kg par rapport au cours moyen de la séance précédente, le marché s'arrête. Tous les lots précédemment enchéris entre +0,05 euro/kg et +0,06 euro/kg au-dessus du cours moyen de la séance précédente sont alors automatiquement ramenés à +0,05 euro/kg. En revanche, et cela marque la différence entre les mécanismes d'encadrement des variations à la hausse et à la baisse, les lots enchéris au-delà de +0,06 euro/kg par rapport au cours moyen du marché précédent conservent leur prix.
60. La fourchette de hausse maximale de +0,05 euro/kg le jeudi n'a été mise en œuvre que 19 fois sur les 484 occurrences possibles entre le 14 décembre 2006 et le 4 août 2011, soit dans 3,9 % des marchés au cadran tenus sur la période considérée.
b) L'encadrement des variations de prix à la baisse
61. Lors des réunions avant marché entre abatteurs, qui ont eu lieu jusqu'en mars 2012, chaque opérateur annonçait à ses concurrents le " prix de retrait " qu'il souhaitait voir appliquer, soit " marché normal ", synonyme d'une possible reconduction du prix acquis lors du marché précédent, soit " marché difficile ", synonyme de " prix de retrait " en baisse. Si les annonces de prix de retrait en cas de " marché difficile " sont différentes, une moyenne pondérée est calculée en fonction des quotas d'achats de chaque opérateur, définie au prorata de ses volumes d'achat au cours des douze dernières séances du marché. Cette moyenne constitue " la barre de retrait " synthétique présentée aux vendeurs (cotes 7001, 13333).
62. Si le calcul des intentions individuelles ne dépasse pas -0,015 euro/kg le jeudi et -0,01 euro/kg le lundi suivant, il est automatiquement fait application du " prix de retrait " fixé par la convention " ventes au classement " pour un marché dit " normal ". La variation à la baisse est alors limitée à -0,015 euro/kg du cours moyen de la séance précédente pour le marché du jeudi, et à -0,01 euro/kg pour celui du lundi. Le marché ne peut baisser que très faiblement, de sorte qu'une décrue " normale " sera nécessairement lente. Du 14 décembre 2006 au 16 juin 2011, cette occurrence favorable aux éleveurs s'est produite 377 fois sur 468 marchés, soit dans 80,6 % des cas.
63. En cas de marché dit " difficile ", les acheteurs annoncent leur proposition de " prix de retrait ", dénommée alors " barre de retrait " pour la distinguer du " prix de retrait conventionnel " pour un marché " normal ". Son ampleur maximale se chiffre à -0,06 euro/kg par rapport au cours moyen de la semaine précédente, répartie à -0,05 euro/kg pour la séance du jeudi et -0,01 euro/kg pour celle du lundi. Selon la convention : " le prix de retrait est le prix minimum du jour en dessous duquel aucune transaction ne peut être conclue " (cotes 6679).
64. Il convient de souligner que le " prix de retrait " n'est pas le prix de marché. Ce seuil permet seulement d'éviter des fluctuations importantes de prix à la baisse sur certains lots lors des enchères descendantes au cadran. La " barre de retrait " indique donc une tendance de marché (équilibre offre/demande, prix des marchés européens, situation des abatteurs). Une fois ce seuil connu, les enchères se déroulent normalement. La confrontation offre/demande, lot par lot, détermine le prix instantané de chaque lot et le cours moyen du marché en fin de séance.
65. En outre, la " barre de retrait " établie par la FAC prend en compte les indications de chaque abatteur, dont les positions s'avèrent souvent hétérogènes sur le MPB, entre d'une part, les abatteurs dits libéraux (Bigard/Socopa, Gad, Bernard et Abera) et d'autre part, ceux relevant du secteur coopératif et intégré, à l'amont (Cooperl et AIM), ou bien, à l'aval (Kermené en raison de son appartenance au Galec/Leclerc).
66. La fixation du " prix de retrait ", système unique en Europe, participe ainsi d'un mécanisme de protection dans l'intérêt des éleveurs. Les échanges d'intention sur la " barre de retrait " et le calcul d'une moyenne pondérée par les quotas d'achats sur les douze précédentes séances aboutissent à une " barre de retrait " favorable aux éleveurs, puisque plus élevée que le " prix de retrait " résultant mécaniquement de la convention " ventes au classement ".
67. Le " prix de retrait " et la " barre de retrait " n'aboutissent jamais à la fixation d'un prix individuel ou moyen.
c) L'obligation des abatteurs d'acquérir les lots non enchéris
68. La " barre de retrait ", dont les oscillations encadrent les variations de prix d'un marché libre, se conjugue avec des obligations d'achat incombant aux abatteurs. Les conventions successives du MPB, notamment celle du 14 décembre 2006, comme la précédente du 3 janvier 2002, ont prévu une obligation d'achat par les abatteurs des lots présentés par les éleveurs selon les quotas définis sur la base des marchés précédents. Le système d'affectation selon les quotas s'explique aussi par le fait que les OP qui présentent des lots matures de leurs éleveurs adhérents doivent pouvoir les écouler au MPB s'ils le désirent.
69. Les abatteurs se trouvent donc dans l'obligation d'acquérir au cours moyen tous les lots présentés au MPB par les éleveurs qui n'ont pas fait l'objet d'une enchère, en proportion de leurs achats lors des marchés précédents (cote 6679). La fixation par la FAC du " prix de retrait " constitue la contrepartie de cette obligation, qui tend à éviter que les abatteurs n'aient à subir un cours moyen anormalement élevé à contre-courant du contexte économique qui prévaut lors des séances.
70. De leur côté, les OP représentées au marché ont toujours la possibilité de refuser de vendre des lots si elles estiment que les prix proposés pendant la séance d'enchères sont insuffisants. Cela a, par exemple, été le cas lors du marché du lundi 13 juillet 2009, au cours de laquelle aucune OP n'a présenté de lots au motif que la barre de retrait leur paraissait trop basse, reportant les lots invendus au marché du jeudi 16 juillet suivant : " bouton vert : c'est vendu, bouton rouge : c'est invendu. Lundi passé, ce fut bouton rouge intégral " (cotes 10598, 10660).
5. L'ÉVOLUTION DU PRIX MOYEN DU MPB ENTRE 2007 ET 2011
71. Alors que le cours moyen du porc (indice TMP 56, sans plus-value) a progressé de 3,2 % entre 2007 et 2011, les amplitudes du cours annuel sur cette période ont varié entre 20,9 % et 27,2 % :
Les cours moyens du porc sur le MPB entre 2007 et 2011
Le 30 aout 2007 : Maximum, euro/kg : 1.265 / le 15 janvier 2007 : Minimum, euro/kg : 1.001 / Ecart, euro/kg : 0.264 / Ecart, % prix mini : 20.9% / Prix moyen annuel évolution, euro/kg : 1.118 / -8.59%
Le 28 aout 2008 : Maximum, euro/kg : 1.452 / le 4 février 2008 : Minimum, euro/kg : 1.061 / Ecart, euro/kg : 0.391 / Ecart, % prix mini : 26.9% / Prix moyen annuel évolution, euro/kg : 1.264 / 13.06
Le 2 juillet 2009 : Maximum, euro/kg : 1.353 / le 2 novembre 2009 : Minimum, euro/kg : 1.004 / Ecart, euro/kg : 0.349 / Ecart, % prix mini : 25.8% / Prix moyen annuel évolution, euro/kg : 1.146 / -9.34%
Le 24 juin 2010 : Maximum, euro/kg : 1.253 / le 11 janvier 2010 Minimum, euro/kg : 1.007 / Ecart, euro/kg : 0.246 / Ecart, % prix mini : 24.4% / Prix moyen annuel évolution, euro/kg : 1.145 / -0.09 %
Le 9 novembre 2011 : Maximum, euro/kg : 1.490 / le 3 mars 2011 : Minimum, euro/kg : 1.148 / Ecart, euro/kg : 0.312 / Ecart, % prix mini : 27.2% / Prix moyen annuel évolution, euro/kg : 1.309 / 14.32%
Moyenne 2007-2011 : 1.196 / 3.2 %
72. Le tableau ci-dessus montre que les prix les plus hauts se situent en été et ceux les plus bas en hiver. Comme le relève le rapport de juin 2011 précité, " le prix du porc payé à l'éleveur est saisonnier. En hiver, la production française atteint, comme en Europe, son pic de production annuel. L'offre est abondante et le prix du porc en GMS est faible. En été, la production de porc atteint un creux et la consommation des produits de longe atteint un pic (saison des produits de grillade). Ainsi, en été, le prix du porc est-il en général plus élevé " (cote 11463).
73. La valorisation du porc sur le MPB apparaît plus rémunératrice en 2011, toutes choses égales par ailleurs, à la différence de la situation atone ayant perduré sur les quatre exercices 2007 à 2010. Toutefois, le MPB souligne que " la valeur du prix du porc en production ne peut être interprétée sans la juxtaposition des coûts de revient " (cote 8636). Aussi, le MPB présente-t-il l'évolution entre 1996 et 2011 du cours moyen du porc au regard des coûts de revient moyens totaux et du coût de revient moyen alimentaire, sachant que les éleveurs ont subi la flambée des matières premières depuis 2007 (cote 8636).
74. Il indique ainsi que le cours moyen de 1,309 euro/kg obtenu en 2011 reste inférieur de 0,06 euro/kg, soit de -4,5 %, au coût de revient moyen : " 14,3 % de hausse du cours du porc, 20 % de hausse de coût de revient. Le meilleur cours n'a pas permis aux éleveurs de retrouver de la rentabilité. Selon les normes moyennes, il manque 6 centimes pour équilibrer " (cotes 9775 et 9776).
75. Depuis la signature de la convention le 14 décembre 2006, et jusqu'au 16 juin 2011, il s'est produit 91 occurrences sur un total de 468 occurrences, soit dans 19,4 % des cas, où la " barre de retrait " a été fixée à un prix inférieur à marché normal. Lors de ces 91 séances, il a été constaté une baisse du cours moyen dans 79 cas, soit dans 86,8 % des occurrences, contre un maintien du cours précédent à 3 reprises et une hausse du cours dans 9 cas, pour un faible montant toutefois puisque compris entre 1 et 4 millièmes d'euro, à l'exception de la séance du mercredi 20 mai 2009 qui a connu une hausse de 17 millièmes par rapport au cours du lundi 18 mai 2009 précédent. La " barre de retrait " pour marché " difficile " a concerné 65 semaines (un lundi ou un jeudi de la semaine) soit 27,7 % des 234 semaines entre le 14 décembre 2006 et le 16 juin 2011.
C. LES ASSOCIATIONS ET ENTREPRISES CONCERNÉES
1. LE MPB
76. Le MPB, situé à Plérin (Côtes-d'Armor), est une association loi 1901 créée en 1972. Il a pour objet la mise en marché des porcs charcutiers et des animaux de réforme sur la circonscription territoriale regroupant les régions Bretagne et Pays-de-la-Loire ainsi que les départements limitrophes.
77. En 2012, les groupements apporteurs étaient : Agrial, Aveltis, CAM 53, CAP 50, CEB, ELPOR, Porc Armor Evolution, Porfimad, Prestor groupe CECAB, Seretal Porcs, Syproporcs et Triskalia. Du côté des acheteurs, étaient présents au MPB : Abera, AIM, Bernard, Bigard, CBV, Charal, Charles François SA, Cooperl, GAD Josselin, GAD Lampaul, Holvia, Kermené, Loudéac Viandes, Socopa Châteauneuf et SVA.
2. LA FAC
78. La FAC, située Châteauneuf-du-Faou (Finistère), est une association loi 1901 créée en 1982, qui regroupe les abatteurs acheteurs au MPB. Aux termes de ses statuts, elle a pour objet " de promouvoir, entre les diverses organisations constituant l'association toutes utilisatrices du marché du porc breton - la conclusion d'accords professionnels en vue de les proposer aux responsables de ce marché ; de rencontrer à cet effet les responsables du marché du porc breton (Présidence, Conseil d'Administration, Direction) dans le but de conclure ces accords ; de veiller à tout moment sur chaque marché à l'application de ces accords interprofessionnels conclus ; de décider toutes mesures ou sanctions propres à faire exécuter les accords conclus et mettre en œuvre tous moyens propres à assurer cette exécution des accords conclus ; d'étudier tous problèmes relatifs à la profession (...) " (cote 13273).
79. La FAC est composée des membres suivants : les sociétés Abera, AIM, Bernard, Bigard, Charal, Charles, Cooperl, GAD, Holvia, Kermené, Socopa et SVA (cote 13274).
3. LA FRENCH MEAT ASSOCIATION (ANCIENNEMENT SNCP)
80. La French Meat Association, située à Paris, est un syndicat actif dans le domaine de l'exportation de la viande, principalement porcine. Elle a pour objet la défense des intérêts de ses membres auprès des instances nationales et européennes dans les domaines liés à l'exportation. Au 1er janvier 2012, elle comptait onze membres. Jusqu'au 15 décembre 2009, ce syndicat était dénommé Syndicat National du Commerce du Porc (SNCP) et son activité principale consistait à représenter les entreprises d'abattage et de découpe de porcs établies en France. Cette activité est désormais exercée par une entité distincte de la French Meat Association, le SNIV-SCNP, résultant de la fusion du Syndicat national de l'industrie des viandes avec le Syndicat national du commerce du porc regroupant, depuis 2010, les principales entreprises industrielles du secteur de la viande bovine, ovine et porcine en France.
4. AIMGROUPE SAS ET HAIMSAS
81. AIM Groupe est une société par actions simplifiée (SAS) constituée en 1956 dont le siège social se trouve à Sainte-Cécile (Manche). AIM Groupe est une filiale à 100% de la société HAIM SAS, dont le siège social se trouve à Saint-Ébremond-de-Bonfossé (Manche). HAIM SAS est elle-même contrôlée à hauteur de 64,18% par la coopérative CAP 50 (Coopérative Agricole Porcine de la Manche).
82. Au 31 décembre 2011, elle comptait six sites de transformation et de conservation de viande de boucherie, principalement de viande de porc (Sainte-Cécile, Dangy, Villedieu les Poêles, Antrain, Nogent-le-Rotrou et Bernay).
5. BERNARD SAS
83. Bernard est une société par actions simplifiée (SAS) créée en 1987 dont le siège social est situé à Loudéac (Côtes-d'Armor). En 2006, la famille qui la détenait en a cédé le contrôle à des cadres. Le groupe Bernard se compose des sociétés Bernard SAS, Loudéac Viandes SAS et Charles SAS.
6. COOPERL ARC-ATLANTIQUE
84. Cooperl Arc-Atlantique est une société coopérative agricole, holding de tête du groupe Cooperl Arc-Atlantique (ci-après le " groupe Cooperl ") dont le siège social est situé à Lamballe (Côtes-d'Armor) et qui a pour objet la production, la collecte, l'abattage, la transformation, la conservation, l'écoulement et la vente d'animaux d'espèces porcines et avicoles et de toutes céréales, protéagineux, oléagineux et autres produits du sol provenant exclusivement des exploitations des associés coopérateurs. Le groupe Cooperl est notamment présent dans le secteur de la transformation et de la conservation de viande porcine. Il assure également l'achat, en vue de l'approvisionnement de ses seuls associés coopérateurs, des produits, équipements, instruments et animaux nécessaires à leur exploitation.
7. ÉTABLISSEMENTS ABERA SAS
85. Établissements Abera est une société par actions simplifiée (SAS), créée en 1928 dont le siège social se trouve à Saint-Brice-en-Coglès (Ille-et-Vilaine). Elle est détenue à hauteur de 75% par la société Glon Sanders Holding (GSH, holding du groupe Glon-Sanders) du groupe Sofiproteol, le solde restant étant détenu par Porc Armor. Spécialisés dans l'abattage et la découpe de porcs, les Établissements Abera constituent l'une des plus anciennes entreprises d'abattage-découpe dans l'Ouest de la France.
8. GAD SAS ET FINANCIÈRE DU FOREST SA
86. Gad est une société par actions simplifiée (SAS) dont le siège social est situé à Lampaul- Guimiliau (Finistère). La société Gad SAS est issue de la fusion survenue en 2008 entre les sociétés Louis Gad SA et Europig. Depuis la cession des titres de Louis Gad SA et Europig en date du 18 janvier 2008, les comptes sont consolidés dans ceux de la société Financière du Forest, société anonyme (SA) dont le siège social est situé à Morlaix (Finistère). Financière du Forest est une holding sans activité propre de vente de produits issus du porc charcutier qui contrôle à 100 % Gad SAS. Financière du Forest est elle-même contrôlée par la coopérative Centrale Coopérative Agricole Bretonne (CECAB) à hauteur de 55,19% depuis l'autorisation par l'Autorité de la prise de contrôle exclusif de la société Financière du Forest par CECAB (décision n° 11-DCC-154 du 24 octobre 2011).
9. GROUPE BIGARD SA ET SOCOPA VIANDES SAS
87. La société Groupe Bigard est une société anonyme (SA) dont le siège social est situé à Quimperlé dans le département du Finistère. La société Groupe Bigard est la société de tête du groupe Bigard. Elle est placée sous le contrôlé exclusif de membres de la famille Bigard qui ne détiennent aucune autre participation contrôlante. Le groupe Bigard est principalement actif dans l'abattage, la découpe et la transformation de viandes de boucherie (bovins, porcins et ovins). Il exerce également des activités de traiteur et fabrique des produits alimentaires élaborés.
88. La société Socopa Viandes est une société par actions simplifiée (SAS) constituée en octobre 2008 dont le siège social est situé à Quimperlé. Socopa Viandes est principalement active, au travers de ses différentes filiales, dans l'abattage, la découpe et la transformation de viandes de boucherie (bovins, porcins et ovins). Par lettre en date du 17 février 2009 relative à une concentration dans le secteur de la viande (C2008-100), le ministre chargé de l'économie a autorisé la prise de contrôle exclusif de la société Socopa Viandes par la société Groupe Bigard.
10. KERMENÉ SAS
89. Kermené est une société par actions simplifiée (SAS) constituée en 1978 à la suite du rachat des abattoirs Gilles par GALEC (Groupement d'Achats des Centres E. LECLERC). Son siège social se trouve à Saint-Jacut-du-Mené (Côtes-d'Armor).
90. Kermené est devenu l'un des plus importants sites européens d'abattage, de découpe et de transformation de produits carnés avec six sites industriels de production en Bretagne. Il fournit l'ensemble des magasins de l'enseigne Leclerc en produits de boucherie et de charcuterie, destinés à la fois à la vente traditionnelle à la coupe et aux rayons en libre-service. Kermené est en effet un opérateur dédié pour l'essentiel à l'approvisionnement des magasins coopérateurs et des centrales coopératives de l'enseigne Leclerc. Kermené n'a qu'une activité minoritaire en dehors du réseau Leclerc, notamment à l'export.
D. LES PRATIQUES RELEVÉES
1. LE PARTAGE DES INTENTIONS DE BARRE DE RETRAIT DES ACHETEURS DE LA FAC
91. Les éléments au dossier montrent que des abatteurs membres de la FAC, à savoir Abera, AIM, Bernard, Cooperl, Gad, Groupe Bigard, Kermené et Socopa Viandes partageaient, en amont des séances hebdomadaires du marché au cadran tenues les lundis et jeudis, leurs intentions de " prix de retrait ".
92. Il revient, en principe, au président de la FAC de faire une synthèse de l'ensemble des intentions afin d'établir une moyenne, au prorata des quotas d'achat de chaque abattoir, lesquels sont obtenus sur la moyenne des douze dernières séances au cadran. En effet, l'article 8 de la convention " ventes au classement " stipule que " le prix de retrait est fixé librement par la FAC. La synthèse annoncée par la FAC engage tous les acheteurs présents " (cote 6714). Toutefois, la convention ne précise pas les modalités de réunion entre acheteurs pour fixer la " barre de retrait ".
93. Dans un courrier adressé aux services de l'Autorité en date du 4 février 2011, le représentant de Cooperl explique, en réponse à une demande portant sur les modalités de fixation du " prix de retrait " lors des réunions entre abatteurs, qu'" [e]n tant que membre de la FAC, [elle] participe à la détermination de la barre de retrait. Si la barre doit être obligatoirement annoncée avant le marché du lundi et du jeudi, rien ne défini[t] les modalités de réunion entre acheteurs pour la fixer. Aussi, au plan pratique, les acheteurs se réunissent dans une salle de la maison du porc à Plérin pour définir le "prix de retrait", lequel est défini dans l'article 8 point 3 de la convention comme "Le prix minimum du jour en dessous duquel aucune transaction ne peut être conclu". Le prix de retrait n'est donc pas le prix d'achat souhaité, mais un prix minimum. [...] Au cours de cette réunion, chaque acheteur membre de la FAC s'exprime donc et annonce "son" prix de retrait. Si chacun n'annonce pas le même prix de retrait, une moyenne pondérée est alors faite en fonction du pourcentage des quotas d'achats de chacun des opérateurs. La pondération pour chacun de ses acheteurs est définie par le prorata de ses volumes d'achat au cours des 12 dernières séances du marché. Cette moyenne donne et constitue "la barre de retrait". Cette barre de retrait est présentée aux vendeurs " (cote 7001).
94. Le directeur de la filière porc de Groupe Bigard a de son côté déclaré lors de son audition par la DGCCRF, le 27 mars 2007, que " [n]ous fixons, avant chaque marché, un prix de retrait. Ce prix est défini dans la convention, soit un marché normal (c'est-à-dire un prix de retrait tel que fixé dans la convention pour une période normale), soit un marché difficile (trop de volumes, manque de ventes en aval, situations difficiles pour les abattoirs, etc.) où le prix de retrait sera compris entre le prix en période normale et le prix de retrait au plus bas autorisé. Cependant, entre la fixation d'un prix de retrait et le résultat du marché, il y a parfois une grande différence. Chaque abatteur dit le prix de retrait qu'il souhaite [lors de la séance avant marché]. Le prix de retrait est ensuite calculé au prorata de la représentativité (en volumes d'achats) sur le marché au cadran ".
95. Figure au dossier un document à en-tête de la société Kermené intitulé " compte rendu réunion SNCP 08/04/2008 " concernant une rencontre qui se serait tenue à Rennes au restaurant " Le Galopin " (cote 6951), dans lequel figure un commentaire concernant le " prix de retrait " de la séance à venir du jeudi 10 avril 2008 entre les représentants des abattoirs Abera, Socopa, Gad, Europig, AIM, Bernard, Cooperl, Bigard et Kermené, en présence du président du SNCP : " Commentaire du prix marché au 10/04/08 : -0,05 euro. Baisse demandée par l'ensemble des intervenants. J. G. [Cooperl] estime qu'une baisse moins brutale serait plus bénéfique pour les éleveurs [...]. T. M. [Socopa] et F. C. [Gad] font part des paroles échangées lors de la réunion (Kermené est visuellement accusé) : remise en question de la réunion d'avant marché " (cotes 2708 ou 6604).
96. Figure aussi au dossier un document à en-tête de la société Kermené intitulé " compte rendu réunion Inaporc 18/06/2008 ", concernant une réunion au cours de laquelle aurait été évoqué, non pas le " prix de retrait " mais le cours du jeudi 19 juin 2008 entre les représentants des abattoirs Abera, Socopa, Gad, AIM, Bernard, Cooperl, Bigard et Kermené, en présence du président du SNCP : " Position pour le cadran de jeudi : cours identique " (cote 6612).
97. Les opérations de visite et de saisie ont conduit, par ailleurs, à saisir un document intitulé " réunion du 12 mai 2009 ", concernant une réunion qui se serait tenue à l'hôtel Mercure de Rennes (cote 3281) et dont l'ordre du jour comportait un point " conjoncture du marché " précisant que " le prix du cadran de jeudi 14 mai : Barre -0,02 sauf Cooperl et Kermené marché normal " (cotes 2712 ou 6900). En réponse à une demande d'information des services d'instruction, Kermené s'est expliqué sur ce document dans les termes suivants : " Ce document n'est pas un document interne à Kermené. Ce document met en lumière l'autonomie du comportement de Kermené par rapport à la "barre" de -0,02 euro à laquelle le document fait allusion. Du reste, le marché n'a pas atteint cette barre (le marché du 14 mai était à 1,179 euro contre 1,185 euro au marché du 11, soit un écart (à la baisse) de 0,006 euro) " (cote 2740).
98. L'OP Initia a signalé, dans un communiqué du 15 mai 2009, une divergence importante sur le niveau des " barres de retrait " et des cours moyens, lors des deux séances du 11 et du 14 mai 2009, entre un premier groupe constitué des abatteurs de type libéral (Gad, Bigard, Socopa, Bernard, Abera) et un second groupe de type coopératif (Cooperl, AIM et Kermené) : " Les abattoirs ont confirmé leurs divergences sur les deux marchés de cette semaine. Une attitude surprenante quand on sait que ces mêmes abattoirs ont les mêmes clients avec des produits transformés identiques à vendre. Comment analyser ce comportement ? Pourquoi un tel écart de prix (5 cts) entre les abattoirs sur une même activité économique ? [...]
<Emplacement tableau>
Ces deux marchés sont révélateurs de l'attitude des abattoirs. Le premier groupe confirme sa volonté de faire un profit maximum à court terme sur le dos des producteurs [...]. Le second groupe d'abatteurs raisonne différemment. La production européenne de porcs tend à baisser. Ceci va être confirmé par le prix allemand et le nord de l'Europe " (cotes 3440 et 3441).
99. Le marché du jeudi 14 mai 2009 s'est ouvert sur la base d'un marché " normal " comme le souhaitaient Cooperl, AIM et Kermené avec un prix de retrait à -0,015 euro/kg et non à -0,020 euro/kg (1,197 - 1,177) en cas de marché " difficile ", voulu par Gad, Bigard, Socopa, Bernard, Abera (cote 6830).
100. Auditionné par les services de l'Autorité, le 7 avril 2011, sur le déroulement des réunions entre acheteurs avant cotation au MPB et sur une connaissance mutuelle des prix de retrait des autres acheteurs, le directeur général d'Abera, a précisé que " le prix de retrait ne se fait qu'une demi-heure ou trois quarts d'heure avant l'ouverture du marché. Les éventuelles discussions sur des intentions sur la fixation de la barre de retrait qui peuvent avoir lieu auparavant par les dirigeants des abatteurs, lors de réunions bimensuelles du SNCP, n'engagent pas les acheteurs qui ne se positionnent que le jour des enchères en raison de la tendance générale ce jour-là. Lors des réunions avant marché, les acheteurs communiquent leurs intentions sur le prix de retrait. Pendant la commission avant marché, les acheteurs dévoilent leurs intentions. Le débat a lieu entre les acheteurs sur la barre de retrait. Ensuite le calcul de ce prix de retrait est effectué par le président de la commission en fonction des quotas d'achat " (cotes 7359, 7360).
101. En réponse à la même question, le directeur général de Bernard SAS, auditionné par les services de l'Autorité, le 8 avril 2011, a déclaré au sujet d'échanges entre acheteurs sur la barre de retrait lors des réunions avant cadran : " Notre acheteur dispose d'une consigne de prix de retrait que M. L. M. lui donne avant de se rendre à la réunion avant cadran. C'est bien pendant la réunion, prévue dans la convention "ventes au classement" du 14 décembre 2006, que notre consigne de prix est portée à la connaissance des autres abatteurs et réciproquement les prix de retrait des autres acheteurs sont connus de notre représentant à ce moment-là. Il n'y a pas de raison que la consigne qui a été donnée soit modifiée par notre représentant. En même temps, se tient la réunion des vendeurs " (cote 7365).
102. Auditionné par les services de l'Autorité, le 19 avril 2011, le président de Groupe Bigard a indiqué que : " [...] lors de la séance avant cadran, chaque société annonce sa position par rapport au quota qui lui revient : elle en achètera un peu plus ou un peu moins. Il s'agit d'une simple intention, non chiffrée. Lors de cette séance avant cadran, chaque acheteur en fonction de son intention d'acheter, communique son intention de prix. Par exemple j'en achète plus mais à un prix plus élevé que le cours du MPB précédent ou j'en achète autant que mon quota mais au même prix ou moins cher. Dans ces cas nous nous trouvons dans le cadre du marché dit normal et le prix de retrait sera de moins 1,5 centime pour la séance du jeudi. En cas de marché difficile les intentions de prix sont négatives, cela conduit à formuler à la direction du marché un prix de retrait proratisé négatif, en dessous de moins 1,5 centime et inférieur à moins 5 centimes pour une séance du jeudi " (cote 7397).
103. Il ressort également des pièces figurant au dossier qu'il s'est produit 91 occurrences sur un total de 468 possibles (soit 19,4 % des cas) de " prix de retrait " fixé à un prix inférieur à un " marché normal ", soit à plus de 0,010 euro/kg le lundi que le cours du jeudi précédent ou à plus de -0,015 euro/kg le jeudi que le cours du lundi précédent (cotes 7203 à 7215, 7845). Il y a eu, ainsi, 91 séances où le " prix de retrait " a été fixé à un niveau inférieur à celui d'un " marché normal " débouchant sur une baisse du cours dans 79 cas, soit dans 86,8 % des occurrences, contre un maintien du cours précédent à trois reprises et une hausse du cours dans neuf cas, pour un faible montant toutefois puisque compris entre 0,001 et 0,004 euro/kg, à l'exception de la séance du 20 mai 2009 qui voit une hausse de 0,017 euro/kg par rapport au cours du lundi 18 mai 2009 précédent.
2. LA CONCERTATION ENTRE ABATTEURS SUR LE PRIX D'ACHAT DES PORCS LES 2 ET 5 SEPTEMBRE 2005
104. Le jeudi 1er septembre 2005, le marché au cadran ne s'est pas tenu à la suite d'un désaccord entre vendeurs et acheteurs sur le prix de retrait défini par la FAC. Aucune transaction n'a été effectuée au MPB ce jour-là. Les porcs présentés le 1er septembre ont été reportés sur la séance du lundi 5 septembre (cotes 2 et 9).
105. Le communiqué hebdomadaire du MPB portant sur la semaine 36 de l'année 2005 relate les faits en ces termes : " La séance de vente du 1er septembre reportée d'un commun accord entre les GP vendeurs et les acheteurs présents au vendredi n'a pu se dérouler. En effet, jeudi dans l'après-midi, les abattoirs au sein de leur structure SNCP, décidaient arbitrairement de ne pas se présenter le vendredi comme convenu et de fixer la séance au lundi après-midi. La décision du SNCP, de fixer un prix de transition pour le vendredi et le lundi, pose question car la tenue du marché le vendredi après-midi, comme convenu, aurait permis de fixer et de diffuser le prix de marché. [...] Reporté à lundi avec le cumul des offres de jeudi et de lundi (73 552 porcs présentés), le cours au MPB a chuté de 6,8 centimes à 1,164 euro " (cote 7244).
106. En l'absence de cotation officielle sur laquelle fonder les transactions en direct, les abattoirs ont choisi de fixer un prix commun d'achat pour les 2 et 5 septembre 2005. Il ressort des éléments versés au dossier que le prix d'achat fixé à 1,18 euro/kg a été défini par les acheteurs.
107. Ainsi, l'ancien président de la FAC a confirmé que " [d]u fait de l'absence de marché le 1er septembre 2005, le SNCP a publié un cours de 1,18 euro/kg (qui correspond à une baisse de 0,052 euro/kg par rapport au marché précédant le 1er septembre 2005 et non de 0,065 euro/kg) pour les transactions du vendredi 2 et du lundi 5 septembre 2005. Ce prix n'a pas été établi au niveau de la FAC, mais au niveau du comité directeur du SNCP qui a dû tenir une réunion par téléphone le jeudi soir 1er septembre 2005. Cette réunion téléphonique a dû regrouper les abatteurs bretons (notamment Cooperl, Gad, Bigard, Kermené, Gâtine Viandes à La Guerche de Bretagne), mais aussi les plus grands abattoirs de l'Ouest de la France (notamment Sabim/Charal [Bigard] à Sablé sur Sarthe, Socopa à Évron, AIM à Ste-Cécile, Arca [Cooperl] à St Maixent) " (cote 1305).
108. Une note interne en date du 9 septembre 2005 saisie chez Kermené précise que " [l]es porcs non vendus du jeudi 1er septembre cumulés avec les offres du lundi 5 septembre ont enregistré un prix moyen de 1,164 euro, inférieur au prix de 1,18 euro fixé par le SNCP " (cote 3294).
