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Décisions

ADLC, 26 février 2013, n° 13-D-05

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

Relative à des pratiques mises en oeuvre par la société Kalivia dans le secteur de l'optique-lunetterie

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré sur le rapport oral de Mme Estelle Peres Bonnet, rapporteure, l'intervention de M. Etienne Pfister, rapporteur général adjoint, par Mme Françoise Aubert, vice-présidente, présidente de séance, MM. Jean-Vincent Boussiquet, Yves Brissy, Noël Diricq, Jean-Bertrand Drummen, membres.

ADLC n° 13-D-05

26 février 2013

L'Autorité de la concurrence (section II),

Vu la lettre enregistrée le 1er juin 2010 sous le numéro 10-0055 F par laquelle le Syndicat des opticiens sous enseigne (SynOpE) a saisi l'Autorité de la concurrence de pratiques mises en œuvre par la société Kalivia dans le secteur de l'optique-lunetterie ; Vu la lettre enregistrée le 17 janvier 2011 sous le numéro 11-0007 F par laquelle la société Optiswiss AG a saisi l'Autorité de pratiques mises en œuvre par la société Kalivia dans le secteur de l'optique-lunetterie ; Vu la lettre enregistrée le 24 mars 2011 sous le numéro 11-0023 F par laquelle la société Balou Holding a saisi l'Autorité de la concurrence de pratiques mises en œuvre par la société Kalivia dans le secteur de l'optique-lunetterie ; Vu la décision du 5 avril 2011 par laquelle le rapporteur général adjoint a procédé à la jonction de l'instruction de ces affaires ; Vu les articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; Vu le livre IV du Code de commerce modifié ; Vu les décisions de secret des affaires 11-DSA-51 (SynOpE), 11-DSA-82 (Optiswiss), 11-DSA-127 (Kalivia), 11-DSA-166 (Balou Holding), 11-DSA-170 (Itélis), 11-DSA-175 (MGEN), 11-DSA-180 (Groupama), 11-DSA-182 (Carte Blanche), 11-DSA-212 (SynOpE), 11-DSA-285 (Gadol Optic 2000), 11-DSA-348 (Balou Holding), 12-DSA-30 (Optiswiss), 12-DSA-60 (SynOpE), 12-DSA-93 (Balou Holding), 12-DSA-98 (Jalma), 12-DSA-99 (Kalivia), 12-DSA-140 (Kalivia), 12-DSA-141 (Optiswiss), 12-DSA-171 (SynOpE), 12-DSA-197 (Malakoff-Médéric), 12-DSA-201 (Union Harmonie Mutuelles), 12-DSA-217 (Viamedis), 12-DSA-218 (Union Harmonie Mutuelles), 12-DSA-227 (Krys Group Services), 12-DSA-228 (Malakoff-Médéric) et 12-DSA-422 (Balou Holding) ; Vu les décisions de déclassement 12-DECR-18 (Carte Blanche), 12-DECR-19 (Optiswiss), 12-DECR-20 (Malakoff-Médéric), 12-DECR-21 (Union Harmonie Mutuelles), 12-DECR-22 (Viamédis), 12-DECR-23 (Jalma), 12-DEC-35 (Balou Holding), 12-DEC-36 (Kalivia), 12-DEC-37 (Itélis), 12-DEC-38 (MGEN), 12-DEC-39 (Krys Group Services) et 12-DEC-40 (SynOpE) ; Vu la proposition de non-lieu établie par la rapporteure en date du 17 septembre 2012 ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu les observations présentées par le SynOpE, les sociétés Optiswiss AG, Balou Holding et Kalivia et le commissaire du Gouvernement ; La rapporteure, le rapporteur général adjoint, le commissaire du Gouvernement et les représentants du SynOpE, des sociétés Optiswiss AG, Balou Holding et Kalivia entendus lors de la séance de l'Autorité de la concurrence du 16 janvier 2013 ; Mme X, associée de la société AX Partners, entendue sur le fondement des dispositions de l'article L. 463-7 alinéa 2 du Code de commerce en tant qu'ancienne directrice générale de la société Jalma ; Adopte la décision suivante :

I. Constatations

A. LES SECTEURS D'ACTIVITÉ CONCERNÉS

1. LE SECTEUR DE L'OPTIQUE-LUNETTERIE

1. Le secteur de l'optique-lunetterie a connu une progression importante, avec une hausse de la consommation d'optique de l'ordre de 59,6 % entre 2000 et 2010. En 2011, ce secteur représentait un chiffre d'affaires estimé à 5,703 milliards d'euros (1). Les dépenses d'optique-lunetterie figurent ainsi parmi les principaux postes de consommation relatifs à l'équipement de la personne. Selon les données de l'INSEE, les prix réels à la consommation dans ce secteur ont également connu une augmentation constante depuis 2000.

2. L'industrie de l'optique-lunetterie regroupe plusieurs grandes catégories de produits (telles que les montures de lunettes, les verres ophtalmiques, les lentilles correctrices et les solaires). La présente affaire concerne plus particulièrement les verres ophtalmiques, qui, selon l'institut GfK, représentaient en 2010 un chiffre d'affaires d'environ 2,81 milliards d'euros, soit 52,4 % du marché en valeur (alors que les montures en représentaient 25,2 %, et les lentilles 6,6 %) (2).

a) Les intervenants

3. Le secteur de l'optique-lunetterie regroupe en amont les fournisseurs de produits d'optique, et en aval les distributeurs desdits produits. Plusieurs centrales d'achat interviennent également dans ce secteur, dont certaines réalisent des prestations relevant de l'activité de fabrication (telles que le surfaçage et le traitement des verres).

4. Schématiquement, la chaîne de distribution peut être représentée comme suit :

<EMPLACEMENT SCHEMA 1>

Schéma n° 1 : La chaîne de distribution dans le secteur de l'optique-lunetterie

Source : Etude Xerfi 700, Lunettes (fabrication) - Octobre 2010, p.12.

La fourniture de verres ophtalmiques

5. Il existe peu de données sur le marché de la fourniture de verres ophtalmiques qui permettraient une estimation très précise de sa taille et des parts de marché respectives des différents fournisseurs. Ce marché apparaît néanmoins concentré puisque, selon les estimations du SynOpE pour 2011, les trois principaux acteurs se partageaient environ 90 % du marché en valeur : le groupe français Essilor, leader mondial (avec une part estimée à environ 70 %), suivi du groupe allemand Carl Zeiss (environ 11 %), puis du groupe japonais Hoya (environ 9 %).

Le commerce de gros de produits d'optique-lunetterie

6. Pour leur approvisionnement, les opticiens peuvent s'appuyer sur des centrales d'achat qui leur permettent de bénéficier de la force d'un groupement pour les négociations auprès des fournisseurs, tout en demeurant rattachés, le cas échéant, à leur propre enseigne. Ils peuvent choisir, auprès de la centrale, les produits des fournisseurs référencés par celle-ci, ainsi que, dans certains cas, des produits propres à la centrale.

La distribution de détail de produits d'optique-lunetterie

7. La distribution des produits d'optique-lunetterie est assurée par des opticiens-lunetiers, une profession réglementée, notamment, par le Code de la santé publique.

8. En France, le nombre de points de vente dans le secteur de l'optique-lunetterie n'a cessé de croître au cours des dernières années : il est passé de 8 700 en 2003 à 11 400 en 2012 (voir tableau n° 1 infra).

Tableau n° 1 : Evolution du nombre de magasins

Année / Nombre de magasins

2003 / 8 700

2004 / 8 758

2005 / 9 138

2006 / 9 500

2007 / 9 831

2008 / 10 111

2009 / 10 520

2010 / 10 851

2011 / 11 100

2012 / 11 400

Source : Institut GfK

b) Le financement des dépenses d'optique-lunetterie

Les intervenants

9. Le financement des dépenses d'optique-lunetterie est assuré par trois catégories d'intervenants :

L'Assurance maladie

10. Certaines catégories de produits d'optique-lunetterie sont considérées comme des dispositifs médicaux remboursables par l'Assurance maladie. C'est le cas notamment des montures de lunettes, des verres ophtalmiques et des lentilles de contact.

11. Le taux de remboursement moyen de ces produits par l'Assurance maladie est cependant faible, de l'ordre de 5 %. En 2009, la prise en charge du financement des lunettes par l'Assurance maladie était estimée à 8 euros en moyenne pour un adulte (5 euros pour les verres) et 38 euros pour un enfant (21 euros pour les verres). Selon les estimations de la DREES, en 2010, le montant total des dépenses d'optique-lunetterie pris en charge par l'Assurance maladie était 12,5 fois inférieur aux dépenses des consommateurs dans ce secteur (3).

Les organismes complémentaires d'assurance maladie

12. En contrepartie des cotisations versées par les clients ayant souscrit une assurance santé, les organismes complémentaires d'assurance maladie (ci-après OCAM) prennent en charge tout ou partie des dépenses de santé non remboursables par l'Assurance maladie.

13. Selon les estimations les plus récentes à ce sujet (4), environ 94 % de la population serait affiliée à un OCAM, soit par un contrat individuel (souscrit de la propre initiative de l'assuré), soit par un contrat collectif (souscrit par une entreprise). Ce dernier type de contrats permet généralement un niveau de couverture plus avantageux, notamment en ce qui concerne les dépenses d'optique-lunetterie.

14. Ce sont essentiellement les OCAM qui contribuent au financement des dépenses d'optique-lunetterie. La part de ces dépenses prise en charge par les OCAM était ainsi estimée, en moyenne, à 45 % en 2009. Il ressort également des données publiées par la DREES pour cette même année que les remboursements de dépenses d'optique représentaient en moyenne 17 % des dépenses des OCAM en matière de soins de santé - cette part pouvant varier sensiblement selon le type d'OCAM concerné (mutuelles, sociétés d'assurance ou institutions de prévoyance).

Les ménages

15. Les ménages financent la partie des dépenses restantes (le "reste à charge"). Selon la DREES, la part des ménages dans le financement des dépenses d'"autres biens médicaux" (catégorie qui inclut en particulier l'optique et le matériel tels que les fauteuils roulants) a diminué en 2010 en raison notamment de l'augmentation du nombre de patients pris en charge et d'une plus forte participation des OCAM (5). Le taux de reste à charge pour ce type de biens médicaux est ainsi passé de 22,3 % en 2009 à 21,4 % en 2010 (6).

Le mécanisme de tiers-payant

16. Pour leurs dépenses d'optique, les assurés peuvent bénéficier du système de "tiers-payant". Ce système dispense l'assuré, sous certaines conditions, de faire l'avance des sommes remboursables, qui sont alors payées directement au professionnel de santé par l'Assurance maladie et/ou l'OCAM concerné.

17. Ce système suppose la mise en place d'accords avec les professionnels de santé. Les OCAM doivent également mettre en place les outils nécessaires au suivi des demandes de prise en charge, à la gestion des factures et aux prestations de télétransmission. Il est fréquent qu'ils s'adressent, pour cela, à des sociétés spécialisées.

c) Les réseaux d'opticiens agréés

18. En tant que principaux contributeurs au financement de certaines dépenses de santé, plusieurs OCAM ont souhaité développer de nouvelles formes de partenariat avec les professionnels, allant au-delà du système de tiers-payant et visant à limiter le montant de ces dépenses.

19. Depuis quelques années, les OCAM organisent ainsi des appels d'offres pour mettre en place des réseaux de professionnels agréés avec pour objectif de proposer de meilleurs rapports qualité/prix à leurs assurés.

20. Aujourd'hui, dans le secteur de l'optique-lunetterie, les principaux réseaux sont :

- Carte Blanche ;

- Itelis ;

- Kalivia ;

- MGEN ;

- Santéclair ;

- Sévéane.

21. D'autres réseaux ont été mis en place par des OCAM dans ce secteur ; ils ne sont cependant pas comparables aux réseaux précités dans la mesure où il ne s'agit pas de réseaux dits "sous contrainte de prix" (c'est-à-dire qu'ils n'ont pas pour objet l'obtention d'un meilleur rapport qualité/prix pour les assurés des OCAM concernés) et où leur activité se limite généralement à la fourniture de prestations de tiers-payant.

La constitution des réseaux

22. Ces réseaux ont, pour la plupart, été mis en place dans le cadre de partenariats entre plusieurs OCAM.

23. Ils ont été constitués sur la base d'appels à candidatures ouverts à tous les opticiens. Les OCAM concernés ont néanmoins, pour la plupart, cherché à définir des nombres cibles d'opticiens permettant d'assurer un maillage territorial suffisant tout en permettant aux opticiens agréés d'espérer un certain flux de clientèle en contrepartie des réductions tarifaires consenties.

24. La sélection des opticiens a généralement été opérée en fonction de critères tarifaires, mais également de critères qualitatifs, relatifs notamment aux caractéristiques des magasins (superficie, équipements, horaires), à la formation du personnel et à la gamme de produits.

25. Ces réseaux ont été formalisés au moyen de conventions conclues entre :

- d'une part, un gestionnaire de réseau (selon le cas un OCAM ou une "plateforme de gestion de réseau") ;

- d'autre part, chacun des opticiens sélectionnés.

Le fonctionnement des réseaux

26. Les conventions conclues entre les gestionnaires de réseaux et les opticiens sélectionnés prévoient généralement des engagements des parties concernant :

- l'orientation des assurés vers l'opticien agréé ;

- la mise en place d'un système de tiers-payant au bénéfice des assurés ;

- la qualité des services rendus et du matériel vendu ;

- le respect d'une certaine modération tarifaire.

27. Ces conventions ont été mises en place pour une durée limitée pouvant varier, selon les réseaux, entre une année et quatre années. Aucune de ces conventions ne stipule de clause d'exclusivité, les opticiens sont donc libres d'adhérer simultanément à plusieurs réseaux.

28. Quant à la gestion de ces réseaux, elle est opérée soit en direct par les OCAM concernés, soit, le plus souvent, par des "plateformes de gestion" qui prennent la forme d'entreprises communes ou de groupements d'intérêts et qui peuvent être amenées à gérer en parallèle plusieurs réseaux (opticiens, dentistes, audioprothésistes, etc.).

Le financement des dépenses dans le cadre des réseaux

29. Le niveau des prix dans le cadre de réseaux d'opticiens agréés est inférieur en moyenne à celui du marché (de 15 à 40 % selon les réseaux et les équipements concernés (7)).

30. La part de financement des dépenses d'optique-lunetterie prise en charge par les OCAM pour des achats effectués dans le cadre de ce type de réseaux varie d'un OCAM à l'autre et dépend des niveaux de garantie. Certains OCAM pratiquent un remboursement différencié permettant à leurs assurés de bénéficier d'un meilleur taux de remboursement (8), ou d'une bonification, pour les achats réalisés dans le cadre du réseau. Globalement, la part de "reste à charge" des assurés pour des achats effectués dans le cadre de ce type de réseaux est inférieure à celle que l'on retrouve, en moyenne, pour des achats réalisés en dehors de ces réseaux (9).

