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Décisions

CA Douai, 1re ch. sect. 2, 13 février 2013, n° 11-04958

DOUAI

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Capi (SARL)

Défendeur :

Chanel (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Zenati

Conseillers :

Mme Duperrier, M. Poupet

Avocats :

SCP Cocheme Labadie Coquerelle, Mes Dragon, Franchi, Meslay-Caloni

TGI Lille, du 24 avr. 2008

24 avril 2008

Faits procédure et prétentions des parties

La société Chanel, constatant que certains de ses produits étaient proposés à la vente par une solderie à l'enseigne "Noz", gérée par la société Capi, non référencée comme distributeur agréé, a fait assigner cette dernière principalement aux fins d'obtenir la cessation des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale ainsi que l'indemnisation de ses préjudices.

Le Tribunal de grande instance de Lille par jugement du 24 avril 2008 a :

- dit que la société Capi a commis des actes de contrefaçon des marques Chanel et Chanel en double C appartenant à la société Chanel,

- condamné en conséquence la société Capi à verser à la société Chanel la somme de 8 000 euro à titre de dommages et intérêts,

- dit que la société Capi a également commis des actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société Chanel,

- condamné en conséquence la société Capi à verser à la société Chanel la somme de 7 000 euro à titre de dommages et intérêts,

- interdit à la société Capi de vendre des produits portant les marques Chanel ou Chanel en double C sans l'autorisation de la société Chanel sous astreinte de 100 euro par produit vendu,

- ordonné la publication de la décision,

- condamné la société Capi à verser à la société Chanel la somme de 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire.

Statuant sur appel interjeté par la société Capi, la cour autrement composée, a confirmé ce jugement et, y ajoutant, a condamné la société Capi à payer en outre à la société Chanel le coût d'un constat d'huissier et des frais d'avocat afférents à la procédure sur requête, ainsi que la somme de 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Sur pourvoi formé par la société Capi, cet arrêt a été partiellement cassé en ce qu'il a condamné la société Capi à payer à la société Chanel la somme de 7 000 euro pour actes de concurrence déloyale.

Aux termes de ses dernières conclusions récapitulatives, la société Capi, demanderesse à la saisine, soutient qu'elle n'aurait commis aucune faute et que la société Chanel ne subirait aucun préjudice car elle s'adresse à une clientèle distincte de la sienne ; que la société Chanel ne démontrerait pas l'existence d'un préjudice distinct de celui ayant déjà donné lieu à l'octroi des dommages et intérêts pour contrefaçon. Elle demande à la cour dans ces conditions d'infirmer le jugement rendu le 24 avril 2008, et débouter la société Chanel de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour actes de concurrence déloyale et sa condamnation à lui verser la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Chanel dans ses dernières écritures récapitulatives soutient que la société Capi a violé les dispositions de l'article L. 442-6-I 6° du Code de commerce en s'approvisionnant dans des conditions anormales, en violation de son réseau de distribution sélective, et lui réclame la somme de 20 000 euro à titre de dommages et intérêts, outre celle de 20 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 septembre 2012.

Motifs de la décision

Attendu que la décision de la Cour de cassation est motivée par le fait que, pour retenir que la société Capi avait commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société Chanel et la condamner au paiement de dommages et intérêts, l'arrêt a relevé qu'elle avait distribué des produits de grand luxe recouverts d'une marque de prestige particulièrement notoire, dans des conditions qui ne pouvaient que porter atteinte à l'image et au prestige de ces marques puisque les produits "Chanel" ont été présentés comme dégriffés ou provenant de fins de série ou de sinistres, et qu'elle avait entendu bénéficier de la notoriété des marques en cause et des produits de la société Chanel pour attirer à elle des clients qu'elle ne pouvait pourtant plus satisfaire; qu'en se déterminant ainsi sans caractériser des faits distincts de ceux retenus pour justifier l'absence d'épuisement du droit de la marque Chanel et la condamnation de la société Capi pour contrefaçon de cette marque, la cour n'avait pas donné de base légale à sa décision ;