109. Entendu par la DGCCRF, le 25 juin 2007, le président du SNCP a expliqué qu'" [i]l n'y avait pas eu de séance au cadran, les acheteurs m'ont informé de la situation et m'ont indiqué le prix qui avait été défini. Le prix qui a été fixé est supérieur au prix cadran de la séance suivante. Je ne me souviens pas qui m'a donné l'information sur le prix qui avait été fixé, j'ai probablement eu plusieurs abattoirs au téléphone sur cette affaire. Nous n'avons fait que retransmettre cette information " (cote 426).
110. Entendu par la DGCCRF, le 24 juillet 2007, le représentant de la société Gad a précisé que " [c]ompte tenu de nos difficultés, nous avions demandé pour la séance du 1er septembre, le prix de retrait maximum de -6,5 centimes le jeudi. Les vendeurs n'ont pas été d'accord. La séance n'a pas eu lieu. Comme nous n'avions pas de prix cadran pouvant servir de référence, nous avons donc fixé un prix entre acheteurs présents au cadran ce jour-là. Ce prix a été fixé au prix de la séance précédente moins 5,2 centimes, ce qui correspondait à la demande commerciale du moment [...]. La FAC a fixé le prix et le SNCP a diffusé un communiqué à l'ensemble des abattoirs sur le prix à pratiquer pour les transactions qui auraient dû avoir comme référence le prix cadran du 1er septembre " (cote 811).
111. Entendu par la DGCCRF, le 13 juin 2006, le responsable de la filière porcine au sein du Groupe Bigard, par ailleurs vice-président du SNCP, a expliqué que " [c]e prix a été défini préalablement à la séance, comme le prévoit la convention MPB, entre acheteurs sous l'égide de M. J. S., président de la FAC. On s'est donc accordé sur cette solution de proposer le prix de retrait de 1,18 euro. [...] J'ai diffusé cette note à l'ensemble de nos fournisseurs, à la fois les groupements présents sur le MPB, et les groupements à qui nous achetons en direct. Le risque lorsqu'une séance est annulée, c'est que les GP demandent l'application du dernier prix cadran, en l'occurrence pour cet épisode, le cours précédent était à 1,232 euros. Nous ne pouvions pas appliquer ce prix qui ne correspondait pas à la réalité du marché. Il faut noter que lors des séances qui ont suivi, le cours a baissé. Notre demande reflétait donc la tendance du marché " (cote 312).
112. Ce prix ne constitue pas stricto sensu un " prix de retrait " au sens du marché MPB, puisqu'il n'y a pas eu de marché au cadran le jeudi 1er septembre 2005, ni le lendemain vendredi 2 septembre 2005.
113. Entendu par la DGCCRF, le 20 juin 2007, un représentant de la société AIM a indiqué qu'" [o]n s'est probablement accordé au sein de la FAC pour appliquer la baisse que nous avions demandé pour la séance annulée. AIM a reçu la note diffusée par le SNCP nous demandant d'appliquer le prix de 1,18 euro " (cotes 422 et 423).
114. Entendu par la DGCCRF, le 31 juillet 2007, un représentant du groupe Cooperl a expliqué que " [d]u fait de l'absence de prix de marché qui sert de base aux transactions pour l'ensemble des acheteurs dans la zone Uniporc Ouest, il a bien fallu en établir un. Après concertation des intervenants de la FAC et de l'UBAB, c'est à dire des acheteurs au marché du porc breton, nous avons décidé de fixer un prix de base de 1,18 euro/kg pour remplacer l'absence de prix de marché de ce jeudi [...]. Le prix de 1,18 euro/kg établi au sein de la FAC a été repris par le SNCP qui l'a communiqué à ses adhérents [...] " (cote 2112).
115. Le prix de 1,18 euro/kg pour l'achat des porcs sur le marché d'apport direct a été diffusé auprès des producteurs de deux manières différentes. En premier lieu, une large diffusion a été assurée par le SNCP, via un communiqué en date du 1er septembre 2005, intitulé " cadran breton risque d'implosion ; position des acheteurs " dans lequel le syndicat explique que " [f]ace à la décision du Marché du Porc Breton d'annuler la séance du Cadran du jeudi 1er septembre 2005, les acheteurs ont décidé afin de maintenir un prix de transaction, d'appliquer comme condition générale d'achat un prix de 1,180 euro/kg : 54 TVM applicable pour les journées du vendredi 2 septembre et du lundi 5 septembre 2005 " (cote 512).
116. Par ailleurs, une diffusion individualisée a été assurée directement par la plupart des abattoirs auprès de leurs groupements. Il ressort en effet du dossier qu'un courrier rédigé dans des termes identiques a été adressé aux groupements de producteurs par les abattoirs Bigard (cote 2243), Louis Gad SA (ex-Gad SAS) (cotes 814 à 820), AIM (cote 2242), Europig (cote 886) ainsi que par Socopa SA (cotes 2075 à 2098). Ci-dessous figure un extrait de ce courrier :
" La direction du Marché du Porc Breton a pris la décision d'annuler la séance du marché de ce jour, jeudi 1er septembre 2005, de ce fait aucune cotation n'est publiée. Pour pallier à (sic) cette carence, par la présente nous vous informons que nos conditions générales d'achat pour les porcs du vendredi 2 septembre et du lundi 5 septembre 2005 seront les suivantes :
Prix de base 54 TVM : 1,180 euro/kg (application de la grille de paiement MPB).
L'enlèvement ou la livraison de vos porcs correspondant à ces deux journées constituera et confirmera votre acceptation de nos conditions générales d'achat définies ci-dessus ".
117. Entendu par la DGCCRF, un représentant du Groupe Bigard a déclaré que " le courrier [...] s'est inspiré d'une note qui nous a été diffusée par le bureau du SNCP, dont le responsable était déjà M. R. " (cote 312). De même, un représentant de la société Kermené indique avoir " reçu un modèle de courrier, établi par le SNCP, à adresser aux groupements de producteurs pour les informer du prix de 1,18 euro/kg. KERMENE n'a pas adressé ce courrier à ses fournisseurs ; ceux-ci ont été informés par téléphone de ce prix " (cote 1305).
118. Les responsables de l'ensemble des abattoirs entendus confirment tous avoir appliqué le prix de 1,18 euro pour leurs achats en direct effectués les 2 et 5 septembre 2005.
119. Entendu par la DGCCRF, le 24 juillet 2007, un représentant de la société Gad a déclaré avoir " (...) communiqué nos conditions d'achat aux GP pour les transactions qui auraient dû se référer au prix cadran du 1er septembre. Tous les GP nous ont approvisionnés sur cette base-là. Cela concerne environ 13 000 ou 14 000 porcs " (cote 811).
120. Au cours de son audition par la DGGCRF, un représentant de Groupe Bigard a également confirmé que : " [c]'est ce prix qui a été appliqué pour les porcs que nous avons achetés en direct " (cote 312). De même, les représentants des sociétés Europig, Bernard et Abera ont également confirmé avoir appliqué ce prix (cotes 884, 836 et 1392).
121. Pour leur part, les syndicats d'éleveurs FDSEA et Jeunes Agriculteurs (JA) ont vivement dénoncé, dans le quotidien " Le Télégramme de Brest " paru le 3 septembre 2005, " le comportement des abattoirs adhérents du SNCP, qui, en refusant d'établir une cotation transparente et en fixant un prix arbitraire, nient la légitimité qu'ont les éleveurs à négocier le prix de leur production et remettent en cause les règles établies en matière de commercialisation du porc " (cotes 3034, 3636, 3637).
122. Or, le cours du porc au MPB avait été fixé le lundi 29 août 2005 précédent, à 1,232 euro/kg, en baisse de 0,027 euro/kg, soit de 2,1 %, par rapport au cours précédent du jeudi 25 août 2005 arrêté à 1,259 euro/kg (cotes 7236, 7239).
123. Le refus du MPB de réunir le cadran, le vendredi 2 septembre, a conduit la FAC et ses membres à préférer la fixation en commun du cours du porc à 1,18 euro/kg, aboutissant à une baisse de 0,052 euro/kg lors des deux journées des vendredi 2 et lundi 5 septembre 2005, jour pendant lequel le cours a été fixé au cadran à 1,164 euro/kg (cote 7242).
124. Enfin, les données disponibles attestent que 161 456 porcs ont été abattus en moyenne entre le 29 août et le 9 septembre 2005 sur la zone Uniporc Ouest, dont 117 370 porcs par les abatteurs mis en cause (soit 72,6 % de la zone, cote 6943).
3. LA CONCERTATION ENTRE CINQ ABATTEURS POUR DIMINUER DE MANIÈRE COORDONNÉE LEURS ACHATS SUR LA ZONE UNIPORC OUEST EN 2009
125. Dans le cahier manuscrit d'un représentant de la société Bernard, figure, en date du lundi 8 juin 2009, la mention suivante :
" - Abera RDV Club des 5
- F Calvar " (cote 5727).
126. Il a été extrait de la messagerie informatique du responsable des achats de Gad SAS un courriel interne en date du 16 juin 2009 " à transmettre ce matin " aux personnes suivantes : le président de la Financière du Forest, alors directeur général de Gad SAS, et MM. Le M. de la société Bernard, T. M. de la société Socopa Viandes, M. G. de la société Abera et F. D. de la société Groupe Bigard. Ce courriel a pour objet " prévision activité juin " et comporte le commentaire suivant en regard du fichier joint dénommé " extrapolation tuerie Uniporc juin 2009 " : " Suite à la rencontre d'hier soir, vous trouverez ci joint un prévisionnel d'activité pour les semaines 25, 26 et 27. Si vous souhaitez une modification du nombre d'abattage indiqué pour votre entreprise ; merci de nous le faire savoir en retour afin d'y apporter une correction [...] " (cotes 6573 à 6575).
127. Il est indiqué qu'en référence à la moyenne hebdomadaire de 408 581 porcs abattus en zone Uniporc, au cours des 4 semaines 17 à 20 de 2009, du lundi 20 avril au vendredi 15 mai 2009, dont 200 634 (49 % du total) pour les abattoirs des cinq groupes Gad, Bigard, Socopa, Bernard, Abera, l'objectif d'abattages hebdomadaires moyens à réaliser pour les 4 semaines 24 à 27, soit du lundi 8 juin au vendredi 3 juillet 2009, doit se situer à 182 999 porcs, chiffre impliquant une baisse de 8,8 % par rapport aux 200 000 porcs environ abattus au cours des semaines 17 à 20.
128. Une première " réalisation " a été obtenue pour la semaine 24, soit du 8 au 12 juin 2009, avec des abattages hebdomadaires moyens se chiffrant à 195 308 porcs pour ce qui concerne les cinq entreprises en cause, soit 48 % du total Uniporc de 407 031 porcs abattus. Les prévisions s'étagent pour les semaines 25, 26, 27 pour atteindre le chiffre de 184 800 porcs abattus, en semaines 26 et 27, soit 48 % du total prévu de 386 800 porcs abattus dans la zone Uniporc, donc un chiffre proche de l'objectif de 182 999 porcs abattus.
129. Un tableau supplémentaire concernant les achats au MPB et les baisses y afférentes pour huit groupes d'abatteurs est joint pour les deux semaines 24 et 25, du lundi 8 juin au vendredi 19 juin 2009.
130. Il a également été saisi chez Gad SAS, un tableau confirmant l'objectif baissier précité pour juin 2009 de 183 000 porcs abattus par le " G5 ", en regard de leur tuerie moyenne de 200 633 porcs, effectuée lors des 4 semaines 17 à 20 de 2009, de celle de 188 782 pour les 3 semaines 11 à 13 de 2009 et de celle de 185 423 porcs pour les 3 semaines 24 à 26 de l'année précédente 2008 (cote 5221) :
<Emplacement tableau>
131. Un courriel du 4 juillet 2009 du directeur général de Cooperl, en réponse à la question du responsable GMS de la Cooperl, est rédigé ainsi : " quoi de nouveau SVP Manu (E. C.) avec Gad ". Ce document témoigne également de l'agacement des abatteurs à l'encontre de l'action de la coopérative Cooperl pour avoir défendu le prix du porc charcutier : " (...) Pas vraiment si ce n'est que toute la corporation nous en veut beaucoup d'avoir défendu le cours au 1er semestre. Il confirme perdre beaucoup d'argent, idem en ce qui concerne JP B. [Groupe Bigard] que j'ai rencontré jeudi " (cote 3874).
132. Il existe un courriel extrait de la messagerie du responsable des achats de Gad SAS en date du 11 août 2009, adressé au directeur général de Gad SAS, à MM. P. L. M. de la société Bernard, T. M. de la société Socopa Viandes, M. G. de la société Abera, ainsi qu'à un responsable de la société Groupe Bigard, qui a pour objet " tableaux pour la réunion du 12 août 2009 " et en fichier joint " simulation tuerie Uniporc août septembre 2009 " (cotes 6587 à 6590). Ce courriel est rédigé dans les termes suivants : " Veuillez trouver ci-joint un fichier préparatoire pour la réunion du mercredi 12/08 à Lorient. Vous y trouverez :
- l'activité des semaines 30 à 32 ainsi que l'objectif fixé pour la période [premier tableau]
- l'activité des semaines 34 à 37 2008 [deuxième tableau]
- Une proposition d'activité pour les semaines 34 à 37 2009 [troisième tableau]
Pour rappel, activité Uniporc-Ouest :
août 2008 386 000 (1 semaine à 4 jours)
septembre 2008 405 000
octobre 2008 399 000
Il faut noter qu'une maitrise organisée du volume d'abattage conditionnera fortement l'évolution du prix mpb, du fait d'une moindre pression sur les volumes achetés, et donc un espoir d'un redressement de nos marges. Si vous souhaitez effectuer une modification, vous pouvez me contacter ".
133. Dans le premier tableau, il est indiqué qu'en référence à la moyenne hebdomadaire de 381 071 porcs, abattus en zone Uniporc Ouest au cours des 4 semaines 25 à 28 de 2009, soit du 15 juin au 10 juillet 2009, dont 180 396 porcs abattus par les 5 abattoirs (47 % du total), l'objectif à réaliser pour les quatre semaines 30 à 33, soit du 20 juillet au 14 août 2009, doit se chiffrer à 182 200 porcs par semaine.
134. À la date du courriel mentionné ci-dessus, soit au début de la semaine 33, le premier tableau enregistre sur les semaines 30, 31 et 32 une réalisation moyenne de 181 726 porcs, soit une meilleure exécution à -0,3 % par rapport à l'objectif en principe fixé à 182 200, notamment grâce aux sociétés Bernard (-3,9 %) et Abera (-1,8 %).
135. Dans le deuxième tableau, il est précisé qu'en référence à la moyenne hebdomadaire précitée, de 383 689 porcs abattus en zone Uniporc au cours des 3 semaines 30 à 32 de 2009, soit du 20 juillet au 7 août 2009, dont 181 726 par les 5 abattoirs en cause, l'objectif à réaliser pour les 4 semaines suivantes 34 à 37, soit du 17 août au 11 septembre 2009, doit se chiffrer à 188 000 porcs par semaine.
136. Enfin dans un troisième tableau, il est précisé que, pour les 4 semaines 34 à 37 de 2008, les abattoirs des 5 entreprises en cause ont réalisé une tuerie hebdomadaire moyenne de 199 426 porcs représentant 49 % du total de la zone Uniporc Ouest, ce qui implique une baisse relative de 2 % à réaliser en 2009 (47 %) par rapport à 2008 (49 %).
137. Au cours des 12 semaines en cause, Bernard a dépassé les objectifs qui lui étaient fixés. Le dépassement de ces objectifs correspond à une diminution supplémentaire des achats par rapport aux objectifs figurant dans les pièces saisies, pour un montant cumulé de 1 274 888 euros, soit 31,3 % du total des 4 070 529 euros enregistré pour les cinq abatteurs en cause.
138. De même, l'entreprise Socopa Viandes SAS est allée au-delà des objectifs figurant dans les pièces saisies pour les périodes des semaines 24 à 27 et 34 à 37. Le dépassement des objectifs ainsi constaté correspond à un montant de 1 393 268 euros, soit 34,2 % du total de 4 070 529 euros enregistré pour les cinq abatteurs en cause. Quant à Groupe Bigard, ses objectifs pour 8 des 12 semaines en cause (24 à 27, 34 à 37) se sont chiffrés à un montant cumulé de 404 696 euros, soit 9,9 % du total de 4 070 529 euros enregistré pour les cinq abatteurs concernés.
139. Enfin, quant aux objectifs d'Abera au cours des semaines 30 à 33, ceux-ci se sont chiffrés à un montant cumulé de 151 738 euros, soit 3,7 % du total de 4 070 529 euros enregistré pour les cinq abatteurs. Par ailleurs, les achats effectués par la société Gad SAS au cours de chacune des quatre dernières semaines en cause ont été inférieurs aux objectifs annoncés, la différence entre ces derniers et les achats effectués pouvant être valorisée à 845 939 euros, soit 20,8 % du total de 4 070 529 euros enregistré pour les cinq abatteurs.
140. L'Autorité constate que les données communiquées par l'organisme Uniporc Ouest concernant Abera, Bernard, Groupe Bigard, Gad et Socopa Viandes, d'une part, et le total des abattages d'autre part, recoupent parfaitement les données reportées dans les tableaux saisis. Les objectifs des cinq entreprises en cause visant à limiter leurs abattages ont été pleinement atteints et même dépassés, notamment au cours des huit semaines 30 à 37, soit du 20 juillet au 11 septembre 2009. Le nombre de porcs abattus ne s'élève alors plus qu'à 389 057 porcs par semaine soit un chiffre inférieur de -1,7 % au montant des abattages figurant dans les objectifs (395 900 porcs/semaine).
141. Par rapport aux abattages effectués sur la même période en 2008, pour les semaines 34 à 37, soit 407 409 porcs/semaine, les agissements des cinq entreprises ont conduit, à une diminution hebdomadaire moyenne de 20 970 porcs abattus, soit une réduction de 4,5 %. De même, les cinq abattoirs ont réussi à baisser leurs volumes moyens d'abattage au cours des semaines 24 à 27, 30 à 33 et 34 à 37 de l'année 2009 de 9,5 % par rapport à la semaine 22 de la même année.
142. À cet égard, après une séance difficile au MPB, le jeudi 27 août 2009 (soit la semaine 35), le groupement des producteurs Syproporcs rapporte que : " Gad et Socopa, ont décidé dès ce jeudi pour l'un de réduire leur activités en ne travaillant pas mercredi de la semaine à venir. Souhaitons-leur quand même d'honorer toutes les commandes (...) (cote 2290) ". Lors de la semaine 36, Syproporcs note à nouveau qu' " [à] l'instant de cette rédaction les volumes prévus pour la semaine devraient dépasser 385 000 porcs, malgré l'absence d'abattages mercredi dans deux outils. Pour mémoire, c'est 20 000 porcs de moins que la même semaine l'an passé " (cote 2296).
143. En ne considérant que les périodes durant lesquelles les abattages effectués se sont avérés encore inférieurs aux objectifs annoncés, les montants directement concernés peuvent être calculés sur la base des cotations hebdomadaires au MPB et du poids moyen d'un porc établis par l'organisme Uniporc Ouest comme l'indique le tableau ci-après (cotes 7250, 7255, 7267, 7270, 7273, 7277, 7281, 7285, 7288, 7292) : <Emplacement tableau> 144. Ce tableau fait apparaître une baisse d'activité totale de 4 070 529 euros, dont 34,2 % pour Socopa, 31,3 % pour Bernard, 20,8 % pour Gad, 9,9 % pour Bigard et 3,7 % pour Abera.
145. Or, comme le précise le responsable de Gad SAS dans son courriel du mardi 11 août 2009 retranscrit au paragraphe 132 ci-dessus, la maîtrise organisée du volume d'abattage aura des conséquences sensibles sur l'évolution du prix du MPB : " Il faut noter qu'une maitrise organisée du volume d'abattage conditionnera fortement l'évolution du prix MPB, du fait d'une moindre pression sur les volumes achetés, et donc un espoir d'un redressement de nos marges ".
146. En effet, les cinq groupes concernés disposaient en 2009 d'un poids prépondérant au sein de la FAC pour la détermination du " prix de retrait " lors des séances au MPB (70,7 %). Or, au cours de cette période continue des huit semaines 30 à 37, on relève que le " prix de retrait " a été estimé pour 3 jeudis comme " marché difficile " par les abatteurs de la FAC :
- le jeudi 30 juillet 2009 : le " prix de retrait " a été fixé à -0,042 euro/kg, conduisant à une baisse corrélative de 95,2 %, soit à -0,040 euro/kg, passant à 1,23 euro par rapport à son cours moyen de 1,27 euro le lundi 27 juillet 2009 précédent ;
- le jeudi 6 août 2009 : le " prix de retrait " a été fixé à -0,025 euro/kg conduisant à une baisse corrélative de 76 %, soit à -0,019 euro/kg, passant à 1,211 euro par rapport à son cours moyen de 1,23 euro/kg le lundi 3 août 2009 précédent ;
- le jeudi 10 septembre 2009 : le " prix de retrait " a été fixé à -0,030 euro/kg conduisant à une baisse corrélative de 76,7 % soit à -0,023 euro/kg, passant à 1,213 euro par rapport à son cours moyen de 1,236 euro/kg le lundi 7 septembre 2009 précédent.
147. Enfin, il convient de relever que le compte-rendu du comité de direction de Gad SAS en date du 13 août 2009, extrait d'un courriel en date du 21 août 2009 de la messagerie informatique de M. C. P., confirme les bons résultats sur la marge de découpe prévue entre 0,50 et 1,00 euro/kg en semaine 34, soit du 17 au 21 août 2009, dans les termes suivants : " [...] Pour poursuivre l'amélioration de la marge de découpe enregistrée ces dernières semaines, la modération de l'activité constitue donc la seule voie possible dans le contexte actuel. Elle s'avère efficace à l'achat et à la vente. L'activité restera donc stable à 51 000 +/- 500 porcs dans les semaines à venir. Cette option est adoptée par d'autres outils, à la recherche prioritairement d'un retour à une marge positive. L'équilibre prévisionnel achat/vente permet d'entrevoir une évolution positive de la MB [marge brute] de découpe comprise entre +0,5 et +1,0 euros/kg pour la s34 " (cote 7858).
4. LES DIRECTIVES SYNDICALES DU SNCP SUR LES PROMOTIONS À LA DÉCOUPE DE VIANDE DE PORC FRAÎCHE
148. Traditionnellement au mois de janvier et pour la rentrée en septembre de chaque année, la grande distribution organise des opérations de promotion sur la viande de porc fraîche. Ces promotions ont, depuis plusieurs années, fait l'objet de vives critiques de la part du SNCP, qui estime que les prix pratiqués sont abusivement bas et préjudiciables au secteur.
149. Le dossier révèle que des mises en garde sur les prix de vente promotionnels de la viande de porc fraîche ont été diffusées par le SNCP, au travers de communiqués et circulaires entre fin 2004 et août 2009. Ces communiqués et circulaires se sont également faits l'écho à plusieurs reprises de la proposition du SNCP, faite à l'interprofession Inaporc de s'accorder sur un Code de bonne conduite portant sur les promotions pratiquées par la grande distribution.
150. Certains d'entre eux visaient en premier lieu à limiter les baisses de prix pratiqués par les abatteurs à l'égard de la grande distribution lors des périodes promotionnelles annuelles de janvier et septembre, en l'occurrence janvier 2005, janvier 2006, septembre 2006, janvier 2008 et septembre 2009.
151. Ainsi, en a-t-il été, à titre d'exemple, des quatre circulaires suivantes :
152. Un communiqué du SNCP en date du 31 décembre 2004 dresse le constat suivant : " Depuis plusieurs semaines, nous dénonçons les promotions sur la viande porcine à des prix anormalement bas de certaines enseignes de distribution [...] Certaines enseignes, à notre demande [...] ont modifié les prix de vente consommateurs de demi carcasses, mais nous réclamons que certains prix de longe soient aussi réajustés à la hausse " (cote 6621).
153. De même, la circulaire du 23 novembre 2005 du syndicat signale à ses adhérents qu'" [a]u cours d'une réunion à Inaporc, nous avons souligné les effets néfastes pour l'image de la viande de porc, la filière et le revenu des éleveurs, d'opérations de promotions à bas prix [...] Compte tenu des prix en production, aucune promotion de demi porc - prix de vente consommateur ne doit être réalisé en dessous de 1,70 /kg. Nous vous rappelons qu'en cas d'infraction le fournisseur, comme le distributeur, sera pénalisé. Notre responsabilité collective d'abatteurs découpeurs doit nous conduire à ne pas céder à des prix déconnectés du marché qui pénalisent toute la filière. Soyons vigilants et responsables " (cotes 6626, 6627).
154. De même, dans le communiqué du 6 décembre 2005, le syndicat s'exprime dans les termes suivants : " Ainsi en fonction de la conjoncture, il apparaît que des demi porcs (minimum 57 TVM, en dessous il s'agirait de publicité mensongère) ne peuvent être vendus en promotion, prix de vente consommateur, en dessous de 1,75 /kg (1,66 /kg HT). Pour la longe, la référence du prix des pièces de gros à Rungis donne une bonne orientation du cours du marché " (cote 6638).
155. Ainsi, pour la campagne de promotion de septembre 2006, une circulaire en date du 11 août 2006 intitulée " promotions sommes-nous capables de dire non ? " explique : " Nos entreprises n'ont pas les moyens de vendre en dessous du prix de revient. Certes, le rapport de force avec la grande distribution nous est défavorable, mais peut-on au moins prendre deux engagements : 1- Pas de vente en demi-carcasses en promotion. Ce produit n'est pas commercialisé de façon suivie par la distribution et ne sert que de produits d'appel en période de promotion, il faut mettre un terme à cette pratique. 2- Pas de vente de pièces de découpe en dessous de la référence des prix de gros sur le marché des pièces à Rungis " (cote 440).
156. Alertée de ces pratiques, et après avoir convié par un courrier en date du 25 août 2008 à une réunion le 5 septembre 2008, la DGCCRF a adressé au SNCP, le 19 septembre 2008, un rappel à la réglementation lui reprochant la diffusion de circulaires de nature à restreindre la concurrence, considérant que par ces opérations de communication, il demandait à ses adhérents de s'engager à ne pas vendre " de demi-carcasses en promotion " ni " de pièces de découpe en dessous de la référence des prix de gros sur le marché des pièces à Rungis " (cotes 2340 à 2343).
157. Dans ce même courrier, la DGCCRF a rappelé aux responsables du SNCP que " [...] le Conseil de la concurrence a déjà été amené à sanctionner des pratiques anticoncurrentielles ayant fait l'objet d'un rappel de règlementation de la part de la DGCCRF. Ainsi dans une décision 03-D-47 du 22 octobre 2003 relative à des pratiques mises en œuvre par des ambulanciers de montagne dans le département des Vosges, le Conseil a estimé que les pratiques revêtaient un caractère de particulière gravité du fait que : "les entreprises mises en cause avaient été averties, par une lettre du 27 février 2001 émanant des services de la DGCCRF, à la suite d'une enquête portant sur les saisons 1998-1999 et 1999-2000, que les ententes sur les prix, faussant le jeu de la concurrence, étaient contraires aux dispositions du livre IV du Code de commerce. Elles ne pouvaient donc ignorer, à la date du 11 décembre 2001, le caractère illégal de leurs agissements " (cote 2341).
158. Par procès-verbal en date du 7 mars 2011, le président du SNCP a confirmé qu'" [à] la suite de cet entretien du 5 septembre 2008, et du rappel à la règlementation qui s'en est suivi, j'ai pris conscience que le SNCP devait observer la plus grande prudence dans ses communications lorsqu'elles portaient sur des demi-carcasses et des pièces de découpe à des prix anormalement bas. En revanche, la mise en place d'un Code de bonne conduite ne m'a pas semblé répréhensible puisque ce genre de Code a été admis dans d'autres secteurs et même étendu par le ministre de l'Agriculture dans le secteur des fruits et légumes " (cote 7118).
159. Cependant, par un communiqué en date du 19 août 2009, le SNCP a recommandé à ses adhérents : " Sur le court terme deux chantiers sont prioritaires : [...] et surveiller les opérations de promotions à bas prix de la rentrée qui nuisent à l'image de la viande porcine et aux marges de la filière " (cote 5369).
160. Interrogé sur le contenu de ce document, le président du SNCP a déclaré que " c'est le SNCP qui a pour chantier de rester attentif aux promotions à bas prix du fait que ces promotions pouvaient contrarier la campagne de communication d'Inaporc de valorisation de la viande porcine alors en cours " (cote 7119).
161. Le dossier ferait également état de l'implication de la société Cooperl dans les actions syndicales mises en œuvre par le SNCP. Un courriel du 22 novembre 2005 adressé au SNCP par M. R. B., directeur des ventes de Cooperl auprès des GMS, dont l'objet vise " la promotion des demis-porcs sur la prochaine rentrée de janvier 2006 ", évoque des actions possibles conséquemment à un entretien préalable avec des personnes non identifiées :
" [...] Suite à notre entretien de ce soir, nous te suggérons une intervention officielle conjointe du SNCP et Inaporc, auprès de l'ensemble des distributeurs... (Auchan / Carrefour / Casino / Cora / ITM / Leclerc / Système U / Champion).... pour éviter les importants conflits répétitifs entre industriels et distributeurs, sur le PA PROMO de la seule référence " le demi-porc " dans cette prochaine rentrée de janv. 2006. Les conflits sur les PA promos ne concernent généralement que cette référence de " demi-porc " Nous pouvons raisonnablement prévoir le PA ci-dessous des " demi-porcs ", PA qui sera le même pour tous les abatteurs et, découpeurs clients des abatteurs :
- cadran prévisionnel 1,20 euro... (= prévision de fin déc. 05, courbe du MPB 2005 équivalente à 2004)
- frais d'abattage 0,10 euro .... (sans la moindre marge industrielle)
- TVM de 59% 0,14 euro (et non pas de 54 % totalement inexistant)
- transp. moyen national. 0,20 euro (transp. des demi-porcs avec de la découpe, et non PA transp. de camion entier)
= PA TOTAL hors taxes 1,64 euro .... soit x 1,055 = PVC MINIMUM TTC de "demiporc" entier (et non pas en UVCi) de 1,73 euro avec tête.... Hors conditions commerciales particulières à chaque enseigne.... C.C. qui s'ajoutent à ce PVC [...] "
L'intervention " officielle " conjointe SNCP - INAPORC pourrait donc :
1- demander à l'ensemble des distributeurs cités, en fonction des éléments de coûts développés ci-dessus, de ne pas vendre un demi-porc entier en dessous d'un PVC de 1.70, sous peine d'une demande d'intervention auprès de la DGCCRF pour contrôler les éléments de constitutions de PVC qui serait inférieur à 1,70 euro ... Éléments incontestables pour tous, que nous venons de chiffrer.
2- Diffuser à l'ensemble de toute la corporation, industriels et découpeurs ... (qui n'attendent que cela)... ce courrier " officiel " pour une mise en garde générale d'un PVC inférieur à 1,70 euro.
Merci P. de nous informer de ton intervention " (cote 6632)
162. Cooperl a également transmis au SNCP trois courriels en date du 25 novembre 2005, 28 novembre 2005 et 7 décembre 2005 (cotes 6634, 6636 et 6640). Ci-dessous figure une retranscription du courriel envoyé le 25 novembre 2005 :
" Bonjour P.
Tu trouveras ci-joint le détail de la promo ITM en sem. prochaine n° 48 avec les importantes distorsions " incontestables " sur la référence " demi-porc "
À noter :
-1- cette promo était prévue également en sem. 48 dans la région " Centre-est ". Elle a été reportée en sem. 49, mais, sans le demi-porc ... !
-2- bien que la livraison en intégralité de 54% de TVM est irréalisable, même dans ce cas de figure impossible, la distorsion est au minimum de 0.08 euro/kg :
le transport pour atteindre les départements cités est au minimum de 0.20 euro/kg.
abstraction d'une RFA qui augmente encore la distorsion ... (RFA qui existe)
la distorsion minimum de 0.22 euro/kg. sur le 59 % de TVM est très réaliste
Merci P. de faire abstraction du corps de ce message. Tu peux cependant utiliser la pièce jointe totalement anonyme mais.... totalement réelle. Pour crédibiliser l'action de "normalisation" réalisée cette semaine par le SNCP (avec INAPORC) sur le PVC mini de 1.70 euro/kg pour la rentrée, il faut, pour rassurer les acheteurs témoins très attentifs de cette promo ITM en sem.48, agir clairement et fermement.