2. LE SECTEUR DE L'ASSURANCE MALADIE COMPLÉMENTAIRE

31. Les organismes actifs dans le domaine de l'assurance maladie complémentaire peuvent être classés en trois catégories en fonction de leur régime juridique :

- les mutuelles (dites "mutuelles 45" (10)), qui sont des sociétés de personnes de droit privé à but non lucratif, immatriculées au registre national des mutuelles qui ne peuvent intervenir que dans le domaine de l'assurance de personnes et relèvent du Code de la mutualité ;

- les sociétés d'assurance, qui sont des personnes morales de droit privé constituées soit sous la forme de sociétés anonymes commerciales à but lucratif, soit sous la forme de "sociétés d'assurance mutuelle" (SAM) (11) à but non lucratif qui interviennent principalement dans le domaine de l'assurance de dommages et sont régies par le Code des assurances ;

- les institutions de prévoyance, qui sont des sociétés de personnes de droit privé à but non lucratif qui interviennent essentiellement dans le domaine de la prévoyance collective et qui ne peuvent exercer leur activité que dans le domaine de l'assurance de personnes. Ces institutions sont constituées sur la base d'une convention collective, d'un accord d'entreprise ou d'un accord entre des membres "participants" (les salariés) et des membres "adhérents" (les entreprises) et relèvent du Code de la sécurité sociale ou du Code rural (pour celles qui interviennent dans le secteur agricole).

32. Les mutuelles sont prédominantes sur le marché de la complémentaire santé : selon la DREES (12), elles représentaient plus de 56 % dans l'assiette globale du Fonds CMU en 2011 (13) (contre 27 % pour les sociétés d'assurance, et 17 % pour les institutions de prévoyance).

33. Le secteur de l'assurance a connu un mouvement important de consolidation au cours des dix dernières années. Le marché de la fourniture de prestations de services d'assurance maladie complémentaire n'en demeure pas moins un marché très morcelé puisque plusieurs centaines d'opérateurs y sont actifs (713 organismes comptabilisés par le Fonds CMU en 2010 (14)).

34. Parmi ces centaines d'opérateurs, il existe d'importantes disparités en termes de structure d'activité, de taille, et de chiffres d'affaires. Selon une étude réalisée par La Financière de la cité, les dix premiers opérateurs représentent 50 % du marché et seuls les plus importants disposent de réseaux de professionnels agréés (15).

B. LES ENTREPRISES CONCERNÉES

1. LES ENTREPRISES SAISISSANTES

a) Le Syndicat des opticiens sous enseigne (SynOpE)

35. Le premier saisissant, le SynOpE, est une organisation professionnelle dont le rôle consiste à "élaborer et à faire respecter l'éthique de la profession, à valoriser le métier d'opticien et permettre une évolution de ses compétences, à faciliter les échanges entre ses membres, à défendre leurs intérêts collectifs et à resserrer les liens avec les autres professions de la vision" (16).

36. Cette organisation a été créée officiellement le 12 février 2004.

37. Le SynOpE représente et compte parmi ses adhérents des magasins franchisés, des magasins succursalistes et des groupements coopératifs. Les enseignes membres du SynOpE représenteraient aujourd'hui près de 2 600 points de vente (soit environ 25 % des points de vente du secteur) et 29 % du chiffre d'affaires réalisé en France dans le secteur de l'optique-lunetterie.

b) Optiswiss

38. Le second saisissant, Optiswiss, est une société de droit suisse active dans la fabrication de verres ophtalmiques et d'autres matériels d'optique (petits équipements destinés aux opticiens pour la fabrication de lunettes).

39. Cette société a été fondée à Bâle, en 1937, sous le nom de Flemming puis reprise, en décembre 1981, par Optiswiss AG, nouvellement fondée. En 1997, l'entreprise allemande Carl Zeiss (active dans la fabrication de dispositifs médicaux, et l'un des principaux fabricants mondiaux de verres ophtalmiques) est devenue l'actionnaire principal d'Optiswiss AG.

40. Optiswiss se présente aujourd'hui comme "une entreprise internationale et le premier producteur de verres ophtalmiques en Suisse" (17) et est à la tête du groupe Optiswiss, actif dans 26 pays. En France, le groupe Optiswiss distribue ses verres par l'intermédiaire de deux entités : la société Optiswiss AG et la société Optiswiss France (une filiale à 100 %).

c) Balou Holding

41. Le troisième saisissant, Balou Holding, est une société par actions simplifiée active dans la fabrication et la distribution de produits d'optique.

42. Elle a été créée le 10 octobre 1982 et détient aujourd'hui le contrôle de plusieurs filiales dont notamment la société holding, Jobal Expansion Optic, qui regroupe une vingtaine de magasins d'optique sous enseigne "Optissimo" et la société Laboratoire Verbal, plus spécifiquement concernée par la saisine.

43. La société Laboratoire Verbal, créée par Balou Holding en 1992, est spécialisée dans la fabrication de verres ophtalmiques. Elle assure le traitement de verres non traités ou semi-finis et vend ses produits dans plus de 20 pays, dont la France.

44. Ainsi, Balou Holding est actuellement en France l'une des seules sociétés intégrées disposant de son propre laboratoire de production. Les magasins Optissimo s'approvisionnent principalement auprès de Laboratoire Verbal. En 2010, 70 % du chiffre d'affaires de Laboratoire Verbal a été réalisé au sein du groupe Balou Holding, auprès des magasins Optissimo.

2. LES ENTREPRISES VISÉES PAR LES SAISINES

a) Kalivia

45. Kalivia est une société par actions simplifiée née d'un accord de partenariat entre Malakoff-Médéric et l'Union Harmonie Mutuelles (ci-après collectivement désignés OCAM associés) et détenue à parts égales par ces deux groupements. Son activité est celle d'une "plateforme de gestion" : Kalivia assure pour le compte des OCAM associés la gestion d'un réseau d'opticiens agréé (ci-après réseau Kalivia) et, depuis 2012, d'un réseau d'audioprothésistes.

46. Cette société dispose d'une personnalité juridique, d'un organe de gouvernance, d'un personnel et d'actifs qui lui sont propres pour réaliser sa mission. Sa gouvernance est assurée par un comité de direction composé de quatre représentants de chacun des OCAM associés.

47. A l'origine (c'est-à-dire au jour de la mise en place du réseau Kalivia, le 1er juin 2010), les organismes ayant accès au réseau Kalivia étaient les cinq organismes suivants, affiliés au groupe Malakoff-Médéric :

- Médéric Prévoyance ;

- L'Urpimmec ;

- Médéric Mutualité ;

- Mutualiste Malakoff ;

- Quatrem.

48. A partir de janvier 2011, l'accès au réseau Kalivia a été progressivement ouvert aux assurés des quatre organismes suivants, qui font partie de l'Union Harmonie Mutuelles :

- Harmonie Mutualité ;

- Prévadiès ;

- Mutuelle Existence ;

- Mutuelle Nationale Aviation Marine.

49. Les organismes cités aux points 47 et 48 supra sont collectivement désignés "OCAM membres" ci-après.

b) Malakoff-Médéric

50. Malakoff-Médéric est une institution de prévoyance. Il s'agit d'un groupe paritaire et mutualiste non-lucratif implanté en France et ayant pour activité la gestion de la retraite complémentaire et l'assurance de personnes en santé, prévoyance et épargne.

51. Le groupe Malakoff-Médéric - qui résulte de la fusion, en 2008, des sociétés Malakoff et Médéric - se présente aujourd'hui comme le "n° 2 en assurances collectives de personnes" (18). Les contrats collectifs représentent 70 % de son chiffre d'affaires (les 30 % restants concernent des contrats individuels). En 2011, ce groupe assurait environ 182 000 entreprises au titre de l'assurance de personnes. Le nombre d'assurés couverts au titre de la protection complémentaire santé serait d'environ 2,2 millions.

52. En 2011, le groupe Malakoff-Médéric a généré un chiffre d'affaires de 3,4 milliards d'euros, dont environ 1,4 milliard d'euros généré par l'assurance santé complémentaire (19) ; sa part sur le marché de l'assurance maladie complémentaire pouvait être estimée à 4,5 % en valeur (cotisations perçues) et 3,5 % en volume (nombre de personnes protégées).

c) Union Harmonie mutuelles

53. L'Union Harmonie Mutuelles est un groupement de mutuelles. Il s'agit d'une union interprofessionnelle fondée en 2004 sous la forme d'une "union Livre III" régie par le Code de la mutualité. Ce groupement, constitué à l'origine par les mutuelles Prévadiès et Harmonie Mutualité, compte aujourd'hui cinq membres :

- Cesare Pozzo ;

- Harmonie Mutuelle (20) ;

- Mutuelle Mare Gaillard (depuis juillet 2011) ;

- Mutuelle Nationale de l'Aviation Marine (MNAM) ;

- Société Mutualiste de l'Agriculture (SMAR) (depuis janvier 2011).

54. En 2011, l'Union Harmonie Mutuelles assurait un peu plus de 4,5 millions de personnes au titre de la complémentaire santé et elle a généré un chiffre d'affaires de l'ordre de 2 milliards d'euros (21) ; sa part sur le marché de l'assurance maladie complémentaire pouvait être estimée à 6 % en valeur et 7,3 % en volume.

C. LE RÉSEAU Kalivia

a) La constitution du réseau

Le travail préparatoire de mise en place

55. Les OCAM associés ont confié à un prestataire externe (la société Jalma) la mission de les assister dans la mise en place du réseau, notamment en rassemblant des informations relatives au marché de l'optique-lunetterie et en concevant un "référentiel tarifaire cible" sur la base duquel s'opérerait l'évaluation de "l'effort tarifaire" des opticiens candidats.

L'appel initial à propositions

56. Le 15 mars 2010, Kalivia a lancé un appel à propositions invitant tout opticien intéressé à soumettre une proposition.

57. Kalivia a établi un "règlement de l'appel à propositions du Réseau optique Kalivia" (ci-après règlement de l'appel à propositions) qui fournissait des informations concernant les critères de sélection des opticiens et détaillait les modalités de soumission par ces derniers de leurs propositions.

La sélection des opticiens partenaires

58. Plus de 5 000 opticiens (ci-après opticiens candidats) ont soumis leurs propositions ; ils représentaient environ 48 % des points de vente sur le marché français. Au final, 2 575 opticiens ont été retenus (soit environ 50 % des opticiens candidats).

Les appels intermédiaires à propositions

59. Plusieurs appels "intermédiaires" à propositions ont été organisés par la suite, destinés aux magasins d'optique venant d'être créés : un premier en octobre 2010, un second en mai 2011 et un troisième en février 2012.

60. En fin d'année 2012, le réseau Kalivia comptait environ 2 300 opticiens, plus de 300 opticiens ayant choisi de quitter le réseau depuis sa mise en place.

b) Les modalités et les principes de fonctionnement du réseau

Les Contrats de conventionnement

61. Les relations contractuelles entre Kalivia et les opticiens sélectionnés à la suite de l'appel à propositions (ci-après opticiens partenaires) étaient régies par un "contrat de conventionnement" conclu individuellement par chaque point de vente.

62. Ce contrat de conventionnement précisait qu'il "[...] régi[ssait] le dispositif de Conventionnement entre Kalivia et l'Opticien partenaire au bénéfice de l'ensemble des Bénéficiaires" (22). Les "bénéficiaires du réseau" étaient définis comme les "[...] Bénéficiaires d'Organismes d'assurance maladie complémentaire dont la liste figure en annexe du présent contrat [...]" (23). L'annexe à laquelle il était ainsi fait référence contient une "Liste des Organismes d'assurance complémentaire santé ayant accès aux services du Réseau" (24) qui mentionne une dizaine d'organismes rattachés, selon le cas, soit à Malakoff-Médéric, soit à l'Union Harmonie Mutuelles.

La charte qualité

63. Parallèlement au contrat de conventionnement, Kalivia a établi une "charte qualité du réseau optique Kalivia" (ci-après charte qualité) en vue de "fixer les exigences de qualité que les opticiens partenaires du réseau Kalivia s'engagent à respecter dans leurs relations avec les bénéficiaires du réseau" (25).

64. Cette charte qualité concernait tant le service que les produits fournis aux bénéficiaires du réseau. Elle fixait notamment des exigences relatives au choix des fournisseurs dont les produits peuvent être vendus à ces bénéficiaires.

65. Il était précisé à l'article 4.1. du règlement de l'appel à propositions que "La soumission par voie électronique du Dossier de proposition par l'Opticien candidat suivant les modalités définies au présent Règlement, entraîne de facto l'acceptation de l'ensemble des clauses du Contrat de conventionnement et son annexe, la Charte qualité du Réseau optique Kalivia ainsi que les conditions de l'appel à propositions telles que décrites dans le présent document" (26).

c) La durée et le renouvellement du réseau

66. Le contrat de conventionnement prévoyait en son article 4 qu'il prendrait fin le 31 décembre 2012. Les contrats de conventionnement des opticiens sélectionnés à la suite de l'appel initial à propositions ont donc été mis en place pour une durée d'environ 2,5 ans.

67. En octobre 2012, Kalivia a lancé un nouvel appel à propositions en vue du renouvellement de son réseau. Ce réseau renouvelé a été mis en place en janvier 2013 pour une période de 3 ans.

D. LES PRATIQUES DÉNONCÉES OU CONSTATÉES

1. LE RÉFÉRENCEMENT DES FOURNISSEURS

68. La société Kalivia a choisi d'opérer une sélection des fournisseurs dont les produits seraient référencés et pourraient être vendus par les opticiens partenaires aux bénéficiaires du réseau afin, selon elle, d'"[...] assurer aux Bénéficiaires du Réseau qu'ils obtiendront des verres de bonne qualité" (27).

a) La sélection de fournisseurs opérée en amont de l'appel à propositions

69. La société Kalivia a d'abord établi une liste initiale de neuf fabricants de verres qu'elle avait identifiés - en se basant sur une publication de l'institut GfK datant de 2008 - comme détenant une part de marché supérieure à 1 %. Kalivia a ensuite fait appel à la société Jalma afin que cette dernière vérifie que ces fournisseurs remplissaient un second critère : la détention d'une usine de production et de laboratoires de conception.

70. Huit fabricants ont été retenus au terme de ce processus et listés à l'article 3 du règlement de l'appel à propositions, qui disposait que :

"[...] Les fabricants retenus par Kalivia au jour du lancement du présent appel sont ceux qui détiennent une part de marché significative sur le territoire français et disposent de laboratoires de conception et de sites de production, à savoir :

Fournisseurs verres

BBGR / Nikon/Novisia

Essilor / Novacel

Hoya / Rodenstock

AO/Sola/Carl Zeiss Vision / Seiko

Par extension, sont référencés les verres desdits fabricants distribués par les enseignes suivantes sous marque de distributeur.

Marques distributeurs*

Optic 2000

Afflelou

Grand Optical

Générale d'Optique

Guildinvest

* Seuls les verres des marques distributeurs correspondant à des verres issus des catalogues généraux des fournisseurs retenus par Kalivia pourront être proposés à la vente. [...]" (28)

b) Les règles relatives au choix des fournisseurs dans le cadre du réseau

L'obligation de déclarer deux "fournisseurs principaux" choisis parmi les fournisseurs référencés

71. Afin d'évaluer "l'effort tarifaire" des opticiens candidats, il leur a été demandé de soumettre une "déclaration tarifaire" dans laquelle ceux-ci devaient déclarer les prix maxima qu'ils s'engageaient à pratiquer à l'égard des bénéficiaires du réseau, et ce relativement à chacune des références de leurs deux "fournisseurs principaux de verres".

