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Décisions

CA Rennes, 3e ch. com., 12 février 2013, n° 11-04290

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Le Flecher (SARL)

Défendeur :

Blygold France (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Poumarede

Conseillers :

Mmes Cocchiello, André

Avocats :

SCP Gauvain-Demidoff, Selarl Bazille Jean-Jacques, Me de Jongh-Dunand

T. com. Lorient, du 27 mai 2011

27 mai 2011

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 12 octobre 2009, la société Le Flecher (exerçant sous l'enseigne Blygold Ouest) a résilié avec effet immédiat le contrat de franchise qu'elle avait conclu le 17 août 2005 avec la société Blygold France. Le franchiseur a accepté la résiliation du contrat après paiement de trois factures dont une seule a été réglée par la société Le Flecher. Cette société a contesté devoir les deux autres factures portant, l'une, sur la redevance de franchise du 1er semestre 2009 pour un montant de 4 164,15 euro et l'autre, d'un montant de 4 041,24 euro, sur des produits qu'elle a réexpédiés à la société Blygold France, laquelle en a accepté la reprise, ne maintenant que sa demande de paiement des frais de transport tout en proposant de réduire de moitié sa facture de redevance, proposition rejetée par la société Le Flecher.

Le 27 mai 2011, le Tribunal de commerce de Lorient a condamné la société Le Flecher à payer à la société Blygold France :

- la somme de 4 487,11 euros en paiement des factures n° 5696 et 5771 avec intérêts au taux légal à compter du 16 février 2010,

- la somme de 4 058 euros HT au titre d'une réparation prise en charge par la société Blygold France,

- la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Le Flecher a relevé appel de cette décision, demandant à la cour de :

Débouter la société Blygold France de l'intégralité de ses demandes,

Condamner la société Blygold France à lui payer la somme globale de 309 725 euros en réparation de son préjudice financier correspondant à :

23 669 euros au titre des travaux accomplis dans le cadre des opérations de reprise de garantie,

70 140 euros (39 183 euro + 30 957 euro) au titre de la perte de chiffre d'affaires en raison des opérations de reprise de garantie,

10 046 euros au titre du stock de produits Blygold,

55 364 euros au titre de la perte sur investissement,

150 506 euros au titre des pertes non amortissables.

Condamner la société Blygold France à lui verser la somme de 50 000 euros au titre du préjudice résultant de la perte d'image de marque commerciale.

Condamner la société Blygold France à lui verser la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamner la même aux entiers dépens, de première instance et d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

La société Blygold France a quant à elle formé appel incident en demandant à la cour de confirmer le jugement et, y ajoutant, de condamner la société Le Flecher à lui payer la somme de 15 000 euros en réparation de l'inexécution de ses obligations contractuelles et de l'atteinte à son image et celle de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour l'appelante le 18 janvier 2012 et pour l'intimée le 12 octobre 2012.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Sur les conclusions de procédure

La société Le Flecher conclut au rejet des débats de seize pièces communiquées par la société Blygold le 15 octobre 2012, soit deux jours avant l'ordonnance de clôture, en faisant valoir que le conseiller de la mise en état a refusé le report de la date de clôture compte tenu de la proximité de l'audience de sorte qu'elle n'a pu les examiner et y répondre.

En l'espèce, l'appel a été formé le 21 juin 2011 et les parties ont été avisées le 16 mai 2012 que l'ordonnance de clôture serait rendue le 17 octobre 2012, l'audience étant fixée au 13 novembre suivant.

La société Blygold France, qui avait reçu notification le 18 janvier 2012 des conclusions de son adversaire en réponse à ses écritures du 21 novembre 2011, a attendu, sans justifier de circonstances particulières, l'avant-veille de la clôture, soit près de neuf mois, pour communiquer ses pièces numérotées de 1 à 13 et 26 à 28. Cependant les pièces numérotées de 1 à 13 avaient déjà été produites en première instance et la société Blygold France a, au début de la procédure d'appel, offert de les communiquer à nouveau, sans recevoir de réponse de l'appelante qui visait ces pièces dans ses écritures sans pourtant les communiquer elle-même.

