CA Nîmes, ch. soc., 19 février 2013, n° 11-00589
NÎMES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Dabert
Défendeur :
Groupe Gaillard (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tournier
Conseillers :
Mme Colliere, M. Lernould
Avocats :
SCP Zouarat-Isaie-Becherot, Me Agu
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Monsieur Clause Dabert était embauché par la SARL Provence Médical en octobre 1997 en qualité de magasinier puis il occupait le poste de responsable logistique de la SARL Provence Médical. Dans le dernier état son salaire de base brut était de 2 530 euros, et en cumul brut la moyenne de 3 873 euros.
Il était convoqué à un entretien préalable par courrier en date du 25 octobre 2007 avec mise à pied conservatoire, et licencié le 19 novembre 2007 pour faute grave, ainsi libellée :
Nous avons appris que vous aviez créé votre entreprise la SARL Objectif Santé qui a une activité similaire à la notre.
Cette entreprise est implantée sur Montfavet 84 140 qui se trouve dans le même bassin d'activité que notre établissement du Pontet.
Ainsi vous avez manqué aux obligations résultant de votre contrat de travail, notamment de loyauté et de bonne foi, exerçant une activité concurrente à la notre alors que vous êtes toujours salarié de notre entreprise.
Par ailleurs, vous avez utilisé le véhicule de Provence Médical à des fins personnelles durant vos horaires de travail et vos jours de congés.
En effet, vous avez démarché des clients de votre nouvelle société en utilisant votre véhicule, que vous avez également utilisé pour les livraisons de matériel. Cette utilisation du véhicule à des fins personnelles et surtout afin d'exercer des actes de concurrence déloyale est strictement interdite.
De plus, vous avez également utilisé le téléphone portable de l'entreprise pour des appels personnels alors que cela est strictement interdit.
Monsieur Dabert saisissait le Conseil des prud'hommes d'Avignon de demandes sollicitant le paiement des sommes de :
- 70 000 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- 8 600 euros au titre de l'indemnité de licenciement
- 3 148,03 euros au titre de l'indemnité de congés payés
- 8 600 euros au titre de l'indemnité de préavis
- 3 225 euros brut au titre du rappel de salaire octobre 2007 novembre 2007 mise à pied conservatoire)
- 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par jugement du 29 septembre 2010 Monsieur Dabert était débouté de l'intégralité de ses demandes, ce dont il a régulièrement relevé appel.
Il soutient, pour l'essentiel, que son employeur connaissait depuis l'origine cette situation et qu'il ne peut prétendre maintenant qu'il l'ignorait, en sorte que la durée de leur relation était telle que cela lui interdit d'invoquer une faute grave et une faute disciplinaire.
Il sollicite donc l'infirmation du jugement déféré, reprend ses prétentions initiales telles précisées ci avant, et le paiement de la somme de 3 200 euros pour ses frais non compris dans les dépens en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société intimée expose que :
- Monsieur Claude Dabert a créé une société la SARL Objectif Santé dont l'objet social est exactement celui de la SARL Provence Médical à moins de 5 kilomètres de cette dernière alors qu'il était toujours salarié et donc pendant l'exécution de son contrat de travail au sein de Provence Médical.
- s'il soutient que Monsieur Collot, le gérant de Provence Médical, était informé du projet de Monsieur Dabert, qu'il devait prendre des parts et qu'il avait conclu des accords (...) il ne procède que par affirmation et ne fournit aucune pièce démontrant ses affirmations purement fantaisistes.
Elle demande la confirmation de cette décision, par appel incident expose que le comportement concurrentiel de Monsieur Dabert lui a causé un préjudice qu'elle évalue à la somme de 50 000 euros. En outre elle sollicite la condamnation de l'appelant à lui payer la somme de 3 588 euros pour ses frais en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
MOTIFS
Attendu que Madame Casanova assistante de direction au sein de la SARL Provence Médical atteste :
"J'occupe au sein de l'entreprise Provence Médical le poste d'assistante de direction, et Monsieur Dabert celui de responsable logistique.
Nous étions les deux salariés à participer au management général de l'entreprise, avec Monsieur Collot gérant de la SARL.
J'avais donc des relations professionnelles permanentes, décisives pour le bon fonctionnement des services.
Monsieur Collot avait entière confiance en Monsieur Dabert qui avait toute latitude dans son emploi du temps.
L'amitié qui les liait depuis leur enfance avait contribué à l'ascension de Monsieur Dabert.
Il s'était vu confier un poste de responsable de l'équipe logistique après avoir occupé le poste de magasinier.
Ces deux postes, lui ont permis de tisser des liens professionnels avec tous nos fournisseurs, ce qui se révélera un gros avantage au moment de la création de sa propre société".
Attendu que Monsieur Delpiano commercial de société Provence Médical atteste :
"Des commandes étaient passées par fax aux fournisseurs pour mes propres clients, que je n'ai jamais eues, il contacte les fournisseurs et en demandant à notre réceptionniste, j'ai pu apprendre que mes clients avaient bien été livrés et facturés mais par Monsieur Dabert Claude (vu dans son local) par du personnel de notre entreprise.