72. Le règlement de l'appel à propositions précisait, dans une section relative aux modalités de "déclaration des fournisseurs et tarifs", qu'"il sera demandé [aux opticiens candidats] de déclarer quels sont les 2 fournisseurs principaux (c'est-à-dire représentant au moins 75 % des ventes) de verres et de lentilles de contact [et que] l'Opticien candidat a le choix parmi une liste de fournisseurs imposés (8 fournisseurs de verres, 5 marques de distributeurs s'il fait partie d'une enseigne, et 6 fournisseurs de lentilles de contact)".

73. D'autres précisions ont été apportées par la suite, notamment dans un courrier adressé le 15 avril 2010 aux opticiens partenaires, dans lequel Kalivia a écrit que : "l'opticien ne peut saisir ses tarifs que sur les verres de fournisseurs référencés par Kalivia. Nous avons en plus intégré les 5 des principales MDD, sous la condition exprès de reconnaître le Code EDI du produit source dans le catalogue général de vente d'un des fournisseurs référencés et d'en assurer la traçabilité. [...]" (29).

L'engagement de ne vendre que les produits de fournisseurs référencés

74. L'article 3 du règlement de l'appel à propositions indiquait également que "pour garantir la qualité, Kalivia a établi une liste de fournisseurs de verres et de lentilles représentatifs du marché. Les Opticiens partenaires pourront vendre aux bénéficiaires du réseau Kalivia tous les verres et les lentilles de contact de ces fournisseurs et uniquement les verres et lentilles de contacts de ces fournisseurs. [...]".

75. Le contrat de conventionnement précisait en son article 5 relatif à l'"étendue de l'offre de produit d'optique" :

"Kalivia souhaite garantir la liberté de choix des prestations pour les Opticiens partenaires et de choix des produits pour les Bénéficiaires du Réseau.

Kalivia permet par conséquent la vente par chaque Opticien partenaire de toutes les références produits de l'ensemble des fournisseurs de verres et de lentilles de contact de la liste établie par Kalivia annexée au présent contrat, dans le respect des critères de qualité définis dans la Charte qualité du Réseau optique Kalivia, annexée au présent contrat dans la mesure où elle recense des fournisseurs :

> qui représentent chacun une part significative et connue du marché français au jour du lancement de l'appel à propositions auquel a participé l'Opticien partenaire ;

> qui disposent d'un laboratoire de conception et de sites de production. [...]".

76. La charte de qualité prévoyait en son article 9.1 que : "l'Opticien s'engage à ne proposer que des verres issus des catalogues fournisseurs retenus par Kalivia mentionnés dans le règlement d'appel à propositions. [...]".

77. Dans une publication intitulée "Memo vente n° 1", adressée aux opticiens partenaires du réseau entre juin et novembre 2010 (30), Kalivia a apporté certaines précisions :

"Cas de fournisseurs non référencés par Kalivia :

> Si votre client a une prescription de lentilles ne provenant pas d'un fournisseur référencé : contactez Kalivia pour recevoir un formulaire de demande de prise en charge papier.

> La copie de l'ordonnance devra être jointe à votre demande de prise en charge, et Kalivia vous proposera un prix de vente modélisé en fonction des caractéristiques de la lentille".

78. Le fait que Kalivia ait souhaité préciser explicitement cette possibilité de demande dérogatoire pour la vente de lentilles s'explique, selon elle, par la nécessité de tenir compte du fait que les ophtalmologues sont généralement amenés à spécifier, dans leurs ordonnances, la marque des lentilles prescrites.

79. Kalivia n'a pas mentionné cette possibilité pour la vente de verres de fournisseurs non-référencés. Dans le cadre de l'instruction, Kalivia a néanmoins déclaré que "l'Opticien partenaire [pouvait] vendre des verres en provenance de fournisseurs non référencés dans Kalivia à titre exceptionnel et par dérogation traitée directement avec la plateforme Kalivia" (31).

80. Par la suite, les représentants de Kalivia ont précisé "Nous avons choisi d'intégrer le maximum de catalogues de fournisseurs. Si certains catalogues n'ont pas été intégrés dès le départ, c'est d'abord pour des raisons pratiques (il est en effet très difficile d'intégrer toutes les références au lancement du réseau). Par ailleurs, il peut y avoir un intérêt limité à intégrer techniquement et électroniquement un "petit fournisseur" dès lors que les produits de ce fournisseur peuvent être vendus dans le cadre du réseau par une procédure manuelle" (32).

81. Il ressort néanmoins de l'examen des pièces du dossier qu'en pratique les ventes réalisées dans le cadre du réseau sur la période de janvier 2011 à février 2012 étaient quasi-exclusivement des ventes de verres de fournisseurs référencés : seules 250 demandes de dérogation auraient été acceptées pendant cette période afin de permettre la vente de verres de fournisseurs non-référencés (33).

Le contrôle de la fréquence des ventes de produits autres que ceux des "fournisseurs déclarés"

82. Outre l'obligation de ne proposer en principe aux bénéficiaires du réseau que les produits des fournisseurs référencés, le contrat de conventionnement prévoyait un contrôle de la fréquence de vente de produits autres que ceux des "fournisseurs déclarés" (c'est-à-dire ceux ayant fait l'objet d'une déclaration tarifaire par l'opticien concerné lors de l'appel à propositions et supposés être ses "fournisseurs principaux", représentant plus de 75 % de ses ventes).

83. Le contrat de conventionnement stipulait en son article 5 que "la vente de produits de fournisseurs, autres que les Fournisseurs déclarés est libre mais fera l'objet d'un contrôle de fréquence annuelle (cf. article 13 - Suivi de l'activité des opticiens partenaires)".

84. L'article 13, auquel il était ainsi fait référence, concernait "le suivi de l'activité de l'Opticien partenaire" et précisait quant à lui que :

"Kalivia met en place des indicateurs d'activité permettant, le cas échéant, de diligenter des contrôles et audits ponctuels.

Ces indicateurs portent notamment sur :

> la fréquence de vente de produits provenant de fournisseurs autres que ceux déclarés par l'Opticien partenaire [...]".

85. De plus, dans le document "Mémo vente n° 1" (précité), Kalivia a écrit que "la vente des verres des fournisseurs référencés par Kalivia autres que ceux que vous avez déclarés doit rester une exception (maximum 25 % de vos ventes)".

86. Dans le cadre de l'instruction, Kalivia a expliqué que l'appel à propositions avait été organisé en se fondant sur une modélisation du comportement des opticiens sur le marché et qu'elle s'était référée notamment à une étude réalisée par la société Galileo Business Consulting en 2009 auprès des opticiens adhérents de la Centrale Des Opticiens (CDO) (centrale d'achat regroupant 1 396 opticiens indépendants). D'après les conclusions de cette étude, ces derniers travaillaient en moyenne avec 4,2 verriers par point de vente et confiaient en moyenne 77 % de leurs achats à un verrier principal (34).

87. En spécifiant cette obligation de respecter un seuil de 25 % pour les ventes de produits de fournisseurs autres que ceux de ses fournisseurs principaux, Kalivia souhaitait éviter qu'un opticien partenaire "vende dans le cadre du réseau des produits différents de ceux qu'il vend habituellement en dehors du réseau" et "qu'[il] vende à titre principal les produits d'un fournisseur considéré initialement comme secondaire et pour lequel il aurait fixé des tarifs d'un niveau plus élevé tout en ayant pu être sélectionné du fait du système de pondération que nous avions mis en place" (35).

88. Dans le cadre du présent dossier, Kalivia a déclaré n'avoir cependant jamais opéré de contrôle auprès des opticiens partenaires de la proportion que représentaient les ventes de verres de fournisseurs référencés autres que les "fournisseurs déclarés" (36).

c) Les demandes de référencement intervenues postérieurement à l'appel à propositions

Le traitement des demandes de référencement

89. L'article 5 du contrat de conventionnement précisait en son quatrième alinéa :

"[La] liste de fournisseurs (établie par Kalivia) est évolutive. Ainsi, les fournisseurs qui ne représentent pas au jour du lancement de l'appel à propositions ayant conduit au présent contrat une part de marché suffisante et connue, pourront être intégrés à la liste, à leur demande et après étude de leur dossier, dans un délai technique incompressible dû aux nécessités techniques d'intégration des données au sein du système d'information de Kalivia. Kalivia informera les Opticiens partenaires de toute évolution de la liste des fournisseurs. [...]".

90. Dès qu'elles ont eu connaissance du choix de Kalivia de référencer certains fournisseurs, dix sociétés ont pris l'initiative de contacter Kalivia afin de demander leur référencement. Dans le cadre de l'instruction, Kalivia a fourni des informations détaillées sur le traitement de ces demandes, dont il ressort que Kalivia a accepté trois des sept demandes de référencement présentées par des fabricants (celles des sociétés Mega Optic, Mont-Royal et Shamir), ainsi que les trois demandes présentées par des marques de distributeurs (MDD).

91. La demande de la société Mega Optic a été acceptée, alors même que cette dernière ne détenait pas d'usine de production, au vu d'une "attestation fournie par le propriétaire de l'usine de fabrication des verres, attestant que tous les verres Mega Optic sont fabriqués dans cette usine, permettant ainsi de garantir une traçabilité du circuit de fabrication des verres" (37).

92. Kalivia a également accepté les demandes des sociétés Mont-Royal et Shamir, qui pourtant ne semblaient pas détenir une part de marché supérieure à 1 %.

93. Kalivia déclare avoir pris la décision de référencer la société Mont-Royal "à la suite de l'opération de fusion de cette société avec Nikon" (38). Elle justifie cette décision comme suit : "Part de marché supérieure au seuil de 1 %, atteinte suite au rapprochement avec Nikon. Présence d'une usine de fabrication permettant de garantir la traçabilité du circuit de fabrication des verres" (39).

94. S'agissant de la société Shamir, cette dernière a été informée de l'acceptation de sa demande par courrier en date du 27 octobre 2010 (40), dans lequel Kalivia a écrit :

"Nous avons pu constater que Shamir possède une usine de production permettant de garantir une traçabilité du circuit de fabrication des verres.

En référence à l'étude JFK [sic] de 2008 votre société ne dispose toutefois pas de la part de marché minimum requise par Kalivia dans le marché de l'optique Français (1 %). C'est pour cette raison que Kalivia ne vous a pas référencé dans le cadre de son appel d'offre.

Toutefois le souhait de Kalivia n'est pas de figer le marché de l'optique. Elle note ainsi avec intérêt dans votre dossier que Shamir France enregistre un taux de croissance annuel sur le marché Français à deux chiffres ces deux dernières années. Ce fort taux de croissance laisse présager que Shamir France peut potentiellement atteindre le seuil minimum requis dans une échéance courte.

Nous avons par conséquent le plaisir de vous confirmer que nous sommes en mesure de répondre favorablement à la demande de référencement de votre société".

95. En revanche, plusieurs sociétés n'ont pas été référencées (dont Optiswiss et Laboratoire Verbal qui reprochent à Kalivia le caractère opaque et discriminatoire de son processus de référencement).

96. Le 27 octobre 2010, Kalivia a transmis un courrier de réponse à la demande de référencement de la société Optiswiss, dans lequel elle justifie le fait que cette société n'avait pas été référencée lors de l'appel initial à propositions et demande des informations complémentaires :

"Nous avons pu constater que votre société possède bien une usine de production permettant une traçabilité du circuit de fabrication des verres.

En référence à l'étude JFK [sic.] de 2008 votre société ne dispose toutefois pas de la part de marché minimum requise par Kalivia dans le marché de l'optique Français (1 %). C'est pour cette raison que Kalivia ne vous a pas référencé dans le cadre de son appel d'offre. [...] [Kalivia] note avec intérêt dans votre dossier, qu'OPTISWISS indique une part de marché France représentant 2 % du marché de l'optique français. Néanmoins, il semblerait que le pourcentage de part de marché indiqué dans votre dossier de présentation tienne compte des ventes de marques blanches réalisées par votre société.

Ces verres spécifiques n'étant pas référencés par Kalivia, nous souhaitons que vos chiffres, hors marques blanches, nous soient également communiqués afin de prendre une décision sur votre référencement au sein de Kalivia. Nous souhaitons également disposer des taux de croissance annuelle de votre société en France ces trois dernières années (marques blanches exclues)" (41).

97. Selon Optiswiss, le choix de Kalivia de ne pas tenir compte des verres de marque blanche distribués par Optiswiss constituait un traitement discriminatoire ; il démontrait le manque d'ouverture du processus de sélection et d'objectivité des critères de sélection (42). Une partie des verres vendus par Optiswiss sont en effet des "verres semi-finis" qu'Optiswiss fabrique selon une technologie particulière appelée "Freeform(tm)" (43). Ces verres sont vendus avec une technologie appelée "Click Fee" permettant aux laboratoires de réaliser eux-mêmes l'opération de surfaçage, en utilisant des algorithmes développés par Optiswiss. Une partie des volumes produits par Optiswiss sont ainsi des "verres à marque blanche" distribués ensuite sous marque de distributeur.

98. Kalivia a également rejeté la demande de référencement de la société Laboratoire Verbal par courrier du 1er décembre 2010 (44), au motif que "[sa] part de marché sur le territoire français est très inférieure au pourcentage minimum requis, [qu'elle] ne dispos[ait] pas d'une usine de fabrication de produits semi-finis et [qu'elle] n'apport[ait] pas d'éléments attestant de l'origine de l'intégralité des palets d'où sont issus [ses] verres" (45).

99. Cette société a néanmoins été référencée en cours d'instruction, en avril 2012 (46).

100. La demande de référencement de la société Codir a elle aussi été rejetée au motif qu'elle ne détenait pas la part de marché requise. Par courrier du 27 octobre 2010 (47), Kalivia a communiqué les motifs de ce rejet :

"Votre part de marché sur le marché de l'optique en France est en effet inférieure au pourcentage minimum requis par Kalivia (1 %) et, si votre société dispose d'un laboratoire de surfaçage, elle ne possède pas d'usine de production permettant à Kalivia de garantir à ses centres optiques partenaires ainsi qu'aux clients fréquentant le réseau Kalivia une traçabilité du circuit de fabrication des verres" (48).

101. Dans ce même courrier, Kalivia mentionne néanmoins son intention d'examiner à nouveau la demande de référencement de Codir lors d'un prochain appel à propositions, prévu au dernier trimestre 2012. Elle écrit que "le développement de votre entreprise laisse également présager que les parts de marché gagnées d'ici là nous permettront de reconsidérer notre position" (49).

102. Enfin, Kalivia a refusé de référencer la société Simop. Par courrier du 27 octobre 2010, elle a notifié sa décision à cette société, en précisant que "si [Simop] dispose d'un laboratoire de surfaçage, elle ne possède pas d'usine de production permettant à Kalivia de garantir à ses centres d'optique partenaires ainsi qu'aux clients fréquentant le réseau Kalivia une traçabilité du circuit de fabrication des verres".

103. A la suite de plusieurs échanges entre les deux sociétés, Kalivia a précisé, dans un courrier du 26 mai 2011 :

"Kalivia, dans le cadre de son appel d'offre national, a référencé l'ensemble des fournisseurs de verres sous deux critères :

• Qu'ils aient une part de marché en France significative, (minimum 1 %) ;

• Qu'ils disposent d'un laboratoire de conception et d'un site de production.