La société Le Flecher ne démontre dès lors pas en quoi la communication des pièces n° 1 à 13, qu'elle s'obligeait elle-même à produire en les visant dans ses conclusions, est de nature à porter atteinte au contradictoire.

En conséquence, seules les pièces n° 26 à 28 communiquées le 15 octobre 2012 seront écartées des débats comme portant atteinte au principe de la loyauté des débats et au respect du contradictoire.

Sur les deux factures réclamées par le franchiseur

La facture n° 5696 correspond à une commande du 17 juin 2009 portant sur 18 pots de Polual XT livrés le 22 juin 2009, facture qui a ensuite fait l'objet d'un avoir de 3 305,17 euros les produits étant restitués par la société appelante. A la date de la commande, la société Le Flecher connaissait depuis plusieurs mois les caractéristiques de ce produit, de sorte qu'elle ne peut prétendre avoir été trompée sur ses qualités, ni avoir reçu une livraison non conforme. En conséquence, il lui incombe d'assumer les frais de transport afférents à leur livraison, soit la somme de 322,96 euros.

La société Le Flecher a également refusé le paiement de la facture n° 5771 du 1er juillet 2009, d'un montant de 4 164,15 euros TTC correspondant à la redevance du premier semestre 2009. Elle fait valoir que la facture a été calculée sur des bases erronées en se prévalant d'un compte rendu d'activité (pièce n° 3) selon lequel une partie des commandes reçues aux mois de mars, avril et juin, n'aurait pas encore été exécutée à la date de la facture, ce dont elle déduit une réfaction de 1 366,45 euros TTC. Mais, il n'est pas soutenu que ces commandes n'auraient pas ensuite été exécutées, étant fait observer que le contrat de franchise n'ayant été résilié qu'à la mi-octobre 2009, la société Le Flecher disposait du temps nécessaire pour les mener à leur terme.

Or, la résiliation du contrat ne dispensait pas le franchisé de s'acquitter des obligations échues avant la date à laquelle celle-ci prenait effet dès lors qu'il ne justifie pas d'une inexécution grave par son cocontractant des obligations d'assistance et de conseil qu'il avait souscrites.

Le jugement critiqué sera donc confirmé en ce qu'il a condamné la société Le Flecher au paiement des deux factures en cause.

Sur la demande en paiement d'une facture pro-forma de 4 058 euros HT

La société Blygold France a facturé à son ancien franchisé les prestations qu'elle a réalisées au profit de l'un de ses clients, la société Axima, compte tenu des désordres survenus sur un chantier réalisé par la société Le Flecher. Mais ceux-ci étaient en relation avec l'utilisation du produit Polual lequel provoquait l'apparition de cloques non imputables à des maladresses de mise en œuvre mais à des caractéristiques inhérentes au produit lui-même ou au moins aux conditions préconisées par l'intimée pour sa mise en œuvre, conditions qu'elle a ensuite revues.

Les reprises litigieuses étaient donc la conséquence directe des carences du franchiseur dans l'exécution de ses obligations de conseil et d'assistance, de sorte qu'il lui incombe d'en assumer le coût.

Sur la demande de dommages-intérêts de la société Blygold France pour rupture abusive et prématurée et pour atteinte à son image.

La société Blygold France n'a pas subordonné la résiliation du contrat au respect du délai de préavis prévu au contrat, de sorte qu'elle n'est pas fondée à se plaindre a posteriori du non-respect de ce préavis.

Par ailleurs, les litiges survenus sur plusieurs chantiers, indépendamment de la société exécutant les travaux, démontrent que la prétendue atteinte à son image, d'ailleurs non démontrée, serait en tout état de cause sans lien avec la rupture du contrat de franchise litigieux. La demande présentée de ce chef sera donc rejetée.