Merci P., de m'informer des suites des actions "correctives" " (cote 6634).
163. Le courriel du 7 décembre 2005, reproduit ci-après, indique quant à lui :
" Bonsoir P.
Je viens de recevoir ce soir, les toutes premières informations des promos de rentrée de janv. 2006. Ci-joint les PVC LECLERC annoncés dans le sud de la France pour la semaine n° 1 de 2006. Si les PVC de la majorité des références sont "relativement" cohérents, le PVC des " 1/2 porcs " est par contre annoncé à 1.50 euro /kg en 57% de TVM (soit très en dessous du 1.75 euro minimum diffusé depuis plusieurs jours)
Suite aux informations engagées par toute la corporation, en cachant le corps de ce message, tu peux cependant utiliser le document joint, totalement anonyme, pour commencer dés demain, au niveau du syndicat et des fédérations "l'action salutaire et impérative de redressement" qui s'impose.
À défaut : discrédit total des missives syndicales et fédératives auprès des distributeurs "légalistes" qui, dés la connaissance de ce PVC, ne manqueront pas de déclencher en rétorsion, des actions encore plus coercitives auprès des industriels.
Merci P. de nous informer des suites de ces actions .... "urgentes" " (cote 6640).
5. LA CONCERTATION ENTRE GAD ET COOPERL ARC-ATLANTIQUE VIS-À-VIS DES ENSEIGNES DE LA GRANDE DISTRIBUTION
164. Il a été saisi un courriel du 2 juillet 2009 du président du " Groupe Gad " Financière du Forest, échangé en interne avec le directeur général de Gad SAS, dans lequel est mentionnée l'existence d'un " pacte " entre Gad et Cooperl à l'endroit des magasins GMS de l'enseigne Auchan. Le pacte est évoqué en ces termes :
" Préparation rdv Cooperl/ bilan comportement Cooperl sur derniers mois : [...]
Commerce GMS :
- Pacte de non-agression si présence à 2 sur un dossier. Ce pacte est nul si apparition d'un 3ème intervenant,
- Quelques ingérences sur nos périmètres, mais n'excédant pas le niveau de nos propres ingérences sur le leur,
- Sollicitation pour faire front en GMS. Notre avis : en tant que challenger derrière les 2 gros leaders, nous avons plus à perdre à accompagner Cooperl en 1ère ligne. Cooperl doit assumer son rôle " (cote 6580).
165. Auditionné par les services de l'Autorité, le 4 avril 2011, l'auteur, devenu entre-temps président du directoire de la SA Financière du Forest, explique cependant que " ce que j'écris concernant "Commerce GMS :- Pacte de non agression si présence à 2 sur un dossier. Ce pacte est nul si apparition d'un 3ème intervenant" est une retranscription mal exprimée d'un courriel de notre directeur commercial GMS, M. G., que j'essaierai de vous retrouver et de vous communiquer, d'une description d'un constat d'équilibre de position, sans accord ni concertation " (cote 7308).
166. Un autre courriel extrait de la messagerie du directeur commercial GMS chez Gad, en date du 2 juillet 2009, et précédent celui précité, ayant pour objet un " point concurrence " adressé à M. C. P, précise que le " pacte " en question vise un prix minimum sur la longe de porc sans os avec et sans pointe. Ce courriel mentionne également un accord sur les prix sur les promotions nationales négociés avec l'enseigne Auchan, ces deux accords étant respectés " sur le terrain " à l'exception de la dernière semaine 26, soit entre le lundi 22 juin et le vendredi 26 juin 2009 :
" -- Viande : Accord de principe chez Auchan sur prix mini en longe s/os avec et sans pointe dans la mesure où les deux sociétés servent la totalité du point de vente. Accord non respecté si troisième fournisseur rentre sur le magasin. Accord d'échange sur prix promo nationale négocié avec acheteur et respecté sur le terrain.
Échange de tendance sur enseigne Casino.
-- PE [Produits élaborés] : Échange sur MDD Carrefour (viande aromatisée) et gamme demi-sel Auchan
PS : accord généralement respecté à l'exception de la semaine 26 " (cote 7387).
167. Le courriel indique que l'accord est " généralement respecté à l'exception de la semaine 26 " soit du lundi 22 juin au vendredi 26 juin 2009. Ce courriel (cote 6580), effectuant un " bilan comportement Cooperl sur derniers mois " mentionne que ce " pacte de nonagression " est en vigueur sur les " derniers mois ".
168. Lors de son audition par les services de l'Autorité, le 19 mai 2011, le directeur général de Cooperl a déclaré au sujet de ces deux courriels précités que " ces deux notes, selon moi, se réfèrent à une discussion interne à Gad et nous ne sommes pas partie prenante à cette discussion. Nous n'avons pas été approché ni informé de la teneur de ces réflexions internes " (cote 7652).
169. À cet égard, un document interne de Gad " analyse de la gamme été 2009 des principaux concurrents " indique que la gamme Cooperl est " proche de la nôtre ". En effet, " Cooperl, situé à Lamballe, propose les mêmes types de produits que la société Gad ; 1ère et 2ème transformation, des viandes prétranchées en UVCI [Unité de vente consommateurs sous mode industriel], des produits élaborés de charcuterie (segment sur lequel Gad n'est pas) et des produits élaborés de boucherie. Pour ce qui est de la gamme été, la concurrence si situera donc au niveau de cette dernière catégorie. Au niveau de la saucisserie et des produits de grillade, Cooperl est un concurrent direct de la société Gad " (cote 4336 et cote 4338).
170. De plus, dans les notes manuscrites du directeur général de Cooperl, saisies chez Cooperl Arc-Atlantique, figurent les mentions suivantes datées du 3 juillet 2009 : " Rencontre Cooperl-Gad 03/07/09 Pistes :
GMS : le TMP (taux moyen promotion est chez nous de 14 % -confidentiel-) se compose 6 % ex contrôle décision 8 % ex concurrence inter acteurs
Geler PdM - stopper promotion décidé par acteurs - générerait pour C21 une économie de : 21 K euros x 52=1 M euros " (cote 4170).
171. Lors de son audition par les services de l'Autorité, le 19 mai 2011, le directeur général de Cooperl a déclaré au sujet de cette note : " J'avais rédigé cette note pour préparer une éventuelle discussion mais ce sujet n'a pas été abordé lors de ce déjeuner dont je pense qu'il s'est tenu mais dont je ne suis pas absolument sûr. Cette note vise à argumenter en faveur de l'arrêt de promotions à l'initiative des acteurs -abatteurs/ découpeurs - grossistes et revendeurs pour que ces promotions faites à des conditions de vente ou de revente à perte pour les grossistes ou les négociants cessent. Si elles cessaient, cela empêcherait une déstabilisation de manière déloyale du marché " (cote 7651).
172. L'agenda du directeur branche industrie viandes de Cooperl prévoyait effectivement un déjeuner le vendredi 3 juillet 2009 avec " Gad F. C. " (cote 4092).
173. Le dossier contient également un courriel, déjà cité, en date du 4 juillet 2009 du directeur général Cooperl, saisi chez Gad, en réponse à la question du responsable GMS de la Cooperl :
" quoi de nouveau SVP [...] avec Gad "
" (...) Pas vraiment si ce n'est que toute la corporation nous en veut beaucoup d'avoir défendu le cours au 1er semestre. Il confirme perdre beaucoup d'argent, idem en ce qui concerne JP Bigard que j'ai rencontré jeudi. Sur le plan pratique, j'ai refusé l'idée d'audit comparé entre nos sociétés, idée chère à L. ([...] responsable commercial Cooperl) mais à mon avis parfaitement inutile. Au contraire, JMM ([...], directeur branche industrie viandes Cooperl) et moi leur avons proposé une discussion hebdo visant à geler les PdM en stoppant les promotions à l'initiative des acteurs, tel que tu me l'avais suggéré. F. C. (président Groupe Gad Financière du Forest) doit revenir vers moi dans les jours qui viennent sur le sujet " (cote 3874).
174. Auditionné par les services de l'Autorité, le 4 avril 2011, M. C. P., alors directeur général de Gad SAS, a commenté les notes manuscrites en cause dans les termes suivants : " je n'étais pas présent car en vacances alors. En tout cas, l'idée de part de marché n'existe pas dans la mesure où elle fluctue toutes semaines par nature même du métier. L'idée de les geler n'a aucun sens. Chaque semaine on doit vendre ; ce qui rentre de nos abattoirs doit être vendu en flux tendu au meilleur prix " (cote 7309).
E. LES GRIEFS NOTIFIÉS
175. Les griefs suivants ont été notifiés :
Grief n° 1 : Le partage des prix de retrait proposés par les acheteurs de la Fédération des acheteurs au cadran (FAC) issue de l'application de la convention " ventes au classement " signée en décembre 2006 :
" Il existe au dossier des éléments de preuve pour lesquels il est fait grief à l'association Marché du porc breton (MPB), à l'association Fédération des acheteurs au cadran (FAC) et à ses adhérents acheteurs de porcs charcutiers via le Marché du porc breton (MPB), SAS Établissements Abera (RCS 599 200 995), ensemble SAS AIM Groupe (RCS 405 650 359) et Haim (RCS 451 104 293), coopérative Cooperl Arc-Atlantique (RCS 383 986 874), SAS Bernard (RCS 869 500 223), SA Groupe Bigard (RCS 776 221 467), SAS Socopa Viandes (RCS 508 513 785), ensemble Gad SAS (RCS 348 883 190) et Financière du Forest (RCS 500 556 980), SAS Kermené (RCS 496 680 018), d'avoir échangé ou laisser s'échanger les propositions de chacun des opérateurs acheteurs sur le Marché du porc breton (MPB) quant aux prix de retrait en vigueur sur ce marché. Cette pratique, qui perdure à ce jour, a été mise en œuvre depuis au moins décembre 2006, date de la signature de la convention " ventes au classement " entre le Marché du porc breton (MPB) et la Fédération des acheteurs au cadran (FAC). Ayant pour objet et pour effet de fausser la concurrence entre acheteurs sur le marché du porc breton, la pratique a également eu pour objet et pour effet de fausser les prix sur le marché de la vente de porcs aux abatteurs sur l'ensemble de la zone Uniporc Ouest (soit le Grand Ouest de la France) et au-delà, sur le marché national de la vente de porcs aux abatteurs. Cette pratique est contraire aux dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce, notamment alinéa 2, prohibant les ententes anticoncurrentielles ainsi qu'aux dispositions de l'article 81 paragraphe 1er, notamment alinéa a, du traité instituant la communauté européenne (CE), devenu l'article 101 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) depuis le 1er décembre 2009".
Grief n° 2 : La concertation entre abatteurs sur le prix d'achat des porcs les 2 et 5 septembre 2005 :
" Il existe au dossier un faisceau d'indices graves, précis et concordants, pour lequel il est fait grief au syndicat national du commerce du porc (SNCP), à l'association Fédération des acheteurs au cadran (FAC) et à ses adhérents acheteurs de porcs charcutiers via le cadran, SAS Établissements Abera (RCS 599 200 995), ensemble SAS AIM Groupe (RCS 405 650 359) et Haim (RCS 451 104 293), coopérative Cooperl Arc-Atlantique (RCS 383 986 874), SAS Bernard (RCS 869 500 223), SA Groupe Bigard (RCS 776 221 467), Socopa Viandes (RCS 508 513 785), ensemble Gad SAS (RCS 348 883 190) et Financière du Forest (RCS 500 556 980), SAS Kermené (RCS 496 680 018), de s'être entendus sur la fixation du prix d'achat du porc charcutier à 1,18 euro/kg pour leurs achats en direct auprès des abattoirs sur le marché national de la vente de porcs aux abatteurs les vendredi 2 septembre et lundi 5 septembre 2005. Cette pratique, qui a eu pour objet et pour effet de faire obstacle à la concurrence et à la fixation des prix par le libre jeu du marché sur la zone Uniporc-Ouest et, au-delà, sur le marché national de la vente de porcs aux abatteurs, est contraire aux dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce, notamment alinéa 2, prohibant les ententes anticoncurrentielles ainsi qu'aux dispositions de l'article 81 paragraphe 1er, notamment alinéa a, du traité instituant la communauté européenne (CE), devenu l'article 101 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) ".
Grief n° 3 : La concertation entre cinq abatteurs pour diminuer de manière coordonnée leurs achats sur la zone Uniporc Ouest en 2009 :
" Il existe au dossier un faisceau d'indices graves, précis et concordants, pour lequel il est fait grief aux sociétés d'abattage de porcs charcutiers, SAS Établissements Abera (RCS 599 200 995), SAS Bernard (RCS 869 500 223), SA Groupe Bigard (RCS 776 221 467), Socopa Viandes (RCS 508 513 785), ensemble Gad SAS (RCS 348 883 190) et Financière du Forest (RCS 500 556 980), de s'être entendues, d'abord en échangeant, du 3 mars au 8 juin 2009, le montant de leurs tueries pour simuler une baisse coordonnée au prorata de leurs abattages, puis, au cours des 4 semaines 24 à 27, du lundi 8 juin au vendredi 3 juillet 2009, et des 8 semaines 30 à 33 et 34 à 37, du lundi 20 juillet au vendredi 11 septembre 2009, en diminuant de manière coordonnée leurs abattages sur la zone Uniporc Ouest. Cette pratique a eu pour objet et pour effet de faire obstacle à la libre fixation des prix et à la concurrence entre acheteurs sur la zone Uniporc-Ouest et, au-delà, sur le marché national de la vente de porcs aux abatteurs. En limitant les abattages et donc la production des abatteurs, elle a également eu pour objet et pour effet de restreindre la concurrence sur les marchés de la vente de viande de porcs par les abatteurs. Cette pratique est contraire aux dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce, notamment alinéa 3, prohibant les ententes anticoncurrentielles ainsi qu'aux dispositions de l'article 81 paragraphe 1er, notamment alinéa b, du traité instituant la communauté européenne (CE), devenu l'article 101 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) ".
Grief n° 4 : Les directives syndicales du SNCP sur les promotions de la découpe des porcs, appuyées pour partie par l'un de ses membres, Cooperl Arc-Atlantique :
" Il existe au dossier un faisceau d'indices graves, précis et concordants, pour lequel il est fait grief au syndicat national du commerce du porc (SNCP) et à la coopérative Cooperl Arc-Atlantique (RCS 383 986 874), d'avoir commis une pratique anticoncurrentielle qui a eu pour objet et a pu avoir pour effet de faire obstacle à la concurrence et à la fixation des prix par le libre jeu du marché sur les marchés de la vente au détail de viande de porc fraîche et de la vente de viande de porc fraîche aux grandes surfaces alimentaires. S'agissant du SNCP, il lui est reproché d'avoir invité ses adhérents, par des communiqués et des circulaires diffusés auprès de ses adhérents abatteurs/découpeurs, représentatifs de la découpe sur le marché national du porc charcutier, à limiter l'ampleur des opérations de promotion sur les prix de vente de la viande de porc fraîche à la grande distribution d'une part, sur les prix de revente de la grande distribution d'autre part. Cette pratique anticoncurrentielle a perduré depuis au moins fin 2004 jusqu'au 19 août 2009, soit sur une période de près de cinq ans. Ces communiqués et circulaires se sont également fait l'écho à plusieurs reprises de la proposition du SNCP à l'endroit de l'interprofession Inaporc de s'accorder sur un Code de bonne conduite relatif aux promotions à bas prix. S'agissant de la Cooperl, il lui est reproché d'avoir activement participé à la pratique du SNCP en l'avertissant de la campagne des promotions à bas prix des GMS de janvier 2006 et en l'alertant le 25 août 2009 sur un tract national de promotions à prix bas de Carrefour Market. Ces pratiques sont contraires aux dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce, notamment alinéa 2, prohibant les ententes anticoncurrentielles ainsi qu'aux dispositions de l'article 81 paragraphe 1er, notamment alinéa a, du traité instituant la communauté européenne (CE), devenu l'article 101 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) ".
Grief n° 5 : La concertation entre GAD et Cooperl Arc-Atlantique à l'endroit des GMS Auchan, Casino, Carrefour :
" Il existe au dossier un faisceau d'indices graves, précis et concordants, pour lequel il est fait grief aux sociétés d'abattage de porcs charcutiers, coopérative Cooperl Arc-Atlantique (RCS 383 986 874) et ensemble Gad SAS (RCS 348 883 190) et Financière du Forest (RCS 500 556 980), de s'être entendues, au moins durant plusieurs mois de l'année 2009, sur un prix minimum de la viande fraîche à l'endroit des magasins GMS à l'enseigne Auchan, sur les prix " promo nationale " de la viande fraîche négociés avec cette même enseigne Auchan, sur des échanges d'informations commerciales relatives à la fourniture de viande fraîche à l'endroit des magasins GMS à l'enseigne Casino, et, enfin, sur des échanges d'informations commerciales sur la fourniture de produits élaborés (PE) et de produits de marques de distributeur destinés aux magasins GMS à l'enseigne Carrefour et Auchan. Cette pratique, qui a eu pour objet et pour effet de faire obstacle à la concurrence et à la fixation des prix par le libre jeu du marché, est contraire aux dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce, notamment alinéa 3, prohibant les ententes anticoncurrentielles ainsi qu'aux dispositions de l'article 81 paragraphe 1er, notamment alinéa b, du traité instituant la communauté européenne (CE), devenu l'article 101 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) ".
F. LA MISE EN OEUVRE DU III DE L'ARTICLE L. 464-2 DU CODE DE COMMERCE
176. Aux termes du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce : " [l]orsqu'un organisme ou une entreprise ne conteste pas la réalité des griefs qui lui sont notifiés, le rapporteur général peut proposer à l'Autorité de la concurrence, qui entend les parties et le commissaire du Gouvernement sans établissement préalable d'un rapport, de prononcer la sanction pécuniaire prévue au I en tenant compte de l'absence de contestation. Dans ce cas, le montant maximum de la sanction encourue est réduit de moitié. Lorsque l'entreprise ou l'organisme s'engage en outre à modifier son comportement pour l'avenir, le rapporteur général peut proposer à l'Autorité de la concurrence d'en tenir compte également dans la fixation du montant de la sanction ".
177. Les associations SNCP et FAC, d'une part, et les entreprises Abera, Bernard, Socopa Viandes et Groupe Bigard, Gad et Financière du Forest, et AIM et HAIM, d'autre part, ont décidé de ne pas contester les griefs qui leur avaient été notifiés le 9 novembre 2011.
178. Un procès-verbal de mise en œuvre de la procédure de non-contestation des griefs a été signé le 9 février 2012 par le SNCP (cotes 8828 à 8830), le 15 février 2012 par AIM et HAIM (cotes 8856 à 8859), le 17 février 2012 par Abera (cotes 9617 à 9620), par Gad et Financière du Forest (cotes 9054 à 9058), par Groupe Bigard et Socopa Viandes (cotes 9611 à 9616), et enfin le 21 février 2012 par Bernard (cotes 9622 à 9626) et la FAC (cotes 9771 à 9774).
179. Dans ce cadre, le rapporteur général adjoint s'est engagé à proposer une réduction de la sanction éventuellement encourue de 10 % du montant qui aurait été infligé pour chacune de ces entreprises ou associations en l'absence de la non-contestation des griefs.
180. Pour tenir compte de la non-contestation des griefs du SNCP, le rapporteur général adjoint a donc proposé une réduction de sanction de 10 %.
181. L'association FAC, d'une part, et les entreprises Abera, Bernard, AIM et HAIM, Socopa Viandes et Groupe Bigard, Gad et Financière du Forest, d'autre part, ont proposé de s'engager à modifier leur comportement pour l'avenir en ce qui concerne les modalités de fixation de la " barre de retrait " visées par le grief n° 1.
182. En outre, les entreprises Bernard, AIM et HAIM et Socopa Viandes et Groupe Bigard se sont engagées à mettre en place un programme de conformité. En séance, plusieurs modifications ont été apportées à leur programme respectif, dont les versions définitives sont annexées à la présente décision.
183. Enfin, les entreprises Abera, Gad et Financière du Forest et Socopa Viandes et Groupe Bigard ont exprimé l'intention de procéder, par l'intermédiaire de la FAC, à la révision de la convention " ventes au classement ". Le rapporteur général adjoint n'a pas donné suite à cette proposition en estimant que cet engagement n'était ni suffisamment crédible, ni suffisamment vérifiable et substantiel.
184. Pour tenir compte de la non-contestation des griefs et de l'engagement décrit au paragraphe 181 ci-dessus, le rapporteur général adjoint a proposé que la sanction éventuellement encourue par les entreprises Abera et Gad et Financière du Forest d'une part, et la FAC d'autre part, soit réduite de 12% à 14 % du montant qui leur aurait été autrement infligé.
185. Pour tenir compte de la non-contestation des griefs, de l'engagement décrit au paragraphe 181 ci-dessus ainsi que des différents programmes de conformité présentés, le rapporteur général adjoint a proposé que la sanction éventuellement encourue par les entreprises Bernard, Socopa Viandes et Groupe Bigard, et AIM et HAIM, soit réduite, entre 12 % et 18 %, du montant qui aurait autrement été infligé à chacune d'entre elles.
II. DISCUSSION
A. SUR LES CONSÉQUENCES DE LA MISE EN OEUVRE DE LA PROCÉDURE DE NON-CONTESTATION DES GRIEFS
186. Les entreprises qui décident de solliciter le bénéfice de la mise en œuvre du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce doivent respecter les conditions imposées à cet égard, en ne contestant pas la réalité des griefs qui leur ont été notifiés.
187. Les intéressées doivent ainsi renoncer à contester, non seulement la réalité de l'ensemble des pratiques visées par la notification des griefs, mais également la qualification qui en a été donnée au regard du Code de commerce et, le cas échéant du droit de l'Union, ainsi que leur responsabilité dans la mise en œuvre de ces pratiques (voir, en ce sens, arrêt de la Cour d'appel de Paris du 29 mars 2012, Lacroix Signalisation e.a., n° 2011/01228, p. 23). Cette renonciation doit, sur l'ensemble de ces points, être claire, complète et dépourvue d'ambiguïté (décisions n° 04-D-42 du 4 août 2004 relative à des pratiques mises en œuvre dans le cadre du marché de la restauration de la flèche de la cathédrale de Tréguier, paragraphe 15 ; n° 06-D-09 du 11 avril 2006 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la fabrication des portes, paragraphe 303 ; voir également, en ce sens, la décision n° 10-D-39 du 22 décembre 2010 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la signalisation routière verticale, paragraphes 226, 228 et 425, et la décision n° 11-D-07 du 24 février 2011 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des travaux de peinture d'infrastructures métalliques, paragraphe 113).
188. Une telle renonciation à contester les griefs suffit pour permettre à l'Autorité de considérer que les infractions en cause sont établies à l'égard des parties qui ont fait ce choix procédural (voir, en ce sens, arrêt de la Cour d'appel de Paris du 26 janvier 2010, Adecco France e.a., n° 2009/03532, p. 10, pourvoi rejeté par arrêt de la Cour de cassation du 29 mars 2011, Manpower France e.a., n° 10-12.913 ; voir également décisions n° 04-D-42, précitée, paragraphe 12, et n° 11-D-07, précitée, paragraphe 113).
189. Toutefois, lorsqu'elle estime que des circonstances particulières le justifient, l'Autorité peut être conduite à ne pas retenir tout ou partie d'un grief, nonobstant le fait qu'il n'a pas été contesté.
190. En l'espèce, les griefs rappelés au paragraphe 175 ci-dessus et relatifs aux pratiques décrites aux paragraphes 104 à 174 ci-dessus sont donc établis à l'égard des entreprises Bernard SAS, Etablissements Abera SAS, AIM SAS et HAIM SAS, Groupe Bigard SA et Socopa Viandes SAS ainsi que des organismes MPB, FAC et French Meat Association (ex- SNCP).
191. Ce n'est donc que par un souci de clarté que l'Autorité rappellera ci-après les pratiques en cause et les responsabilités respectives des parties ayant renoncé à contester les griefs, sous réserve de la discussion portant sur le grief n° 1.
192. Pour autant, il demeure nécessaire de démontrer la participation individuelle aux pratiques de chacune des autres parties en cause (arrêt de la Cour de cassation, Manpower France e.a., précité, p. 5), en l'espèce les sociétés Cooperl et Kermené.
193. Seront successivement abordés ci-après :
- l'applicabilité des règles de concurrence de l'Union ;
- les secteurs en cause ;
- le bien-fondé des griefs notifiés ;
- l'imputabilité des pratiques en cause ;
- les sanctions.
B. SUR L'APPLICABILITÉ DES RÈGLES DE CONCURRENCE DE L'UNION
1. RAPPEL DES PRINCIPES
194. Les cinq griefs ont été notifiés sur le fondement des articles L. 420-1 du Code de commerce et 101 du TFUE.
195. Se fondant sur la jurisprudence constante de l'Union, et à la lumière de la communication de la Commission européenne portant lignes directrices relatives à la notion d'affectation du commerce figurant aux articles 81 et 82 du traité [devenus les articles 101 et 102 du TFUE] (JOUE C 101, du 27 avril 2004, p. 81), l'Autorité considère avec constance que trois éléments doivent être réunis pour que des pratiques soient susceptibles d'affecter sensiblement le commerce entre États membres : l'existence d'échanges entre États membres portant sur les produits ou les services en cause, l'existence de pratiques susceptibles d'affecter ces échanges et le caractère sensible de cette possible affectation.
196. S'agissant du deuxième élément, la Cour de cassation a rappelé, dans un arrêt du 31 janvier 2012, France Télécom (arrêt n° 10-25.772, 10-25.775 et 10-25.882, p. 6), que les termes " susceptibles d'affecter " énoncés par les articles 101 et 102 du TFUE " supposent que l'accord ou la pratique abusive en cause permette, sur la base d'un ensemble d'éléments objectifs de droit ou de fait, d'envisager avec un degré de probabilité suffisant qu'il puisse exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d'échanges entre États membres, sans que soit exigée la constatation d'un effet réalisé sur le commerce intracommunautaire " (voir, également, l'arrêt de la Cour de justice du 25 octobre 2001, Ambulanz Glöckner, C-475/99, Rec. p. I-8089, point 48).
197. À cet égard, dans ses lignes directrices précitées, la Commission européenne précise que " [l]es ententes horizontales couvrant l'ensemble d'un État membre sont normalement susceptibles d'affecter le commerce entre États membres. Du reste, les juridictions communautaires considèrent souvent que l'entente qui s'étend à l'ensemble du territoire d'un État membre a, par sa nature même, pour effet de consolider des cloisonnements de caractère national, entravant ainsi l'interpénétration économique voulue par le traité. (...) En principe, ces accords peuvent également, par leur nature même, affecter sensiblement le commerce entre États membres, compte tenu de la couverture de marché requise pour assurer l'efficacité de ces ententes " (points 78 et suivants).
198. S'agissant du troisième élément, à savoir le caractère sensible de cette possible affectation des échanges entre États membres, l'arrêt de la Cour de cassation du 31 janvier précité a rappelé que " le caractère sensible de l'affectation directe ou indirecte, potentielle ou actuelle, du commerce intracommunautaire résulte d'un ensemble de critères, parmi lesquels la nature des pratiques, la nature des produits concernés et la position de marché des entreprises en cause " (p. 6).
199. Sur ce point, le paragraphe 52 des lignes directrices précitées se réfère à deux seuils cumulatifs en deçà desquels un accord est présumé, du point de vue de la Commission européenne, ne pas affecter sensiblement le commerce entre États membres :
- la part de marché totale des parties sur un marché communautaire affecté par l'accord n'excède pas 5 % ;
- et, dans le cas d'accords horizontaux, le chiffre d'affaires annuel moyen réalisé dans l'Union par les entreprises en cause avec les produits concernés par l'accord n'excède pas 40 millions d'euros.
2. APPRÉCIATION DE L'AUTORITÉ
a) En ce qui concerne le grief n° 3
200. Il convient de souligner en premier lieu que les volumes d'échanges de viande porcine de France vers les autres États membres et vice-versa sont importants. L'Union européenne est le premier débouché des exportateurs français avec plus des trois quarts des flux (76,2% en 2008, cote 23). Quant aux importations, elles sont quasiment toutes en provenance de l'Union européenne, l'Espagne représentant les 2/3 de ces importations (étude Xerfi 700, viande de porc (industrie), p. 23).
201. S'agissant en deuxième lieu de l'incidence des pratiques examinées au titre du grief n° 3 sur ces échanges entre États membres, il faut noter, tout d'abord, qu'elles concernent cinq abatteurs représentant plus de 33 % des tueries sur la zone Uniporc Ouest en 2009 (Abera 5,3%, Groupe Gad 3,2%, Groupe Bernard 9,6 % et Groupe Bigard/Socopa 15,6%, cotes 7999 à 8006).
202. Il ressort ensuite du dossier qu'elles peuvent être considérées comme ayant une incidence sur l'ensemble du territoire national.
203. En effet, la zone Uniporc Ouest recouvre les principales régions d'élevage de porcs français puisque près de 80 % du cheptel français y est produit (20,151 millions de porcs sur 25,227 millions en 2010, cotes 7529, 7540, 7824) si bien que les pratiques peuvent être considérées comme affectant l'ensemble du territoire national.
204. Dans le même sens, les pratiques de réduction des capacités d'abattage des abatteurs sur la zone Uniporc Ouest avaient pour objectif direct de faire évoluer le prix au MPB à la baisse au détriment des éleveurs porcins, comme l'atteste le document intitulé " tableaux pour la réunion du 12 août 2009 ", qui indique à propos d'une " simulation tuerie Uniporc août septembre 2009 " :
" [...] Il faut noter qu'une maitrise organisée du volume d'abattage conditionnera fortement l'évolution du prix mpb, du fait d'une moindre pression sur les volumes achetés, et donc un espoir d'un redressement de nos marges " (cotes 6587 à 6590, soulignements ajoutés).
205. Or, ces pratiques ont été mises en œuvre par les plus importants abattoirs français, représentant ensemble plus de 70 % des achats de porc sur le marché au cadran en 2009 (61 741 porcs/semaine dont 3 578 porcs/semaine pour Abera (5,8 %), 12 016 porcs/semaine pour Groupe Gad (19,5 %), 13 304 porcs/semaine pour Groupe Bernard (21,6 %), 6523 porcs/semaine pour Groupe Socopa (10,6%) et 7990 porcs/semaine pour Groupe Bigard (12,9 %))(cote 7927).
206. Enfin, comme cela a été indiqué au paragraphe 45 ci-dessus, l'influence du MPB est plus large que les volumes qui y transitent, puisque le cours moyen défini en fin de séance au MPB sert de référence pour la zone Uniporc Ouest, soit pour l'ensemble des transactions directes entre éleveurs et abattoirs implantés sur cette zone et même au-delà (cote 6672). Par ailleurs, le prix cadran défini au MPB sert également d'indicateur au niveau européen, avec le prix espagnol et le prix allemand. Le directeur du MPB a expliqué lors de son audition le 20 février 2007 par la DGCCRF qu'" [i]l existe trois prix de référence : le prix allemand, le prix espagnol et le prix français. Pour l'Espagne, cela se passe à Lérida (Catalogne), les jeudis soir sous la présidence du maire de la ville, se réunit la commission de cotation regroupant producteurs et abatteurs à parité, ils se mettent d'accord sur le prix à pratiquer. L'Allemagne, c'est la ZMP (organisation centrale des marchés) ([devenu l'index Autofom] qui collecte des données de prix des abattoirs et les souhaits des producteurs, données à partir desquelles un prix de référence est défini " (cote 128). Les pratiques en cause étaient donc susceptibles d'affecter le commerce entre États membres.
207. S'agissant en troisième et dernier lieu du caractère sensible de cette affectation, cette condition est également établie au vu des données qui viennent d'être rappelées, et notamment des quantités achetées sur le marché amont d'achat au MPB et des quantités de porcs abattus et donc de produits transformés par les abatteurs qui peuvent ensuite être exportés.
208. Il résulte de ce qui précède que les pratiques en cause doivent être examinées au regard non seulement de l'article L. 420-1 du Code de commerce mais également de l'article 101 du TFUE, ce qui n'est pas contesté par les entreprises mises en cause.
b) En ce qui concerne le grief n° 2
209. La pratique visée par le grief n° 2 est une concertation entre abatteurs sur le prix d'achat des porcs intervenue les 2 et 5 septembre 2005.