Afin de préserver le libre jeu de la concurrence, Kalivia a toutefois souhaité rendre cette liste évolutive au cours de la mise en œuvre du réseau. Aussi, pour être référencé par Kalivia après l'appel d'offre national, il est nécessaire de répondre aux deux critères précités en fournissant les éléments suivants :

• vous disposez d'une part de marché en France supérieure à 1 % en valeur ;

• vous possédez un laboratoire de conception et un site de production ou à défaut nous fournir une attestation de l'un de nos fournisseurs référencés en disposant. Ce fournisseur doit attester que toutes les références de votre catalogue sont fabriquées sur son site de production.

Ce dernier critère est justifié par l'exigence de traçabilité des verres au service de la santé visuelle des bénéficiaires. Le fait de posséder un tel site de production/laboratoire de conception attestant que le fournisseur maîtrise la totalité de la chaine de production".

104. Début 2012, la société Simop a fait l'objet d'une réorganisation, incluant le développement de nouvelles gammes de produits. Elle a également changé de dénomination sociale, pour devenir la société APSID. Les discussions se sont prolongées avec l'entité nouvellement formée. Kalivia a déclaré qu'elle avait décidé de référencer la société APSID et de tenir compte du fait que cette société nouvellement créée était en mesure de garantir la "traçabilité des gammes à référencer" (50). Kalivia a notifié sa décision d'acceptation à la société APSID par courrier en date du 15 février 2012 (51).

L'intégration progressive de nouveaux fournisseurs dans le référentiel tarifaire

105. Pour permettre aux opticiens partenaires de vendre les produits d'un fournisseur retenu postérieurement à la mise en place du réseau, la société Jalma doit intégrer ce fournisseur dans le référentiel tarifaire Kalivia, c'est-à-dire qu'elle doit calculer des tarifs de référence pour l'ensemble des produits de ce fournisseur. Les opticiens partenaires peuvent alors vendre ces produits aux bénéficiaires du réseau en utilisant une procédure informatisée standardisée, sous réserve de respecter les prix maxima du référentiel.

106. Les opticiens partenaires ont été informés au fur et à mesure de l'intégration des fournisseurs dans le référentiel tarifaire et pouvaient ensuite choisir ces fournisseurs en tant que fournisseur principal par simple notification à Kalivia.

107. En fin d'année 2012, dix-neuf fournisseurs étaient référencés, dont onze fabricants (soit plus de 90 % des fabricants présents sur le marché) et huit MDD.

2. LA POLITIQUE TARIFAIRE DU RÉSEAU

a) L'établissement d'un référentiel tarifaire cible pour la sélection des opticiens

108. Le règlement de l'appel à propositions précisait que "l'Opticien candidat dont les moyennes tarifaires sont inférieures ou égales aux moyennes du référentiel cible du réseau Kalivia, sera certain d'être retenu sous réserve d'avoir obtenu le score minimal qualité [...]" (52) et que la sélection serait opérée sur la base d'une comparaison de la moyenne pondérée des tarifs maxima déclarés par chaque candidat pour l'ensemble des références de ses "fournisseurs déclarés" avec les moyennes tarifaires d'un "référentiel tarifaire cible".

109. Le "référentiel tarifaire cible" en question a été établi par la société Jalma en utilisant une formule de prix (aX + b) consistant à appliquer un coefficient multiplicateur (a) au prix d'achat catalogue hors taxe fournisseur (X) et à y ajouter un montant forfaitaire (b) correspondant à la prestation de l'opticien (montage, etc.).

110. Le coefficient multiplicateur "a" a été fixé en tenant compte des niveaux de remise pratiqués par les fournisseurs à l'égard des opticiens. Pour l'ensemble des références de chacun des fournisseurs retenus lors de l'appel à propositions (soit, au total, 104 439 références), Jalma a ainsi appliqué aux prix catalogues hors taxe de chaque fournisseur un coefficient multiplicateur tenant compte des niveaux de remise de ce fournisseur (53). Les niveaux retenus étaient exclusivement ceux des remises sur factures ; Kalivia explique qu'elle a choisi de ne pas tenir compte des remises de fin d'année car ces dernières étaient mal connues et difficiles à estimer (54).

b) Les modalités de "déclaration tarifaire" des opticiens candidats dans le cadre de l'appel à propositions

111. Le règlement de l'appel à propositions précisait que les candidats devaient déclarer leurs tarifs en se fondant sur la formule suivante (identique à celle utilisée par Jalma pour établir le référentiel tarifaire cible) : tarif opticien = aX + b.

112. Le "tarif opticien" était le prix de vente TTC maximal, "X" le prix d'achat catalogue hors taxe du fournisseur et "a" et "b" les valeurs à renseigner par l'opticien candidat et représentaient respectivement le coefficient multiplicateur appliqué sur le prix d'achat catalogue hors taxe incluant la TVA, et le forfait TTC correspondant à la facturation de la prestation de l'opticien (service avant-vente, montage, etc.).

113. Il était prévu que les déclarations tarifaires des opticiens auraient valeur d'engagement contractuel en cas de sélection de leur candidature, étant par ailleurs précisé que les valeurs "a" et "b" indiquées par les opticiens candidats "restent confidentielles et que Kalivia s'engage à ne pas les diffuser" (55).

114. L'article 1er du contrat de conventionnement stipulait que les tarifs constituaient des tarifs maxima : "[...] Une fois sa proposition retenue, l'Opticien candidat, devenu Opticien partenaire, s'engage à proposer aux Bénéficiaires du Réseau Kalivia des tarifs inférieurs ou égaux aux tarifs qu'il a déclarés".

115. Le règlement de l'appel à propositions précisait en son article 2.2.3. que :

"Kalivia n'impose aucune valeur en matière d'effort tarifaire : les Opticiens candidats sont entièrement libres de proposer les prix qu'ils souhaitent sur chaque référence. Afin de permettre à l'opticien d'évaluer son positionnement tarifaire par rapport au Référentiel cible de Kalivia, des tarifs indicatifs sont fournis, à titre d'exemples, en annexe 3 pour des références de verres représentatives et des références de lentilles de contact par catalogue de fournisseur" (56).

116. L'annexe 3 fournissait des "exemples de tarifs" pour un certain nombre de références de chacun des huit fabricants référencés (BBGR, Essilor, Hoya, AO/Sola/Carl Zeiss Vision, Nikon/Novisia, Novacel, Rodenstock et Seiko). Ces informations permettaient aux opticiens candidats de déterminer relativement aisément (par un système d'équations à deux inconnues) les valeurs "a" et "b" cibles retenues pour chaque fabricant.

117. Les opticiens candidats restaient néanmoins libres de choisir leurs propres coefficients "a" et "b" et pouvaient, comme le prévoyait le règlement de l'appel à propositions, "modifier les tarifs manuellement pour chaque référence de verre, ou appliquer de nouveaux coefficients à des groupes de verres particuliers" (57).

c) Les modalités de détermination des prix pratiqués à l'égard des bénéficiaires du réseau

118. Contrairement à d'autres gestionnaires de réseaux, Kalivia n'a pas choisi de fixer elle-même des prix maxima pour l'ensemble des produits vendus dans le cadre du réseau ; elle n'a retenu un tel mécanisme que pour certaines catégories de verres censés représenter une part restreinte des ventes des opticiens partenaires.

Les tarifs des verres faisant l'objet d'une déclaration tarifaire

119. Pour les produits des deux "fournisseurs déclarés" (supposés être les fournisseurs principaux de l'opticien et représenter au minimum 75 % de ses ventes), les tarifs maxima étaient ceux indiqués par l'opticien dans ses "déclarations tarifaires" lors de l'appel à propositions, selon les modalités décrites précédemment.

120. L'article 1er du contrat de conventionnement précisait que la "déclaration tarifaire" était constituée de l'"ensemble des tarifs déclarés par l'Opticien candidat dans son Dossier de proposition. Ils concernent tous les verres et lentilles de contact des 2 Fournisseurs déclarés (à l'exception des Verres rares). [et que] Une fois sa proposition retenue, l'Opticien candidat, devenu Opticien partenaire, s'engage à proposer aux Bénéficiaires du Réseau Kalivia des tarifs inférieurs ou égaux aux tarifs qu'il a déclarés" (58).

Les tarifs des verres ne faisant pas l'objet d'une déclaration tarifaire

Les tarifs des verres de fournisseurs autres que les "fournisseurs déclarés"

121. Concernant les produits pour lesquels l'opticien partenaire ne déclarait pas de tarif (c'est-à-dire pour les produits autres que ceux de ses "fournisseurs déclarés"), le règlement de l'appel à propositions prévoyait que celui-ci serait tenu de proposer un tarif inférieur ou égal à un "référentiel tarifaire calculé".

122. L'article 1er du contrat de conventionnement définissait le "référentiel tarifaire calculé" comme les "tarifs maximums du Réseau Kalivia que l'Opticien partenaire s'engage à pratiquer lorsqu'il vend des verres ou des lentilles de contact en provenance de fournisseurs autres que ceux figurant dans sa Déclaration tarifaire. Ils correspondent pour chaque référence de chaque catalogue, à la moyenne des tarifs déclarés par les Opticiens partenaires pour ces mêmes fournisseurs. Dans l'hypothèse où aucune déclaration n'aurait été faite pour un fournisseur, les tarifs maximums qui seront alors intégrés au présent référentiel tarifaire seront ceux du Référentiel tarifaire cible du fournisseur, utilisé lors de l'appel à propositions ayant conduit au présent contrat [...]" (59).

Les tarifs des verres de fournisseurs référencés postérieurement à l'appel à propositions

123. Comme exposé précédemment, s'agissant des produits de fournisseurs référencés postérieurement à la mise en place du réseau - pour lesquels aucune déclaration tarifaire n'avait pu être faite par les opticiens partenaires lors de l'appel à propositions - Kalivia a fait appel à la société Jalma pour établir une nouvelle grille tarifaire. La méthode appliquée par Jalma dans un tel cas était identique à celle utilisée pour établir le "référentiel tarif cible" ayant servi lors de l'appel à propositions et décrite aux points 109 et 110 supra (60).

Les tarifs des verres "rares"

124. L'article 1er du contrat de conventionnement précisait que "le référentiel tarifaire calculé est complété des tarifs maximums des Verres rares". Les verres rares étaient définis dans le règlement de l'appel à propositions comme des "verres spécifiques (bifocaux, trifocaux, verres pour aphaques, etc.) non soumis à déclaration de l'opticien candidat [...]", étant précisé que la "liste de ces Verres rares et les tarifs maximums du Réseau Kalivia sont précisés en annexe 5 du présent Règlement" (61).

125. Ladite annexe 5 contenait une "Liste des Verres rares et tarifs maximums associés" reprenant différentes références dont la prescription et la vente sont peu fréquentes (tels que, par exemple, des verres pour les personnes atteintes de cataracte, certains verres à double foyer ou triple foyer).

126. Dans le cadre de l'examen du dossier, les représentants de Kalivia ont expliqué que, pour ce type de verres, ils n'ont pas souhaité demander un effort tarifaire particulier aux opticiens partenaires "compte tenu du faible volume de ventes concernées et de la complexité des pathologies associées à ces verres. Ainsi les tarifs maximums pour les verres rares sont largement supérieurs aux tarifs du réseau" (62).

127. La part que représente ce type de verres est en effet estimée par les représentants de la Fédération Nationale des Opticiens de France (FNOF) à moins de 1 % du nombre total de prescriptions (63), et par les représentants du SynOpE à un niveau de l'ordre de 1 à 2 % des volumes de vente (64).

II. Discussion

A. LES MARCHÉS PERTINENTS

128. Les marchés pertinents qu'il convient de retenir pour l'examen des saisines peuvent être définis ainsi :

- le marché de la prestation de services d'assurance maladie complémentaire (1.) ;

- le marché de la fourniture de produits d'optique-lunetterie (2.) ;

- le marché de la distribution de produits d'optique-lunetterie (3.).

1. LE MARCHÉ DE LA PRESTATION DE SERVICES D'ASSURANCE MALADIE COMPLÉMENTAIRE

a) Marché de produit

129. L'Autorité de la concurrence a déjà retenu dans sa pratique décisionnelle (65) l'existence d'un marché de l'assurance santé correspondant à l'activité de fourniture de prestations d'assurance maladie complémentaire.

130. Comme l'a précisé le Conseil de la concurrence dans sa décision n° 91-D-04 du 29 janvier 1991, "[...] ces services [d'assurance maladie complémentaire] sont offerts aussi bien par des sociétés mutualistes que par des organismes qui ne sont pas régis par le Code de la mutualité, dont notamment des sociétés d'assurance ; tous ces acteurs, qui entendent garantir la protection complémentaire de celle dispensée par la sécurité sociale, sont donc concurrents dans l'exploitation de marché [...]" (66).

b) Marché géographique

131. Comme l'a souligné l'Autorité de la concurrence dans sa décision n° 12-DCC-111 du 3 août 2012, "[...] les marchés de produits d'assurance ont été considérés comme étant de dimension nationale compte tenu des préférences des consommateurs, de l'existence de législations et de contraintes fiscales nationales, de la structure actuelle de ces marchés ou encore des systèmes de régulation" (67).

132. De la même manière, il convient de retenir en l'espèce un marché de la fourniture de services d'assurance maladie complémentaire de dimension nationale.

c) Position des entreprises concernées

133. Les OCAM associés sont actifs sur ce marché, avec une part de marché cumulée estimée à 11,1 % en 2011 (voir tableau n° 2 infra).

Tableau n° 2 : Part de marché des OCAM associés en 2011 (estimation)

<EMPLACEMENT TABLEAU 2>

Source : Autorité de la concurrence : tableau réalisé sur la base des déclarations des OCAM associés (69) ; et du rapport d'activité CMU 2011 (70).

2. LE MARCHÉ DE LA FABRICATION DE PRODUITS D'OPTIQUE-LUNETTERIE

a) Marché de produit

134. Dans sa décision n° 00-D-10 du 11 avril 2000 (71), le Conseil de la concurrence a suggéré de retenir un marché de la fabrication de produits d'optique-lunetterie. Il a précisé que "les produits vendus sur ce marché peuvent être classés en deux catégories : ceux qui font l'objet d'une prescription médicale (verres et lentilles correcteurs) et les autres (montures). [...] Si les produits délivrés sur prescription et les autres produits sont généralement complémentaires, la vente de verres n'est pas toujours associée à celle d'une monture, dans la mesure où un utilisateur peut conserver ses montures lorsqu'il change de verres ; l'inverse est plus rare" (72).

135. Dans l'avis n° 09-A-32 du 26 juin 2009 (73), l'Autorité de la concurrence a opéré une distinction entre la fabrication de montures et la fabrication de verres. Elle a estimé que : "Au niveau des fabricants, si la lunetterie est une industrie à faible degré de concentration, tel n'est pas le cas de la fabrication de verres ophtalmiques et de produits de contactologie. L'industrie de la lunette est en effet très atomisée avec une population d'entreprises constituée à 90 % de PME. [...] L'industrie du verre ophtalmique est très concentrée avec une entreprise française leader mondial le groupe Essilor (720 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2007), suivie de loin par Carl Zeiss Vision numéro deux mondial" (74).

136. En l'espèce, les pratiques de référencement de fournisseurs mises en œuvre au sein du réseau Kalivia sont susceptibles d'affecter plus particulièrement le marché de la fabrication de verres ophtalmiques.

b) Marché géographique

137. L'Autorité de la concurrence ne s'est pas prononcée sur la dimension géographique de ce marché.

138. Il apparaît néanmoins qu'une dimension infranationale peut être exclue, les principaux fournisseurs étant actifs sur l'ensemble du territoire et les conditions de concurrence étant homogènes sur l'ensemble du territoire.