Sur les demandes reconventionnelles de la société Le Flecher

La société Le Flecher se plaint de désordres apparus à l'occasion de la rénovation des tours aéroréfrigérantes à compter du mois de février 2008, désordres affectant, selon ses affirmations non démontrées, sept chantiers. Elle verse aux débats une lettre adressée par la société Blygold Sud-Ouest de laquelle il résulte que celle-ci a elle aussi dû effectuer des reprises sur une dizaine de chantiers portant sur la rénovation de tours aéroréfrigérantes malgré l'application de la procédure préconisée par le franchiseur. Elle se prévaut également de l'assignation délivrée à la société Blygold France par la société Balticare, laquelle fait également état d'une dégradation des produits Blygold avec apparition de cloques, sur une tour aéroréfrigérante. Il s'infère de l'ensemble de ces pièces que les désordres n'étaient pas imputables à l'entreprise qui mettait les produits en œuvre mais résultait des qualités du produit lui-même, étant souligné que le franchiseur s'engageait à une obligation de conseil et d'assistance des utilisateurs qu'il sélectionnait mais n'assumait pas une obligation de garantie des produits eux-mêmes.

L'appelante affirme avoir dû assumer des travaux injustifiés de reprise de garantie qu'elle impute aux déficiences de certains produits Blygold. Mais, les pièces produites n'établissent pas que les prestations dont elle réclame le remboursement étaient en relation avec des défectuosités imputables aux consignes de mise en œuvre des produits critiqués, les motifs avancés pour justifier la résiliation du contrat étant au contraire plus larges et plus diffus. La preuve du bien-fondé de cette prétention n'est dès lors pas rapportée.

Elle se plaint également d'une baisse de son chiffre d'affaires mais dans le compte rendu de réunion du 24 avril 2009, elle imputait ses difficultés à un problème de personnel, évoquant le besoin d'une assistante pour gérer la partie administrative et la gestion commerciale et indiquant comme objectif, son intention de stopper la prospection pour relancer les prospects et les offres en cours. Le lien de causalité entre la baisse du chiffre d'affaires constaté au cours de l'exercice 2008-2009 et les reproches adressés au franchiseur n'est dès lors pas démontré, les désordres spécifiques mis en évidence de manière échelonnée au cours de l'exercice en cause étant au contraire d'apparition trop récente pour expliquer cette chute.

La société Le Flecher qui a pris l'initiative de la rupture unilatérale immédiate du contrat de franchise ne peut davantage se plaindre d'avoir toujours en sa possession des stocks de produits dont l'accumulation résulte à tout le moins d'une mauvaise gestion de ses commandes.

Ayant choisi de mettre un terme anticipé à la franchise, elle ne peut non plus se plaindre de ne pas recueillir les profits qu'elle aurait pu retirer du maintien du contrat, étant rappelé que le droit d'entrée dans le réseau était modeste (5 400 euros) et que le contrat a été exécuté de manière satisfaisante pendant près de trois ans avant que l'apparition de désordres circonscrits ne l'incite à en provoquer la résiliation immédiate, ce qu'elle a obtenu sans encourir de frais ou pénalités.

Le préjudice résultant de l'atteinte à son image n'est pas davantage démontré, les désordres incriminés ayant été circonscrits dans le temps et en ce qui concerne les chantiers en cause.

Chacune des parties succombant partiellement dans ses prétentions, les demandes respectives au titre de l'article 700 du Code de procédure civile seront rejetées.

Par ces motifs : LA COUR, Ecarte des débats les pièces numérotées 26 à 28 communiquées par la société Blygold France le 12 octobre 2012 ; Confirme le jugement rendu le 27 mai 2011 par le Tribunal de commerce de Lorient en ce qu'il a condamné la société Le Flecher à payer à la société Blygold France la somme de 4 487,11 euros en paiement des factures n° 5696 et 5771 avec intérêts au taux légal à compter du 16 février 2010 ; Le réformant pour le surplus et statuant à nouveau, Rejette le surplus des demandes de la société Blygold France et des demandes reconventionnelles de la société Le Flecher ; Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la société Le Flecher aux entiers dépens de la procédure de première instance et d'appel et dit qu'ils seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.