210. Si la durée ponctuelle d'une entente n'exclut nullement la possibilité d'une affectation sensible des échanges, qui peut fréquemment découler, notamment dans le cadre d'ententes portant sur des appels d'offres, d'autres éléments tels que le montant des marchés en cause, la nature des produits ou des services concernés, l'importance des entreprises qui y participent, leur État membre d'établissement, ou encore les modalités de mise en œuvre des pratiques ainsi que leurs effets actuels ou potentiels sur la concurrence, tel n'est pas le cas en l'espèce. En effet, eu égard aux modalités de fonctionnement du marché, et en particulier à la fréquence de ses séances, qui se tiennent chaque semaine à deux reprises et sont à chaque fois l'occasion d'une nouvelle session de formation du prix d'achat des porcs, les éléments figurant au dossier ne permettent pas d'envisager une éventualité quelconque, même potentielle et indirecte, d'affectation sensible des échanges par les pratiques en cause.
211. Celles-ci ne seront donc examinées qu'au regard des dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.
c) En ce qui concerne le grief n° 5
212. Dans certains cas de figure, l'Autorité, bien qu'ayant considéré qu'il existait des pratiques susceptibles d'affecter le commerce entre États membres, n'a pas appliqué les règles de concurrence de l'Union faute d'éléments attestant à suffisance de droit du caractère sensible d'une telle affectation (voir, par exemple, la décision n° 06-D-37 du 7 décembre 2006 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution des cycles et produits pour cyclistes, paragraphe 634, confirmée par un arrêt de la Cour d'appel de Paris du 4 mars 2008, société José Alvarez SAS, p. 11).
213. En l'espèce, les pratiques reprochées aux entreprises en cause portent sur un produit de la gamme des produits à base de viande de porc fraîche - à savoir la longe de porc sans os vendue par deux d'entre elles aux magasins de l'enseigne Auchan identifiés par l'Autorité. Or, le volume en cause est tel qu'il est exclu qu'aucun des deux seuils cumulatifs rappelés au paragraphe 199 ci-dessus ne soit atteint, même si ces deux seuils ne peuvent être déterminés avec précision en l'espèce.
214. De façon plus générale, les éléments figurant au dossier ne permettent pas d'établir que les pratiques seraient susceptibles d'affecter sensiblement les échanges entre États membres.
215. Dans ces conditions, les pratiques visées par le grief n° 5 seront examinées au regard des seules dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.
d) En ce qui concerne le grief n° 4
216. La pratique en cause tient à un ensemble de comportements reprochés au SNCP, syndicat qui représentait à l'époque des faits 65 professionnels de l'abattage-découpe de porc. Lors de son audition par la DGCCRF le 25 juin 2007, le président de ce syndicat a précisé que " les entreprises adhérentes de notre syndicat représentent environ entre 70% et 80% de ce qui est abattu, découpé et exporté en France " (cote 426).
217. Ainsi qu'il a été rappelé au paragraphe 197 ci-dessus, lorsqu'une entente ou une action concertée a vocation à produire ses effets sur l'ensemble du territoire d'un État membre, indépendamment de la localisation précise de telle ou telle des personnes qui y participent, comme en l'espèce, celle-ci est normalement à considérer comme étant susceptible d'affecter sensiblement le commerce entre États membres.
218. En l'espèce, la pratique mise en œuvre par le SNCP, qui représentait à l'époque des faits la majeure partie de l'offre de viande de porc fraîche au stade de l'abattage-découpe sur le marché, comme cela vient d'être rappelé, portait notamment sur la liberté tarifaire des entreprises d'abattage-découpe et leur capacité à proposer des prix promotionnels en fonction de leurs propres coûts. Elle avait vocation à être mise en œuvre par les principaux opérateurs du secteur sur l'ensemble du territoire national et indépendamment de leur localisation précise.
219. Il résulte de ce qui précède que la pratique en cause doit être examinée au regard non seulement de l'article L. 420-1 du Code de commerce mais également de l'article 101 du TFUE, ce qui n'est pas contesté par le syndicat mis en cause.
C. SUR LES SECTEURS EN CAUSE
1. RAPPEL DES PRINCIPES
220. Il résulte d'une jurisprudence constante de l'Union que l'obligation d'opérer une délimitation du marché en cause dans une décision adoptée en application de l'article 101 du TFUE s'impose aux autorités de concurrence uniquement lorsque, sans une telle délimitation, il n'est pas possible de déterminer si l'accord, la décision d'association d'entreprises ou la pratique concertée en cause a pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence au sein du marché intérieur (arrêt du Tribunal du 12 septembre 2007, William Prym/Commission, T-30/05, Rec. p. II-107, point 86, et la jurisprudence citée).
221. De même, en droit interne, lorsque les pratiques en cause sont examinées au titre de la prohibition des ententes, comme c'est le cas en l'espèce, il n'est pas nécessaire de définir le marché avec précision dès lors que le secteur a été suffisamment identifié pour permettre de qualifier les pratiques observées et de les imputer aux opérateurs qui les ont mises en place (décisions n° 05-D-27 du 15 juin 2005 relative à des pratiques relevées dans le secteur du thon blanc, paragraphe 28, et n° 11-D-02 du 26 janvier 2011 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la restauration des monuments historiques, paragraphe 364).
2. APPRÉCIATION DE L'AUTORITÉ
222. En ce qui concerne les pratiques visées par les griefs n° 2 et 3, le secteur concerné peut être défini, pour les besoins de la présente décision, comme étant celui de l'achat de porcs vivants en vue de l'abattage. Le marché géographique concerné est à tout le moins celui du grand Ouest de la France (la zone Uniporc Ouest), qui représente 80 % des abattages effectués en France.
223. En ce qui concerne les pratiques visées par le grief n° 4, le secteur concerné peut être défini, pour les besoins de la présente décision, comme étant celui de la commercialisation de viande de porc fraîche en France.
224. Enfin, en ce qui concerne les pratiques visées par le grief n° 5, le secteur concerné peut être défini, pour les besoins de la présente décision, comme étant celui de la vente de viande de porc à destination des enseignes de la grande distribution en France.
D. SUR LE BIEN-FONDÉ DES GRIEFS
225. Tous les griefs d'ententes notifiés en l'espèce ne sont pas de même nature : certains portent sur des pratiques relatives à la limitation de la production, un autre sur des consignes diffusées par un organisme professionnel et d'autres encore sur des pratiques à l'égard de la distribution.
226. Seront successivement analysés le grief n° 3 relatif à la concertation entre cinq abatteurs visant à diminuer de manière coordonnée leurs achats sur la zone Uniporc Ouest en 2009 (1), le grief n° 2 relatif à la concertation entre abatteurs sur le prix d'achat des porcs les 2 et 5 septembre 2005 (2), le grief n° 4 relatif aux directives syndicales du SNCP sur les promotions à la découpe de viande de porc fraîche (3), le grief n° 5 relatif à la concertation entre Gad et Cooperl Arc-Atlantique vis-à-vis des enseignes de la grande distribution (4) et enfin le grief n° 1 portant sur le partage des intentions de barre de retrait des acheteurs membres de la FAC (5).
1. SUR LE GRIEF N° 3
227. L'article L. 420-1 du Code de commerce prohibe expressément les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites entre les entreprises lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, notamment lorsqu'elles tendent à " limiter ou contrôler la production, les débouchés, les investissements ou le progrès technique ".
228. De manière analogue, l'article 101, paragraphe 1, sous b), du TFUE prévoit que sont interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques concertées qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence au sein du marché intérieur, et notamment ceux qui consistent à " limiter ou contrôler la production, les débouchés, le développement technique ou les investissements ".
229. À cet égard, la Cour de justice a récemment jugé qu'un " accord conclu entre les dix principaux transformateurs de viande bovine en Irlande, membres de la BIDS, et prévoyant, notamment, une réduction des capacités de transformation de l'ordre de 25 % a pour objet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence au sens de l'article 81, paragraphe 1, CE [article 101, paragraphe 1, du TFUE] " (arrêt du 20 novembre 2008, Beef Industry Development Society, aff. C-209/07, recueil 2008 p. I-8637, paragraphe 40). Pour parvenir à cette conclusion, la Cour de justice a estimé que cet accord, qui " [visait] donc essentiellement à permettre à plusieurs entreprises de mettre en œuvre une politique commune ayant pour objet de favoriser la sortie du marché de certaines d'entre elles et de réduire, par voie de conséquence, les surcapacités qui affectent leur rentabilité en les empêchant de réaliser des économies d'échelle (...,) se [heurtait] de manière patente à la conception inhérente aux dispositions du traité CE relatives à la concurrence, selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu'il entend suivre sur le marché. L'article 81, paragraphe 1, CE vise en effet à interdire toute forme de coordination qui substitue sciemment une coopération pratique entre entreprises aux risques de la concurrence " (points 33 et 34).
230. Au cas présent, il n'est pas contesté par les entreprises Abera, Bernard, Gad, Groupe Bigard et Socopa Viandes que ces dernières se sont entendues pour fixer des objectifs de baisse coordonnée de leurs abattages de porcs pour les semaines 24 à 27 de l'année 2009, soit du 8 juin au 3 juillet 2009, et des semaines 30 à 37, soit du 20 juillet au 11 septembre 2009, ce qui représente un total de 12 semaines.
231. Il n'est pas non plus contesté que cette entente, qui visait à diminuer artificiellement la production des entreprises en cause, a eu pour objet d'entraîner la baisse du prix d'achat établi sur le MPB et payé aux éleveurs de porcs, comme en témoignent les fixations de " prix de retrait " à des seuils plus bas, notamment pendant les mois d'été.
232. Cette pratique, dont la matérialité, la qualification juridique et l'imputabilité ne sont donc contestées par aucune des parties auquel le grief a été notifié, enfreint les dispositions des articles 101, paragraphe 1, du TFUE et L. 420-1 du Code de commerce.
2. SUR LE GRIEF N° 2
233. L'objectif essentiel du droit de la concurrence consiste à ce que tout opérateur économique détermine de manière autonome la politique qu'il entend suivre sur le marché (voir, en ce sens, arrêts de la Cour de justice du 14 juillet 1981, Züchner, 172/80, Rec. p. 2021, point 13, et du 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands e.a., C-8/08, Rec. p. I-4529, point 32).
234. L'article L. 420-1 du Code de commerce prohibe expressément les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites entre les entreprises lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, notamment lorsqu'elles tendent à " faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse ".
235. Il résulte également des termes mêmes de cet article ainsi que de la jurisprudence interne et de l'Union que l'objet et l'effet anticoncurrentiels de telles pratiques sont des conditions alternatives pour apprécier si celles-ci peuvent être sanctionnées en application de ces dispositions (arrêts de la Cour de justice du 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands e.a., précité, points 28 et 30, et du 6 octobre 2009, GlaxoSmithKline Services/Commission, C-501/06 P, C-513/06 P, C-515/06 P et C-519/06 P, Rec. p. I-9291, point 55).
236. Enfin, il est de jurisprudence constante que la notion d'accord anticoncurrentiel par objet s'applique indépendamment de la circonstance éventuelle que les parties à l'accord n'ont pas eu l'intention, voire seulement la conscience, de violer les règles de concurrence (voir l'arrêt de la Cour de justice du 20 novembre 2008, Beef Industry Development Society, précité, point 21, et l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 24 mai 2005, SARL Imagin).
237. Dans l'arrêt Beef Industry précité, la Cour de justice a rappelé, plus largement, qu' " un accord peut être considéré comme ayant un objet restrictif même s'il n'a pas pour seul objectif de restreindre la concurrence, mais poursuit également d'autres objectifs légitimes " (point 21).
238. En l'espèce, les entreprises Abera, Bernard, GAD et Financière du Forest, AIM et HAIM, et Groupe Bigard ne contestent pas le grief qui leur a été notifié, à savoir de s'être concertées pour fixer un prix d'achat commun des porcs les 2 et 5 septembre 2005 en l'absence de cours moyen établi au MPB le 1er septembre. Elles ne remettent donc en cause ni la matérialité des faits, ni leur qualification juridique ni leur imputabilité, de sorte que ce grief est à considérer comme établi à leur égard.
239. Il convient toutefois de mettre hors de cause la société Socopa Viandes SAS, auquel le grief a également été notifié, dans la mesure où elle n'a été constituée que le 21 octobre 2008 pour permettre le rachat des actifs de la société SA Socopa par Groupe Bigard.
240. Eu égard à la jurisprudence rappelée au paragraphe 192 ci-dessus, il reste encore à examiner la question de la participation de Cooperl et Kermené à la pratique anticoncurrentielle en cause. Il faut noter à ce sujet que Cooperl et Kermené ne contestent pas le fait d'avoir participé à la fixation en commun du prix d'achat intervenue les 2 et 5 septembre 2005, mais seulement le caractère anticoncurrentiel d'une telle concertation.
241. Contrairement à ce que soutiennent Cooperl et Kermené, ni la violation par le MPB de ses engagements contractuels autorisant une " barre de retrait " pouvant alors descendre jusqu'à -0,08 euro/kg par rapport au cours précédent, ni le contexte d'urgence dans lequel a été prise la décision collective de fixation d'un prix d'achat par les abatteurs à 1,18 euro/kg, ni le poids des habitudes, ni, enfin, le degré effectif de mise en œuvre du prix fixé en commun ne sont de nature, notamment au regard de la jurisprudence rappelée aux paragraphes 233 à 237 ci-dessus, à remettre en cause ou à justifier l'objet anticoncurrentiel de cette pratique et ses effets potentiels sur la concurrence dans la zone Uniporc Ouest et, au-delà, sur le marché national des achats de porcs par les abatteurs auprès des producteurs.
242. A cet égard, dans le cadre de l'affaire " viandes bovines françaises ", le juge de l'Union a rappelé que " les requérantes ne sauraient non plus se prévaloir, pour justifier l'accord litigieux, de la crise dans laquelle se trouvait le secteur bovin au moment des faits de l'espèce (...). En effet, cette circonstance ne saurait, à elle seule, conduire à la conclusion que les conditions d'application de l'article 81, paragraphe 1, CE, n'étaient pas remplies " (arrêt du 13 décembre 2006, Fédération nationale de la coopération bétail et viande (FNCBV)/Commission, aff. T-217/03 et T-245/03, recueil 2006 p. II-4987, point 90, confirmé, sur pourvoi, par l'arrêt de la Cour de justice du 18 décembre 2008, Coop de France bétail et viande/Commission, aff. C-101/07 P, recueil 2008, p. I-10193, point 84).
243. De même, la brièveté de la période concernée ne saurait remettre en cause le caractère anticoncurrentiel de la concertation. À cet égard, la Cour de justice a récemment jugé que " ce qui importe n'est pas tant le nombre de réunions entre les entreprises concernées que le fait de savoir si le ou les contacts qui ont eu lieu ont offert à ces dernières la possibilité de tenir compte des informations échangées avec leurs concurrents pour déterminer leur comportement sur le marché considéré et de substituer sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence. Dès lors qu'il peut être établi que ces entreprises ont abouti à une concertation et qu'elles sont restées actives sur ce marché, il est justifié d'exiger que celles-ci rapportent la preuve que cette concertation n'a pas eu d'influence sur leur comportement sur ledit marché " (arrêt du 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands e.a., aff. C-8/08, recueil p. 2009 I-04529, point 61). L'Autorité constate, en l'espèce, que les entreprises mises en cause ne contestent pas avoir adopté le même comportement sur le marché en cause à la suite de la concertation. La brièveté des faits constitue toutefois un élément pertinent dans le cadre de la détermination des sanctions encourues par les intéressés.
244. Le caractère anticoncurrentiel de cette pratique, prohibée par les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce, est donc également établi à l'égard de Cooperl et Kermené.
a) Sur le caractère exemptable de la pratique
245. Kermené estime que la situation qui a prévalu les 2 et 5 septembre 2005 remplit les conditions énoncées par le 2° du I de l'article L. 420-4.
Rappel des principes
246. Le 2° du I de l'article L. 420-4 du Code de commerce prévoit que " ne sont pas soumises aux dispositions des articles L. 420-1 et L. 420-2 les pratiques : (...) dont les auteurs peuvent justifier qu'elles ont pour effet d'assurer un progrès économique, y compris par la création ou le maintien d'emplois, et qu'elles réservent aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, sans donner aux entreprises intéressées la possibilité d'éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause (...) ".
247. Quatre critères doivent être satisfaits pour accorder à une pratique anticoncurrentielle le bénéfice de l'article 101, paragraphe 3, du TFUE ou de l'alinéa 2 du I de l'article L. 420-4 du Code de commerce : cette pratique doit contribuer à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique (première condition), tout en réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte (deuxième condition), sans imposer aux entreprises intéressées des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre ces objectifs (troisième condition), ni donner à des entreprises la possibilité, pour une partie substantielle des produits en cause, d'éliminer la concurrence (quatrième condition).
248. Chacune de ces quatre conditions doit être remplie pour que le bénéfice de ces dispositions soit accordé à la pratique en cause, comme cela résulte des termes mêmes du Code de commerce.
249. Par ailleurs, il résulte de la jurisprudence que c'est à la personne qui se prévaut des dispositions de l'article L. 420-4 du Code de commerce de démontrer, au moyen d'arguments et d'éléments de preuve convaincants, que ces conditions sont réunies (arrêt de la Cour d'appel de Paris du 14 décembre 2011, Compagnie Emirates).
250. S'agissant de la première d'entre ces conditions, la Cour d'appel de Paris a ainsi jugé, dans un arrêt du 17 juin 1992, Compagnie générale de vidéocommunication, qu'il " appartient aux auteurs des pratiques anticoncurrentielles de démontrer, non seulement que ces actions comportent des avantages économiques, mais encore que ceux-ci sont suffisants pour compenser les incidences des pratiques sur la concurrence ".
Arguments de Kermené
251. Selon Kermené, la fixation en commun du prix de base de 1,18 euro/kg (TMP) les 2 et 5 septembre 2005, en l'absence du marché au cadran du MPB, aurait permis de faire fonctionner normalement les abattoirs, ce qui correspondrait à l'objectif d'amélioration de la production et aux objectifs de la PAC rappelés à l'article 39 du TFUE (première condition). Cette concertation aurait profité aux consommateurs, puisque le marché de détail aurait continué à être approvisionné en viande de porc (deuxième condition). En outre, cette concertation aurait été indispensable pour atteindre l'objectif de tenue du marché à défaut d'autre solution rationnelle économiquement, susceptible de pallier l'absence de marché (troisième condition). À cet égard, Kermené considère qu'une liberté totale d'achat à un prix fixé individuellement aurait déstabilisé le marché. Enfin, cette concertation n'aurait pas éliminé la concurrence sur le marché des produits en cause en raison de la brièveté de la concertation (quatrième condition).
Appréciation de l'Autorité
252. S'il n'est pas exclu, au cas d'espèce, que la concertation entre membres de la FAC les 2 et 5 septembre 2005 - fixation d'un prix de base du porc en l'absence du prix qui aurait été déterminé selon les modalités de fonctionnement du MPB si celui-ci s'était tenu -, réponde à la première condition mentionnée plus haut, au regard, notamment, de l'objectif de stabilisation du marché prévu par l'article 39 du TFUE, il n'est en revanche pas démontré par Kermené que les alternatives offertes aux abatteurs étaient toutes moins rationnelles économiquement et que la concertation, telle qu'elle s'est nouée, ait été indispensable au sens de la jurisprudence. En d'autres termes, il n'est pas établi qu'il n'existait pas de solutions intermédiaires entre la pratique mise en œuvre, d'une part, et la liberté totale de fixation des prix évoquée par Kerméné, d'autre part. La fixation en commun d'un prix d'achat du porc les 2 et 5 septembre 2005 n'apparait donc pas comme la solution la moins restrictive de concurrence.
b) Conclusion
253. En conséquence, il est établi que les pratiques par lesquelles les entreprises Abera, AIM, Cooperl, Bernard, Bigard, Gad, et Kermené d'une part, et la FAC et le SNCP d'autre part, se sont entendus pour fixer un prix commun du porc charcutier à 1,18 euro/kg pour leurs achats en direct auprès des producteurs, sur le marché national de la vente de porcs aux abatteurs, les 2 et 5 septembre 2005, sont contraires à l'article L. 420-1 du Code de commerce.
3. SUR LE GRIEF N° 4
254. La Cour d'appel de Paris a rappelé, dans un arrêt du 17 octobre 2000, Syndicat national des ambulanciers de montagne (SNAM, n° 2000/05907), que, " si les organisations professionnelles ou syndicales ont notamment pour mission la défense des intérêts collectifs de leurs membres ou des adhérents, elles sortent du cadre de leur mission en diffusant à ceux-ci des tarifs ou des méthodes de calcul de prix qui ne prennent pas en considération les coûts effectifs de chaque entreprise ".
255. Dans son arrêt du 29 janvier 2008, syndicat l'Union française des orthoprothésistes (UFOP), la Cour d'appel de Paris a également jugé que, " si un organisme professionnel peut diffuser des informations destinées à aider ses membres dans l'exercice de leur activité, l'aide qu'il leur apporte ainsi ne peut avoir ni pour objet, ni pour effet de les détourner d'une appréhension directe de leur stratégie commerciale qui leur permette d'établir leurs prix de manière indépendante " (page 6).
256. Plus généralement, ainsi que le Conseil l'a rappelé dans la décision n° 07-D-16 du 9 mai 2007 relative à des pratiques sur les marchés de la collecte et de la commercialisation des céréales, " s'il est loisible à un syndicat professionnel ou à un groupement professionnel de diffuser des informations destinées à aider ses membres dans l'exercice de leur activité, cette aide ne doit pas exercer d'influence directe ou indirecte sur le libre jeu de la concurrence à l'intérieur de la profession " (paragraphe 77 ; voir également la décision n° 07-D-05 du 21 février 2007 relative à des pratiques mises en œuvre par l'Union française des orthoprothésistes (UFOP) sur le marché de la fourniture d'orthoprothèses, paragraphes 53 et suivants).
257. En l'espèce, il n'est pas contesté par le SNCP que celui-ci a diffusé, auprès des membres, entreprises présentes dans le secteur de l'abattage-découpe de viande de porc, des communiqués et des circulaires les invitant à ne pas accepter de vendre leur viande porcine aux enseignes de la grande distribution à des prix considérés comme nuisibles à la rentabilité et à l'image de la filière. L'intéressé ne conteste pas non plus que cette diffusion est intervenue lors des périodes promotionnelles traditionnelles de viande de porc, à savoir en janvier et septembre, de sorte que l'existence de cette pratique est établie entre décembre 2004 et le 19 août 2009.
258. Il ne conteste pas, enfin, que cette pratique est constitutive d'une action concertée enfreignant, au vu de son objet anticoncurrentiel, les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce et de l'article 101, paragraphe 1, du TFUE.
259. En revanche, au regard des constatations figurant aux paragraphes 161 à 163 ci-dessus, il convient de mettre hors de cause la société Cooperl, les éléments figurant au dossier ne permettant pas de considérer qu'elle aurait elle aussi participé à cette pratique.
4. SUR LE GRIEF N° 5
260. Une entreprise doit s'abstenir rigoureusement de participer à des prises de contact, directes ou indirectes, avec ses concurrents en vue d'échanger sur sa politique commerciale et notamment sur la politique tarifaire de biens ou services qu'elle offre sur le ou les secteurs ou marchés concernés (voir la décision n° 07-D-48 du 18 décembre 2007 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du déménagement national et international, paragraphes 178 et suivants, confirmée par l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 25 février 2009, société Transeuro Desbordes Worldwide Relocations SAS, et sur pourvoi, l'arrêt de la Cour de cassation du 7 avril 2010, n° C 09-13.838).
261. S'agissant des modalités de preuve de telles pratiques d'ententes, la Cour de cassation a jugé, dans un arrêt du 8 décembre 1992, que " l'existence et l'effectivité d'une entente ne sont normalement pas établies par des documents formalisés, datés et signés, émanant des entreprises auxquelles ils sont opposés ; que la preuve ne peut résulter que d'indices variés, dans la mesure où après recoupement, ils constituent un ensemble de présomptions suffisamment graves, précises et concordantes ".
262. Plus récemment, la Cour d'appel de Paris a rappelé, dans son arrêt société Transeuro Desbordes Worldwide Relocations SAS précité, qu'" à défaut de preuves matérielles se suffisant à elles-mêmes, une pratique anticoncurrentielle peut être établie par un faisceau d'indices précis et concordants constitués par le rapprochement de divers éléments recueillis au cours de l'instruction " (page 10).
263. Quant aux éléments susceptibles d'être pris en compte à ce titre, il y a lieu de rappeler qu'un document régulièrement saisi, quel que soit le lieu où il l'a été, est opposable à l'entreprise qui l'a rédigé, à celle qui l'a reçu et à celles qui y sont mentionnées et peut être utilisé comme preuve d'une concertation ou d'un échange d'informations entre entreprises, le cas échéant par le rapprochement avec d'autres indices concordants (voir en ce sens, les arrêts de la Cour de cassation du 12 janvier 1993, société Sogea, n° 91-11.623, et de la Cour d'appel de Paris du 8 avril 2009, Ela Médical, n° 2008/01092, et du 18 décembre 2001, SA Bajus Transport, BOCCRF, n° 3 du 26 février 2002). Une entreprise ne peut donc pas arguer du fait qu'elle n'a pas fait l'objet d'une opération de visite et de saisie, ou qu'aucun des documents qui fondent les griefs n'a été saisi chez elle, pour démontrer son absence de participation à l'entente.
264. Le Conseil de la concurrence a également rappelé, à propos de la valeur probante d'un document unilatéral, dans sa décision n° 05-D-65 du 30 novembre 2005 relative à des pratiques constatées dans le secteur de la téléphonie mobile, que : " La double circonstance qu'il s'agisse de documents unilatéraux évoquant l'accord et non de documents établis en commun ou échangés entre les opérateurs et qu'aucun document n'émane de la société Bouygues n'enlève rien, comme l'a estimé le Conseil dans la décision n° 00-D-28 confirmée par la cour d'appel dans son arrêt du 27 novembre 2001, à la valeur d'indice de ces pièces " (paragraphe 267).
265. En l'espèce, il convient tout d'abord de rappeler que la société Gad ne conteste pas les faits constitutifs de la concertation avec Cooperl tels qu'ils figurent dans le grief notifié au paragraphe 175 ci-dessus, non plus que leur qualification et sa responsabilité.
266. Quant à Cooperl qui, à l'inverse de Gad, n'a pas renoncé à contester les griefs, il faut relever, en premier lieu, qu'elle s'exprime sur l'existence des pratiques dans les termes suivants dans ses observations sur la notification des griefs : " [...] au grand étonnement de certains, en réalité, il n'y a jamais eu "de pacte" avec Gad pour fixer les prix ou échanger des informations commerciales pertinentes. En fait, Cooperl n'a communiqué au Groupe Gad que de fausses informations dans le cadre d'une stratégie commerciale destinée à neutraliser le Groupe GAD pour lui prendre des parts de marché. Il s'agissait d'une stratégie "d'enfumage" mise en place par Cooperl contre le groupe Gad qui s'est montré si naïf qu'il y a cru " (cote 8719).
267. Dans ses observations sur le rapport, Cooperl explique encore que " ces pratiques n'ont eu lieu que sur une durée extrêmement courte. Elles ont démarré au mois de mai 2009 au moment où les cours se sont mis à monter, ce qui constitue une phase d'instabilité où les abatteurs doivent et peuvent "passer les hausses" auprès de la grande distribution et où les parts de marché des acteurs peuvent évoluer. Elles ont cessé courant juillet 2009 avec la chute des cours ", (cote 13764).
268. Il en résulte que l'intéressée elle-même convient, d'une part, de l'existence des faits qui lui sont reprochés - à savoir l'existence d'une prise de contact avec Gad, d'une communication d'informations à celle-ci et d'une entente entre les deux entreprises, pratique dont le caractère anticoncurrentiel ressort à l'évidence des informations qui en faisaient l'objet - et d'autre part, dans une certaine mesure, de leur durée, tout en cherchant à justifier ces faits par une prétendue volonté de tromper son concurrent. Néanmoins, les éléments invoqués à ce titre ne sont pas de nature à remettre en cause le constat de l'existence d'une entente portant sur la longe de porc sans os destinée aux magasins de l'enseigne Auchan. L'existence de cette pratique est confirmée par les éléments de preuve matériels figurant au dossier, comme le courriel retranscrit au paragraphe 166 ci-dessus, qui précise notamment : " -- Viande : Accord de principe chez Auchan sur prix mini en longe s/os avec et sans pointe dans la mesure où les deux sociétés servent la totalité du point de vente. Accord non respecté si troisième fournisseur rentre sur le magasin ". Cooperl ne conteste donc pas utilement ces éléments.
269. En second lieu, ainsi que cela a été évoqué au paragraphe 166 ci-dessus, cette entente sur le prix minimum de la longe de porc sans os pratiqué à l'égard des magasins de l'enseigne Auchan a selon Gad été " généralement respecté(e) à l'exception de la semaine 26 ", soit du lundi 22 juin au vendredi 26 juin 2009, ce qui revient à reconnaître qu'elle était en vigueur au moment de l'envoi du courriel comportant cette mention. Ce courriel, qui effectue un " bilan comportement Cooperl sur derniers mois ", mentionne ainsi que le " pacte de non-agression " en cause était en vigueur sur les " derniers mois ". Au regard des propos précités de M. C. P., il confirme clairement l'existence d'un " accord " en cours entre Gad et Cooperl pour les GMS de l'enseigne Auchan portant sur un prix minimum sur la viande fraîche (longe sans os avec ou sans pointe) dans la configuration où les deux abatteurs sont les seuls fournisseurs auprès d'un établissement Auchan.
270. Dès lors, eu égard à la jurisprudence rappelée aux paragraphes 261 et 262 ci-dessus, est établie à suffisance de droit l'existence d'une entente entre les entreprises Gad et Cooperl portant sur un prix minimum au cours des mois de mai et juin 2009 appliqué à la longe de porc sans os vendus aux magasins de l'enseigne Auchan pour lesquels ces deux entreprises étaient les seuls fournisseurs.
271. Cette pratique constitue une restriction de concurrence contraire à l'article L. 420-1 du Code de commerce.
5. SUR LE GRIEF N° 1
272. Les pratiques reprochées au titre du grief n° 1 portent sur des échanges d'informations relatifs aux intentions de " prix de retrait " des abatteurs membres de la FAC présents sur le marché au cadran du MPB.
273. Comme cela a été rappelé plus haut, il est de jurisprudence constante que, si " [l']exigence d'autonomie n'exclut pas le droit des opérateurs économiques de s'adapter intelligemment au comportement constaté ou à escompter de leurs concurrents, elle s'oppose cependant rigoureusement à toute prise de contact directe ou indirecte entre de tels opérateurs, ayant pour objet ou pour effet, soit d'influencer le comportement sur le marché d'un concurrent actuel ou potentiel, soit de dévoiler à un tel concurrent le comportement que l'on est décidé à, ou que l'on envisage de, tenir soi-même sur le marché " (Cour de justice, 16 décembre 1975, Suiker Unie, aff. jointes 40 à 48/73, 50/73, 54 à 56/73, 111/73, 113 et 114/73, point 174).
274. Les échanges d'informations entre entreprises peuvent donc contrevenir aux articles 101 du TFUE et L. 420-1 du Code de commerce en ce qu'ils tendent à diminuer l'incertitude qui doit normalement prévaloir sur le marché, en facilitant la collusion entre opérateurs et à tout le moins en diminuant leurs incitations à se comporter de manière autonome et à se livrer concurrence.
275. En fonction de leurs caractéristiques intrinsèques et du contexte juridique et économique dans lequel ils s'insèrent, de tels échanges d'informations, soit seront à qualifier de restrictions de la concurrence par leur objet même, soit devront être appréciés au regard de leurs effets actuels ou potentiels.
276. S'agissant de la première de ces qualifications, ainsi que l'a rappelé la Commission européenne au paragraphe 72 de ses lignes directrices sur l'applicabilité de l'article 101 du TFUE aux accords de coopération horizontale (JOUE n° 2011/C 11/01), qui peuvent constituer un guide d'analyse utile, " [p]our déterminer si un échange d'informations constitue une restriction de concurrence par objet, la Commission accordera une attention particulière au contexte juridique et économique dans lequel se produit cet échange. À cet effet, elle examinera si celui-ci est susceptible, de par sa nature même, de restreindre la concurrence ".