139. Certains éléments indiquent une dimension nationale plutôt que supranationale, tels que le manque d'homogénéité des parts de marché des fournisseurs d'un pays à l'autre et la faible part des importations. En outre, les fabricants implantés à l'étranger peuvent se heurter à certaines entraves s'ils souhaitent développer leurs ventes dans des conditions concurrentielles en France. En effet, les verres ophtalmiques sont considérés en France comme des dispositifs médicaux et sont soumis à des normes strictes ; la nécessité de disposer d'une entité juridique sur le territoire national pour pouvoir commercialiser de tels produits peut constituer une barrière à l'entrée pour les acteurs situés à l'étranger (75) ; le délai entre la commande et la réception des verres par l'opticien doit en outre être minime, ce qui exige la mise en place d'un réseau de distribution solide et structuré sur le territoire ; et les opticiens implantés en France continuent de faire appel, de manière privilégiée, à des opérateurs implantés sur ce même territoire pour des raisons liées aux impératifs de livraison et de suivi-qualité.

140. Cependant, dans le cas d'espèce, il n'est pas nécessaire de se prononcer de manière définitive sur la dimension nationale ou supranationale du marché, l'analyse des pratiques demeurant inchangée quelle que soit la délimitation retenue.

c) Position des entreprises concernées

141. Sur le marché ainsi défini, sont actifs, du côté de l'offre, les fournisseurs de verres ophtalmiques susceptibles d'être affectés par les pratiques de référencement mises en œuvre par Kalivia et, du côté de la demande, les opticiens et, en particulier, les opticiens partenaires du réseau Kalivia.

142. Selon les estimations du SynOpE (76), en 2011, les parts de marché en France des principaux fournisseurs (exprimées en valeur) se répartissaient comme indiqué dans le tableau n° 3 infra.

Tableau n° 3 : Parts de marché des fournisseurs de verres ophtalmiques en 2011 (selon le SynOpE)

Fournisseur / Part de marché (en valeur)

Essilor / 39, 47 %

BBGR (groupe Essilor)* / 16,32 %

Carl Zeiss Vision* / 10,66 %

Hoya* / 8,99 %

Novacel (groupe Essilor)* / 6,16 %

Codir / 5,29 %

Rodenstock* / 3,30 %

Mega Optic** / 2,57 %

Shamir (groupe Essilor)** / 2,06 %

Novisia (groupe Essilor)* / 1,94 %

Simop / 0,79 %

Optiswiss / 0,69 %

Essor / 0,62 %

Laboratoire Verbal / 0,46 %

Seiko* / 0,40 %

Mont Royal (groupe Essilor)** / 0,13 %

Ophtalmic / 0,13 %

* Sociétés référencées par Kalivia lors de l'appel à propositions.

** Sociétés référencées par Kalivia postérieurement à la mise en place du réseau.

Note de lecture : Parmi ces sociétés, celles référencées par Kalivia représentaient une part d'environ 87 % lors de l'appel à propositions ; elles représentaient une part de plus de 90 % à fin 2012.

Source SynOpE (77)

3. LE MARCHÉ DE LA DISTRIBUTION DE PRODUITS D'OPTIQUE-LUNETTERIE

a) Marché de produit

143. Le Conseil puis l'Autorité de la concurrence ont déjà examiné à plusieurs reprises des pratiques mises en œuvre dans le secteur de l'optique-lunetterie (78).

144. Il ressort des décisions adoptées que le marché de la distribution de produits d'optique-lunetterie a été retenu comme marché pertinent.

b) Marché géographique

145. Plusieurs éléments indiquent que la concurrence entre les détaillants de produits d'optique-lunetterie s'exerce essentiellement au niveau local. Bien que l'on assiste à un développement des ventes de produits d'optique-lunetterie sur Internet, ces ventes ne représentent à l'heure actuelle qu'une part limitée du marché et l'essentiel des achats continue d'être réalisé dans des points de vente physique. Il ressort en outre d'une étude réalisée par la SOFRES que 41 % des consommateurs privilégient la proximité dans le choix du point de vente auquel ils s'adressent (79).

c) Position des entreprises concernées

146. Sur ce marché sont actifs les opticiens partenaires du réseau Kalivia. Comme mentionné précédemment, ces opticiens représentent environ 21 % des points de vente du secteur mais leurs ventes de verres ophtalmiques aux bénéficiaires Kalivia ne représentent qu'une part de marché de l'ordre de 4 % (voir tableaux n° 4 et 5 infra).

Tableau n° 4 : Part de marché de Kalivia en volumes de verres vendus (estimation)

<EMPLACEMENT TABLEAU 4>

Source : Autorité de la concurrence : tableau réalisé sur la base de : pour les volumes de vente au sein du réseau : déclarations des OCAM associés (81) ; pour l'estimation de la taille globale du marché : la fourchette retenue correspond, pour le niveau plancher, à l'estimation fournie par Optiswiss (82) et, pour le niveau plafond, à l'estimation de l'institut GfK (83) (dont Optiswiss estime qu'elle gonfle le volume réel du marché (84)).

Tableau n° 5 : Part de marché de Kalivia en chiffre d'affaires généré sur le marché de la distribution de verres ophtalmiques au détail (estimation)

<EMPLACEMENT TABLEAU 5>

Source : Autorité de la concurrence : tableau réalisé sur la base de : pour la valeur des ventes réalisées au sein du réseau Kalivia, déclarations des OCAM associés (86) et, pour le chiffre d'affaires global réalisé sur le marché français de la distribution d'optique-lunetterie, estimation sur la base des données GfK pour l'année 2010 (87).

B. L'APPLICABILITE DES DISPOSITIONS DU TRAITE SUR LE FONCTIONNEMENT DU L'UNION EUROPEENNE (TFUE)

147. Les pratiques dénoncées ou constatées en l'espèce sont susceptibles de relever des dispositions nationales de concurrence, et en particulier des articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce relatifs, respectivement, aux ententes et aux abus de position dominante.

148. Ces pratiques remplissent également les critères d'applicabilité de leurs équivalents au niveau européen - les articles 101 paragraphe 1er et 102 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne (ci-après TFUE) - puisqu'elles peuvent être considérées comme "susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres" au sens de l'article 3 du Règlement n° 1-2003 (88).

149. En effet, l'application du droit européen de la concurrence suppose que soient réunies les trois conditions d'existence d'échanges en Etats membres portant sur les produits ou les services faisant l'objet de la pratique, d'existence de pratiques susceptibles d'affecter ces échanges et de caractère sensible de cette affectation (89). Ces trois conditions sont remplies en l'espèce.

150. Tout d'abord, les pratiques dénoncées ou constatées portent bien sur des produits (les produits d'optique-lunetterie) faisant l'objet d'échanges entre Etats-membres ; une part des volumes de verres ophtalmiques vendus en France est importée.

151. Ensuite, ces pratiques pourraient, au moins potentiellement, rendre plus difficiles la pénétration et le développement d'entreprises d'autres Etats membres sur le marché français et elles sont, de ce fait, susceptibles d'affecter lesdits échanges.

152. Enfin, le caractère sensible de cette affectation potentielle est établi dès lors que les parts de marché pertinentes, et notamment la part de marché cumulée des OCAM associés sur le marché de la prestation de services d'assurance maladie complémentaire, sont supérieures au seuil de 5 % retenu par la Commission européenne.

153. Ces pratiques peuvent donc être considérées comme étant "susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres" ; les articles 101 paragraphe 1er et 102 TFUE leurs sont applicables.

C. L'APPRÉCIATION DES PRATIQUES AU REGARD DES RÈGLES RELATIVES AUX ENTENTES

1. L'APPRÉCIATION DES PRATIQUES DE RÉFÉRENCEMENT

a) Les règles applicables

L'applicabilité des règles relatives aux ententes

154. L'accord de partenariat conclu entre les OCAM associés d'une part et les conventions conclues entre Kalivia et chacun des opticiens partenaires d'autre part sont constitutifs d'accords au sens du droit de la concurrence, et les règles relatives aux ententes leurs sont applicables.

155. En effet, l'accord de volonté entre les OCAM associés a été formalisé par la signature d'un "Protocole de partenariat" (90). C'est dans le cadre de ce partenariat qu'ont été déterminés les modalités de fonctionnement du réseau, et en particulier les critères de référencement des fournisseurs, ainsi que la politique tarifaire du réseau.

156. Quant à l'engagement des opticiens partenaires de respecter les modalités de fonctionnement du réseau, et notamment les règles de choix des fournisseurs et de détermination des tarifs pour les ventes aux bénéficiaires du réseau, il a été formalisé par le biais de conventions conclues avec chacun des opticiens partenaires (soit au total environ 2 500 conventions, qui ont été établies sur la base d'un contrat-type (91)).

157. Le Conseil puis l'Autorité de la concurrence ont déjà eu l'occasion d'analyser des conventions de ce type, conclues entre des OCAM et des opticiens agréés. Dans le cadre de l'avis n° 99-A-17 du 7 novembre 1999, le Conseil a considéré de telles conventions comme "constituant par elles-mêmes des ententes" (92). Plus récemment, dans le cadre de l'avis n° 09-A-46 du 9 septembre 2009 (93), l'Autorité a également confirmé que les règles relatives aux ententes verticales leur étaient applicables.

Le cadre d'analyse

158. Le cadre d'analyse défini dans l'avis n° 09-A-46 (précité) portait sur la sélection par les gestionnaires de réseaux des professionnels membres de ces réseaux, et non sur leur intervention dans la relation entre ces professionnels et leurs fournisseurs, dont il est question en l'espèce. Cependant, plusieurs des principes dégagés dans cet avis demeurent applicables au cas d'espèce.

159. Dans cet avis, l'Autorité a affirmé la nécessité d'être vigilant quant aux garanties permettant de vérifier que le processus de sélection des professionnels repose sur une concurrence par les mérites (94). Elle a rappelé que ces garanties pouvaient être apportées "par l'application de critères transparents, objectifs et non discriminatoires" (95), tout en soulignant la spécificité de l'action des gestionnaires de réseaux par rapport à celle des centrales de référencement :

"L'action des gestionnaires de réseaux consiste à sélectionner des professionnels de santé auprès desquels les assurés peuvent se procurer des biens ou services à des conditions et tarifs avantageux, à l'instar d'une centrale de référencement ou d'un courtier.

Cependant, à la différence d'une centrale de référencement ou d'un courtier, l'OCAM prend en charge, en tant qu'assureur, une part substantielle de l'achat effectué par l'assuré, ce qui donne lieu, au travers de la procédure de tiers-payant présente dans les réseaux, à un flux financier entre l'OCAM et les professionnels de santé.

L'ensemble de ces éléments amène à considérer que les gestionnaires de réseaux se comportent, dans le cadre de leurs relations avec les professionnels de santé, en grande partie comme des acheteurs de biens ou de services de santé. Ils agissent ainsi, dans une certaine mesure, comme des "clients par subrogation" des assurés. [...]" (soulignement ajouté) (96).

160. L'Autorité a également exclu l'assimilation des accords de conventionnement à des accords de distribution et précisé qu' "[...] un gestionnaire de réseaux, lorsqu'il sélectionne des professionnels de santé, est plus assimilable à un distributeur qui sélectionne des fournisseurs qu'à un fournisseur qui sélectionne des distributeurs" (soulignement ajouté) (97).

161. L'Autorité a par ailleurs relevé que "l'opération de conventionnement est le moyen qui permet aux gestionnaires de réseaux de constituer des réseaux de professionnels de santé offrant un bon rapport qualité-prix. L'accès aux dits réseaux est ensuite commercialisé auprès du consommateur final qu'est l'assuré au travers de son contrat d'assurance maladie complémentaire" (98). Le développement des réseaux de soin répond à un double objectif : "mieux réguler les dépenses de santé tout en améliorant l'assistance aux assurés ainsi que le niveau de leurs remboursements" (99).

162. Dans ce cadre, l'Autorité a conclu que "les réseaux de professionnels de santé mis en place par les OCAM devraient pouvoir entrer dans le champ d'application du règlement 2790-1999 [...] et bénéficier de l'exemption catégorielle que celui-ci instaure (ou bénéficier d'un régime comparable au titre du droit français de la concurrence dans l'hypothèse où le droit communautaire de ne s'appliquerait pas) dès lors que les accords conclus avec les professionnels concernés ne comportent pas de clauses "noires" [...][et que] si [les] conditions de seuil (du règlement 2790-1999) sont respectées, il faudrait constater des effets substantiellement négatifs sur la concurrence, notamment une restriction significative de l'accès aux marchés en cause ou de la concurrence sur ceux-ci, en raison de l'effet cumulatif de réseaux parallèles comportant des restrictions verticales similaires pour que le bénéfice de l'exemption puisse être retiré" (soulignement ajouté) (100).

b) Application au cas d'espèce

163. Ainsi que cela ressort de l'exposé des faits aux points 69, 70, 89 et 90 supra, certains fournisseurs n'ont pas été ou ont été tardivement informés du référencement effectué par Kalivia. C'est seulement à partir du mois de juin 2010, c'est-à-dire après la mise en place du réseau, que Kalivia a examiné de nouvelles "candidatures" de fournisseurs et qu'elle a fourni des explications concernant les critères de sélection mentionnés dans l'appel à propositions.

164. Par ailleurs, les fournisseurs référencés ont été sélectionnés sur la base d'une liste incomplète et au regard de deux critères (la "détention d'une part de marché significative" et "l'existence d'un laboratoire de conception et d'un site de production") imprécis et (comme le reconnaît d'ailleurs elle-même Kalivia (101)) délicats à mettre en œuvre dans ce secteur. L'utilisation de ce type de critères pouvait conduire, dans ce secteur, à des pratiques discriminatoires dans le choix des fournisseurs (102).

165. Comme développé plus en détail ci-après, il ressort cependant des éléments du dossier que, notamment du fait du contexte économique et juridique dans lequel se sont insérées ces pratiques de référencement et du poids limité du réseau Kalivia dans le secteur de l'optique-lunetterie pendant la période concernée (2010-2012), ces pratiques n'ont eu ni objet ni effet anticoncurrentiel.

L'absence de restriction caractérisée de concurrence

166. Les saisissants ont fait valoir dans le cadre de l'instruction, puis dans leurs observations, que les pratiques de référencement en cause devraient être considérées comme des "restrictions caractérisées de la concurrence" ou être assimilées à certaines pratiques (telles que des pratiques de boycott ou des obligations imposées aux membres d'un réseau de distribution sélective de ne pas vendre les marques de fournisseurs concurrents déterminés) susceptibles d'être analysées comme des "restrictions par objet".

167. Or, ainsi que cela ressort de la jurisprudence, la qualification de "restriction par objet" suppose que l'accord en cause puisse être considéré comme suffisamment dangereux en lui-même pour que l'on puisse présumer ses effets restrictifs. Aux fins d'apprécier l'existence d'une restriction de concurrence "par objet", il convient de s'attacher à la teneur de la clause, aux objectifs qu'elle vise à atteindre ainsi qu'au contexte économique et juridique dans lequel elle s'insère (103).

168. Dans le cas présent, il n'apparaît pas légitime, au vu du contexte dans lequel les pratiques de référencement mises en œuvre par Kalivia s'inscrivent, de se dispenser d'avoir à établir des effets restrictifs (ou, à tout le moins, la probabilité de tels effets).