Pendant plus de trois mois, ce monsieur m'a caché l'existence de la création de sa propre entreprise identique à la nôtre.
Cette personne était très distante de juillet jusqu'à son départ".
Attendu que Monsieur Perouze atteste :
"J'ai été embauché par Provence Médical en mai 2000 en occupant le poste de chauffeur livreur et ensuite je suis devenu magasinier ce qui me conférait des rapports professionnels étroits entre la direction et Monsieur Dabert responsable logistique du matériel.
Monsieur Dabert passait des commandes marchandises auprès des fournisseurs. J'avais la responsabilité des contrôles des arrivages et également de lui faire part de tout litige concernant les commandes.
Au fur et à mesure des liens amicaux se sont créés et une certaine confiance s'est instaurée entre nous deux.
Début d'année 2007, il m'a fait part de son intention de créer sa propre entreprise dans le même domaine que nous et il m'a également fait une confidence sur le débauchage au profit de son entreprise concernant Madame Mata Christelle en congé parental d'éducation au moment des faits.
Il a beaucoup insisté pour que je ne révèle pas à Monsieur Collot et à Madame Casanova (ce qui sur l'instant ne m'a semblé pas très logique, vu les liens d'amitié qui les lient depuis l'enfance).
Peu de temps après, Monsieur Dabert m'a proposé en dehors des horaires de Provence Médical si cela me convenait des livraisons pour le compte de son entreprise moyennant rémunération.
J'étais sceptique car j'ignorais si j'avais le droit d'avoir deux emplois Dans le deuxième trimestre de l'année 2007 je me suis vu confier par Monsieur Dabert des tâches diverses concernant uniquement son entreprise Objectif Santé.
Cela consistait en un premier temps à préparer des commandes qu'il livrait lui-même pendant ses horaires de travail à Provence Médical
Quelques fois lorsqu'il faisait sa permanence sur le site de Pertuis, il me téléphonait pour préparer et livrer moi-même ses clients alors qu'à ce moment là je ne pouvais pas effectuer les tâches pour mon entreprise.
Il m'utilisait à ses propres fins.
(...)
Monsieur Dabert me confiait des tâches diverses concernant son entreprise Objectif Santé.
D'autre part, encore plus surprenant, pour un client (Madame Mariotti à Châteaurenard) de Provence Médical, j'ai effectué pour le compte d'Objectif Santé une reprise de matériel à la location de Provence Médical et une mise en place de matériel neuf destiné à l'achat appartenant à Provence Médical mais les documents de livraison étaient établis au nom d'Objectif Santé.
Dans le même esprit, j'ai également livré du matériel appartenant à Provence Médical chez des patients habitant à Beaumes de Venise, Aubignan pour la location, en ayant établi les documents au nom d'Objectif Santé'
Attendu que Monsieur Philippe Barreira qui exerce les fonctions de livreur pour la SARL Provence Médical atteste :
"Monsieur Dabert m'a demandé d'effectuer pour son entreprise des livraisons et installation de divers matériel (lits, matelas de classe II, matelas à air) chez des particuliers ou en maison de retraite. Ces diverses marchandises provenaient du stock de Provence Médical parfois il effectuait lui-même des livraisons pour ces clients(...) lorsqu'il ne pouvait faire autrement il me chargeait d'effectuer ces fameuses livraisons tout en connaissant ma réticence et pour cause, il ne fallait pas mettre de tampon de Provence Médical sur les documents Cerf En accord avec la direction soi-disant (...) Monsieur Dabert s'est servi du personnel de Provence Médical, moi y compris à ses propres fins et cela m'a profondément attristé.
Attendu que selon les autres éléments Monsieur Dabert qui était "le bras droit de Monsieur Collot", profitait de cet état de fait pour "s'absenter en abandonnant son poste de travail sous couvert de l'assentiment de Monsieur Collot",
Attendu qu'il est parfaitement établi que Monsieur Dabert a détourné la clientèle de la SARL Provence Médical pour le compte de la SARL Objectif Santé ; qu'il a créé une confusion entre les deux sociétés en utilisant, pour les livraisons, des véhicules de transport de la société Provence Médical, et en prospectant les clients de l'entreprise dans laquelle il travaillait pour le compte de la SARL Objectif Santé ;
Attendu qu'il n'est nullement démontré que le dirigeant de la société Provence Médical aurait donné son consentement express à cette situation comme l'appelant l'affirme; que dès lors il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de Monsieur Dabert ;
Attendu que l'employeur n'a pas retenu la faute lourde à l'encontre de Monsieur Dabert en sorte qu'il ne peut invoquer une responsabilité financière à son égard ;
Attendu qu'il parait équitable que Monsieur Dabert participe à concurrence de 700 euros aux frais inutilement exposés par la société en cause d'appel et non compris dans les dépens en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu l'article 696 du Code de procédure civile ;
Par ces motifs : LA COUR, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, Y Ajoutant, Condamne Monsieur Clause Dabert à payer à la société de 700 euros pour ses frais en application de l'article 700 du Code de procédure civile, Le condamne aux entiers dépens d'appel.