277. Au cas d'espèce, l'échange d'informations organisé entre abatteurs membres de la FAC - partage de leurs attentes respectives quant au niveau du " prix de retrait ", soit marché " normal ", soit marché " difficile " - ne peut, dans le contexte juridique et économique du MPB dans lequel il intervient, à savoir celui d'un marché au cadran par enchères électroniques dégressives régi par la convention de " vente aux classements " décrite aux paragraphes 53 et 54 ci-dessus, être considéré comme restreignant la concurrence en raison de son objet même.
278. Dès lors, il convient de vérifier si les pratiques en cause ont pu avoir des effets restrictifs sur la concurrence sur le marché concerné.
279. À cet égard, si les données disponibles au dossier révèlent qu'entre la signature de la convention " ventes aux classements " de décembre 2006 et le 16 juin 2011, le président de la FAC a demandé une " barre de retrait " pour " marché difficile " lors de 91 des 468 séances tenues au MPB sur cette période, cet élément n'est pas en lui-même suffisant, compte tenu du fonctionnement particulier du MPB décrit aux paragraphes 47 à 70 ci-dessus, pour caractériser l'existence d'un effet anticoncurrentiel actuel ou potentiel.
280. Dans ces conditions, et en l'absence d'éléments suffisamment probants pour établir le caractère anticoncurrentiel des pratiques en cause, le présent grief doit être écarté.
281. Par ailleurs, l'Autorité prend acte du fait que la FAC et ses membres ont, à compter de mars 2012, modifié les modalités de transmission des intentions respectives de " barre de retrait " des abattoirs membres afin de clarifier le fonctionnement du MPB en amont de la tenue des séances.
E. L'IMPUTABILITÉ DES PRATIQUES EN CAUSE
1. RAPPEL DES PRINCIPES
282. La notion d'entreprise et les règles d'imputabilité relèvent des règles matérielles du droit de la concurrence de l'Union. L'interprétation qu'en donnent les juridictions de l'Union s'impose donc à l'autorité nationale de concurrence et aux juridictions nationales lorsqu'elles appliquent les articles 101 et 102 du TFUE parallèlement aux règles de concurrence internes du Code de commerce (arrêts de la Cour de justice du 4 juin 2009, T Mobile Netherlands e.a., C 8/08, Rec. 2009 p. I 4529, points 49 et 50, et de la Cour d'appel de Paris du 29 mars 2012, Lacroix Signalisation e.a., n° 2011/01228, p. 18).
283. Si l'interprétation qu'en donnent les juridictions de l'Union ne s'impose pas à l'autorité nationale de concurrence et aux juridictions nationales lorsqu'elles appliquent seulement les articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce, l'Autorité retient cette interprétation afin d'assurer la cohérence de sa pratique décisionnelle en matière d'imputabilité (voir décision n° 11-D-02 du 26 janvier 2011 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la restauration des monuments historiques, paragraphe 597).
284. La Cour de cassation a, elle-même, tenu un raisonnement analogue sur une question de nature procédurale, alors que celle-ci aurait pu être considérée comme relevant du principe d'autonomie procédurale. À cet égard, elle a, dans son rapport annuel pour l'année 2011, commenté son arrêt du 21 juin 2011 (pourvoi n° 09-67.793) en soulignant qu'" il serait incohérent de différencier le régime d'intervention de l'Autorité selon qu'est appliqué, ou non, le droit communautaire ". Ce raisonnement vaut a fortiori pour une question de droit matériel.
285. Quant au fond, il résulte d'une jurisprudence constante que les articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce ainsi que les articles 101 et 102 du TFUE visent les infractions commises par des entreprises.
286. La juge de l'Union a précisé que la notion d'entreprise doit être comprise comme désignant une unité économique, même si, du point de vue juridique, cette unité économique est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales (arrêts de la Cour de justice du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, C-97/08 P, Rec. 2009 p. I-8237, point 55, du 29 mars 2011, ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., C-201/09 P et C-216/09 P, non encore publié au Recueil, point 95, du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C-521/09 P, non encore publié au Recueil, point 53, et de la Cour d'appel de Paris du 29 mars 2012, Lacroix Signalisation e.a., n° 2011/01228, p. 18).
287. C'est cette entité économique qui doit, lorsqu'elle a enfreint le droit de la concurrence, répondre de cette infraction, conformément au principe de la responsabilité personnelle (arrêts Akzo Nobel e.a./Commission, précité, point 56, ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., précité, point 95, Elf Aquitaine/Commission, précité, point 53, et Lacroix Signalisation e.a., précité, pp. 18 et 20), sur lequel repose le droit de la concurrence de l'Union (arrêt de la Cour de justice du 20 janvier 2011, General Química e.a./Commission, C-90/09 P, Rec. p. I-1, point 52).
288. Ainsi, au sein d'un groupe de sociétés, le comportement d'une filiale peut être imputé à la société mère notamment lorsque, bien qu'ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l'essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques (arrêts Akzo Nobel e.a./Commission, précité, point 58, ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., précité, point 96, Elf Aquitaine/Commission, précité, point 54, et Lacroix Signalisation e.a., précité, pp. 18 et 19).
289. Dans le cas particulier où une société mère détient, directement ou indirectement par le biais d'une société interposée, la totalité ou la quasi-totalité du capital de sa filiale auteur d'un comportement infractionnel, il existe une présomption selon laquelle cette société mère exerce une influence déterminante sur le comportement de sa filiale (arrêts de la Cour de justice, Akzo Nobel e.a./Commission, précité, point 60, General Química e.a./Commission, précité, points 2 et 42, du 29 septembre 2011, Arkema/Commission, C-520/09 P, point 42, et de la Cour d'appel de Paris, Lacroix Signalisation e.a., précité, p. 19).
290. Dans cette hypothèse, il suffit pour l'autorité de concurrence de rapporter la preuve de cette détention capitalistique pour imputer le comportement de la filiale auteur des pratiques à la société mère (arrêts Akzo Nobel e.a./Commission, précité, point 61, Elf Aquitaine/Commission, précité, point 57, et Lacroix Signalisation e.a., précité, p. 19).
291. À cet égard, il n'est pas exigé, pour imputer à une société mère les actes commis par sa filiale, de prouver que la société mère ait été directement impliquée dans les pratiques, ou ait eu connaissance des comportements incriminés. Ainsi que le relève le juge de l'Union, " ce n'est pas une relation d'instigation relative à l'infraction entre la société mère et sa filiale ni, à plus forte raison, une implication de la première dans ladite infraction, mais le fait qu'elles constituent une seule entreprise au sens de l'article (101 du TFUE) qui permet à la Commission d'adresser la décision imposant des amendes à la société mère d'un groupe de sociétés " (arrêts du Tribunal du 12 décembre 2007, Akzo Nobel e.a./Commission, T-112/05, Rec. 2007 p. II-5049, point 58, et du 27 octobre 2010, Alliance One International e.a./Commission, T-24/05, non encore publié au Recueil, point 169).
292. Il est possible à la société mère de renverser cette présomption en apportant des éléments de preuve susceptibles de démontrer que sa filiale détermine de façon autonome sa ligne d'action sur le marché. Si la présomption n'est pas renversée, l'Autorité de la concurrence sera en mesure de tenir la société mère pour solidairement responsable pour le paiement de la sanction infligée à sa filiale (arrêts Arkema/Commission, précité, points 40 et 41, et Lacroix Signalisation e.a., précité, p. 20).
293. Dans le cas où une société mère ne détient pas, directement ou indirectement par le biais d'une société interposée, la totalité ou la quasi-totalité du capital de sa filiale auteur d'un comportement infractionnel, il est nécessaire de vérifier que la société mère exerce effectivement une influence déterminante sur le comportement de sa filiale (arrêt Alliance One International e.a./Commission, précité, point 126). Dans un tel cas, afin d'établir si une filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, il convient de prendre en compte l'ensemble des éléments pertinents propres aux circonstances de l'espèce, relatifs aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent la filiale à la société mère (même arrêt, points 126 et 171).
2. APPRÉCIATION DE L'AUTORITÉ
294. Seront successivement abordées la question de l'imputabilité des pratiques de la société AIM SAS à la société HAIM SAS (a), puis de celles de la société Socopa Viandes SAS à la société Groupe Bigard SA (b), et enfin de celles de la société GAD SAS à la société Financière du Forest SA (c).
a) Sur l'imputabilité des pratiques de AIM SAS à la HAIM SAS
295. La société HAIM SAS et sa filiale détenue à 100 % AIM SAS constituent une unité économique, ce qu'elles n'ont pas contesté en demandant le bénéfice du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce.
296. HAIM SAS doit donc se voir imputer les pratiques visées par les griefs n° 2 et 3, en tant que société-mère d'AIM SAS, qui a elle-même participé à celles-ci.
b) Sur l'imputabilité des pratiques de Socopa Viandes SAS à Groupe Bigard SA
297. La société Socopa Viandes SAS a été créée fin 2008 par la société Groupe Bigard SA pour mener notamment une politique commune d'achats, sans présenter d'autonomie d'action, son capital étant contrôlé à 60 % par Groupe Bigard SA et la société Groupe Bigard détenant plus de 50 % des droits de vote de Socopa Viandes SAS, le solde étant détenu par la société Socopa SA (voir la lettre du ministre de l'Economie, de l'Industrie et de l'Emploi du 17 février 2009 à la société Bigard, relative à une concentration dans le secteur de la viande). Ces deux sociétés constituent une entité économique unique, ce qu'elles n'ont pas contesté dans le cadre de la mise en œuvre du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce.
298. Il y a donc lieu d'imputer l'infraction établie au titre du grief n° 3 à la société Socopa Viandes SAS en tant que participante aux pratiques, ainsi qu'à la société Groupe Bigard SA en sa qualité de société-mère.
299. En revanche, il convient de rappeler, comme il en a été pris acte dans son procès-verbal de non-contestation des griefs du 17 février 2012, que Groupe Bigard SA a signalé que " la SAS Socopa Viandes (RCS 508 513 785) a été constituée le 21 octobre 2008 (RCS Quimper 508 513 785) pour permettre le rachat des seuls actifs de la SA Socopa (RCS Paris 344 636 550). La SAS Socopa Viandes ne peut donc pas être concernée pour des actes, des comportements antérieurs au 2 mars 2009, date d'achat des actifs de la SA Socopa (RCS Paris 344 636 550) toujours en activité. Ces cessions d'actifs ont fait l'objet d'une notification à la DGCCRF, laquelle a donné son autorisation à l'opération par la décision C 2008-100 " (cotes 9611). En conséquence, la pratique visée par le grief n° 2 ne peut être imputée à la société Groupe Bigard SA, la société Socopa Viandes SAS ayant été mise hors de cause.
c) Sur l'imputabilité des pratiques de Gad SAS à la Financière du Forest SA
300. La société Financière du Forest SA et sa filiale détenue à 100 % Gad SAS constituent une unité économique, ce qu'elles n'ont pas contesté en demandant le bénéfice du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce.
301. Financière du Forest SA doit donc se voir imputer les pratiques visées par les griefs n° 2, 3 et 5 en tant que société-mère de Gad SAS, qui a elle-même participé à celles-ci.
F. SUR LES SANCTIONS
302. Le I de l'article L. 464-2 du Code de commerce et l'article 5 du règlement n° 1/2003 habilitent l'Autorité à imposer des sanctions pécuniaires aux entreprises et aux organismes qui se livrent à des pratiques anticoncurrentielles interdites par les articles L. 420-1 du Code de commerce et 101 du TFUE.
303. Aux termes du quatrième alinéa du I de l'article L. 464-2 du Code de commerce " :(s)i le contrevenant n'est pas une entreprise, le montant maximum de la sanction est de 3 millions d'euros. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 10 % du montant du chiffre d'affaires mondial hors taxes le plus élevé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. Si les comptes de l'entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d'affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l'entreprise consolidante ou combinante ".
304. Toutefois, lorsque l'Autorité met en œuvre la procédure prévue au III de l'article L. 464-2 du Code de commerce, le montant maximum de la sanction pécuniaire est réduit de moitié par rapport au montant maximum normalement applicable. Il résulte de cette disposition, lue en combinaison avec le I dudit article, que la sanction pécuniaire ne peut excéder 1,5 million d'euros lorsque le bénéficiaire de la procédure est un organisme, et 5 % du chiffre d'affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédent celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre lorsqu'il s'agit d'une entreprise.
305. Par ailleurs, le troisième alinéa du I de l'article L. 464-2 du Code de commerce prévoit que " les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation individuelle de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération de pratiques prohibées par le [titre VI du livre IV du Code de commerce]. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction ".
306. En l'espèce, l'Autorité appréciera ces critères légaux selon les modalités pratiques décrites dans son communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires, sauf circonstances particulières propres à l'une ou l'autre des infractions ou parties en cause.
307. Chacune des parties en cause dans la présente affaire a été mise en mesure de formuler des observations sur les principaux éléments de droit et de fait du dossier susceptibles, selon les services d'instruction, d'influer sur la détermination de la sanction pouvant lui être imposée. La présentation de ces différents éléments par les services d'instruction ne préjuge pas de l'appréciation du collège sur les déterminants de la sanction, qui relève de sa seule délibération.
308. Par ailleurs, dans le cas des sociétés Abera, AIM et HAIM, Bernard, Groupe Bigard et Socopa Viandes, Gad et Financière du Forest, d'une part, et des organismes FAC et French Meat Association (ex-SCNP) d'autre part, l'Autorité fera application du III de l'article L. 464 2 du Code de commerce, qui dispose que " (l)orsqu'un organisme ou une entreprise ne conteste pas la réalité des griefs qui lui sont notifiés, le rapporteur général peut proposer à l'Autorité de la concurrence, qui entend les parties et le commissaire du Gouvernement sans établissement préalable d'un rapport, de prononcer la sanction pécuniaire prévue au I en tenant compte de l'absence de contestation. Dans ce cas, le montant maximum de la sanction encourue est réduit de moitié. Lorsque l'entreprise ou l'organisme s'engage en outre à modifier son comportement pour l'avenir, le rapporteur général peut proposer à l'Autorité de la concurrence d'en tenir compte également dans la fixation du montant de la sanction ".
309. Enfin, si l'Autorité peut imposer à chaque entreprise ou organisme en cause plusieurs sanctions dans l'hypothèse où l'intéressé a commis plusieurs infractions (arrêt de la Cour de cassation du 29 juin 2007, Bouygues Télécom e.a., n° 07-10.303, 07-10.354 et 07-10.397), comme c'est le cas en l'occurrence, en déterminant chacune d'elles en fonction des critères prévus par le Code de commerce (voir, en ce sens, arrêt de la Cour de cassation du 12 juillet 2011, Lafarge e.a., n° 10-17.482 et 10-17.791) et en vérifiant qu'aucune d'entre elles n'excède le maximum légal applicable, il lui est aussi loisible, si elle l'estime opportun eu égard à l'identité ou à la connexité des secteurs ou des marchés en cause, d'une part, et à l'objet général des pratiques, d'autre part, d'infliger une seule sanction au titre de plusieurs infractions (arrêts de la Cour de cassation du 22 novembre 2005, Dexxon Data Media e.a., n° 04-19.102, et de la Cour d'appel de Paris du 28 janvier 2009, EPSE Joué Club e.a., n° 2008/00255, p. 20).
310. En l'espèce, les pratiques visées par les quatre griefs retenus, si elles concernent globalement le même secteur, poursuivent des objets distincts, sont intervenues pendant des périodes différentes et n'impliquent pas systématiquement les mêmes parties. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, l'Autorité imposera au cas d'espèce une sanction pécuniaire distincte pour chacune des infractions constatées.
311. L'Autorité déterminera successivement les sanctions imposées au titre du grief n° 3 relatif à la concertation entre cinq abatteurs visant à diminuer de manière coordonnée leurs achats sur la zone Uniporc Ouest en 2009 (1), du grief n° 2 relatif à la concertation entre abatteurs sur le prix d'achat des porcs les 2 et 5 septembre 2005 (2), du grief n° 4 relatif aux directives syndicales du SNCP sur les promotions à la découpe de viande de porc fraîche (3), et enfin du grief n° 5 relatif à la concertation entre Gad et Cooperl Arc-Atlantique vis-à-vis de magasins de l'enseigne Auchan (4).
1. SUR LES SANCTIONS IMPOSÉES AU TITRE DU GRIEF N° 3
a) Sur la valeur des ventes
312. Il ressort de la jurisprudence interne que la valeur des ventes de l'ensemble des catégories de produits en relation avec l'infraction effectuées par chacune des entreprises en cause, durant son dernier exercice comptable complet de participation à cette infraction, peut généralement être considérée comme constituant une référence appropriée et objective permettant de proportionner au cas par cas l'assiette de la sanction à la réalité économique de l'infraction en cause, et plus précisément à son ampleur ainsi qu'au poids relatif sur le secteur concerné de chacune des entreprises qui y a participé (voir, en ce sens, arrêt de la Cour d'appel de Paris du 11 octobre 2012, Entreprise H. Chevalier Nord e.a., n° 2011/03298, p. 72 ; voir également arrêt de la Cour d'appel de Paris du 29 mars 2012, Lacroix Signalisation e.a., n° 2011/01228, pp. 37 et 38).
313. La jurisprudence constante des juridictions de l'Union est dans le même sens (arrêts de la Cour de justice du 7 juin 1983, Musique diffusion française/Commission, 100/80, Rec. p. 1825, points 119 à 121, et du 3 septembre 2009, Papierfabrik August Koehler e.a./Commission, C 322/07 P, C 327/07 P et C 338/07 P, Rec. p. I-7191, point 114). Cette jurisprudence, même si elle ne vise pas en tant que telle la détermination des sanctions par l'Autorité française en cas de violation des articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce et 101 et 102 du TFUE, n'en constitue pas moins une référence utile pour l'exercice concret du pouvoir d'appréciation dont celle-ci dispose en la matière, à l'intérieur du cadre prévu par le I de l'article L. 464-2 du Code de commerce et dans le respect des principes généraux du droit.
314. L'Autorité s'est donc engagée à déterminer le montant de base des sanctions qu'elle prononce en se référant à cette notion comme assiette, que le droit de l'Union soit applicable parallèlement au droit interne ou que ce dernier soit seul en cause, afin d'assurer la cohérence de sa pratique décisionnelle en matière de sanctions (voir la décision n° 12-D-02 du 12 janvier 2012 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de l'ingénierie des loisirs, de la culture et du tourisme, paragraphe 164).
315. Toutefois, dans des cas particuliers où le recours à la valeur des ventes aboutirait à un résultat ne reflétant manifestement pas de façon appropriée l'ampleur économique de l'infraction, l'Autorité s'est réservé la possibilité de recourir à une autre assiette ou d'en adapter les modalités de prise en compte.
316. Tel est le cas en l'espèce. En effet, l'infraction visée par le grief a consisté, pour les entreprises en cause, à s'entendre sur des réductions des volumes d'abattage afin de diminuer leurs achats sur le marché amont de l'élevage porcin, et non leurs ventes en aval.
317. En conséquence, au vu des éléments figurant au dossier à cet égard, il sera appliqué une décote forfaitaire de 75 % à la valeur des ventes réalisées sur le marché aval des produits issus de l'abattage de porcs dans la zone Uniporc Ouest, afin de déterminer l'assiette à retenir en l'espèce. Cette réduction forfaitaire, favorable aux entreprises en cause, vise à refléter le fait que la coordination des quantités d'abattage entre concurrents se limitait à influencer le prix sur le marché amont, et non l'ensemble des ventes de viande de porc sur le marché aval.
318. Eu égard à la durée de participation de chacune des entreprises en cause à l'infraction retenue par l'Autorité au paragraphe 230 ci-dessus, qui n'est pas contestée par les parties, l'exercice comptable retenu pour déterminer cette valeur sera l'exercice 2009.
319. Au vu des considérations qui précèdent, le tableau ci-dessous récapitule les valeurs servant d'assiette à la sanction individuelle de chacune des entreprises en cause :
Entreprise / Valeur retenue (en euros)
Abera / 32 918 558
Bernard / 34 952 067
Groupe Bigard / 37 131 351
Gad / 91 209 784
Socopa Viandes / 48 702 250
b) Sur la détermination du montant de base
320. En application du I de l'article L. 464-2 du Code de commerce, le montant de base de la sanction imposée à chacune des entreprises en cause sera déterminé en fonction de la gravité des faits et de l'importance du dommage causé à l'économie, critères qui se rapportent tous deux aux pratiques constatées. Les appréciations de l'Autorité à cet égard trouveront une traduction chiffrée dans le choix d'une proportion de l'assiette retenue pour chaque entreprise en cause. L'Autorité procèdera à une appréciation globale tant de l'importance du dommage causé à l'économie que de la gravité des faits, avant de prendre en compte, de manière individualisée, la situation de chaque entreprise et sa contribution personnelle aux pratiques (arrêt de la Cour d'appel de Paris du 11 octobre 2012, précité, p. 68).
321. La durée des pratiques, qui constitue un facteur pertinent pour apprécier tant la gravité des faits (arrêt de la Cour de cassation du 30 mai 2012, Orange France, n° 11-22.144) que l'importance du dommage causé à l'économie (arrêt de la Cour de cassation du 12 juillet 2011, Lafarge ciments e.a., n° 10-17.482 et 10-17.791), fera l'objet d'une prise en compte sous ce double angle.
Sur la proportion de la valeur des ventes
Sur la gravité des faits
322. En l'espèce, les entreprises Abera, Bernard, Gad, Groupe Bigard et Socopa Viandes ont mis en œuvre des pratiques dont l'objet consistait à contrôler et à limiter en commun leur production, par le biais d'une réduction de leur capacité d'abattage, en vue de faire pression sur les prix fixés en amont, dans le cadre des transactions conclues entre les abatteurs et les OP présentes sur la zone Uniporc Ouest.
323. Cette infraction constitue donc un accord horizontal entre concurrents, dont l'objet même était de manipuler la production de manière concertée et de permettre une baisse artificielle des prix d'achat des porcs sur la zone Uniporc Ouest payés aux éleveurs, au lieu de laisser ce paramètre à la libre appréciation de chacune des entreprises, dans le cadre d'une détermination autonome de leur politique commerciale et de leur comportement sur le marché.
324. Cet objectif est d'ailleurs affiché par les entreprises en cause, ainsi que cela ressort du courriel du 11 août 2009 envoyé par Gad aux représentants des quatre autres parties et retranscrit au paragraphe 132 ci-dessus, qui mentionne qu'" une maîtrise organisée du volume d'abattage conditionnera l'évolution du prix MPB, du fait d'une moindre pression sur les volumes achetés ".
325. L'infraction visait donc, par sa nature même, à manipuler deux paramètres essentiels de la concurrence dans le secteur visé. Une telle pratique est qualifiée de cartel ou d'entente " injustifiable " par l'OCDE dans sa recommandation n° C(98)35/Final du 25 mars 1998 concernant une action efficace contre les ententes injustifiables. Elle constitue l'une des infractions les plus graves aux règles de concurrence, dans la mesure où elle ne peut tendre qu'à confisquer, au profit des auteurs de l'infraction, le bénéfice que les opérateurs en amont de la chaîne de valeur - en l'espèce les organisations d'éleveurs porcins - sont en droit d'attendre d'un fonctionnement concurrentiel de l'économie.
326. Dans le même sens, dans l'affaire de la viande bovine précitée, le juge de l'Union a rappelé que " les infractions en cause, à savoir la suspension ou la limitation des importations de viande bovine et la fixation d'une grille de prix minimaux [revêtaient] une particulière gravité " (point 264 de l'arrêt).
327. Par ailleurs, cette infraction a revêtu un caractère secret, élément la rendant particulièrement difficile à détecter et en traduisant, dans une certaine mesure, le caractère délibéré. A cet égard, si la baisse de la production (réduction des capacités d'abattage) au cours des 12 semaines de 2009 en cause constitue une donnée rendue publique a posteriori par l'organisation Uniporc Ouest, cette circonstance n'est de toute évidence pas de nature à remettre en cause le caractère antérieurement secret de l'entente.
328. Toutefois, la gravité concrète de cette entente est à tempérer en l'espèce compte tenu de certaines de ses modalités et de son contexte spécifique. La concertation entre les cinq abatteurs, intermédiaires sur la chaîne de valeur de la viande de porc, s'est en effet inscrite dans un contexte factuel particulier, où les abatteurs devaient faire face aux pressions sur les prix exercées par les opérateurs situés en aval (transformateurs et GMS) d'une part, et à celles des éleveurs en amont visant à défendre les revenus qu'ils tirent de l'élevage face à l'instabilité du coût des matières premières, d'autre part, comme cela ressort des constatations faites plus haut. Il sera tenu compte de cet élément dans la détermination de la sanction.
Sur l'importance du dommage causé à l'économie
329. Il est de jurisprudence constante que l'importance du dommage causé à l'économie s'apprécie de façon globale pour les pratiques en cause, c'est-à-dire au regard de l'action cumulée de tous les participants, sans qu'il soit besoin d'identifier la part imputable à chacun d'entre eux pris séparément (arrêts de la Cour de cassation du 18 février 2004, CERP e.a., n° 02 11754, et de la Cour d'appel de Paris du 17 septembre 2008, Coopérative agricole L'ardéchoise, n° 2007/10371, p. 6).
330. Ce critère légal ne se confond pas avec le préjudice qu'ont pu subir les victimes des pratiques en cause, mais s'apprécie en fonction de la perturbation générale qu'elles sont de nature à engendrer pour l'économie (voir, par exemple, arrêt de la Cour d'appel de Paris du 8 octobre 2008, SNEF, n° 2007/18040, p. 4).
331. L'Autorité, qui n'est pas tenue de chiffrer précisément le dommage causé à l'économie, doit procéder à une appréciation de son existence et de son importance, en se fondant sur une analyse aussi complète que possible des éléments du dossier et en recherchant les différents aspects de la perturbation générale du fonctionnement normal de l'économie engendrée par les pratiques en cause (arrêts de la Cour d'appel de Paris du 30 juin 2011, Orange France, n° 2010/12049, p. 5, confirmé sur pourvoi par arrêt de la Cour de cassation du 30 mai 2012, précité, et du 26 janvier 2012, Beauté Prestige International e.a., n° 2012/23945, p. 89). L'existence du dommage à l'économie ne saurait donc être présumée (arrêt de la Cour de cassation du 7 avril 2010, Orange France e.a., n° 09-12.984, 09-13.163 et 09-65.940).
332. En se fondant sur une jurisprudence établie, l'Autorité tient notamment compte, pour apprécier l'incidence économique de la pratique en cause, de l'ampleur de l'infraction, telle que caractérisée, entre autres, par sa couverture géographique ou par la part de marché cumulée des participants sur le secteur ou le marché concerné, de ses conséquences conjoncturelles ou structurelles, ainsi que des caractéristiques économiques pertinentes du secteur ou du marché concerné (voir, par exemple, arrêts de la Cour d'appel de Paris du 30 juin 2011, précité, p. 5 et du 26 janvier 2012, précité, p. 89 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour de cassation du 30 mai 2012, précité). Les effets tant avérés que potentiels de la pratique peuvent être pris en considération à ce titre (voir, en ce sens, arrêt de la Cour de cassation du 28 juin 2005, Novartis Pharma, n° 04-13.910).
333. Pour apprécier l'importance du dommage causé à l'économie, l'Autorité peut s'appuyer sur des estimations relatives aux conséquences directes des pratiques, lorsqu'elles sont observables, notamment en ce qui concerne le surprix qu'elles ont pu engendrer (voir, en ce sens, arrêt de la Cour d'appel de Paris du 26 janvier 2010, Adecco France e.a., n° 2009/03532, p. 17). Ces estimations sont, comme toute estimation, affectées par un coefficient d'incertitude ; elles peuvent néanmoins être prises en considération si elles sont fondées sur une méthode scientifiquement reconnue, qui tient compte de l'influence éventuelle d'autres facteurs explicatifs de l'estimation fournie (voir, en ce sens, arrêt de la Cour de cassation du 12 juillet 2011, Lafarge e.a., n° 10-17482 et 10-17791).
Sur l'ampleur des pratiques
334. La pratique visée par le grief n° 3 a concerné directement l'ensemble des achats effectués sur la zone Uniporc-Ouest mais a aussi influencé, compte tenu du poids de cette zone et de son rôle dans la détermination plus générale des prix et des conditions de vente, l'ensemble du marché national. Elle a impliqué cinq abatteurs, qui représentent 70 % des achats de la FAC au MPB et 50 % des achats totaux sur la zone Uniporc-Ouest, zone qui représente 80 % de l'élevage porcin français (voir le paragraphe 14 ci-dessus).
Sur les conséquences conjoncturelles et structurelles des pratiques
335. En deuxième lieu, les conséquences conjoncturelles et structurelles des pratiques peuvent également être prises en compte par l'Autorité dans son appréciation de l'importance du dommage causé à l'économie.
336. En l'espèce, la pratique a été généralement respectée par les abatteurs. Les objectifs des cinq entreprises en matière de limitation de leurs abattages ont ainsi été atteints et même dépassés, notamment au cours des huit dernières semaines de la pratique (semaines 30 à 37) allant du lundi 20 juillet au vendredi 11 septembre 2009. Le nombre de porcs abattus pendant cette période ne s'élève plus qu'à 389 057 bêtes par semaine, soit une diminution supérieure à celle escomptée par Gad (395 900 porcs/semaine).
337. Ainsi, dans le contexte d'une diminution du nombre de porcs abattus en 2009 sur la zone Uniporc-Ouest par rapport au nombre de porcs abattus en 2008 sur la même zone, (191 844 porcs de moins, soit -0,98 %), les abattages des cinq abattoirs, au cours des 12 semaines de 2009, ont subi une baisse de -3,7 %, soit en volume 85 377 porcs, par rapport aux 2 288 453 porcs abattus en 2008 durant les mêmes semaines (cote 13868).
338. Ensuite, les quantités achetées sur le marché sont un élément déterminant du prix d'achat perçu par les éleveurs, et ce d'autant plus que l'offre de porcs est rigide à court terme. La pratique a engendré une tension baissière sur le prix payé aux éleveurs porcins déterminé sur la base du cours du MPB au détriment de ces derniers, ce qui est étayée par plusieurs pièces présentes au dossier.
339. Il ressort ainsi du courriel du 11 août 2009 de Gad aux quatre autres membres de l'entente qu'" une maîtrise organisée du volume d'abattage conditionnera fortement l'évolution du prix MPB, du fait d'une moindre pression sur les volumes achetés, et donc un espoir d'un redressement de nos marges. " De même, le directeur du MPB a rappelé qu'" une variation de 1 à 2 % [des quantités] peut entraîner une variation de prix de 20 à 30 % " (voir le paragraphe 54 ci-dessus).
340. Le compte-rendu du comité de direction de GAD SAS cité au paragraphe 147 ci-dessus confirme les bons résultats sur la marge de découpe prévue entre 0,50 et 1,00 euro/kg en semaine 34, soit du 17 au 21 août 2009 : " [...] Pour poursuivre l'amélioration de la marge de découpe enregistrée ces dernières semaines, la modération de l'activité constitue donc la seule voie possible dans le contexte actuel. Elle s'avère efficace à l'achat et à la vente. L'activité restera donc stable à 51 000 +/- 500 porcs dans les semaines à venir. Cette option est adoptée par d'autres outils, à la recherche prioritairement d'un retour à une marge positive. L'équilibre prévisionnel achat/vente permet d'entrevoir une évolution positive de la MB [marge brute] de découpe comprise entre +0,5 et +1,0 euro/kg pour la 34 ".
341. Par ailleurs, les données disponibles corroborent l'existence d'une diminution des prix d'achat sur le MPB au détriment des éleveurs porcins, concomitante à la diminution coordonnée des achats par les cinq abatteurs. Ainsi, au cours de cette période continue de 8 semaines (semaine 30 à 37), le prix de retrait a été considéré pendant 3 jeudis comme attestant d'un marché " difficile " par les abatteurs de la FAC, au sein de laquelle les 5 groupes d'abatteurs mis en cause représentaient 70 % des achats :
- le jeudi 30 juillet 2009 (semaine 31) : le prix de retrait est fixé à -0,042 euro/kg, conduisant à une baisse corrélative du prix moyen de vente de -0,040 euro/kg, qui passe à 1,230 euro/kg contre 1,270 euro/kg le lundi 27 juillet 2009 ;
- le jeudi 6 août 2009 (semaine 32) : le prix de retrait est fixé à -0,025 euro/kg conduisant à une baisse corrélative du prix moyen de vente de -0,019 euro/kg, qui passe à 1,211 euro/kg contre 1,230 euro/kg le lundi 3 août 2009 t ;
- le jeudi 10 septembre 2009 (semaine 37) : le prix de retrait est fixé à -0,030 euro/kg conduisant à une baisse corrélative du prix moyen de vente de -0,023 euro/kg, qui passe à 1,213 euro/kg contre 1,236 euro/kg le lundi 7 septembre 2009.