169. En premier lieu, Kalivia, lorsqu'elle définit les règles relatives au choix des fournisseurs dont les produits peuvent être vendus aux bénéficiaires du réseau, agit pour le compte d'organismes qui interviennent dans le financement de l'achat final des biens concernés. La part de l'achat final prise en charge par les OCAM associés pour les achats de verres effectués par leurs assurés auprès d'opticiens partenaires est d'ailleurs substantielle : elle peut être estimée, à 67 % en moyenne pendant la période concernée (2010-2012) (104).

170. Il est donc nécessaire, dans l'appréciation des pratiques en cause, de tenir compte du fait que les OCAM associés se comportent (pour reprendre les termes de l'avis n° 09-A-46 précité) "[...] en grande partie comme des acheteurs de biens ou de services de santé. [et qu'] Ils agissent ainsi, dans une certaine mesure, comme des "clients par subrogation" des assurés. [...]" (105).

171. En second lieu, le référencement des produits susceptibles d'être vendus dans le réseau est objectivement justifié par des considérations légitimes : la mise en place d'un mécanisme de référencement et la sélection de certains fournisseurs sont ainsi motivées par le souhait de proposer aux assurés (les consommateurs finaux) des produits et services de qualité à des prix compétitifs. L'intérêt de ces démarches est d'autant plus évident dans un secteur comme l'optique-lunetterie, qui se caractérise par un nombre conséquent de références (des centaines de milliers) et dans lequel le consommateur final dispose de peu d'informations concernant le choix du produit.

172. Le référencement des produits facilite tout d'abord les "négociations tarifaires" avec les opticiens : pour pouvoir négocier un rapport qualité/prix intéressant pour les bénéficiaires de leurs réseaux, les gestionnaires de ces réseaux doivent pouvoir déterminer des tarifs maxima applicables à des produits ou ensembles de produits précisément identifiés. S'agissant des verres ophtalmiques, ceci suppose pour les gestionnaires d'opérer une "qualification", c'est-à-dire d'identifier les verres en fonction de leurs différentes composantes (le matériau, l'indice, la géométrie, les traitements, la teinte, etc.) (106). Par la suite, le référencement des produits facilite la saisie informatique par les opticiens des devis et des demandes de prise en charge (107).

173. Au vu de la charge administrative substantielle (liée notamment aux volumes d'informations à traiter) que peut représenter le référencement d'un fournisseur et du souhait légitime que peuvent avoir les gestionnaires de réseau d'encadrer les choix des produits proposés dans le cadre de leur réseau afin de favoriser la vente de produits de qualité à des prix compétitifs, il apparaît également légitime pour ces derniers d'opérer une sélection des fournisseurs qu'ils souhaitent ou non référencer.

174. Au vu de ces éléments de contexte, il convient donc, dans le cas d'espèce, d'examiner si l'on peut constater des effets négatifs sur la concurrence, et notamment une restriction significative de l'accès au marché en cause (celui de la fourniture de verres ophtalmiques). Ceci suppose d'évaluer l'importance du référencement Kalivia pour les fournisseurs de produits d'optique et de déterminer si, et dans quelle mesure, l'absence de référencement est susceptible de constituer un obstacle à l'accès ou au développement sur le marché de la fourniture de verres ophtalmiques.

L'absence d'effet restrictif de concurrence engendré par le processus de référencement mis en œuvre par Kalivia

175. Il ressort de l'examen du dossier que, du fait d'un ensemble de facteurs, et en particulier de l'importance limitée à ce jour du réseau Kalivia pour l'activité de fourniture de verres ophtalmiques, l'absence de référencement par Kalivia n'est pas susceptible de constituer un obstacle significatif à l'accès ou au développement sur le marché de la fourniture de verres ophtalmiques.

L'absence d'effet potentiel à ce stade de développement des ventes dans le cadre du réseau Kalivia

176. En dépit du fait que le réseau Kalivia était, pendant la période concernée, l'un des réseaux d'opticiens agréés les plus importants en nombre de points de vente couverts (108), les ventes de verres ophtalmiques aux bénéficiaires fréquentant le réseau représentaient des parts très réduites : moins de 5 % des ventes totales de verres en 2011 et moins de 1 % en 2010 (voir tableaux n° 4 et 5 au point 146 supra) ; des effets anticoncurrentiels sont donc tout à fait improbables.

177. L'affirmation des saisissants selon laquelle les règles du réseau Kalivia auraient une répercussion sur l'ensemble de l'activité des opticiens partenaires, et non seulement sur les ventes des opticiens partenaires au profit de bénéficiaires du réseau n'a pas été confirmée.

178. A cet égard, les données collectées par le SynOpE auprès d'un panel d'une cinquantaine d'opticiens partenaires du réseau Kalivia, et appartenant tous à une même enseigne, indiquent que les volumes réalisés par certains fournisseurs référencés par Kalivia ont diminué auprès de plusieurs de ces opticiens et que les volumes de certains fournisseurs non-référencés ont augmenté pendant la période concernée (2010-2011) (109). Ces éléments ne permettent donc pas de confirmer la répercussion des règles mises en œuvre par Kalivia sur l'ensemble de l'activité des opticiens partenaires.

179. Il est d'ailleurs probable que, dans les faits, la grande majorité des opticiens candidats avaient comme fournisseurs principaux des fournisseurs référencés par Kalivia et que le fait d'adhérer à Kalivia n'a eu, par conséquent, aucune incidence sur leur stratégie d'approvisionnement.

180. Il ne peut être exclu que certains opticiens ont dû retenir comme "fournisseurs déclarés" des fournisseurs autres que leurs véritables fournisseurs principaux ; cependant, ceci n'a pu entraîner une modification de leur stratégie globale d'approvisionnement que dans une proportion très limitée, compte tenu de la part restreinte que représentent les ventes aux bénéficiaires du réseau.

181. Dans ses observations écrites, la société Balou Holding a fait valoir quant à elle que l'absence de référencement pourrait entraîner des effets d'éviction des fournisseurs de verres ophtalmiques "[...] qui sont d'importants fournisseurs d'opticiens implantés dans des régions où le nombre d'adhérents au réseau Kalivia est particulièrement important [...]" (110). Quelques zones géographiques sont en effet marquées par une plus forte concentration d'assurés Kalivia et plusieurs des magasins du groupe Balou Holding, sous enseigne Optissimo, se situent dans l'une de ces zones.

182. Cependant, comme mentionné précédemment, le marché de la fourniture de produits d'optique-lunetterie est un marché de dimension au moins nationale. Les opérateurs sur ce marché sont actifs sur l'ensemble du territoire et les saisissants ne font état d'aucun élément qui justifierait de retenir des marchés locaux de la fourniture de produits d'optique-lunetterie.

183. Pour un fournisseur de verres, le référencement au sein du réseau Kalivia ne peut donc être considéré comme constituant une condition d'accès au marché de l'optique-lunetterie ni même comme un avantage concurrentiel significatif sur ce marché dès lors qu'au niveau national la part de marché du réseau Kalivia demeure très limitée.

Le caractère flexible et évolutif du mécanisme de référencement

184. De plus, comme cela ressort des faits exposés aux points 89 à 104 supra, Kalivia a également choisi de référencer des fournisseurs dont le développement laissait penser qu'ils atteindraient, dans un intervalle de temps assez court, la part de marché de 1 % requise. Dans les faits, plusieurs fournisseurs ont été intégrés progressivement au cours de la période de conventionnement, de sorte que, en fin d'année 2012, les produits de la quasi-totalité des fournisseurs présents sur le marché pouvaient être vendus par les opticiens partenaires aux bénéficiaires du réseau.

185. En outre, ainsi que cela ressort des faits exposés aux points 105 et 106 supra, le mécanisme retenu par Kalivia permettait à un opticien partenaire de modifier relativement aisément ses choix de fournisseurs principaux, une telle modification pouvant être effectuée à tout moment au cours du conventionnement sur simple notification.

186. Cette application flexible du critère de "détention d'une part de marché significative" qui permettait de tenir compte du développement des opérateurs détenant des parts de marché plus limitées, ainsi que le caractère évolutif du mécanisme de référencement qui a conduit à référencer plusieurs fournisseurs en cours de conventionnement, conduisent à relativiser encore davantage le risque que le système mis en place ait pu entraîner un effet sensible de verrouillage sur le marché de la fourniture de verres ophtalmiques.

187. Au surplus, il convient de noter qu'en vue du renouvellement de son réseau en janvier 2013, Kalivia a revu son processus et ses critères de référencement afin de tenir compte des critiques formulées par les saisissants. En juillet 2012, Kalivia a ainsi lancé un "appel à référencement" à destination des fournisseurs de produits d'optique, invitant ceux d'entre eux qui souhaitaient voir leurs produits référencés dans le cadre du réseau Kalivia à transmettre leur demande. Cet "appel à référencement" avait été préalablement annoncé par voie de presse professionnelle (111). Dans le cadre de ses observations écrites, Kalivia a souligné que, sur la base des nouveaux critères de référencement, la totalité des candidatures ont été retenues. Kalivia a fourni une liste d'une quarantaine de fournisseurs qui seraient désormais référencés (dont une vingtaine de fabricants) (112). Selon elle, ces fournisseurs représenteraient 99,98 % du marché (113).

L'absence d'effets avérés sur le marché concerné

188. Les éléments transmis par les saisissants ne permettent pas non plus d'établir l'existence d'effets d'éviction avérés sur le marché. Ainsi, il peut être observé que le chiffre d'affaires de la société Optiswiss a connu une hausse de 8 % au cours de la période 2010/2011, bien que cette société ne fut pas référencée par Kalivia (114).

189. S'agissant de la société Balou Holding, comme mentionné précédemment, celle-ci a fourni des informations concernant les évolutions des volumes d'achat de ses points de vente, dont plusieurs ont choisi d'adhérer au réseau Kalivia. Les volumes d'achat intragroupe de certains de ces points de vente auraient diminué sur la période 2010-2012 du fait, selon Balou Holding, de l'absence de référencement du Laboratoire Verbal par Kalivia.

190. Il ressort cependant des données communiquées par Balou Holding que les points de vente concernés ont continué à s'approvisionner à titre principal auprès de Laboratoire Verbal malgré l'absence de référencement et que les évolutions des volumes d'achat des points de vente concernés ne présentent pas des différences d'évolution telles que puisse être démontré un effet d'éviction, même potentiel.

191. En tout état de cause, comme mentionné précédemment, les fabricants de produits d'optique opèrent sur un marché de dimension au moins nationale et les saisissants ne font état d'aucun élément qui justifierait de retenir des marchés de dimension locale.

192. Les données rassemblées par Balou Holding, qui concernent 23 points de vente implantés dans l'une de quelques zones géographiques caractérisées par une plus forte concentration d'assurés des OCAM membres de Kalivia, ne peuvent être considérées comme représentatives d'un effet qui doit être mesuré au niveau national et le poids du réseau Kalivia dans les achats de verres ophtalmiques au niveau national est trop limité pour que le référencement auprès de Kalivia puisse constituer une condition d'accès au marché de l'optique-lunetterie ou un avantage concurrentiel significatif sur ce marché.

Sur la crainte des saisissants concernant de possibles effets cumulatifs

193. Enfin, les saisissants avancent que des effets cumulatifs pourraient découler de l'existence de plusieurs réseaux d'opticiens agréés encadrant le choix des fournisseurs. Il résulte cependant de la jurisprudence (115) que, pour conclure à l'existence d'un effet cumulatif, le marché doit être verrouillé par un faisceau de contrats similaires. Des réseaux parallèles d'accords sont généralement considérés comme susceptibles de susciter des préoccupations lorsqu'ils couvrent plus de 50 % d'un marché donné (116).

194. En l'espèce, parmi les réseaux qui ont opéré une sélection des fournisseurs référencés, il existe une diversité des processus de référencement mis en œuvre et des critères de sélection retenus et, au final, des fournisseurs sélectionnés. Les choix des fournisseurs référencés sont différents d'un réseau à l'autre, de sorte que certains fournisseurs non référencés par Kalivia le sont dans d'autres réseaux et vice versa. En outre, les saisissants n'ont pas fait état, concernant d'autres réseaux que Kalivia, de problèmes d'ouverture, de transparence, ou d'objectivité des processus de référencement (117) et l'instruction n'a pas permis de mettre en lumière de telles préoccupations. La première condition pour établir un effet cumulatif, relative à l'existence d'accords parallèles ayant des effets similaires, n'est donc pas remplie.

195. Au surplus, il apparaît, à ce stade de développement des réseaux de soin, que la seconde condition, relative au caractère significatif de l'éventuel effet cumulé, ne peut non plus être remplie en l'espèce. En effet, d'après les données collectées au cours de l'instruction, la part cumulative des réseaux ayant opéré une sélection des fournisseurs référencés, exprimée en nombre d'assurés par rapport à la population globale, n'excèderait pas 26,2 % (voir tableau n° 6 infra), estimation ne tenant par ailleurs pas compte du taux de fréquentation des réseaux qui varie, en fonction des réseaux et des contrats concernés, entre 20 et 60 % (118).

Tableau n° 6 : Taille des réseaux concernés en nombre d'assurés pour la période 2010-2012 (estimation)

<EMPLACEMENT TABLEAU 6>

Source : Autorité de la concurrence : tableau réalisé sur la base de : pour les données relatives au nombre d'opticiens agréés par chacun des réseaux : informations communiquées dans le cadre de l'instruction par les gestionnaires des réseaux concernés (121) ; pour la population française : données publiées par l'INSEE.

196. La part cumulée que représentent les réseaux concernés est donc en tout état de cause inférieure à 50 % ; cette part est insuffisante pour que les pratiques mises en œuvre par Kalivia suscitent des préoccupations de concurrence et que le mécanisme de référencement mis en place par cette dernière puisse être considéré comme susceptible de contribuer de manière significative à un effet cumulatif d'éviction de certains fournisseurs.

Conclusion sur l'appréciation des pratiques de référencement au regard des dispositions relatives aux ententes

197. Compte tenu du contexte dans lequel s'inscrivent les pratiques de référencement en cause en l'espèce, et notamment de la part que représentent les OCAM dans le financement de l'achat de matériel d'optique dans le cadre des réseaux, mais également des considérations légitimes justifiant objectivement la mise en place de telles pratiques de référencement, l'objet anticoncurrentiel de la pratique de référencement dénoncé par les saisissants n'est pas caractérisé.

198. Par ailleurs, au vu du poids très limité que représentait le réseau Kalivia dans les achats de verres pendant la période concernée (qui s'explique tout d'abord par une part de marché en nombre d'assurés relativement faible, mais également par un taux de fréquentation du réseau qui demeure à ce jour modéré), aucun effet restrictif ou aucune probabilité de tels effets ne peut être établie. La probabilité d'effet restrictif est d'autant plus réduite que le mécanisme de référencement avait un caractère évolutif et que le réseau a connu des adaptations successives au cours de la période 2010-2012.

199. Aucun effet cumulatif ne peut non plus être établi à ce jour compte tenu de l'absence de constatation de la mise en œuvre par plusieurs réseaux de pratiques parallèles ayant des effets similaires.