Attendu qu'il résulte des dispositions définitivement admises de l'arrêt de la cour d'appel du 10 mars 2010 que les produits Chanel vendus en 2005 par la société Capi sont authentiques comme provenant de stocks de la société Galeries rémoises exploitant à Reims un magasin à l'enseigne "Printemps" faisant partie des distributeurs agréés de la société Chanel, déclarée en redressement judiciaire le 15 décembre 2002, converti en liquidation judiciaire le 21 octobre 2003, stocks vendus pour partie aux enchères le 13 décembre 2004 suivant ordonnance du juge-commissaire du 7 novembre 2003 à la société Futura Finances qui a acquis un lot de cosmétiques et produits de parfumerie, qu'elle a elle-même vendu à la société Capi qui les a mis en vente dans sa solderie Noz ; que le fait que ces produits ont été mis sur le marché par la société Chanel qui les a fournis à son distributeur exclusif les Galeries rémoises n'épuisait pas ses droits au sens de l'article L. 713-4 du Code de la propriété intellectuelle dès lors que leur vente aux enchères était intervenue en violation de son contrat de distribution et qu'elle s'y était spécialement opposée ; qu'ils se sont retrouvés vendus en solderie dans des conditions incompatibles avec l'image de marque Chanel qui a été utilisée sur une affiche comme une marque d'appel ; que de ces éléments la cour en a déduit que la société Capi s'est rendue coupable de contrefaçon à l'encontre de la société Chanel, la pratique de la société Capi étant d'autant plus illicite que les produits en cause portaient sur leur emballage la mention "Ne peut être vendu que par les dépositaires agréés Chanel" ;

Attendu que l'article L. 442-6 I 6° du Code de commerce dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé, le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de participer directement ou indirectement à la violation de l'interdiction de revente hors réseau faite au distributeur lié par un accord de distribution sélective ou exclusive exempté au titre des règles applicables du droit de la concurrence ;

Attendu que le seul fait de commercialiser des produits relevant d'un réseau de distribution sélective - dont la licéité en l'espèce n'est pas discutée par la société Capi - ne constitue pas en lui-même, en l'absence d'autres éléments, un acte de concurrence déloyale ;

Attendu qu'il n'est pas démontré que l'acquisition de ces produits par la société Capi serait illicite ; qu'elle est en effet intervenue auprès de la société Futura Finances qui les avait acquis dans le cadre d'une vente judiciaire du stock des Galeries rémoises, distributeur agréé ; que si la cour d'appel a définitivement jugé que la société Chanel s'était opposée à la vente aux enchères envisagée auprès du juge-commissaire et a formulé une offre de rachat pour en déduire l'absence d'épuisement de ses droits sur sa marque ainsi que l'existence de motifs légitimes pour s'opposer à tout nouvel acte de commercialisation, il n'est pas établi que la société Capi avait connaissance que sa venderesse se serait approvisionnée en violation d'une interdiction de revente en dehors du réseau de distribution sélective ;

Attendu que les circonstances dans lesquelles les produits litigieux ont été commercialisés par la société Capi (dans une solderie, avec l'image de la marque Chanel utilisée sur une affiche comme une marque d'appel alors que la quantité de produits était peu importante en sorte que le stock a été rapidement épuisé) constituent des faits qui ont été retenus pour caractériser la contrefaçon ; que n'étant pas distincts de ces derniers, ils ne peuvent caractériser les faits de concurrence déloyale, de sorte que, infirmant le jugement entrepris dans ses dispositions dévolues à la cour, la société Chanel sera déboutée de sa demande de condamnation de la société Capi sur ce fondement ;

Attendu que l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : Infirme le jugement entrepris en ses dispositions dévolues à la cour, Statuant à nouveau et y ajoutant, Déboute la sas Chanel de sa demande sur le fondement de la concurrence déloyale, Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la SAS Chanel aux dépens de la présente instance, distraits conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.