342. A cet égard, le communiqué du MPB relatif à la semaine 34 de 2009 relevait que " le cours du porc reste stable à un niveau médiocre et préoccupant pour la saison. La baisse de production dans l'UE étant vérifiée, l'écart de prix avec l'an passé doit être imputé à une baisse de la demande " (cote 7283). De même, la note de conjoncture de juin 2009 indiquait : " l'effet réduction de l'offre a été neutralisé par la baisse de la demande " (cotes 10145, 10146).
343. La comparaison des cours en France d'une part, et en Allemagne et en Espagne d'autre part, confirme elle aussi l'impact de la pratique sur le cours moyen au MPB. Comme le démontrent le tableau et les graphiques ci-dessous, les semaines 30 à 33 ont vu le cours au MPB chuter plus fortement que celui de l'Allemagne, et passer en-dessous de celui de l'Espagne, alors qu'avant et après la période en cause le prix français a toujours été supérieur à celui de l'Espagne. Les semaines suivantes, les cours au MPB n'enregistrent plus de marché " difficile " jusqu'au 10 septembre (semaine 37), les tensions entre abatteurs et éleveurs entraînant une progression des cours à partir de la semaine 35.
Tableau : évolution du cours en Espagne vis-à-vis du MPB
Niveau de prix (euros)
Semaine / Espagne / MPB (moyenne hebdomadaire)
2009w30 / 1,305 / 1,286
2009w31 / 1,305 / 1,23
2009w32 / 1,245 / 1,211
2009w33 / 1,21 / 1,21
2009w34 / 1,195 / 1,212
2009w35 / 1,17 / 1,233
2009w36 / 1,17 / 1,237
2009w37 / 1,125 / 1,213
Tableau : évolution du cours en Allemagne vis-à-vis du MPB
Evolution de prix
Semaine / Allemagne / MPB
2009w30 / -- / --
2009w31 / 0,0% / -4,4%
2009w32 / 0,0% / -1,5%
2009w33 / 0,0% / -0,1%
2009w34 / 0,0% / 0,2%
2009w35 / 0,0% / 1,7%
2009w36 / -3,8% / 0,3%
2009w37 / -2,0% / -1,9%
<Emplacement graphiques>
Graphique : évolution des cours au MPB et en Espagne
Graphique : évolution des cours au MPB et en Allemagne
344. Il est établi, cependant, que l'encadrement des prix au MPB, tel que décrit dans le cadre des constatations figurant plus haut, a privé l'entente d'une partie de ses effets, le marché n'étant qualifié de " difficile " que sur une partie des semaines en cause. En outre, la relative brièveté de la pratique l'a empêchée de produire son plein effet déstabilisant sur le marché. Ces deux éléments, qui sont de nature à limiter sensiblement l'importance du dommage causé à l'économie par les pratiques, seront pris en considération pour déterminer la sanction.
345. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la pratique d'entente sur les quantités de porcs abattus mise en œuvre par Abera, Bernard, Gad, Groupe Bigard et Socopa Viandes a causé un dommage à l'économie certain, dont l'importance a toutefois été limitée par les modalités concrètes de fonctionnement du MPB.
Conclusion
346. Compte tenu de l'appréciation qu'elle a faite ci-dessus de la gravité des faits et de l'importance du dommage causé à l'économie, l'Autorité retiendra, pour déterminer le montant de base de la sanction infligée aux entreprises en cause, une proportion de 16% de la valeur retenue comme assiette du montant des sanctions pécuniaires.
Sur la durée de participation
347. Comme indiqué précédemment, la durée de l'infraction est un facteur qu'il convient de prendre en compte dans le cadre de l'appréciation tant de la gravité des faits que de l'importance du dommage causé à l'économie. En effet, plus une infraction est longue, plus l'atteinte qu'elle porte au jeu de la concurrence et la perturbation qu'elle entraîne pour le fonctionnement du secteur ou du marché en cause, et plus généralement pour l'économie, peuvent être substantielles et persistantes.
348. Dans le cas d'infractions qui se sont prolongées plus d'une année, l'Autorité s'est engagée à prendre en compte leur durée selon les modalités pratiques suivantes : la proportion retenue, pour donner une traduction chiffrée à la gravité des faits et à l'importance du dommage causé à l'économie, est appliquée une fois, au titre de la première année complète de participation individuelle aux pratiques de chaque entreprise en cause, à la valeur de ses ventes pendant l'exercice comptable de référence, puis à la moitié de cette valeur, au titre de chacune des années complètes de participation suivantes. Au-delà de cette dernière année complète, la période restante est prise en compte au mois près, dans la mesure où les éléments du dossier le permettent.
349. Dans chaque cas d'espèce, cette méthode se traduit par un coefficient multiplicateur, défini proportionnellement à la durée individuelle de participation de chacune des entreprises aux pratiques et appliqué à la proportion de la valeur des ventes effectuées par chacune d'entre elles pendant l'exercice comptable retenu comme référence.
350. Au cas présent, l'entente sur les quantités d'abattages hebdomadaires a porté sur 12 semaines entre juin et septembre 2009 pour les cinq entreprises en cause, soit une durée individuelle de participation de 3 mois. L'application d'un coefficient de durée, inférieur à un, revient donc en l'espèce à minorer les sanctions par rapport à ce qu'elles auraient été si la pratique avait duré une année complète ou a fortiori davantage.
351. Le tableau ci-dessous récapitule la durée individuelle de participation aux pratiques de chacune des entreprises en cause et le facteur multiplicateur correspondant :
Entreprise / Durée individuelle de participation / Coefficient multiplicateur applicable
Abera / 3 mois / 0,25
Bernard / 3 mois / 0,25
Groupe Bigard / 3 mois / 0,25
Gad / 3 mois / 0,25
Socopa Viandes / 3 mois / 0,25
Conclusion sur la détermination du montant de base
352. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que, eu égard à la gravité des faits et à l'importance du dommage causé à l'économie par les pratiques en cause, le montant de base de la sanction pécuniaire déterminé en proportion des ventes de produits en relation avec l'infraction effectuées par chacune des entreprises en cause, d'une part, et de sa durée individuelle de participation aux pratiques, d'autre part, est le suivant :
Entreprise / Montant de base (en euros)
Abera / 1 316 742
Bernard / 1 398 083
Groupe Bigard / 1 485 254
Gad / 3 648 391
Socopa Viandes / 1 948 090
c) Sur la prise en compte des circonstances individuelles propres à chaque entreprise
353. L'Autorité s'est ensuite engagée à adapter les montants de base retenus ci-dessus au regard du critère légal tenant à la situation et au comportement de chacune des parties en cause.
354. A cette fin, et en fonction des éléments propres à chaque cas d'espèce, elle peut prendre en considération différentes circonstances atténuantes ou aggravantes caractérisant le comportement de chaque entreprise dans le cadre de sa participation à l'infraction, ainsi que d'autres éléments objectifs relatifs à sa situation individuelle. Cette prise en considération peut conduire à ajuster la sanction tant à la hausse qu'à la baisse.
355. En l'absence de réitération dans le chef des différentes entreprises en cause, les montants reflétant ces différents éléments seront ensuite comparés au maximum légal applicable.
Sur le périmètre d'activité des entreprises Abera, Bernard et Gad
356. L'Autorité relève qu'au cours de la durée des pratiques, 95 % de l'activité de Gad étaient consacrés à l'achat, à l'abattage et à la découpe de porcs, ainsi qu'à la revente de produits issus du porc. Pour leur part, les entreprises Abera et Bernard menaient la vaste majorité de leur activité sur le secteur de l'achat, l'abattage et la découpe de porcs, bien qu'elles soient moins spécialisées que Gad.
357. Il sera tenu compte de cette circonstance en réduisant les montants de base déterminés ci-dessus à hauteur de 60 % dans le cas de Gad et de 50 % dans le cas des entreprises Abera et Bernard.
358. En tenant compte de cet élément, la sanction pécuniaire devant être infligée à Gad sera fixée à 1 459 356 euros, et celles infligées à Abera et Bernard seront fixées respectivement à 658 371 euros et à 699 041 euros.
Sur la taille, la puissance économique et les ressources globales de Groupe Bigard et de Socopa Viandes
359. L'appréciation de la situation individuelle peut également conduire à prendre en considération l'envergure de l'entreprise en cause ou du groupe auquel elle appartient (voir, en ce sens, arrêt de la Cour de cassation du 28 avril 2004, Colas Midi-Méditerranée e.a., n° 02-15.203).
360. La jurisprudence constante des juridictions de l'Union citée au paragraphe 312 ci-dessus est dans le même sens. Tout en indiquant que le recours à la valeur des ventes de l'entreprise en cause permet de proportionner l'assiette de la sanction à l'ampleur économique de l'infraction et au poids relatif de l'intéressée sur le secteur ou marché en cause, elle rappelle en effet qu'il est légitime de tenir compte, dans le même temps, du chiffre d'affaires global de cette entreprise, en ce que celui-ci est de nature à donner une indication de sa taille, de sa puissance économique et de ses ressources (arrêts de la Cour de justice Musique Diffusion Française/Commission, précité, points 119 à 121, et du 26 juin 2006, Showa Denko/Commission, C-289/04 P, Rec. p. I-5859, points 16 et 17), sans préjudice de l'examen ultérieur d'éventuelles difficultés affectant sa capacité contributive (arrêt du Tribunal du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission, T-236/01, T-239/01, T-244/01 à T-246/01, T-251/01 et T-252/01, Rec. p. II-1181, point 242).
361. De fait, la circonstance qu'une entreprise prise en elle-même ait, au-delà des seuls produits ou services en relation avec l'infraction, un périmètre d'activités significatif, ou dispose d'une puissance financière importante, peut justifier que la sanction qui lui est infligée, en considération d'une infraction donnée, soit plus élevée que si tel n'était pas le cas, afin d'assurer le caractère à la fois dissuasif et proportionnée de la sanction pécuniaire (arrêt de la Cour d'appel de Paris du 11 octobre 2012, précité, p. 71). A cet égard, la Cour de cassation a déjà eu l'occasion de préciser que l'efficacité de la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles requiert que la sanction pécuniaire soit effectivement dissuasive, au regard de la situation financière propre à chaque entreprise au moment où elle est sanctionnée (arrêt de la Cour de cassation du 18 septembre 2012, Séphora e.a., n° 12-14.401, 12-14.584, 12-14.595, 12-14.597, 12-14.598, 12-14.624, 12-14.625 et 12-14.632 et 12-14.648).
362. A défaut, une telle sanction ne serait en effet pas proportionnée, toutes choses égales par ailleurs, à la situation individuelle de l'intéressé (voir, en ce sens, décision n° 11-D-02 du 26 janvier 2011 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la restauration des monuments historiques, paragraphe 700).
363. La jurisprudence constante de l'Union précitée est dans le même sens. Elle énonce ainsi, en se fondant sur l'objectif non seulement répressif mais aussi dissuasif des amendes attachées à la violation des règles de concurrence de l'Union - objectif également mis en exergue, s'agissant des sanctions pouvant être imposées en cas de violation de règles nationales de concurrence, par l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'Homme du 27 septembre 2011, Menarini Diagnostics/Italie (Req. n° 43509/08, point 41) - que la Commission européenne ou le Tribunal est fondé à estimer qu'un chiffre d'affaires global significatif par rapport à celui des autres participants à une entente justifie une augmentation de l'amende (arrêt Showa Denko/Commission, précité, point 18).
364. Il peut y avoir également lieu de tenir compte du fait que cette entreprise appartient à un groupe qui dispose lui-même d'une taille ou de ressources globales importantes, notamment au regard de celles des autres participants à la pratique (arrêts de la Cour d'appel de Paris du 29 mars 2012, Lacroix Signalisation e.a., n° 2011/01228, p. 32, et du 11 octobre 2012, précité, p. 71).
365. L'Autorité tiendra en l'occurrence compte de la taille, de la puissance économique et des ressources des groupes auxquels sont adossées les entreprises en cause dans la présente affaire, et au sein desquels elles consolident leurs comptes.
Sur la situation individuelle de Groupe Bigard
366. L'Autorité constate que Groupe Bigard dispose de ressources financières conséquentes et déploie des activités qui s'étendent bien au-delà des seuls produits en cause dans la présente affaire. Son chiffre d'affaires, réalisé en 2011, était en effet de plus de 1,4 milliard d'euros. Elle consolide en outre ses comptes au sein de la holding SOFIBI, dont le chiffre d'affaires était de 4,3 milliards d'euros en 2011.
367. Par ailleurs, la taille et les ressources financières du groupe auquel elle appartient, considéré dans son ensemble, sont sans commune mesure avec celles des autres parties à l'infraction, qui ont toutes réalisé, sur la période concernée, un chiffre d'affaires bien moins important.
368. Eu égard aux éléments qui précèdent, le montant de base de la sanction pécuniaire de Groupe Bigard sera augmenté de 10 % et porté à 1 633 779 euros.
Sur la situation individuelle de Socopa Viandes
369. Dans la mesure où Socopa Viandes, filiale de Groupe Bigard, se trouve dans une situation analogue, il convient d'augmenter pour les mêmes motifs le montant de base de sa sanction pécuniaire de 10 %, en la portant à 2 142 899 euros.
Sur la vérification du maximum applicable
370. Le chiffre d'affaires mondial consolidé hors taxes le plus élevé connu réalisé par Abera, était de 2,326 milliards d'euros en 2008. Du fait de la mise en œuvre de la procédure de non-contestation des griefs, le montant maximum de la sanction s'élève à 116,3 millions d'euros en ce qui la concerne. Ce montant est supérieur au montant mentionné au paragraphe 358 ci-dessus.
371. Le chiffre d'affaires mondial statutaire hors taxes le plus élevé connu réalisé par Bernard était de 379 391 745 euros en 2008/2009. Du fait de la mise en œuvre de la procédure de non-contestation des griefs, le montant maximum de la sanction s'élève à 18 969 587 euros en ce qui la concerne. Ce montant est supérieur au montant mentionné au paragraphe 358 ci-dessus.
372. Le chiffre d'affaires mondial consolidé hors taxes le plus élevé connu réalisé par le groupe CECAB, qui consolide le chiffre d'affaires de la société Gad, était de 1,042 milliard d'euros en 2011. Du fait de la mise en œuvre de la procédure de non-contestation des griefs, le montant maximum de la sanction pour la société Gad s'élève à 52 128 850 euros en ce qui la concerne. Ce montant est supérieur au montant mentionné au paragraphe 358 ci-dessus.
373. Le chiffre d'affaires mondial consolidé hors taxes le plus élevé connu réalisé par SOFIBI, qui consolide le chiffre d'affaires de la société Groupe Bigard, était de 4, 3 milliards d'euros en 2011. Du fait de la mise en œuvre de la procédure de non-contestation des griefs, le montant maximum de la sanction pour la société Groupe Bigard s'élève à 215 306 450 euros en ce qui la concerne. Ce montant est supérieur au montant mentionné au paragraphe 368 ci-dessus.
374. De même, dans le cas de la société Socopa Viandes, il est supérieur au montant mentionné au paragraphe 369 ci-dessus.
375. Il résulte de ce qui précède que le montant des sanctions pécuniaires, avant la mise en œuvre du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce, pour chacune des entreprises mise en cause au titre de l'infraction visée par le grief n° 3 est le suivant :
Entreprise / Sanction avant la mise en œuvre du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce (en euros)
Abera / 658 371
Bernard / 699 041
Groupe Bigard / 1 633 779
Gad / 1 459 356
Socopa Viandes et Groupe Bigard conjointement et solidairement / 2 142 899
d) Sur la mise en œuvre du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce
376. Le III de l'article L. 464-2 du Code de commerce permet au rapporteur général de proposer à l'Autorité de tenir compte, dans le cadre de la détermination de la sanction, du fait qu'une entreprise ou un organisme décide de ne pas contester les griefs qui lui ont été notifiés. Le rapporteur général peut, par ailleurs, lui proposer de tenir compte du fait que l'intéressé s'engage en outre à modifier son comportement pour l'avenir.
377. Au cas présent, les sociétés Abera, Bernard, Groupe Bigard, Gad et Socopa Viandes ont renoncé à contester les griefs qui leur avaient été notifiés le 9 novembre 2011 en application du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce. Le rapporteur général a donné suite à leur demande par procès-verbal en date du 17 février 2012 pour la société Abera et pour la société Gad, du 21 février 2012 pour la société Bernard et du 17 février 2012 pour les sociétés Groupe Bigard et Socopa Viandes (paragraphe 178 ci-dessus), en s'engageant à proposer une réduction de 12 à 18 % à ce titre.
378. La renonciation à contester les griefs, qui a principalement pour effet d'alléger et d'accélérer le travail d'instruction, en particulier en dispensant les services d'instruction de la rédaction d'un rapport lorsqu'elle est le fait de l'ensemble des entreprises mises en cause, ne peut conduire à accorder aux intéressés qu'une réduction de sanction relativement limitée, fixée à 10 % en l'occurrence.
379. Ce sont la nature et la qualité des engagements présentés qui peuvent permettre d'accorder une réduction de sanction plus importante (décisions n° 07-D-21 du Conseil du 26 juin 2007 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la location-entretien de linge, paragraphe 129, n° 08-D-13 du 11 juin 2008 relative à des pratiques relevées dans le secteur de l'entretien courant des locaux, paragraphe 99, et n° 09-D-05 du 2 février 2009 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du travail temporaire, paragraphe 155).
380. L'office de l'Autorité, en ce cas, consiste à s'assurer du caractère crédible, substantiel et vérifiable des modifications de comportement proposées par l'entreprise pour éviter à l'avenir des atteintes à la concurrence (arrêt de la Cour d'appel de Paris du 11 octobre 2012, précité, pp. 71 et 72), et plus généralement des engagements envisagés à cette fin.
381. C'est en particulier le cas pour les engagements consistant à mettre en place ou à améliorer un programme de conformité aux règles de concurrence (voir, sur ce point, décisions n° 07-D-21 du 26 juin 2007, précitée, paragraphe 132, n° 08-D-13 du 11 juin 2008, précitée, paragraphes 101 à 106, et n° 09-D-05 du 2 février 2009 précitée, paragraphes 156, 157, 159 et 160).
382. La pratique de l'Autorité à cet égard a été synthétisée et précisée dans le document-cadre sur les programmes de conformité aux règles de concurrence publié par l'Autorité le 10 février 2012. L'Autorité considère que la mise en place d'un programme de conformité peut jouer un rôle clef pour prévenir d'éventuels manquements aux règles de concurrence, si ce programme fait ensuite l'objet d'une mise en œuvre effective. Elle encourage donc les entreprises à se doter de tels programmes.
383. Le document-cadre souligne également que, s'il n'existe pas de programmes de conformité types, ceux-ci gagnant au contraire à être conçus en fonction d'une analyse concrète des caractéristiques propres à l'entreprise ou à l'organisme qui les met en place, certains éléments n'en conditionnent pas moins l'efficacité, en aidant l'organisme ou l'entreprise concerné à prévenir les risques d'infraction aux règles de concurrence, d'une part, et à tirer les conséquences des cas d'infractions qui n'auront pu être évités, d'autre part. C'est au regard de ces éléments, qui sont susceptibles de revêtir des formes et des modalités variables au cas par cas, que l'Autorité s'est engagée à apprécier le caractère substantiel, crédible et vérifiable des propositions d'engagements de mise en place ou d'amélioration d'un programme de conformité qui lui sont présentées dans le cadre de la procédure de non contestation des griefs.
384. Lorsque l'Autorité accepte de tels engagements, elle les rend obligatoires dans la décision qu'elle adopte au terme de la procédure. Elle peut être conduite à s'assurer ultérieurement de leur mise en œuvre effective.
Sur les engagements proposés par la société Bernard SAS
385. La société Bernard SAS a proposé des engagements le 21 février 2012, amendés en séance le 24 octobre 2012 (voir annexe 1 de la présente décision).
386. Ces engagements consistent en la mise en œuvre d'un programme de conformité aux règles de concurrence prévoyant la mise en place d'un système d'audit et de contrôle, des activités de formation, ainsi qu'un contrôle régulier de la mise en œuvre effective du programme. Ces engagements apparaissent crédibles et vérifiables.
387. Dans ces conditions, afin de prendre en compte tant la renonciation à contester les griefs en tant que telle que les engagements proposés, qu'il convient d'accepter et de rendre obligatoires, la sanction imposée à Bernard sera réduite de 18 %. Les engagements en question, qui sont annexés à la fin de la présente décision, devront naturellement faire l'objet d'une mise en œuvre effective.
Sur les engagements proposés par les sociétés Groupe Bigard et Socopa Viandes SAS
388. Les sociétés Groupe Bigard SA et Socopa Viandes SAS ont proposé des engagements le 17 février 2012, amendés en séance le 24 octobre 2012 (voir annexe 2 de la présente décision).
389. Ces engagements consistent en la mise en œuvre d'un programme de conformité aux règles de concurrence prévoyant la mise en place d'un système d'audit et de contrôle, la désignation d'une personne responsable du programme au sein des deux sociétés, des activités de formation, ainsi qu'un contrôle régulier de la mise en œuvre effective du programme. Ces engagements apparaissent crédibles et vérifiables.
390. Dans ces conditions, afin de prendre en compte tant la renonciation à contester les griefs en tant que telle que les engagements proposés, qu'il convient d'accepter et de rendre obligatoires, les sanctions imposées à Groupe Bigard, d'une part, et Socopa Viandes SAS d'autre part, seront chacune réduites de 18 %. Les engagements en question, qui sont annexés à la fin de la présente décision, devront naturellement faire l'objet d'une mise en œuvre effective.
e) Sur le montant final des sanctions imposées au titre du grief n° 3
391. Eu égard à l'ensemble des éléments décrits plus haut, il y a lieu d'imposer les sanctions suivantes à chacune des entreprises :
Entreprise / Sanction finale (en euros)
Abera / 592 533
Bernard / 573 213
Gad / 1 313 420
Groupe Bigard / 1 339 698
Socopa Viandes et Groupe Bigard conjointement et solidairement / 1 757 177
2. SUR LES SANCTIONS IMPOSÉES AU TITRE DU GRIEF N° 2
a) Sur la méthode de détermination des sanctions
392. Compte tenu de la durée très courte de l'infraction en cause (2 jours) et de son absence d'incidence sensible au-delà des deux concertations des 2 et 5 septembre 2005 en l'absence de la séance au MPB le 1er septembre 2005, ce dernier ayant recommencé à se tenir normalement dès la semaine suivante, l'Autorité considère que la sanction doit être déterminée selon des modalités propres au cas d'espèce, comme le permet le communiqué du 16 mai 2011 précité (paragraphe 7).
b) Sur la gravité des faits
393. Les pratiques relevées sont graves par nature dans la mesure où elles portent sur la mise en place d'un prix d'achat commun par l'ensemble des entreprises d'abattage de porcs membres de la FAC, à la suite de la proposition de cette dernière.
394. Le fait que la pratique ait porté sur un prix d'achat, et non sur un prix de vente, ne remet pas en cause cette appréciation, comme l'illustre la décision n° C (2005) 4012 final de la Commission européenne du 20 octobre 2005 dans l'affaire dite " tabac brut - Italie " (JO L 353, p. 45 du 13 décembre 2006), qualifiant une pratique de fixation des prix d'achat communs comparable à celle en cause en l'espèce de très grave.
395. A cet égard, la Commission européenne a notamment relevé que " le prix d'achat est un aspect fondamental du comportement concurrentiel de toute entreprise intervenant dans une filière de transformation et qu'il est également, par définition, susceptible d'affecter le comportement des mêmes entreprises sur tout autre marché sur lequel elles entrent en concurrence, dont les marchés en aval " (paragraphe 280).
396. Elle a également rappelé qu'en " supprimant l'autonomie d'une prise de décision stratégique et d'un comportement concurrentiel [de telles pratiques] empêchent les entreprises de se faire concurrence selon leurs mérites et de consolider leur position sur le marché par rapport aux entreprises moins performantes, ce qui peut conduire à faire baisser la pression incitant à maîtriser les coûts, à améliorer la qualité et à innover, limitant ainsi les performances productives et dynamiques " (paragraphe 285).
397. Pour autant, plusieurs éléments propres au cas d'espèce, rappelé au paragraphe 328 ci-dessus, viennent tempérer la gravité des faits. En outre, la gravité de la pratique est également tempérée au regard de sa très brève durée et, corrélativement, du contexte très particulier dans lequel elle a été mise en place, né de l'absence exceptionnelle de tenue du marché au cadran. Il sera tenu compte de ces éléments dans la détermination de la sanction.
c) Sur l'importance du dommage causé à l'économie
398. La pratique a concerné l'ensemble des achats de porcs sur le marché national. Elle a été mise en œuvre par de grands abattoirs, qui représentent 70 % des achats de porcs sur ce marché, vis-à-vis d'éleveurs peu à même de déjouer les effets de cette entente, la mise en vente des porcs par ces derniers dépendant fortement de la maturité des bêtes au regard des exigences de qualité propres à la viande porcine.
399. Kermené considère cependant que la fixation en commun du prix, en l'absence des séances en cause au MPB, n'a pu causer aucun dommage à l'économie dans la mesure où la transparence des propositions individuelles de barre de retrait n'influe aucunement sur les prix constatés au MPB ni sur les prix payés par les consommateurs.
400. Cooperl soutient que le dommage causé à l'économie par cette entente ponctuelle est inexistant car, sans cette concertation, une négociation individuelle avec les groupements d'éleveurs aurait abouti à un niveau de prix similaire à celui fixé en commun pour palier à l'absence des deux séances du MPB.
401. Enfin, Bernard, Cooperl, Gad, Groupe Bigard et Socopa soutiennent que le prix fixé en commun correspondrait à une évolution du cours moyen au MPB identique à celle qui aurait été observée si la séance du 1er septembre 2005 s'était tenue, d'une part, et que le prix fixé en commun était plus élevé de 0,16 euro/kg par rapport au prix du cadran de 1,164 euro/kg qui aurait servi de référence pour le lundi 5 septembre 2005.
402. Au soutien de cette allégation, les intéressés s'appuient sur l'étude économique produite pour le compte de Gad, Abera, Bernard, Bigard et AIM, qui estime que le niveau du prix fixé en commun correspondait à une évolution des prix d'achat cohérente avec l'évolution des cours européens observés sur cette période, si bien que si les abatteurs ne s'étaient pas concertés et avaient négocié séparément avec les éleveurs, ils auraient convergé vers un niveau de prix similaire à celui fixé en commun. Cette étude considère également que le niveau de prix fixé en commun correspond à une évolution du cours du MPB cohérente avec celle qui aurait pu être observée si la séance du 1er septembre 2005 avait eu lieu.
403. L'Autorité note que cette étude elle-même n'exclut pas l'existence d'un dommage à l'économie (cote 9182).
404. En revanche, comme le relève à juste titre cette étude, les effets conjoncturels de la pratique s'inscrivaient dans la tendance baissière observée sur le marché français depuis le 25 août 2005. De fait, l'annulation de la réunion au cadran du MPB a pu être un moyen utilisé par les éleveurs pour altérer ces baisses de prix. En effet, l'annulation des réunions au MPB pendant la semaine 35 en 2005 a pu avoir pour conséquence de limiter la baisse de prix au cours de cette semaine mais aussi la semaine suivante, quelles que soient les conditions économiques réelles prévalant sur les autres marchés européens puisque la convention " vente aux classements " en vigueur à l'époque des faits limitait en tout état de cause à +/-0,08 euro/kg les variations de prix hebdomadaire.
405. Ces effets conjoncturels ont donc vraisemblablement été limités, la tendance sur le marché français étant effectivement à la baisse depuis le 25 août, si bien que la diminution du prix au détriment des éleveurs spécifiquement causée par la pratique a sans doute été réduite. De plus, l'absence de tout prix de référence aurait pu s'avérer encore plus préjudiciable aux éleveurs, comme le montre l'expérience d'un unique marché hebdomadaire en 2010.
406. Par ailleurs, la durée très limitée de cette concertation n'a pas engendré de répercussion sur la structure même du marché de l'élevage ou de l'abattage de porcs.
407. Eu égard aux éléments qui précèdent, le dommage causé à l'économie par la pratique peut être considéré comme étant d'une importance très faible.
d) Sur le montant des sanctions
408. Au vu des éléments qui précèdent, d'une part, et de la position qu'occupe chacune des parties mises en cause sur le marché concerné, d'autre part, le montant de leur sanction pécuniaire respective sera fixé comme suit, sous réserve de la section e) ci-dessous :
Entreprise ou organisme / Montant (en euros)
Abera / 3 000
AIM / 3 000
Bernard / 5 000
Cooperl / 5 000
FAC / 3 000
French Meat Association (ex-SNCP) / 3 000
Gad / 7 000
Groupe Bigard / 7 000
Kermené / 7 000
e) Sur la mise en œuvre du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce
409. Pour les raisons qui ont été exposées plus haut, le montant des sanctions pécuniaires infligées à la FAC, la French Meat Association (ex-SNCP), Abera et Gad au titre du grief n° 2 sera réduit de 10% au regard de leur non-contestation des griefs, tandis que le montant de celles infligées aux entreprises Bernard et Groupe Bigard sera réduit de 18 % au regard de leur non-contestation des griefs et de leurs propositions d'engagements.
Sur les engagements proposés par les sociétés AIM SAS et HAIM SAS
410. De même, les sociétés AIM SAS et HAIM SAS ont proposé des engagements de nature comportementale le 15 février 2012, amendés en séance le 24 octobre 2012 (voir annexe 3 à la présente décision).
411. Ces engagements consistent en la mise en œuvre d'un programme de conformité aux règles de concurrence prévoyant des instructions écrites à l'attention des salariés en contact avec les fournisseurs, clients et concurrents, des activités de formation, la mise en place d'un système d'audit et de contrôle, la désignation d'une personne responsable du programme au sein du groupe, un contrôle régulier de la mise en œuvre du programme ainsi qu'une délibération des conseils d'administration des deux sociétés s'engageant à respecter les règles de concurrence. Ces engagements apparaissent crédibles et vérifiables.
412. Afin de prendre en compte, tant la renonciation à contester les griefs en tant que telle, que les engagements proposés qu'il convient d'accepter et de rendre obligatoires, la sanction imposée à AIM et à sa société mère sera réduite de 18 %.
f) Sur le montant final des sanctions imposées au titre du grief n° 2
413. Eu égard à l'ensemble des éléments décrits plus haut, il y a lieu d'imposer les sanctions pécuniaires suivantes :
Entreprise ou organisme / Sanction avant prise en compte de la mise en œuvre du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce (en euros) / Sanction finale (en euros)
Abera / 3 000 / 2 700
AIM / 3 000 / 2 460
Bernard / 5 000 / 4 100
Cooperl / 5 000 / 5 000
FAC / 3 000 / 2 700
French Meat Association (ex-SNCP) / 3 000 / 2 700
Gad / 7 000 / 6 300
Groupe Bigard / 7 000 / 5 740 Kermené / 7 000 / 7 000
3. SUR LA SANCTION INFLIGÉE À LA FRENCH MEAT ASSOCIATION AU TITRE DU GRIEF N° 4
a) Rappel des principes
414. En tant qu'association de type loi 1901, la French Meat Association ne dispose pas d'un chiffre d'affaires ou de ventes liées à la production et à la commercialisation de viande porcine.
415. Dans ces conditions, pour donner une traduction chiffrée à l'appréciation qu'elle portera sur les différents critères de sanction prévus par le Code de commerce, l'Autorité retiendra comme assiette le montant des cotisations professionnelles perçues par cette association au titre de la défense des intérêts de ses membres.
