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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 1, 12 février 2013, n° 11-22021

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Casal (SA)

Défendeur :

Lattore Diffusion (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Acquaviva

Conseillers :

Mmes Guihal, Dallery

Avocats :

Mes Guizard, Belzung, Donato

T. com. Paris, du 16 nov. 2011

16 novembre 2011

Vu l'arrêt de cette cour du 30 octobre 2012 qui a :

- confirmé le jugement déféré en ce que le Tribunal de commerce de Paris a retenu sa compétence.

- sursis à statuer pour le surplus,

- invité les parties à s'expliquer sur le moyen de droit relevé d'office, tiré de ce que la désignation de la loi applicable au litige est susceptible d'être commandée par les dispositions de la loi n° 91-593 du 25 juin 1991 portant statut des agents commerciaux, codifiée aux articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce, lesquelles, au regard de l'objectif poursuivi par la directive CE 86-653-CEE du Conseil du 18 décembre 1986 qu'elles transposent dans l'ordre juridique interne, peuvent être constitutives, en l'espèce, d'une loi de police dont l'article 16 de la Convention de La Haye du 14 mars 1978 et l'article 7 de la Convention de Rome réservent expressément l'application.

- enjoint à la SA Casal de conclure sur le fond du litige,

- ordonné la réouverture des débats à une audience ultérieure.

Vu les conclusions signifiées par la SA Lattore Diffusion le 30 novembre 2012,

Vu les conclusions signifiées par la SA Casal le 17 décembre 2012,

SUR QUOI,

- Sur la loi applicable.

Considérant que les dispositions de la loi n° 91-593 du 25 juin 1991 portant statut des agents commerciaux, codifiée aux articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce ont emporté transposition dans l'ordre juridique interne de la directive CE 86-653-CEE du Conseil du 18 décembre 1986 dont l'objectif de protection de la liberté d'établissement et du jeu d'une concurrence non faussée dans le marché intérieur, leur confère un caractère impératif en sorte qu'elles sont constitutives d'une loi de police dans l'ordre communautaire dont l'article 16 de la Convention de La Haye du 14 mars 1978 et l'article 7 de la Convention de Rome réservent expressément l'application ;

Considérant que la SA Casal est d'autant moins fondée à prétendre éluder l'application des dispositions des articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce que si le contrat d'agence commerciale ne contient aucune disposition expresse désignant la loi applicable, celui-ci a été rédigé en langue française et signé à Paris le 13 janvier 1994 comme les avenants du 10 juin 1995 et du 28 février 1996 ce qui permet de déduire de ces circonstances, en tout état de cause, avec une certitude au sens de l'article 3 de la Convention de Rome du 19 juin 1980, que les parties ont choisi de soumettre le rapport de représentation à la loi française ;

Considérant que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a dit la loi française applicable.

Considérant que la cour étant juridiction d'appel relativement à la juridiction compétente, il convient d'évoquer le fond sur lequel les parties se sont expliqué, afin dans un souci de bonne justice, de donner à l'affaire une solution définitive.

- Sur les demandes en paiement de Lattore.

1/ Considérant que Lattore sollicite en premier lieu paiement de commissions qui lui restent dues et produit à cet effet un relevé des commissions dues pour le premier trimestre 2010 exigibles au 31 mars 2010 ;

Considérant que la SA Casal qui n'allègue ni ne justifie que ces commissions ne correspondraient pas à des prestations effectives accomplies par l'agent antérieurement à la rupture des relations contractuelles ou n'auraient pas été calculées conformément aux dispositions contractuelles alors surtout que le taux appliqué de 16 % n'est pas discuté ou encore qu'elle se serait libérée de cette dette par un règlement antérieur, doit être condamnée à payer à Lattore la somme de 5 249,09 euros.

2/ Considérant que Lattore réclame une indemnité compensatrice de préavis correspondant à trois mois de commissions et une indemnité compensatrice de rupture correspondant à trois années de commissions.