2. L'APPRÉCIATION DES PRATIQUES TARIFAIRES

a) Les règles applicables

200. Dans ses "lignes directrices sur les restrictions verticales", la Commission européenne précise que "la pratique qui consiste à conseiller un prix de vente à un revendeur ou à exiger d'un revendeur qu'il respecte un prix de vente maximal est couverte par le règlement d'exemption par catégorie lorsque la part de marché de chacune des parties à l'accord n'excède pas le seuil de 30 %, à condition que cela n'équivaille pas à un prix de vente minimum ou fixe sous l'effet de pressions exercées par l'une des parties ou de mesures d'incitation prises par elle" (122).

201. Le Conseil, puis l'Autorité, ont déjà été amenés à se prononcer plus spécifiquement sur des conventions mises en œuvre par des organismes d'assurance avec des professionnels de santé visant à encadrer les tarifs de ces derniers.

202. Dans la décision n° 03-D-37 du 23 juillet 2003 (relative à la convention MGEN-Syndicat des orthodontistes) (123), l'Autorité a ainsi considéré que "La fixation d'un taux maximum d'augmentation des honoraires peut être justifiée au regard de l'objectif poursuivi par la convention en cause [dans le cas d'espèce il s'agissait de contenir l'évolution des honoraires et la charge résultant pour la MGEN de leur remboursement] et n'est pas de nature à restreindre la concurrence par les prix susceptible de jouer entre les professionnels".

203. Dans l'avis n° 09-A-46 (précité), l'Autorité a également souligné les effets pro-concurrentiels pouvant résulter des mécanismes de conventionnement de professionnels de santé par des OCAM et précisé que "[...] à supposer qu'il y ait uniformisation des tarifs, il y a toute probabilité qu'il s'agisse d'une uniformisation à un niveau sensiblement moindre qu'en l'absence de tout mécanisme de contractualisation" (124).

204. Cette position a été reprise dans l'avis n° 12-A-06 du 29 février 2012 (concernant la vente des prothèses dentaires) (125), dans lequel l'Autorité a, en outre, considéré que "la discipline tarifaire négociée au sein des réseaux de soins agréés peut aussi avoir un effet d'entraînement sur les professionnels de santé non membres, qui souhaitent capter la clientèle des assurés éligibles ou conserver une clientèle d'assurés incitée à recourir aux professionnels du réseau" (126), et que "l'impact concurrentiel dépend aussi dans une large mesure de l'élaboration adéquate des tarifs maximaux par les OCAM. Ce niveau doit être déterminé en dessous de prix habituellement constatés en dehors du réseau (modération tarifaire profitable aux patients et aux OCAM qui cofinancent la dépense), mais constituer aussi une incitation à adhérer pour le professionnel, l'effet volume des actes devant compenser la discipline tarifaire" (127).

b) L'application au cas d'espèce

205. Comme développé plus en détail ci-après, le mécanisme tarifaire du réseau Kalivia repose sur des tarifs qui n'ont pas le caractère de tarifs imposés. Ces tarifs sont des tarifs maxima, déterminés pour la plupart par les opticiens eux-mêmes dans le cadre d'une procédure d'appel d'offres. Le mécanisme tarifaire mis en place par Kalivia permet le maintien de la concurrence tarifaire entre les opticiens.

Un mécanisme reposant principalement sur des prix maxima déterminés par les opticiens dans le cadre d'une procédure d'appel d'offres

206. Ainsi que cela ressort des faits exposés aux points 118 à 120 supra, pour la grande majorité des produits (ceux des fournisseurs principaux supposés représenter au minimum 75 % des ventes aux bénéficiaires du réseau), les tarifs maxima que doivent respecter les opticiens partenaires à l'égard des bénéficiaires sont ceux repris dans les "déclarations tarifaires" qu'ils ont effectuées dans le cadre de l'appel à propositions. Pour ces produits, les tarifs du référentiel tarifaire cible ne constituent donc pas des tarifs maxima, ni encore moins des tarifs imposés ; ces tarifs ont simplement servi de référence pour l'évaluation des propositions tarifaires.

207. Comme le relève le SynOpE, il est effectivement possible que plusieurs opticiens candidats aient déduit des exemples de propositions tarifaires fournis dans le règlement de l'appel à propositions "l'objectif tarifaire" de Kalivia et que certains en aient tenu compte dans le positionnement de leurs tarifs, afin d'augmenter leurs chances de sélection.

208. Néanmoins, tous les opticiens candidats n'ont pas nécessairement opté pour cette approche. Compte tenu du nombre élevé de références (entre environ 10 000 et 40 000 par fournisseur référencé), il n'est pas certain que les opticiens candidats se soient alignés de manière systématique sur le référentiel tarifaire cible pour chacune des références, puisqu'ils étaient informés que l'évaluation serait opérée sur la base de la moyenne des prix proposés pour des ensembles de références, et que cette évaluation tiendrait compte de la pondération des volumes, ce qui autorisait ceux qui pratiquaient des prix bas pour leur fournisseur majoritaire à retenir éventuellement des prix plus élevés pour leur second fournisseur déclaré, et vice-versa. Une disparité des tarifs proposés était d'autant plus probable qu'il existe, dans le secteur de l'optique-lunetterie, une grande diversité des taux de remise consentis par ces fournisseurs. Selon plusieurs opérateurs interrogés à ce sujet dans le cadre de l'instruction, ces taux varieraient en moyenne entre environ 10 et 30 % selon le fournisseur, et pourraient même atteindre 50 % dans certains cas (128).

Un mécanisme permettant le maintien de la concurrence tarifaire entre les opticiens

209. Ainsi que cela ressort des faits exposés aux points 121 à 127 supra, pour les produits autres que ceux ayant fait l'objet d'une déclaration tarifaire, c'est-à-dire ceux des fournisseurs autres que les fournisseurs principaux, ceux des fournisseurs référencés postérieurement à l'appel à propositions, ou les verres dits "rares", censés représenter moins de 25 % des ventes, les tarifs maxima sont ceux d'un référentiel tarifaire établi par Jalma selon les méthodes élaborées par Kalivia.

210. Quels que soient la catégorie de verres concernée et le mode de fixation des tarifs de référence du réseau - dans des déclarations tarifaires des opticiens ou dans un référentiel tarifaire établi par Jalma - les opticiens demeuraient libres de pratiquer des prix inférieurs ou égaux à ces tarifs, ainsi que le précisait l'article 2.2.1 du règlement de l'appel à propositions.

211. Pour élaborer le référentiel tarifaire, Kalivia s'est fondée sur des constatations objectives, faites à partir des prix catalogue des fournisseurs concernés et des niveaux de remise qu'elle avait pu relever chez chacun de ces fournisseurs. En outre, une vérification du positionnement global de ce référentiel par rapport au troisième décile des prix constatés sur le marché (sur la base d'un échantillon de 200 000 devis) a été opérée par la société Jalma, afin de s'assurer qu'en moyenne 30 % des ventes sur le marché étaient réalisées à des prix inférieurs à ceux de ce référentiel.

212. Aucun élément n'indique que le mécanisme tarifaire mis en œuvre par Kalivia aurait conduit, comme le suggérait le SynOpE, à des prix "anormalement" ou "abusivement bas" par rapport aux prix du marché. Dans les faits, le mécanisme tarifaire mis en place par Kalivia a conduit à une baisse sensible des prix pratiqués à l'égard des bénéficiaires (129). La différence entre le niveau des prix des équipements vendus dans le cadre du réseau Kalivia et le niveau des prix pratiqués en dehors de ce réseau serait de l'ordre de 15-20 % pour un équipement complet (verres et montures) (130), un taux de réduction comparable à celui d'autres réseaux similaires.

213. Le mécanisme mis en œuvre par Kalivia a ainsi vraisemblablement permis, tout en exerçant une pression à la baisse sur le niveau général des prix dans le cadre du réseau, de maintenir une concurrence tarifaire entre les opticiens partenaires.

214. Il est en outre probable que la politique tarifaire de Kalivia, et de manière plus générale, celle de l'ensemble des réseaux d'opticiens agréés, génère, comme le suggérait l'Autorité dans son avis n° 09-A-46 (précité), des effets pro-concurrentiels sur le marché de l'optique-lunetterie, notamment en favorisant le développement d'offres concurrentes de "l'offre réseau", du type des offres "deux lunettes pour le prix d'une", des offres de paiement différé, de paiement échelonné, etc.

D. L'APPRÉCIATION DES PRATIQUES AU REGARD DES RÈGLES RELATIVES AUX ABUS DE POSITION DOMINANTE

215. Les saisissants avancent que Kalivia détiendrait une position dominante sur le "marché de l'adhésion au réseau Kalivia", les pratiques de référencement visées étant alors susceptibles de constituer un abus de position dominante au sens des articles L. 420-2 du Code de commerce et 102 TFUE.

216. Les saisissants renvoient à l'avis n° 09-A-46 du 9 septembre 2009 (précité), dans lequel l'Autorité de la concurrence précisait : "De fait, l'opération de conventionnement est le moyen qui permet aux gestionnaires de réseaux de constituer des réseaux de professionnels de santé offrant un bon rapport qualité-prix. L'accès aux dits réseaux est ensuite commercialisé auprès du consommateur final qu'est l'assuré au travers de son contrat d'assurance maladie complémentaire. Il serait donc envisageable de définir un ou plusieurs marchés amont d'adhésion aux réseaux de soins, sur lesquels seraient présents d'une part, du côté de l'offre, les différents professionnels de santé et d'autre part, du côté de la demande, les gestionnaires de réseaux" (soulignement ajouté) (131).

217. Le Conseil puis l'Autorité de la concurrence ont retenu la définition suivante de la notion de marché : "Le marché, au sens où l'entend le droit de la concurrence, est défini comme le lieu sur lequel se rencontrent l'offre et la demande pour un produit ou un service spécifique. En théorie, sur un marché, les unités offertes sont parfaitement substituables pour les consommateurs qui peuvent ainsi arbitrer entre les offreurs lorsqu'il y en a plusieurs, ce qui implique que chaque offreur est soumis à la concurrence par les prix des autres. À l'inverse, un offreur sur un marché n'est pas directement contraint par les stratégies de prix des offreurs sur des marchés différents, parce que ces derniers commercialisent des produits ou des services qui ne répondent pas à la même demande et qui ne constituent donc pas, pour les consommateurs, des produits substituables. Une substituabilité parfaite entre produits ou services s'observant rarement, le Conseil regarde comme substituables et comme se trouvant sur un même marché les produits ou services dont on peut raisonnablement penser que les demandeurs les considèrent comme des moyens alternatifs entre lesquels ils peuvent arbitrer pour satisfaire une même demande" (132).

218. Dans le cas d'espèce, le choix d'un opticien d'adhérer à un réseau est principalement motivé par un accroissement espéré du flux de clientèle (133). A cet égard, la "clientèle Kalivia" (composée des assurés des OCAM membres de Kalivia) ne possède aucune caractéristique distinctive spécifique par rapport aux autres clients potentiels des opticiens. Le souhait des opticiens d'accroître leur flux de clientèle pourrait donc être satisfait au travers de l'adhésion à d'autres réseaux de soin, concurrents de Kalivia.

219. En outre, la "clientèle Kalivia" ne représente qu'une faible part (environ 11,1 %) des personnes assurées en France au titre de la complémentaire santé (voir tableau n° 2 au point 133 supra).

220. Enfin, tout opticien peut accéder à la "clientèle Kalivia" sans adhérer au réseau Kalivia. En effet, bien que certains des OCAM membres de Kalivia aient mis en place des mécanismes de bonification pour inciter leurs assurés à s'adresser aux opticiens partenaires, le taux de fréquentation du réseau Kalivia reste modéré (entre 38 et 50 % en 2011) (134). Les assurés des OCAM membres de Kalivia exercent donc largement la faculté qui leur est laissée d'acheter leur matériel d'optique en dehors du réseau et les opticiens sont en mesure, pour capter la clientèle Kalivia, de développer des offres commerciales concurrentes de "l'offre réseau".

221. Ainsi, à supposer que les gestionnaires de réseaux d'opticiens agréés puissent être considérés comme des offreurs d'un accès à la clientèle constituée de leurs assurés et les opticiens comme des demandeurs d'un tel accès, il paraît peu probable, au vu du fonctionnement et du développement actuel des réseaux d'opticiens, qu'il n'existe pas de "moyens alternatifs entre lesquels [les opticiens] peuvent arbitrer pour satisfaire [leur] demande" d'un flux additionnel de clients. Aucune position dominante de Kalivia ne peut donc être établie.

222. En tout état de cause, dans l'hypothèse même où il n'existerait aucun substitut à l'adhésion au réseau Kalivia, et où Kalivia pourrait être considérée comme détenant une position dominante sur le marché de l'adhésion au réseau dont elle est le gestionnaire, les faits reprochés à Kalivia, à savoir la mise en œuvre d'un processus de référencement de fournisseurs discriminatoire, ne sauraient être considérés comme une pratique abusive au titre des articles L. 420-2 du Code commerce ou 102 TFUE dans la mesure où, au vu du poids très limité que représentait le réseau Kalivia dans les achats de verres pendant la période concernée, aucun effet restrictif ou aucune probabilité de tels effets ne peut être établi(e) (voir points 166 à 191 supra).

E. L'APPRÉCIATION DES PRATIQUES AU REGARD DE L'ARTICLE L. 420-2 ALINEA 2 DU CODE DE COMMERCE

223. Dans sa saisine, le SynOpE suggère que le mécanisme tarifaire mis en place par Kalivia aurait pour conséquence de contraindre les opticiens partenaires à pratiquer des tarifs que le SynOpE juge "anormalement bas". Ce mécanisme serait constitutif d'un abus par Kalivia de l'état de dépendance économique dans lequel se trouveraient les opticiens partenaires vis-à-vis d'elle.

224. La qualification d'abus de dépendance économique suppose la démonstration préalable de l'existence d'une situation de dépendance économique. Il ressort d'une jurisprudence établie que cette démonstration doit être effectuée in concreto (135).

225. Dans sa décision n° 03-D-42 du 18 août 2003 (136), le Conseil a considéré que "les situations de dépendance relevant de [l'article L. 420-2] du Code de commerce s'inscrivent dans le cadre de relations bilatérales entre deux entreprises et doivent donc être évaluées au cas par cas, et non pas globalement pour toute la profession". Par la suite, l'Autorité a précisé que "l'état de dépendance économique s'apprécie in concreto, soit dans la relation bilatérale entre deux opérateurs économiques, soit plus largement, dans les relations entre un fournisseur et son réseau de distribution pourvu que ce réseau constitue un groupe d'entreprises aux caractéristiques suffisamment homogènes, dont les membres sont placés, à l'égard de ce fournisseur dans la même position économique et juridique" (137).

226. Dans le cas d'espèce, aucun élément présent au dossier n'étaie l'existence de cas concrets de dépendance économique de certains opticiens au réseau Kalivia. Si les quelques données fournies par Balou Holding concernant les magasins du groupe indiquent que la part de la clientèle Kalivia de certains opticiens partenaires implantés dans des zones géographiques à forte concentration d'assurés Kalivia peut s'approcher de 20 %, voire excéder une telle proportion dans de très rares cas, il n'est pas établi que les opticiens soient privés de "solution techniquement et économiquement équivalente" (138) à l'adhésion au réseau Kalivia.

227. En effet, indépendamment de leur adhésion au réseau, les opticiens conservent la faculté d'accéder à la clientèle Kalivia : comme mentionné précédemment, il est établi que de nombreux assurés Kalivia exercent leur faculté d'acheter leurs produits d'optique en dehors du réseau Kalivia, les taux de fréquentation du réseau Kalivia étaient ainsi inférieurs à 50 % pendant la période concernée.