416. Le montant de cette sanction sera déterminé, conformément à la pratique décisionnelle pertinente (voir notamment la décision n° 06-D-30 du 18 octobre 2006 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des taxis à Marseille) en tenant compte du fait que la situation " d'une association d'entreprises doit être apprécié[e] en prenant en compte la situation de ses membres, lorsque les intérêts objectifs de l'association ne présentent pas un caractère autonome par rapport à ceux des entreprises qui y adhèrent ".
417. Dans une telle situation, il y a lieu, notamment, de rappeler que l'entité sanctionnée peut faire face au paiement de la sanction en demandant à ses adhérents de procéder à un appel de cotisation exceptionnelle, en fonction de leurs capacités financières.
b) Application au cas d'espèce
418. A titre liminaire, il convient de constater que les intérêts objectifs du SNCP ne présentent pas un caractère autonome par rapport à ceux de ses membres, la consigne de prix diffusée par le SNCP ayant pour objet de favoriser les intérêts de ses membres, au détriment in fine des consommateurs. La sanction pécuniaire qui sera infligée au syndicat professionnel est fondée à tenir compte de cet élément.
Sur la gravité des faits
419. Il ressort du dossier que le SNCP a diffusé des consignes de prix à l'égard de ses membres lors des périodes traditionnelles de promotion de la viande de porc fraîche pratiquées par les enseignes de la grande distribution entre janvier 2005 et septembre 2009.
420. Comme le Conseil de la concurrence l'a rappelé dans sa décision n° 08-D-23 du 15 octobre 2008 relative à des pratiques mises en œuvre par le syndicat des artisans et entrepreneurs de taxis des Alpes-de-Haute-Provence et certains de ses membres, une pratique de ce type " est grave par nature car elle a des effets perturbateurs sur un marché en faussant le jeu de la concurrence à l'égard de toutes les entreprises présentes sur ce marché " (paragraphe 57).
421. En outre, il ressort de la pratique décisionnelle (décision n° 03-D-47 du 22 octobre 2003 relative à des pratiques mises en œuvre par des ambulanciers de montagne dans le département des Vosges) que " les pratiques revêtent un caractère de particulière gravité [lorsque le fait] que les entreprises mises en cause [ont] été averties, par une lettre d'injonction du 27 février 2001, émanant des services de la DGCCRF, à la suite d'une enquête portant sur les saisons 1998/1999 et 1999/2000, que les ententes sur les prix, faussant le jeu de la concurrence, étaient contraires aux dispositions du livre IV du Code de commerce. Elles ne pouvaient donc ignorer, à la date du 11 décembre 2001, le caractère illégal de leurs agissements " (paragraphe 45).
422. En l'espèce, le SNCP a fait l'objet, le 19 septembre 2008, d'un rappel de règlementation de la part de la DGCCRF lui reprochant la diffusion de circulaires de nature à restreindre la concurrence, en recommandant à ses adhérents de s'engager à ne pas vendre " de demi-carcasses en promotion " et à ne pas vendre " de pièces de découpe en dessous de la référence des prix de gros sur le marché des pièces à Rungis " (cotes 2340 à 2343). A partir de cette date, avait donc été spécialement rappelé au SNCP le caractère illégal des consignes de prix qu'il était susceptible de diffuser.
423. Pourtant, le syndicat des abatteurs/découpeurs a poursuivi, par un communiqué du 19 août 2009, sa politique de diffusion de communiqués et de circulaires de nature à restreindre la concurrence par les prix à l'égard de ses adhérents, en leur recommandant de surveiller les promotions à prix bas de leurs revendeurs GMS.
424. L'argument du SNCP selon lequel la question particulière de la surveillance des prix n'aurait été évoquée, ni lors de l'entretien ni dans le courrier de rappel de réglementation, ne saurait prospérer. En effet, le courrier adressé par la DGCCRF avait une portée générale sur le rôle des syndicats professionnels en matière économique et indiquait : " J'ai bien noté que vous m'aviez fait part, lors de notre réunion, de votre intention de ne plus diffuser, dans les documents communiqués à vos adhérents, des consignes ou des recommandations portant sur les prix " (cote 2341). En outre, ce courrier mettait clairement en garde ce syndicat sur la particulière gravité que constitue la poursuite de pratiques anticoncurrentielles par une entreprise ayant fait l'objet d'un rappel de réglementation.
Sur l'importance du dommage causé à l'économie
425. Mise en œuvre par un syndicat professionnel représentatif du secteur à l'échelle nationale, la pratique était d'ampleur nationale. En visant à réduire l'incidence des ventes promotionnelles pratiquées par la grande distribution à leur égard en termes de pressions sur les prix facturés à la GMS, l'action concertée avait pour objet même de réduire l'intensité de la concurrence entre enseignes lors des périodes de vente les plus bénéfiques aux consommateurs.
426. Pour autant, le dommage causé à l'économie par cette pratique est à tempérer fortement en raison, d'une part, du pouvoir de marché exercé par la grande distribution à l'égard des entreprises d'abattage-découpe, et d'autre part du volume de produits effectivement concerné par les consignes du SNCP, à savoir uniquement certaines gammes de produits de viande de porc fraîche. Il sera tenu compte de ces éléments dans la détermination de la sanction.
427. Par ailleurs, les pratiques n'ont pas été mises en œuvre systématiquement, mais lors de 5 des 10 périodes de promotions de la période concernée, en janvier 2005, janvier et septembre 2006, janvier 2008 et septembre 2009. Cet élément doit lui aussi être pris en considération.
Conclusion sur la détermination du montant de base
428. En fonction des éléments généraux liés à la gravité des faits et à l'importance du dommage à l'économie décrits aux paragraphes 419 à 427 ci-dessus, et à la situation individuelle de l'intéressée, la sanction pécuniaire infligée à la French Meat Association sera fixée à 12 000 euros, montant inférieur au maximum légal applicable, avant la réduction au titre de la non-contestation des griefs.
c) Sur l'application du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce
429. Pour les raisons qui ont été exposées plus haut, la sanction imposée à la French Meat Association au titre du grief n° 4 sera réduite de 10 %.
d) Sur le montant final de la sanction imposée au titre du grief n° 4
430. Eu égard à l'ensemble des éléments décrits plus haut, il y a lieu d'imposer une sanction pécuniaire de 10 800 euros à la French Meat Association (ex-SNCP) au titre du grief en cause.
4. SUR LES SANCTIONS IMPOSÉES AU TITRE DU GRIEF N° 5
a) Sur la valeur des ventes
431. La valeur retenue pour asseoir le montant de base de la sanction à imposer respectivement à Cooperl et à Gad sera constituée des ventes réalisées par ces deux entreprises auprès des magasins de l'enseigne Auchan dont il a pu être établi, à partir des données disponibles au dossier, que Cooperl et Gad étaient fournisseurs du produit en cause, à savoir la longe de porc sans os, au cours des deux mois de l'année 2009 pendant lesquels a été établie la pratique.
432. Dans ses observations, la société Gad fait état d'un chiffre d'affaires total de 1 535 088 euros réalisé en 2009 sur la longe de porc sans os vendu à l'enseigne Auchan (cote 9530). En particulier, elle identifie 12 magasins comme étant concernés par l'accord conclu avec Gad, à savoir les magasins dont Gad et Cooperl sont fournisseurs, mais pas nécessairement les deux seuls fournisseurs : (Bagnolet (93), Chambray-les-Tours (37), Escaudœuvres (59), Louvroil (59), Meru (60), Mont-Saint-Martin (54), Nogent sur Oise (60), Roncq (59), Saint-Herblain (44), Tomblaine (54), Vigneux-sur-Seine (91). Le chiffre d'affaires réalisé sur ces seuls 12 magasins serait de 405 264 euros pour l'année 2009.
433. De son côté, la société Cooperl explique que sont seuls concernés quatre magasins Auchan où les deux groupes étaient seuls fournisseurs en 2009 (cote 13761). Ces quatre magasins seraient situés à Longwy (54), Meru (60), Montgeron (91) et Saint-Nazaire (44).
434. Sur la base des données transmises par les deux entreprises, l'Autorité a identifié 10 magasins de l'enseigne Auchan qui se sont fournis en longe de porc sans os au cours de l'année 2009 auprès de Gad et Cooperl. Ce nombre est compris dans la fourchette évoquée par Cooperl et Gad.
435. Les magasins Auchan identifiés sont les suivants : Bagnolet, Chambray-les-Tours, Clermont Nord, Neuilly-sur-Marne, Nogent-sur-Oise, Roncq, Strasbourg, Tomblaine, Villetaneuse et Woippy.
436. Au vu des considérations qui précèdent, le tableau ci-dessous récapitule les valeurs des ventes servant d'assiette à la sanction individuelle de chacune des entreprises :
Valeur des ventes (en euros)
Entreprise / Valeur des ventes
Cooperl / 80 537
Gad / 20 322
b) Sur la détermination du montant de base
Sur la proportion de la valeur des ventes
Sur la gravité des faits
437. L'entente consistait en la fixation d'un prix minimum entre concurrents et d'un gel des parts de marché entre Gad et Cooperl à l'égard des magasins Auchan pour lesquels les deux abattoirs étaient les seuls fournisseurs en longe de porc sans os (voir les paragraphes 265 et suivants ci-dessus).
438. Il s'agit donc d'un accord horizontal entre concurrents visant à coordonner leur politique commerciale et leur comportement respectif à l'égard de l'un de leurs clients, en écartant l'incertitude quant au comportement des concurrents qui doit normalement prévaloir sur un marché libre et non faussé.
439. L'objet de cet accord était notamment de fausser la concurrence par les prix, qui est l'un des paramètres essentiels de la concurrence sur un marché libre et non faussé. Une telle pratique est qualifiée de cartel ou d'entente " injustifiable " par l'OCDE dans sa recommandation C(98)35/Final du 25 mars 1998 concernant une action efficace contre les ententes injustifiables.
440. En l'espèce, la gravité de la pratique est renforcée par son caractère secret, qui la rend plus difficile à détecter et en traduit, dans une certaine mesure, son caractère délibéré. Par ailleurs, les courriels échangés font état d'un suivi de la mise en œuvre de la pratique. Il sera tenu compte de ces éléments dans la détermination de la sanction.
Sur l'importance du dommage causé à l'économie
441. Dans ses observations, la société Gad soutient que le dommage à l'économie susceptible de résulter de l'infraction était limité par la concurrence existant en amont entre abatteurs sur un marché peu concentré, par le caractère limité des recoupements d'activités entre la Cooperl et Gad ou des produits concernés par l'entente et enfin par le pouvoir de marché particulièrement important dont dispose la grande distribution. Sur de ce dernier point, la société Gad souligne que le produit visé par l'accord fait l'objet d'une pression à la baisse constante des acheteurs. Dans ces conditions, elle fait valoir que l'accord en cause n'était pas susceptible d'avoir des conséquences conjoncturelles ou structurelles importantes (cote 9102).
442. Pour sa part, Cooperl estime que le dommage causé à l'économie est nul compte tenu du pouvoir de marché dont dispose la grande distribution ; elle n'aurait pas été en mesure de s'écarter des référentiels de prix servant de base aux négociations avec les enseignes GMS. Enfin, les consommateurs n'auraient pas subi de préjudice car les prix pratiqués par les enseignes GMS seraient déconnectés des prix d'achat aux abatteurs.
443. Il convient tout d'abord d'examiner l'ampleur des pratiques en cause en l'espèce.
444. Cet accord n'a concerné qu'un nombre limité de magasins de l'enseigne Auchan approvisionnés par Gad et Cooperl, qui ne sont, par ailleurs, pas les principaux opérateurs sur le marché en cause. De plus, cet accord a été mis en œuvre sur une très courte période, jusqu'aux opérations de visite et saisie de septembre 2009.
445. En second lieu, afin d'apprécier l'importance du dommage causé à l'économie, l'Autorité s'attache à prendre en compte les caractéristiques économiques objectives du secteur en cause, dans la mesure où ces dernières sont de nature à influer sur les conséquences conjoncturelles ou structurelles des pratiques.
446. En l'espèce, il convient de relever que les enseignes de la grande distribution disposent d'un pouvoir de négociation qui leur permet de contrecarrer un accord de cette nature et de cette ampleur dans la mesure où elles ont la possibilité de solliciter d'autres fournisseurs, comme l'Autorité l'a déjà souligné dans sa décision n° 09-DCC-52 du 12 octobre 2009 relative à la prise de contrôle de la société Brocéliande ALH SA par le groupe Cooperl Arc Atlantique : " les acteurs de la grande distribution disposent d'une puissance d'achat importante sur les produits vendus à la coupe, qui sont commercialisés, en règle générale, sans marque ". L'enseigne Auchan pouvait donc, d'une semaine sur l'autre et sans contrainte logistique substantielle, transférer ses commandes d'un fournisseur à l'autre.
447. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que l'accord de prix minimum mise en œuvre par Cooperl et Gad a causé un dommage à l'économie certain, mais dont l'importance doit être considérée comme très limitée.
Conclusion sur la proportion de la valeur des ventes
448. Compte tenu de l'appréciation qu'elle a faite ci-dessus de la gravité des faits et de l'importance du dommage causé à l'économie, l'Autorité retiendra, pour déterminer le montant de base de la sanction infligée aux entreprises en cause, une proportion de 15 % de la valeur des ventes.
Sur la durée de participation
449. L'existence de l'accord anticoncurrentiel conclu entre les deux entreprises en cause est établie pour les mois de mai et juin 2009. Dans la mesure où cette durée est inférieure à un an, elle est d'ores et déjà prise en considération au stade de la détermination de l'assiette des sanctions.
Conclusion sur la détermination du montant de base
450. Eu égard aux éléments qui précèdent, le montant de base de la sanction pécuniaire à imposer à Cooperl et à Gad est le suivant :
Entreprise / Montant de base (en euros)
Cooperl / 12 081
Gad / 3 048
c) Sur la prise en compte des circonstances propres à chaque entreprise
Sur la situation individuelle de Cooperl
451. En l'espèce, l'Autorité prendra en considération le fait que Cooperl dispose de ressources financières très importantes. Son chiffre d'affaires consolidé réalisé au niveau mondial en 2011 était ainsi de plus de 1,95 milliard d'euros.
452. L'Autorité s'est en effet engagée à adapter les montants de base retenus ci-dessus au regard du critère légal tenant à la situation individuelle de chacune des parties en cause, appartenant le cas échéant à des groupes plus larges, ainsi que cela a été rappelé aux paragraphes 359 à 364 ci-dessus.
453. Eu égard à ce qui précède, le montant de base de la sanction pécuniaire de Cooperl doit, pour tenir compte des différents éléments récapitulés ci-avant, nécessaires au respect du principe de proportionnalité, être augmenté de 10 % et porté à 13 288 euros.
Sur la situation individuelle de Gad
454. L'entreprise Gad menait la vaste majorité de son activité dans le secteur de l'achat, l'abattage et la découpe de porcs ainsi que cela a été vu plus haut. Il sera tenu compte de cette circonstance dans la même proportion que dans le cadre du grief n° 3 en réduisant le montant de base déterminé ci-dessus à hauteur de 60 %.
455. En tenant compte de cet élément, la sanction pécuniaire infligée à Gad sera fixée à 1 219 euros.
Sur la vérification du maximum légal applicable à chacune des entreprises
456. Le chiffre d'affaires mondial consolidé hors taxes le plus élevé connu réalisé par Cooperl était de 1 952 121 338 euros en 2011. Le montant maximum de la sanction applicable en ce qui la concerne est supérieur au montant mentionné au paragraphe 453 ci-dessus.
457. Le chiffre d'affaires mondial consolidé hors taxes le plus élevé connu réalisé par le groupe CECAB, qui consolide le chiffre d'affaires de la société Gad, était de 1 042 577 000 euros en 2011. Du fait de la mise en œuvre de la procédure de non-contestation des griefs, le montant maximum de la sanction pour la société Gad s'élève à 52 128 850 euros en ce qui la concerne. Ce montant est supérieur au montant mentionné au paragraphe 450 ci-dessus.
d) Sur l'application du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce
458. Pour les raisons qui ont été exposées plus haut, la sanction pécuniaire infligée à Gad au titre du grief n° 5 sera réduite de 10 %.
e) Sur le montant final des sanctions imposées au titre du grief n° 5
459. Eu égard à l'ensemble des éléments décrits plus haut, il y a lieu d'imposer les sanctions suivantes à chacune des entreprises :
Entreprise / Sanction avant la mise en œuvre du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce (en euros) / Sanction finale (en euros)
Cooperl / 13 288 / 13 288
Gad / 1 219 / 1 097
5. SUR LES DEMANDES DE PRISE EN COMPTE DE CAPACITÉ CONTRIBUTIVE
460. Les entreprises Gad et Cooperl d'une part, et la French Meat Association d'autre part, ont demandé à l'Autorité de prendre en compte l'existence de difficultés financières affectant leur capacité contributive respective.
461. Seront successivement analysées les demandes de Gad (a), puis de Cooperl (b), et enfin de la French Meat Association (c).
a) Sur la capacité contributive de Gad
462. Gad a invoqué l'existence de difficultés financières particulières qui seraient de nature à limiter sa capacité contributive. Afin de permettre à l'Autorité d'apprécier ces difficultés, elle a versé au dossier un certain nombre d'éléments de nature fiscale et comptable.
463. Les éléments transmis constituent des preuves fiables et objectives attestant de l'existence de difficultés financières réelles et actuelles pouvant conduire à la mise en redressement judiciaire de l'entreprise, ce qui affecte la capacité de Gad à s'acquitter des sanctions pécuniaires qui pourraient être infligées. Il convient d'en tenir compte.
464. Compte tenu de la faible capacité contributive de Gad, la sanction pécuniaire infligée au titre du grief n° 3 sera réduite de 1 313 420 à 250 000 euros. Compte tenu de cette réduction et du montant des sanctions imposées au titre des autres griefs retenus à l'encontre de Gad (6 300 euros et 1 097 euros), il n'y a pas lieu de réduire également ces derniers.
b) Sur la capacité contributive de Cooperl Arc-Atlantique
465. Cooperl a invoqué l'existence de difficultés financières particulières qui seraient de nature à limiter sa capacité contributive. Afin de permettre à l'Autorité d'apprécier ces difficultés, elle a versé au dossier un certain nombre d'éléments de nature fiscale et comptable.
466. Les éléments transmis ne permettent pas à l'Autorité de considérer que Cooperl n'est pas en mesure de s'acquitter de la sanction d'un montant de 18 288 euros déterminée plus haut.
467. Dès lors, il n'est pas nécessaire de modifier le montant de la sanction pécuniaire infligée à Cooperl.
c) Sur la capacité contributive de la French Meat Association
468. La French Meat Association a invoqué l'existence de difficultés financières particulières qui seraient de nature à limiter sa capacité contributive. Afin de permettre à l'Autorité d'apprécier ces difficultés, l'association a versé au dossier un certain nombre d'éléments de nature fiscale et comptable.
469. Les éléments transmis par l'association révèlent que les ressources disponibles de cet organisme ont diminué en raison du départ de nombreux adhérents faisant suite à son changement de dénomination sociale en décembre 2009. Toutefois, en dépit de pertes au 31 décembre 2011, l'association dispose de valeurs mobilières de placement à hauteur 542 161 euros à cette même date et n'a pas contracté d'emprunt. Elle est donc en mesure de s'acquitter d'une sanction pécuniaire d'un montant de 13 500 euros
470. En outre, l'Autorité rappelle que la French Meat Association a, au-delà de ses ressources immédiatement disponibles, la possibilité de faire appel à ses membres pour lever les fonds nécessaires au paiement de la sanction pécuniaire.
471. En effet, dans le cas où un organisme professionnel se trouve être condamné au paiement d'une sanction déterminée conformément aux critères et au maximum légal, sa capacité contributive ne saurait être appréciée au regard de ses seules ressources immédiatement disponibles. Il est au contraire nécessaire de tenir compte de la faculté dont il dispose de lever un complément de fonds auprès de ses adhérents. Ainsi, dans un arrêt du 29 janvier 2008, UFOP, la Cour d'appel de Paris a confirmé la sanction prononcée à l'encontre de l'UFOP en considérant notamment : " que le montant des cotisations annuelles reçues par l'UFOP s'est élevé à (...) 251 540 euros en 2005 ; que cet organisme dispose, par ailleurs, de réserves sous forme de trésorerie ou de placements de plus de 300 000 euros ; que c'est à juste titre également que la décision retient que, dès lors que les pratiques commises par le syndicat ont porté sur l'activité professionnelle de ses membres, il y a lieu de prendre en compte les capacités économiques de ces derniers, l'UFOP ayant la possibilité de lever auprès d'eux les fonds nécessaires au paiement de la sanction pécuniaire qui lui est infligée ".
472. Au cas d'espèce, les éléments qui précèdent conduisent à considérer qu'il n'y a pas lieu de modifier le montant de la sanction pécuniaire infligée à la French Meat Association.
6. SUR LE MONTANT FINAL DES SANCTIONS
473. Eu égard à l'ensemble des éléments décrits plus haut, il y a lieu d'imposer les sanctions pécuniaires suivantes à chacun des organismes et entreprises en cause :
Entreprise ou organisme / Total des sanctions imposées
Abera / 595 233
AIM/HAIM / 2 460
Bernard / 577 313
Cooperl / 18 288
FAC / 2 700
French Meat Association (ex-SNCP) / 13 500
Gad/Financière du Forest / 257 397
Groupe Bigard / 1 345 438
Kermené / 7 000
Socopa Viandes et Groupe Bigard conjointement et solidairement / 1 757 177
7. SUR L'OBLIGATION DE PUBLICATION
474. Afin d'attirer la vigilance des acteurs économiques présents dans la filière porcine en France et, plus généralement, des consommateurs, il y a lieu d'ordonner, sur le fondement du I de l'article L. 464-2 du Code de commerce, la publication, à frais partagés des organismes et des entreprises sanctionnés et au prorata de leurs sanctions pécuniaires, dans les éditions du journal " Ouest France " et de la revue agricole " Porc magazine ", du résumé de la présente décision figurant ci-après :
Résumé de la décision :
" Saisie initialement par quatre éleveurs porcins d'Ille-et-Vilaine, l'Autorité de la concurrence a rendu, le 13 février 2013, une décision par laquelle elle a sanctionné, à hauteur de 4,576 millions d'euros, plusieurs infractions aux règles de la concurrence dans le secteur de l'abattage-découpe et de la commercialisation du porc charcutier. Certaines de ces pratiques ont pu être mises au jour grâce à des opérations de visite et saisie menées par les services d'instruction de l'Autorité dans plusieurs entreprises et organismes professionnels en cause. Une partie importante des parties concernées ont décidé de ne pas contester les faits, leur qualification juridique et leur responsabilité, ainsi que de prendre des engagements. Ces éléments ont conduit l'Autorité de réduire leurs sanctions respectives.
La mise à jour de pratiques anticoncurrentielles diverses dans le secteur de l'abattage-découpe
Il s'agit, en premier lieu, d'une entente mise en œuvre par cinq entreprises présentes dans le secteur de l'abattage-découpe (Abera, Bernard, Gad, Groupe Bigard et Socopa Viandes) visant à limiter les quantités de porcs qu'elles achètent sur la zone Uniporc Ouest dans le but, notamment, de faire baisser le prix du porc payé aux éleveurs sur la base de la valeur de référence hebdomadaire obtenue au marché du porc breton (MPB). L'existence de cette entente a été établie entre juin et septembre 2009. Le montant des sanctions prononcées à ce titre s'élève à 4 512 621 euros. Le constat d'infraction effectué par l'Autorité est limité à cette entente conclue entre opérateurs, au détriment des éleveurs, et ne remet pas en cause le marché du porc breton lui-même.
Par ailleurs, sept abatteurs (Abera, AIM Groupe, Bernard, Cooperl Arc-Atlantique, Gad, Groupe Bigard et Kermené) ainsi que la French Meat Association (ex-SNCP) et la Fédération des acheteurs au cadran (FAC) ont été sanctionnés pour s'être concertés, les 2 et 5 septembre 2005, sur un prix unique pour leurs achats directs auprès des éleveurs porcins, en l'absence de tenue du marché au cadran le 1er septembre 2005, le SNCP diffusant, au travers d'un communiqué à l'ensemble des abattoirs, le prix concerté à pratiquer. Cependant, compte tenu de la durée extrêmement brève de cette infraction et du contexte très particulier dans lequel elle est intervenue, les sanctions forfaitaires imposées à ce titre ont été fixées à un niveau compris entre 2 460 et 7 000 euros.
L'Autorité a également sanctionné la French Meat Association pour avoir diffusé, y compris après avoir été destinataire d'un rappel à la loi effectué par les services du ministre chargé de l'économie (DGCCRF), une consigne de prix auprès de ses adhérents abatteurs lors des périodes promotionnelles organisées par les enseignes de la grande distribution sur la viande de porc (janvier et septembre), afin de les inciter à refuser les baisses de prix souhaitées par la grande distribution lors de ces périodes. Cette pratique a été établie entre décembre 2004 et août 2009. Le montant de la sanction prononcée à ce titre s'élève à 10 800 euros.
Enfin, l'Autorité a sanctionné Cooperl Arc-Atlantique et Gad, respectivement à hauteur de 13 288 euros et de 1 097 euros, pour s'être entendus à l'encontre de l'enseigne Auchan en mai et juin 2009 sur un prix minimum de vente de la longe de porc sans os, lorsque ces deux opérateurs étaient les deux seuls fournisseurs d'un magasin appartenant à cette enseigne.
Des sanctions proportionnées à la situation individuelle de chaque entreprise et organisme, dans le contexte économique de la filière porcine
L'Autorité de la concurrence a fixé le montant des sanctions en tenant compte de la gravité des faits et de l'importance - dans la plupart des cas très limitée - du dommage causé à l'économie par les différentes infractions relevées. Elle a ensuite adapté les sanctions à la situation individuelle de chaque entreprise et organisme sanctionné. A cet égard, l'Autorité a pris en considération le fait qu'une partie des entreprises en cause étaient pour l'essentiel actives dans le secteur concerné (" entreprises mono-produit "). Les entreprises Gad, Abera et Bernard ont ainsi bénéficié respectivement d'une baisse de leurs sanctions de 60 %, 50 % et 50 %.
Dans le cadre de son appréciation, l'Autorité a pris en considération différents éléments liés au contexte économique difficile affectant les opérateurs de la filière porcine présents sur le secteur de l'abattage-découpe, d'une part, et à leur place dans la chaîne de valeur, caractérisée par un fort contre-pouvoir en aval, au stade de la distribution.
Enfin, une partie des entreprises en cause (Abera, AIM, Bernard, Gad, Groupe Bigard et Socopa Viandes) ainsi que la French Meat Association et la fédération des acheteurs au cadran ayant choisi de ne pas contester les griefs qui leur avaient été notifiés, certaines d'entre elles ayant également proposé de prendre des engagements pour l'avenir, en particulier de mise en place de programmes de conformité. Chacune d'entre elles a bénéficié d'une réduction de sa sanction.
En dernier lieu, l'Autorité a tenu compte des difficultés financières individuelles de Gad, en réduisant très sensiblement sa sanction afin de tenir compte de sa capacité contributive au jour de la décision.
Les sanctions prononcées :
Entreprise ou organisme / Sanction prononcée
Abera / 595 233
AIM/HAIM / 2 460
Bernard / 577 313
Cooperl / 18 288
FAC / 2 700
French Meat Association (ex-SNCP) / 13 500
Gad/Financière du Forest / 257 397
Groupe Bigard / 1 345 438
Kermené / 7 000
Socopa Viandes et Groupe Bigard conjointement et solidairement / 1 757 177
La régularisation du fonctionnement du marché du porc breton par rapport aux règles de concurrence
Dans le cadre de sa décision, l'Autorité a pris acte des modifications apportées par les parties, de leur propre initiative, à certains aspects du fonctionnement du marché du porc breton. Ce dernier n'a pas lui-même été mis en cause dans le cadre de l'affaire ayant donné lieu à la décision. Au contraire, l'Autorité a tenu compte, à la fois dans son analyse des pratiques et dans la détermination des sanctions, des mécanismes mis en place au sein du marché du porc breton en vue d'assurer une certaine stabilisation des variations de prix engendrées, notamment, par la volatilité des cours des matières premières. Elle a dans ce contexte notamment écarté un des griefs notifiés aux entreprises, en constatant que certaines informations échangées sur des intentions possibles de comportement d'achat n'apparaissent pas anticoncurrentielles dans le contexte spécifique du marché par d'enchères bi-hebdomadaires régulant le secteur du porc breton.
Pour plus de détails sur cette affaire, il est possible de consulter l'intégralité du texte de la décision n° 13-D-03 du 13 février 2013 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du porc charcutier disponible sur le site internet de l'Autorité de la concurrence (www.autoritedelaconcurrence.fr).
DÉCISION
Article 1er : Il est établi que les sociétés Abera SAS, Bernard SAS, Gad SAS et Financière du Forest, Groupe Bigard SA et Socopa Viandes SAS, ont enfreint les dispositions des articles 101, paragraphe 1, du TFUE et L. 420-1 du Code de commerce en participant à une entente anticoncurrentielle visant à limiter leur production sur le marché français de l'abattage-découpe de porcs.
Article 2 : Il est établi que les organismes French Meat Association et Fédération des Acheteurs au Cadran, d'une part, et les sociétés Abera SAS, AIM Groupe SAS et HAIM SAS, Bernard SAS, Cooperl-Arc-Atlantique, Gad SAS et Financière du Forest SA, Groupe Bigard SA et Kermené SAS, d'autre part, ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce en participant à une entente anticoncurrentielle visant à fixer en commun le prix d'achat du porc charcutier les 2 et 5 septembre 2005.
Article 3 : Il est établi que la French Meat Association a enfreint les dispositions des articles 101, paragraphe 1, du TFUE et L. 420-1 du Code de commerce en menant une action concertée consistant à diffuser une consigne de prix sur le marché français de l'abattage-découpe.
Article 4 : Il est établi que les sociétés Cooperl-Arc-Atlantique SAS d'une part, et Gad SAS et Financière du Forest, d'autre part, ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce en concluant un accord anticoncurrentiel portant sur la fixation d'un prix minimum de vente de la longe de porc sans os à l'égard de la grande distribution.
Article 5 : Il n'est pas établi que le Marché du Porc Breton et la Fédération des Acheteurs au Cadran, d'une part, et les sociétés Abera SAS, AIM SAS et HAIM SAS, Cooperl Arc- Atlantique, Bernard SAS, Groupe Bigard SA, Gad SAS et Financière du Forest SA, Kermené SAS et Socopa Viandes SAS se sont échangés des informations en violation des dispositions des articles 101, paragraphe 1, du TFUE et L. 420-1 du Code de commerce.
Article 6 : Sont infligées, au titre de l'infraction visée à l'article 1er, les sanctions pécuniaires suivantes :
de 592 533 euros à la société Abera SAS ;
de 573 213 euros à la société Bernard SAS ;
de 250 000 euros solidairement aux sociétés Gad SAS et Financière du Forest SA ;
de 1 339 698 euros à la société Groupe Bigard SA ;
de 1 757 177 euros aux sociétés Socopa Viandes SAS et Groupe Bigard SA, conjointement et solidairement.
Article 7 : Sont infligées, au titre de l'infraction visée à l'article 2, les sanctions pécuniaires suivantes :
de 2 700 euros à la French Meat Association (ex-SNCP) ;
de 2 700 euros à la Fédération des Acheteurs au Cadran ;
de 4 100 euros à la société Bernard SAS ;
de 5 000 euros à la société Cooperl Arc-Atlantique ;
de 2 700 euros à la société Abera SAS ;
de 2 460 euros solidairement aux sociétés AIM Groupe SAS et HAIM SAS ;
de 6 300 euros solidairement aux sociétés Gad SAS et Financière du Forest SA ;
de 5 740 euros à la société Groupe Bigard SA ;
de 7 000 euros à la société Kermené SAS.
Article 8 : Est infligée, au titre de l'infraction visée à l'article 3, une sanction pécuniaire de 10 800 euros à la French Meat Association.
Article 9 : Sont infligées, au titre de l'infraction visée à l'article 4, les sanctions pécuniaires suivantes :
de 13 288 euros à la société Cooperl Arc-Atlantique ;
de 1 097 euros solidairement aux sociétés GAD SAS et Financière du Forest SA.
Article 10 : Il est enjoint aux sociétés AIM SAS et HAIM SAS, Bernard SAS, et Groupe Bigard SA et Socopa Viandes SAS de se conformer en tous points aux engagements visés respectivement aux paragraphes 410 et suivants, aux paragraphes 385 et suivants, et aux paragraphes 388 et suivants, dont les versions définitives figurent en annexes 1 à 3 de la présente décision, qui sont rendus obligatoires.