Considérant que Lattore ne fonde pas sa demande sur les dispositions de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce mais exclusivement sur celles de l'article L. 134-11 du Code de commerce ce qui rend inopérant le moyen opposé par la SA Casal tiré du non-cumul de l'indemnité prévue par le premier de ces textes avec l'indemnité visée à l'article L. 134-12 du Code de commerce, réclamée par ailleurs ;

Considérant que selon l'article L. 134-11 du Code de commerce, lorsque le contrat d'agence commerciale est à durée indéterminée les parties peuvent y mettre un terme sous réserve de respecter un délai de préavis de trois mois pour la troisième année commencée et les années suivantes ;

que le contrat d'agent commercial liant les parties a été d'une durée de 16 années ;

que la SA Casal qui a notifié à son agent la rupture du contrat à effet immédiat, sans respecter le délai de préavis, se borne à faire état, sans autrement le démontrer, que Lattore aurait gravement manqué à ses obligations contractuelles notamment en négligeant la promotion des produits de la marque Casal et de la marque Pansu et en omettant de transmettre les renseignements sur la clientèle requis "selon l'article 1746 du CC" ;

qu'elle ne produit, en effet, aucune pièce à l'appui de ses allégations et en particulier aucun courrier antérieur à sa lettre de rupture du 15 mars 2010, par lequel elle aurait reproché à Lattore l'insuffisance de ses prestations et aurait enjoint cette dernière de respecter ses obligations ;

que dès lors, faute pour la SA Casal de rapporter la preuve d'une faute grave commise par son agent, exclusive de l'application des dispositions de l'article L. 134-11 précité, il convient de la condamner à payer à Lattore sur la base de la moyenne mensuelle des commissions perçues au cours des trois dernières années soit 3 221,45 euros, ainsi qu'il résulte des relevés non contestés produits aux débats, la somme de 9 664,35 euros.

Considérant qu'aux termes de l'article L. 314-12 [sic] du Code de commerce, en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi ;

Considérant qu'en l'espèce pour les motifs précédemment développés, la SA Casal échoue à démontrer que la rupture du contrat était justifiée par l'inexécution par son agent de ses obligations ;

Considérant que pour fixer le montant de l'indemnité due à l'agent, il convient de tenir compte de l'ancienneté des relations contractuelles ainsi que des conditions mêmes de la rupture qui ont interdit à l'agent de trouver dans le délai de préavis d'autres mandants ;

Considérant qu'au regard de ces circonstances, il convient de fixer le montant de l'indemnité due par la SA Casal à Lattore à la somme de 77 314,80 euros correspondant à deux années de commissions.

3/ Considérant que Lattore réclame enfin au visa de l'article L. 134-7 du Code de commerce une somme de 5 000 euros à titre de provision sur les commissions qui lui sont dues "au titre de la collection Angèle des Montagnes sur laquelle elle a travaillé et qui devait générer un chiffre d'affaires pour Casal compris entre 30 000 et 40 000 euros minimum par année" ;

Considérant toutefois que Lattore ne produit aucun ordre d'achat de clients auprès desquels elle a assuré la représentation des produits de la collection Angèle des Montagnes, commercialisés par la SA Casal en sorte qu'en ne démontrant pas, ainsi qu'il lui incombe, l'existence d'opérations qui auraient été dues principalement à son activité au cours du contrat d'agence, elle ne peut prétendre à commission à ce titre et sera, en conséquence, déboutée de sa réclamation de ce chef.

Considérant que la SA Casal qui partie succombante doit supporter les dépens ne peut prétendre à une indemnité en application de l'article 700 du Code de procédure civile et doit être condamnée sur ce même fondement au paiement d'une somme de 7 500 euros.

Par ces motifs : Confirme le jugement déféré en ce que le Tribunal de commerce de Paris a retenu la compétence de la loi française. Evoquant, Condamne la SA Casal à payer à la société de droit italien Lattore Diffusion : 1°) la somme de 5 249,09 euros au titre de l'arriéré de commissions, 2°) la somme de 9 664,35 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 3°) la somme de 77 314,80 euros au titre de l'indemnité de rupture de contrat, Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation. Déboute la société de droit italien Lattore Diffusion du surplus de ses demandes. Condamne la SA Casal aux dépens qui seront recouvrés selon les modalités prévues par l'article 699 du Code de procédure civile ainsi qu'au paiement d'une somme de 7 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.