Article 11 : Les personnes morales visées aux articles 6 à 9 feront publier à leurs frais, au prorata des sanctions prononcées, dans les deux mois qui suivront la notification de la présente décision, le texte figurant au paragraphe 474 de la présente décision, en respectant la mise en forme, dans les éditions du journal " Ouest France " et de la revue agricole " Porc magazine " en respectant la mise en forme. Cette publication interviendra dans un encadré en caractères noirs sur fond blanc de hauteur au moins égale à trois millimètres sous le titre suivant, en caractère gras de même taille : " Décision de l'Autorité de la concurrence n° 13-D-03 du 13 février 2013 relative à des pratiques relevées dans le secteur du porc charcutier ". Elle pourra être suivie de la mention selon laquelle la décision a fait l'objet de recours devant la Cour d'appel de Paris si de tels recours sont exercés. Les personnes morales concernées adresseront, sous pli recommandé, au bureau de la procédure, copie de ces publications, dès leur parution.
ANNEXES
Affaire 08/0096F et 11/0018F
Engagements proposés par la société Bernard au titre de l'article L. 464-2, III du Code de commerce
INTRODUCTION
La société Bernard a fait l'objet d'une notification de trois griefs en date du 14 novembre 2011 relative à des pratiques dans le secteur du porc charcutier.
La société Bernard a demandé à bénéficier des dispositions de l'article L. 464-2- III du Code de commerce régissant la procédure de non-contestation des griefs, étant entendu que cette dernière ne constitue " en soi, ni un aveu, ni une reconnaissance de culpabilité".
La société Bernard ne conteste pas la réalité des griefs qui lui sont notifiés et fait usage de la faculté additionnelle qui lui est offerte depuis l'ordonnance du 13 novembre 2008 de s'engager à modifier son comportement pour l'avenir.
Dans ce contexte, la société Bernard a tenu à proposer au collège de l'Autorité de la concurrence plusieurs engagements ainsi que le permet l'article L. 464-2-III du Code de commerce.'
La société Bernard rappelle ainsi son attachement au respect de la législation régissant la concurrence entre entreprises.
Elle déclare être consciente des effets néfastes que des infractions à la concurrence peuvent avoir pour l'économie et les consommateurs.
C'est pourquoi, dans le cadre du présent dossier, la bonne foi de la société Bernard se manifestera par une double proposition d'engagement :
1 - Le premier consiste en son adhésion à la mise en place de nouvelles modalités de fixation de la barre de retrait, prévue par la " convention vente au classement " du marché au cadran de Plerin. (I)
2 - Le second consiste dans la mise en œuvre d'un programme de conformité établi conformément au document-cadre de l'Autorité de la concurrence du 10 février 2012 " sur les programmes de conformité aux règles de concurrence ". (II)
I - L'ENGAGEMENT RELATIF A LA MISE EN PLACE DE NOUVELLES MODALITES DE FIXATION DE LA BARRE DE RETRAIT
La société Bernard s'est engagée, conjointement avec les autres membres de la Fédération des adhérents au cadran, dite FAC, et par l'intermédiaire de celle-ci à mettre en place dans les trois mois de la décision de l'Autorité de la concurrence de nouvelles modalités de fixation de la barre de retrait, prévue par la " convention vente au classement", afin de prévenir tout échange d'informations individualisées entre les différents membres de la fédération des acheteurs au cadran sur leurs positions respectives concernant la fixation de la barre de retrait et contribuer ainsi au fonctionnement concurrentiel du marché au cadran.
Dans le prolongement, sans attendre le délai susvisé, les mesures suivantes, ou toutes mesures équivalentes, ont été mises en place à compter du 8 mars 2012.
a. Désignation par le bureau de la Fédération des acheteurs au cadran d'un tiers indépendant, en l'occurrence un huissier de justice, présentant toutes garanties d'indépendance, de confidentialité et de respect du secret professionnel, ce afin de garantir la confidentialité des informations qui lui seront transmises.
b. Communication par chaque membre de la Fédération des acheteurs au cadran au tiers indépendant de sa position individuelle concernant le niveau de la barre de retrait pour les séances suivantes :
i. Pour les séances du marché organisées le jeudi matin à 11 heures : le jeudi matin avant 9 heures.
ii. Pour les séances du marché organisées le lundi après-midi à 15 heures : le lundi avant 14 heures.
c. Elaboration par le tiers indépendant d'une synthèse des positions individuelles qui sont pondérées en fonction des quotas d'achat des membres de la Fédération des acheteurs au cadran.
d. Communication de la synthèse par le tiers indépendant au président du Marché du Porc Breton (MPB), son directeur général ou à la personne habilitée en cas d'absence des deux dirigeants précités, ainsi qu'au président de la Fédération des acheteurs au cadran et à ses membres :
i. Pour les séances du marché organisées le jeudi matin à 11 h heures : entre 10 heures 30 et 11 heures.
ii. Pour les séances du marché organisées le lundi après-midi à 15 heures : entre 14 heures 30 et 15 heures.
Les données individuelles collectées dans ce cadre sont, seront et resteront confidentielles à l'égard de tous.
A cet égard, la société Bernard s'engage à ne communiquer sa position quant au niveau de prix de retrait envisagé à aucun autre opérateur que' le tiers indépendant susmentionné, ni avant, ni pendant, ni après la séance au MPB.
II - ENGAGEMENT RELATIF A LA MISE EN PLACE D'UN PROGRAMME DE CONFORMITE EN MATIERE DE DROIT DE LA CONCURRENCE
La société Bernard s'est engagée " solennellement " à respecter en toutes circonstances les dispositions françaises et européennes relatives au droit de la concurrence.
Le programme de conformité de la société Bernard est actuellement en cours de finalisation avec un avocat spécialisé en droit de la concurrence et ce en conformité avec le document-cadre de l'Autorité de la concurrence du 10 février 2012 " sur les programmes de conformité aux règles de concurrence ".
Ainsi, dans un souci de prévention, détection, correction et sanction des infractions à ces règles, elle s'engage à mettre en œuvre, dans un délai de trois mois à compter de l'adoption par l'Autorité de la concurrence de sa décision, un programme de conformité aux règles de concurrence afin d'y remédier aussi rapidement que possible compte-tenu des risques juridiques, financiers, commerciaux et de réputation qu'elles sont de nature à entraîner. Une copie de la version finale de ce programme de conformité sera transmise à l'Autorité de la concurrence dans les trois mois du prononcé.
Afin d'assurer la mise en œuvre effective de cet engagement, les dirigeants de la société Bernard s'engagent à apporter tout leur soutien à la mise en œuvre du programme de conformité aux règles nationales et communautaires du droit de la concurrence.
Le programme de conformité, une fois finalisé, sera distribué aux dirigeants, cadres et salariés qui, dans l'exercice de leur fonction, sont amenés à avoir des contacts avec des clients, des fournisseurs, des concurrents de la société Bernard, ainsi que tout salarié participant à l'élaboration de la politique commerciale et/ou des achats de la société Bernard.
En application du document-cadre de l'Autorité de la concurrence du 10 février 2012, le programme de conformité de la société Bernard se compose comme suit :
II -1- La mise en œuvre d'une information au sein du personnel
La société Bernard diffusera au sein de son personnel d'encadrement commercial, administratif et achat une note rappelant l'engagement solennel et personnel de ses dirigeants de respecter et faire respecter, en toutes circonstances, les dispositions françaises et européennes du droit de la concurrence.
La note d'information sera jointe aux bulletins de salaire du personnel concerné le troisième mois suivant le prononcé.
II - 2 - La mise en place d'un dispositif de formation spécifique au droit de la Concurrence
La société Bernard s'engage à mettre en place, pour une durée de 5 ans, un module de formation annuel au droit de la concurrence à destination de ses dirigeants, cadres et personnels concernés.
Ces séances d'information d'une durée de trois heures chaque année seront dispensées par une équipe de praticiens en droit de la concurrence.
Ces séances seront adaptées aux situations concrètes rencontrées par les dirigeants, cadres et personnels concernés de la société Bernard dans le cadre de leurs secteurs d'activité : elles seront ainsi complétées par des illustrations pédagogiques liées au secteur agroalimentaire et plus particulièrement au secteur du porc charcutier
Chaque stagiaire pourra conserver les documents support.
La société Bernard conservera pendant 5 ans les documents pédagogiques qu'elle tiendra à la disposition de l'Autorité de la concurrence si elle en faisait la demande.
Les registres de présence correspondant à ces séances d'informations seront conservés pendant 5 ans par la direction des ressources humaines de la société Bernard.
La direction des ressources humaines de la société Bernard adressera un rappel à toute personne manquant à cette obligation de formation.
II -3 - La modification du règlement intérieur de la société Bernard
Le règlement intérieur de la société Bernard sera complété d'une disposition prévoyant que toute participation du personnel à une entente anticoncurrentielle, et plus généralement toute violation des règles de concurrence, constituent des faits susceptibles de sanction disciplinaire, au cas particulier la faute grave privative d'indemnité de préavis et de licenciement
II-4 - La mise en place d'un mécanisme effectif de prévention et d'alerte et de contrôle
Dans un souci de prévention des infractions aux règles de la concurrence, la société Bernard se propose de mettre en place des mécanismes effectifs de contrôle, d'audit et d'alerte.
Pour ce faire, chaque membre du personnel concerné se verra communiquer les coordonnées de l'avocat compétent en matière de droit de la concurrence auquel il pourra, en toute confidentialité, s'adresser à chaque fois qu'il fera face à un comportement ou une situation susceptible d'être en contradiction avec les règles de la concurrence.
Les employés pourront poser toutes questions qu'ils jugeront utiles à l'avocat de la société, dont les coordonnées seront communiquées lors de la formation et sur le document support de ladite formation. Un compte-rendu de l'appel et de la réponse sera transmis dans les meilleurs délais pour traitement à la direction de la société.
Il est prévu la mise en place d'un mécanisme de traitement d'éventuelles demandes de conseil, d'examen des alertes et d'analyse des suites à donner.
Ce dispositif sera conforme aux dispositions légales et réglementaires en vigueur en matière de protection de la vie privée, de traitement des données à caractère personnel ainsi qu'en droit du travail.
Sont prévues des évaluations régulières des différents aspects du programme de conformité.
Un regard particulièrement vigilant se portera sur tous évènements susceptibles d'entraîner de nouveaux risques pour la société Bernard.
II-5- Communication à l'Autorité de la concurrence des informations relatives à la mise en œuvre du programme de conformité.
Afin d'assurer un suivi de l'engagement et la mise en œuvre du programme de conformité, la société Bernard s'engage à transmettre, chaque année pendant cinq années, aux services d'instruction de l'Autorité les éléments suivants
- La liste des personnels concernés, leur nom et leur fonction.
- Le support de présentation du programme de sensibilisation et de formation ainsi que la liste de présence émargée des personnels concernés y ayant assisté.
- Le règlement intérieur.
- Les contrats de travail mis à jour ou nouvellement conclus,
- Un compte-rendu de la mise en place effective de l'ensemble du programme de conformité.
II-6 - La mise en place d'un contrôle interne
La société Bernard assurera par ailleurs en interne un contrôle régulier de la mise en œuvre du programme de conformité.
Elle s'engage à nommer dans les plus brefs délais un cadre référent concurrence en charge de la mise en œuvre du programme de conformité et pour lequel il disposera des pouvoirs ainsi que de l'Autorité nécessaire pour appliquer ses différentes dispositions.
Ce cadre bénéficiera de moyens humains, financiers suffisants et nécessaires à l'accomplissement de sa mission.
Affaire 08/0096F et 11/0018F
Engagements proposés par le groupe Bigard au titre de l'article L. 464-2, III Code de commerce
INTRODUCTION
La société Bigard SA et sa filiale Socopa Viandes (ci-après nommé " le Groupe Bigard ") ont fait l'objet d'une notification de griefs en date du 9 novembre 2011 relative à des pratiques dans le secteur du porc charcutier.
Le Groupe Bigard a demandé à bénéficier des dispositions de l'article L. 464-2, III du Code de commerce régissant la procédure de non-contestation des griefs, étant entendu que cette dernière en application de la jurisprudence de la cour d'Appel de Paris ne constitue " en soi, ni un aveu ni une reconnaissance de culpabilité ".
Conformément à cet article, le groupe Bigard ne conteste pas la réalité des griefs qui lui sont notifiés et fait usage de la faculté additionnelle qui lui est offerte depuis l'ordonnance du 13 novembre 2008 de s'engager à modifier son comportement pour l'avenir.
Dans ce contexte, le groupe Bigard a tenu à proposer au collège de l'Autorité de la concurrence plusieurs engagements ainsi que le permet l'article L. 464-2, III du Code de commerce.
Suite à la demande de l'Autorité de la concurrence formulée le 6 novembre 2012 une modification en date du 13 novembre 2012 a été apportée par le groupe Bigard aux engagements proposés par le Groupe Bigard dans le procès-verbal dressé par le rapporteur général adjoint le vendredi 17 février 2012 à 14 heures.
Ce nouveau document demandé par les services de l'Autorité s'inscrit dans ce contexte et reprend pour l'essentiel les engagements déjà proposés dans la modification du 13 novembre 2012. Il précise certaines modalités de mise en œuvre du programme de conformité du groupe Bigard.
Le groupe Bigard rappelle ainsi son attachement au respect de la législation régissant la concurrence entre entreprises, celle qui prohibe les cartels, les autres ententes anti-concurrentielles et les abus de position dominante ou de dépendance économique.
Il déclare être conscient des conséquences néfastes que ces infractions peuvent avoir pour l'économie et les consommateurs.
C'est pourquoi, dans le cadre du présent dossier, la bonne foi du Groupe Bigard se manifestera par une double proposition d'engagement :
1) le premier concerne directement les griefs reprochés par le groupe Bigard et consiste à son adhésion à la mise en place de nouvelles modalités de fixation de la barre de retrait, prévue par la " convention vente au classement ".
2) Le second engagement, plus général, a vocation à s'appliquer sur le long-terme et réside dans la mise en œuvre d'un programme de conformité établi conformément au document-cadre de l'Autorité de la concurrence du 10 février 2012 " sur les programmes de conformité aux règles de concurrence " (II).
S'agissant de ce dernier engagement, les membres du collège doivent prendre conscience du coût de mise en place et de fonctionnement d'un tel programme. C'est pourquoi le groupe Bigard subordonne expressément la mise en œuvre de cet engagement à l'octroi par le collège de la concurrence d'un taux de réfaction de l'éventuelle sanction pécuniaire encourue par le Groupe Bigard plus élevé que celui qui serait accordé au titre de la seule non-contestation de griefs par le groupe Bigard.
En l'absence d'un tel taux de réfaction supplémentaire, le second engagement portant sur la mise en œuvre d'un programme de conformité devra être considéré comme caduc, cette caducité ne remettant en cause ni le premier engagement portant sur les nouvelles modalités de fixation de la barre de retrait ni la non-contestation des griefs elle-même.
1. L'ENGAGEMENT RELATIF A LA MISE EN PLACE DE NOUVELLES MODALITES DE FIXATION DE LA BARRE DE RETRAIT
Le groupe Bigard s'engage, conjointement avec la FAC et par l'intermédiaire de celle-ci à mettre en place de nouvelles modalités de fixation de la barre de retrait, prévue par la " convention vente au classement ", afin de prévenir tout échange d'informations individualisées entre les différents membres de la fédération des acheteurs au cadran sur leurs positions respectives concernant la fixation de la barre de retrait et contribuer ainsi au fonctionnement concurrentiel du marché au cadran.
Dans ce cadre, les mesures suivantes, ou toutes mesures équivalentes, ont été mises en place :
a Désignation par le bureau de la fédération des acheteurs au cadran d'un tiers indépendant qui pourra être, au choix, un huissier de justice, un expert-comptable, ou tout autre personne ou entité présentant des garanties d'indépendance, de confidentialité et de respect du secret professionnel équivalentes, ce afin de garantir la confidentialité des informations qui lui seront transmises.
b-. Communication par chaque membre de la fédération des acheteurs au cadran au tiers indépendant de sa position individuelle concernant le niveau de la barre de retrait pour les séances suivantes :
Pour les séances du marché organisées le jeudi matin à 11 heures 00 : le jeudi matin avant 9 heures 00,
Pour les séances de marché organisées le lundi après-midi à 15 h 00 : le lundi avant 14 heures 00,
c- Elaboration par le tiers indépendant d'une synthèse des positions individuelles qui seront pondérées en fonction des quotas d'achat des membres de la Fédération des acheteurs au cadran.
d- Communication de la synthèse par le tiers indépendant au président MPB, son directeur général ou à la personne habilitée en cas d'absence des deux dirigeants précités, ainsi qu'au président de la Fédération des acheteurs au cadran et à ses membres
Pour les séances du marché organisées le jeudi matin à 11 h 00 : entre 10 heures 30 et 11 heures 00
Pour les séances du marché organisées le lundi après-midi à 15 heures : entres 14 heures 30 et 15 heures 00
Les données individuelles collectées dans ce cadre seront et resteront confidentielles à l'égard de tous.
A cet égard, le groupe Bigard s'engage à ne communiquer sa position quant au niveau de prix de retrait envisagé à aucun autre opérateur que le tiers indépendant susmentionné, ni avant, ni pendant, ni après la séance au MPB.
Le présent engagement sera mis en œuvre au plus tard dans un délai de trois mois à compter de l'adoption par l'autorité de sa décision.
2. ENGAGEMENT RELATIF A LA MISE EN PLACE D'UN PROGRAMME DE CONFORMITE EN MATIERE DE DROIT DE LA CONCURRENCE
Le programme de conformité du groupe Bigard est actuellement en cours d'élaboration avec un avocat spécialisé en droit de la concurrence et en conformité avec le document-cadre de l'Autorité de la concurrence du 10 février 2012 "sur les programmes de conformité aux règles de concurrence ".
Ainsi, dans un souci de prévention, détection, correction et sanction des infractions à ces règles, il s'engage à mettre en œuvre, dans un délai de trois mois à compter de l'adoption par l'Autorité de la concurrence de sa décision, un programme de conformité aux règles de concurrence afin d'y remédier aussi rapidement que possible compte tenu des risques juridiques, financiers, commerciaux et de réputation qu'elles sont de nature à entrainer. Une copie de la version finale de ce programme de conformité sera transmise à l'Autorité de la concurrence.
Afin d'assurer la mise en œuvre effective de cet engagement, le groupe Bigard s'engage à apporter tout son soutien à la mise en œuvre du programme de conformité.
Une délibération prise en directoire fait ainsi état de tout son soutien au programme de conformité et de manière générale de la volonté de la société de respecter et de faire respecter les règles nationales et communautaires en matière de droit de la concurrence.
Le programme de conformité, une fois finalisé, sera distribué aux dirigeants, cadres et salariés qui, dans l'exercice de leur fonction, sont amenés à avoir des contacts avec des clients, des fournisseurs, des concurrents du groupe Bigard ainsi que tout salarié participant à l'élaboration de la politique commerciale et/ou des achats du groupe Bigard (ci-après " le Personnel concerné ").
En application du document-cadre de l'autorité de la concurrence du 10 février 2012, le programme de conformité du groupe Bigard se compose comme suit :
2.1. La mise en place d'un dispositif de formation spécifique au droit de la concurrence
Le groupe Bigard s'engage à mettre en place un module de formation au droit de la concurrence à destination des dirigeants, cadres et personnels concernés. Ces séances d'information d'une durée de deux heures seront dispensées par une équipe de praticiens en droit de la concurrence.
Ces séances seront adaptées aux situations concrètes rencontrées par les dirigeants, cadres et personnels concernés du groupe Bigard dans le cadre de leurs secteurs d'activité : elles seront ainsi complétées par des illustrations pédagogiques liées au secteur agroalimentaire et plus particulièrement au secteur du porc charcutier.
De telles séances seront répétées tous les trois ans.
Les registres de présence correspondant à ces séances d'informations seront conservés pendant 5 ans par la direction des ressources humaines du groupe Bigard. La direction des ressources humaines du groupe Bigard adressera un rappel à toute personne manquant à cette obligation.
Des réunions ayant pour objet l'actualisation des connaissances à caractère obligatoire et relatifs au droit de la concurrence, seront effectuées une fois par an par les dirigeants, cadres et personnels concernés du groupe Bigard.
2.2. L'encadrement des contacts avec les concurrents, fournisseurs et clients
Le groupe Bigard veillera à ce que les contacts avec les concurrents, fournisseurs et soient compatibles avec les règles de droit de la concurrence.
Ainsi un Code de bonne conduite aura vocation à circuler dans les trois mois à compter de l'adoption par l'Autorité de la concurrence de sa décision parmi les dirigeants, cadres et personnel concernés afin de contribuer au développement d'une véritable culture de la concurrence au sein du groupe Bigard et, par l'intermédiaire du personnel concerné, assurer la promotion et le développement de cette culture notamment chez les autres acteurs présents dans le secteur du porc charcutier.
Ce code rappellera aux personnels concernés la nécessité absolue de respecter les règles de concurrence, que la participation à une entente anticoncurrentielle constitue une faute grave, susceptible d'entrainer le licenciement ou la révocation de son auteur. Il précisera aussi la variété des outils et formations mis en place en application du présent engagement.
Tout contact avec des concurrents par le personnel concerné devra donner lieu à la conservation des éventuels échanges (mails, ordre du jour, compte rendus) pendant une période de trois ans.
2.3. La mise en place d'un mécanisme effectif de contrôle, d'audit et d'alerte
Dans un souci de prévention, détection, correction et sanction des infractions aux règles de la concurrence, le groupe Bigard se propose de mettre en place des mécanismes effectifs de contrôle, d'audit et d'alerte.
Pour ce faire, chaque membre du Personnel concerné se verra communiquer les coordonnées du service territorialement compétent en matière de droit de la concurrence auquel il pourra en toute confidentialité s'adresser à chaque fois qu'il fera face à un comportement ou une situation susceptible d'être en contradiction avec les règles de concurrence. Il est prévu la mise en place d'un mécanisme de traitement d'éventuelles demandes de conseil, d'examen des alertes et d'analyse des suites à donner.
Toujours dans le cadre de ce dispositif de contrôle, sont prévues des évaluations régulières des différents aspects du programme de conformité pour permettre son amélioration. Un regard particulièrement vigilant se portera sur tous événements susceptibles d'entrainer de nouveaux risques pour le groupe Bigard.
Une disposition ayant vocation à contraindre le Personnel concerné, dans le respect du droit du travail, à suivre le programme de sensibilisation et de formation, à respecter les instructions du Code de bonne conduite sera insérée dans le règlement intérieur ainsi que dans les contrats de travail existants et dans les contrats de travail conclus à l'avenir avec les nouveaux membres du Personnel concerné.
Tout manquement à cette disposition sera réputé constituer une faute grave et sera sanctionné sur un plan disciplinaire, de façon graduée, par un avertissement, ou par le licenciement ou la révocation selon le cas.
2.4. Communication à l'Autorité de la concurrence des informations relatives à la mise en œuvre du programme de conformité
Afin d'assurer un suivi de l'engagement et la mise en œuvre du programme de conformité, le groupe Bigard s'engage à transmettre, chaque année pendant cinq années, aux services d'instruction de l'Autorité les éléments suivants :
- La liste des Personnels concernés, leur nom et leur fonction,
- Le support de présentation du programme de sensibilisation et de formation ainsi que la liste de présence émargée des Personnels concernés y ayant assisté,
- Le Code de bonne conduite,
- Le règlement intérieur,
- Les contrats de travail mis à jour ou nouvellement conclus,
- Un compte rendu de la mise en place effective de l'ensemble du programme de conformité.
2.5. La mise en place d'un contrôle interne
Le groupe Bigard assurera par ailleurs en interne un contrôle régulier de la mise en œuvre du programme de conformité.
Il s'engage à nommer dans les plus brefs délais un membre du groupe en charge de la mise en œuvre du programme de conformité et pour lequel la personne disposera des pouvoirs ainsi que de l'autorité nécessaire pour appliquer ses différentes dispositions.
Elle bénéficiera de moyens humains, financiers suffisants et nécessaires à l'accomplissement de sa mission.
La personne désignée aura la capacité d'accéder directement aux organes de contrôle si une question liée à la politique ou au programme de conformité de l'entreprise le justifie.
POUR AIM Groupe ET HAIM
Affaire 08/0096F et 11/0018F
INTRODUCTION
Les Sociétés AIM Groupe, dont le siège social est à SAINTE CECILE (50800), 30 avenue Armand Ligot et HAIM, dont le siège est à Candol, 50750 SAINT EBREMOND DE BONFOSSE, ont fait l'objet d'une procédure devant l'Autorité de la concurrence qui a donné lieu après dépôt de la notification des griefs à une reconnaissance de ceux-ci par lesdites sociétés au terme d'un procès-verbal en date du 15 février 2012 sur le fondement de l'article L. 464-2 du Code de commerce.
Après les débats qui se sont tenus devant l'Autorité de la concurrence à l'audience du 24 octobre 2012, des engagements complémentaires ont été pris par les sociétés et ont donné lieu à des prises de décision qui vont être décrites dans le présent document.
Outre ces décisions, les engagements proposés ci-après vont au-delà de l'engagement général de conformité des Sociétés AIM et HAIM Groupe et comportent divers engagements de nature structurelle ou quasi-structurelle, telles que la modification des contrats de travail de certains agents, la nomination d'un responsable conformité et la mise en place d'un système d'alerte pouvant avoir un impact financier opérationnel important.
Toutefois, compte tenu du coût et des contraintes opérationnelles qu'implique la mise en œuvre de tels engagements pour une entreprise de taille moyenne, ces engagements sont conditionnés à l'octroi par le Collège de l'Autorité de la concurrence d'un taux de réfection de l'éventuelle sanction pécuniaire encourue par les Sociétés AIM Groupe et HAIM plus élevé que celui qui serait accordé au titre de la seule non contestation des griefs.
I. MESURES STRUCTURELLES PROPRES AUX SOCIETES AIM Groupe ET HAIM
1. Validation de l'interlocuteur d'AIM Groupe afin de garantir la démarche visant à obtenir le respect scrupuleux des règles de la concurrence
Les Sociétés AIM Groupe et HAIM Groupe ont nommé Madame Nadège BARRE, Directeur des Ressources Humaines, garante de la démarche interne avec l'appui du service informatique pour contrôler et valider la bonne application des règles relatives à la concurrence.
Madame Nadège BARRE a accepté expressément cette mission.
2. Formation du personnel
Les Sociétés AIM Groupe et HAIM s'engagent à ce que tous les salariés en relation avec les intervenants extérieurs suivent une formation délivrée par un organisme extérieur.
Le but de celle-ci est de sensibiliser le personnel aux règles de la concurrence, de les informer sur les risques encourus lors de tout manquement à ces dernières et de leur rappeler que la participation à une entente anticoncurrentielle constitue une faute grave susceptible d'entraîner le licenciement de leur auteur.
Cette formation sera effectuée par Monsieur René-Paul Poussardin, Directeur formation au Centre Interconsulaire de Formation de la Mayenne, 5 boulevard de l'Industrie, 53940 Saint Berthevin.
3. Validation des modifications du règlement intérieur et des contrats de travail
Les dispositions prises au cours de la formation du personnel seront insérées dans le règlement intérieur des Sociétés AIM Groupe et HAIM et dans les contrats de travail existants de tous les salariés en relation avec les intervenants extérieurs ainsi que dans les contrats de travail conclus à l'avenir avec les nouveaux employés.
4. Validation par un organisme extérieur de la bonne application chez AJM Groupe et HAIM des règles du droit de la concurrence tant au niveau interne qu'européen
Un audit annuel sera réalisé par un organisme indépendant afin de contrôler la bonne application du dispositif mis en place au sein de la société et la révélation éventuelle de tout dysfonctionnement pouvant apparaître dans le cours de l'exécution des bonnes pratiques commerciales.
5. Rôle de la Société CAP 50, Société holding à laquelle appartiennent les Sociétés AIM Groupe et HAIM
Le Conseil d'administration de CAP 50 s'engage à informer ses adhérents des engagements pris devant l'Autorité de la concurrence et de la manière dont ceux-ci sont tenus à l'occasion de chaque assemblée générale annuelle.
6. Communication interne
Les Sociétés AIM GROUP et HAIM s'engagent également à réaliser une communication annuelle du résultat qui leur sera transmis par la société d'audit, tant aux membres du Conseil d'administration qu'à tous les services et personnels concernés par ces manquements ou insuffisances afin de mettre en œuvre toute mesure utile.
Cette communication et les mesures prises seront transmises à l'Autorité de la concurrence pendant cinq années successives.
7. Enfin, les Sociétés AIM Groupe et HAIM s'engagent à soumettre pour examen de leur compatibilité au regard du droit de la concurrence les statuts, les règles de fonctionnement et les pratiques des associations professionnelles dont ils sont membres à un avocat spécialisé en droit de la concurrence.
Elles s'engagent à obtenir â l'avance une copie de l'ordre du jour de toutes les réunions des associations professionnelles auxquelles elles seront amenées à participer dans le futur.
Les Sociétés AIM Groupe et HAIM s'engagent à vérifier attentivement les procès-verbaux des réunions desdites associations et à signaler les éventuelles erreurs décelées.
Il sera demandé à ses représentants de faire preuve de prudence lorsqu' ils participeront aux évènements organisés par ces associations.
8. Afin de permettre à l'Autorité de la concurrence de s'assurer du respect des engagements décrits ci-dessus, les Sociétés AIM Groupe et HAIM s'engagent à lui communiquer les informations concernant leur mise en œuvre.
Comme il a été indiqué ci-dessus, dans le cadre de l'audit concurrence qui sera réalisé par un prestataire spécialisé indépendant, le compte-rendu de ce dernier sera transmis à l'Autorité de la concurrence pendant les cinq années de l'engagement sus décrit.
II. ENGAGEMENTS DES SOCIETES AIM Groupe ET HAIM AVEC LES AUTRES MEMBRES DE LA FAC
1. Les Sociétés AIM Groupe et HAIM s'engagent â mettre en place, conjointement avec les autres membres de la Fédération des acheteurs au cadran, de nouvelles modalités de fixation de la barre de retrait, prévues par la convention Vente au classement, afin de prévenir tout échange d' informations entre les différents membres de la FAC sur leur position concernant la fixation de la barre de retrait et contribuer ainsi au fonctionnement concurrentiel du marché au cadran.
Dans ce cadre, ont d'ores et déjà été mises en place la désignation par le bureau de la FAC d'un tiers indépendant, à savoir un huissier de justice, afin de garantir la confidentialité des informations qui lui seront transmises, â savoir la communication par chaque membre de la FAC au tiers indépendant de sa position individuelle concernant le niveau de la barre de retrait pour les séances suivantes :
- pour les séances de marché organisées le jeudi matin avant 9 heures 30,
- pour les séances de marché organisées le lundi après-midi avant 13 heures 30,
le tiers indépendant devant réaliser une synthèse des positions individuelles qui seront pondérées en fonction des quotas des membres de la FAC au cours des douze séances antérieures.
2. Le tiers indépendant devra communiquer au Président du Marché au porc breton ou à son délégataire la synthèse de ces offres, à savoir pour les séances du marché organisées le jeudi matin, entre 10 heures et 10 heures 30 et pour les séances du marché organisées le lundi après-midi, entre 14 heures et 14 heures 30.
Les données collectées dans ce cadre seront et resteront confidentielles à l'égard de tous.
Sur ce point, les Sociétés AIM Groupe et HAIM s'engagent à ne communiquer leur position quant au niveau de prix de retrait envisagé à aucun autre opérateur que l'huissier ainsi désigné, ni avant, ni pendant, ni après la séance du marché au cadran.
Note
1 À titre d'exemple, en 2011 le lot moyen commercialisé au MPB portait sur un porc de poids moyen chaud de 91,62 kg vendu au cours moyen de 1,309 euro/kg pour un TMP de 56, mais présentant en réalité un TMP moyen de 60,4. Cela a permis de dégager une plus-value TMP de 0,1246 euro/kg à laquelle s'ajoute une plus-value qualité (T) de 0,02 euro/kg. Il en est résulté un cours moyen réel de 1,4536 euro/kg et non de 1,309 euro/kg, soit 0,1446 euro/kg ou 11 % de plus que le cours moyen officiel.