228. Par ailleurs, aucun des réseaux actuellement en place ne stipule de clause d'exclusivité (139), les opticiens sont donc libres d'adhérer simultanément à plusieurs réseaux afin de ne pas devenir dépendants de la clientèle d'un seul et même réseau.

229. Enfin, tout opticien partenaire qui constaterait que les prix maxima du réseau Kalivia sont trop bas pour permettre le maintien de son activité dispose de la faculté de sortir de ce réseau en cours de conventionnement.

230. La qualification d'abus de dépendance économique au titre de l'article L. 420-2 du Code de commerce doit donc être écartée.

DÉCISION

Article unique. - L'Autorité de la concurrence considère, sur la base des informations dont elle dispose, que les conditions d'une interdiction au titre des articles 101 et 102 du TFUE et L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce ne sont pas réunies. Il n'y a donc pas lieu, en application de l'article 5 du règlement (CE) n° 1-2003 du Conseil du 16 décembre 2002, de poursuivre la procédure, que ce soit au titre du droit de l'Union européenne ou du droit interne.

Notes :

1 Communiqué de presse GfK du 6 mars 2012, Bilan du marché de l'optique.

2 GfK, Note regards Données à fin décembre 2010, p. 9.

3 Comptes nationaux de la santé 2010, p. 214.

4 Estimations de l'Institut de recherche et documentation en économie de la santé (IRDES) 2008.

5 Comptes nationaux de la santé 2010, p. 248.

6 Id., p. 249.

7 Cotes 824, 1039, 1042 et 2536 (VNC : 2902).

8 Le 28 novembre 2012, l'Assemblée nationale a adopté une proposition de loi qui vise à ouvrir aux mutuelles la possibilité de mieux rembourser les adhérents qui choisissent de recourir à un professionnel de santé agréé (aujourd'hui seules les assurances peuvent pratiquer de tels remboursements différenciés, les mutuelles étant tenues, en vertu de l'article L. 112-1 alinéa 3 du code de la mutualité, à une obligation d'égalité de traitement de leurs adhérents. Cette obligation avait été rappelée par la Cour de cassation (deuxième chambre civile) dans un arrêt n° 631 du 18 mars 2010.

9 Cotes 587, 599 et 1347 (VNC : 1363).

10 Le terme "mutuelles 45" fait référence au fait que ces organismes ont pris le nom de "mutuelle" en 1945, date de la création de la Sécurité sociale.

11 Le terme "mutuelle" est protégé par l'article L. 122-3 du Code de la mutualité qui oblige les organismes relevant du Code des assurances à associer au terme de "mutuelle" celui d'"assurance" pour bien établir la distinction avec les mutuelles relevant du Code de la mutualité.

12 Rapport de la DREES, La situation financière des organismes complémentaires assurant une couverture santé, novembre 2011, p. 13.

13 Les recettes du Fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie (Fonds CMU) proviennent principalement d'une contribution versée par l'ensemble des organismes complémentaires (mutuelles, assurances et institutions de prévoyance). Le montant de cette contribution est déterminé en fonction des primes ou cotisations émises par ces organismes concernant la complémentaire santé. La part que représentent les différents OCAM dans l'assiette du fonds CMU est donc représentative de leur part sur le marché de la prestation de services d'assurance maladie complémentaire exprimée en valeur.

14 Rapport de la DREES, La situation financière des organismes complémentaires assurant une couverture santé, novembre 2011, p. 12.

15 Etude de La Financière de la cité, Le secteur de l'optique-lunetterie, avril 2011, p. 28.

16 Voir les informations publiées par le SynOpE sur son site Internet, à l'adresse suivante : http://www.synope.org/index.php?option=com_content&task=view&id=12&Itemid=61 [dernier accès le 21 février 2013].

17 Voir la présentation de la société Optiswiss faite sur son site Internet, à l'adresse suivante : http://www.optiswiss.ch/fr/Autoportrait/Portrait/index.php [dernier accès le 21 février 2013].

18 Voir la présentation du groupe Malakoff-Médéric faite sur son site Internet, à l'adresse suivante : http://www.malakoffmederic.com/groupe/nous-connaitre/rapport-annuel-et-chiffres-cles.html [dernier accès le 21 février 2013].

19 Voir le rapport annuel 2011 du groupe Malakoff-Médéric publié sur son site Internet, à l'adresse suivante : http://www.malakoffmederic.com/groupe/blobs/medias/s/1f7c7f1019600545/malakoffmederic-rapport-annuel-2011-fr.pdf [dernier accès le 21 février 2013]

20 Harmonie Mutuelle est issue de la fusion par acquisition de six mutuelles du groupe autorisée par décision n° 12-DCC-111 du 3 août 2012 relative à la fusion par absorption des mutuelles Harmonie Mutualité, Mutuelle Existence, Prévadiès, Santévie, Santévie MP et Spheria Val-de-France par Harmonie Mutuelle.

21 Cote 3492.

22 Cote 335.

23 Cote 334.

24 Cote 349.

25 Cote 233.

26 Cote 261.

27 Cote 822.

28 Cote 258.

28 Cote 258.

29 Dossier 11-0023 F, cotes 296 et 297.

30 Cote 581.

31 Cote 822.

32 Cote 2893.

33 Cotes 3037 et 3038.

34 Etude Gallileo Business Consulting, Juin 2009, Centrale des Opticiens, L'évaluation de la relation Fournisseurs/Opticiens, 1ère édition 2009, p. 5.

35 Cotes 2531 et 2532. Voir également les déclarations de la FNOF dans le même sens, cote 1965.

36 Cote 2532.

37 Cote 2981.

38 Cote 450.

39 Cote 2981.

40 Cote 2992.

41 Dossier 11-0007 F, cote 386.

42 Cotes 517 et 520 à 522.

43 Pour produire un verre ophtalmique, il est nécessaire de calculer une surface optique capable de corriger l'ensemble de la vision du porteur (de loin, de près et latérale). Pour un verre produit selon la technique "traditionnelle", ce calcul est réalisé par un designer, qui définit la surface de tous les verres semi-finis et des moules qui permettront de les mouler. Avec la Freeform Technology(tm), le processus est automatisé : un programme de calcul doit réaliser les mêmes choix que ceux du designer. Ce calcul est généralement opéré grâce à la technique du Ray-tracing (tracé de rayons) consistant à simuler la trajectoire d'un faisceau de rayons lumineux traversant le verre. Le programme détermine ensuite la surface à usiner pour que le faisceau de lumière qui traverse le verre génère les zones de puissance appropriées lorsque le verre est en position devant l'oeil.

44 Dossier 11-0023 F, cotes 313 et 314.

45 Dossier 11-0023 F, cote 313.

46 Cote 5477.

47 Cote 578.

48 Id.

49 Ibid.

50 Cotes 2536 (VNC : 2902) et 2981.

51 Cote 3002 (VNC : 3170).

52 Cote 256.

53 Cote 2502.

54 Cotes 2536 et 2537 (VNC : 2902 et 2903).

55 Cote 267.

56 Cote 257.

57 Cote 267.

58 Cote 335.

59 Id.

60 Cotes 2506 et 2532.

61 Cote 252. Voir également cote 335.

62 Cote 2978.

63 Cote 1966.

64 Cote 2436 (VNC : 2713).

65 Voir, notamment, décision n° 10-DCC-147 du 9 novembre 2010 relative à la création d'une entreprise commune par les sociétés CNP et Malakoff Médéric et décision n° 12-DCC-111 du 3 août 2012 relative à la fusion par absorption des mutuelles Harmonie Mutualité, Mutuelle Existence, Prévadiès, Santévie, Santévie MP et Spheria Val-de-France par Harmonie Mutuelle.

66 Décision n° 91-D-04 du 29 janvier 1991 relative à certaines pratiques de groupements d'opticiens et d'organismes fournissant des prestations complémentaires à l'assurance maladie, confirmée en appel par la cour d'appel de Paris, 5 décembre 1991.

67 Décision n° 10-DCC-147 du 9 novembre 2010 relative à la création d'une entreprise commune par les sociétés CNP et Malakoff Médéric, paragraphe 15. Voir également décision n° 10-DCC-147 du 9 novembre 2010 relative à la création d'une entreprise commune par les sociétés CNP et Malakoff Médéric, paragraphe 31 et Avis n° 09-A-46 du 9 septembre 2009 relatif aux effets sur la concurrence du développement de réseaux de soins agréés, paragraphe 56.

Notes du Tableau 2:

- 68 Cette estimation est effectuée sur la base du taux de la population couvert par une assurance complémentaire tel qu'estimé par l'IRDES en 2008, soit 94 % (rapporté à une population totale estimée à 65 millions en 2011 par l'INSEE).

- 69 Cotes 3492, 3498 et 3508.

- 70 Rapport d'activité 2011 du Fond CMU, Fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie, 31 mai 2012 (Cotes 4458 à 4624).

71 Décision n° 00-D-10 du 11 avril 2000 relative à des pratiques mises en œuvre au sein du réseau Alain Afflelou sur le marché de l'optique médicale.

72 Id.

73 Avis n° 09-A-32 du 26 juin 2009, relatif à un accord dérogatoire aux délais de paiement dans le secteur de l'optique-lunetterie.

74 Id., paragraphes 50 à 53.

75 Cote 1929.

76 Cote 2452.

Note du Tableau 3 :

- 77 Cote 2452.

78 Décision n° 91-D-04 du 29 janvier 1991 relative à certaines pratiques de regroupements d'opticiens et d'organismes fournissant des prestations complémentaires à l'assurance maladie ; décision n° 00-D-10 du 11 avril 2000 relative à des pratiques mises en œuvre au sein du réseau Alain Afflelou sur le marché de l'optique médicale ; décision n° 02-D-36 du 14 juin 2002, relative à des pratiques relevées dans le secteur de la distribution des lunettes d'optique sur le marché de l'agglomération lyonnaise et décision n° 12-D-20 du 12 octobre 2012 relative à des pratiques relevées dans le secteur de l'optique-lunetterie à La Réunion. Voir également la distinction opérée, dans le cadre de l'avis n° 10-A-11 du 7 juin 2010 relatif au Conseil interprofessionnel de l'optique, entre fabrication d'une part, et distribution d'autre part, dans le domaine de l'optique.

79 Cote 492.

Notes du Tableau 4 :

- 80 Pour rappel, les OCAM de l'Union Harmonie Mutuelles n'ont eu accès au réseau Kalivia qu'à compter du 1er janvier 2011.

- 81 Cotes 3493 et 3499.

- 82 Cote 3250.

- 83 Cotes 2035 et 2038.

- 84 Cote 1928. Il convient néanmoins de noter à ce sujet que l'institut GfK semble avoir souhaité revoir ses estimations à la hausse, afin de tenir compte des données relatives aux verres remis dans le cadre d'offres "seconde paire gratuite". Les volumes globaux vendus sur le marché seraient ainsi supérieurs aux données indiquées, et la part de Kalivia d'autant plus réduite.

Notes du Tableau 5 :

- 85 Voir commentaires supra en note de bas de page n° 80.

- 86 Cotes 3493 et 3499.

- 87 Cotes 2035 et 2038. Aucune estimation n'étant aujourd'hui disponible s'agissant du chiffre d'affaires global sur le marché français en 2011, le calcul de la part de marché de Kalivia pour l'année 2011 est également réalisé sur la base de l'estimation du chiffre d'affaires global sur le marché français pour l'année 2010. Ce chiffre d'affaires aurait connu une hausse, il est donc probable que la part de marché de Kalivia soit inférieure à l'estimation donnée.

88 Règlement (CE) n° 1-2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité (JO, L 1, p. 8).

89 Voir la Communication de la Commission européenne du 27 avril 2004 Lignes directrices relatives à la notion d'affectation du commerce figurant aux articles 81 et 82 du traité (JO, C 101, p. 81).

90 Cotes 2540 à 2555.

91 Cotes 332 à 404.

92 Avis n° 99-A-17 du 17 novembre 1999 relatif à la mise en œuvre de remboursements différenciés en matière d'optique et à la question de la communication des conventions signées entre mutuelles et opticiens.

93 Avis n° 09-A-46 du 9 septembre 2009 relatif aux effets sur la concurrence du développement de réseaux de soins agréés, paragraphes 75 à 78.

94 Id., paragraphe 84.

95 Ibid., paragraphes 66 et 85.

96 Ibid., paragraphes 69 à 71.

97 Ibid., paragraphe 76.

98 Ibid., paragraphe 75.

99 Ibid., paragraphe 19.

100 Ibid., paragraphe 78.

101 Cote 2534.

102 Voir notamment cotes 1866, 1939, 2431 et 2432.

103 Voir à ce sujet arrêt de la Cour de Justice des Communautés européennes du 30 juin 1966, Société technique minière et Maschinenbau ULM GMBH (56-65, Rec. 1966, p. 337). Voir également arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 19 février 2002, Wouters (C-309-99, Rec. p. I-1577, point 97) et arrêt de la Cour de Justice des Communautés européennes du 6 octobre 2009, GlaxoSmithKline Services e.a./Commission (C-501-06 P, C-513-06 P, C-515-06 P et C-519-06 P, Rec. p. I-9291, point 55).

104 Estimation sur la base des données communiquées par les OCAM associés (cotes 3493, 3494 et 3499).

105 Avis n° 09-A-46 du 9 septembre 2009 relatif aux effets sur la concurrence du développement de réseaux de soins agréés, paragraphe 71.

106 Cotes 998 et 2504.

107 Cotes 879 (VNC : 892), 1258 (VNC : 1271), 2522 (VNC : 2888), 2523, 2524, 2527 (VNC : 2891) et 2528.

108 Kalivia comptait 2 500 Opticiens partenaires en 2010 et 2 300 en 2011 (soit, respectivement, 23 et 21 % du nombre total d'opticiens en France). Elle était ainsi le second réseau d'opticiens agréés en nombre de points de vente couverts, après le réseau Carte blanche.

109 Cote 3230 (VNC : 4920).

110 Cote 5718.

111 Cotes 5763 à 5768.

112 Cotes 5477, 5475, 5816 et 5817.

113 Cote 5479.

114 Cotes 1928 et 1934 (VNC : 2409).

115 Voir, notamment, arrêt de la cour d'appel de Paris du 7 mai 2002, Masterfoods et, au niveau européen, arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 28 février 1991, Delimitis (C-234-89, Rec. p. I-935, point 27). Dans le même sens, voir également ordonnance de la Cour de justice des Communautés européennes du 3 septembre 2009, Lubricantes y Carburantes Galaicos SL (Lubricarga)/GALP Energía España SAU (C-506-07, Rec. p. I-134, points 30 à 32) ; arrêts du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 8 juin 1995, Langnese Iglo/Commission (T-7-93, Rec. p. II-1533, points 99 à 101) ; et du 23 octobre 2003, Van den Bergh Foods/Commission (T-65-98, Rec. p. II-4653, point 83), confirmé par ordonnance de la Cour de justice des Communautés européennes du 28 septembre 2006, Unilever Bestfoods (C-552-03, Rec. p. I-9091, points 84 et 85).

116 Au niveau communautaire, voir le Règlement n° 330-2010 de la Commission européenne du 20 avril 2010 concernant l'application de l'article 101, paragraphe 3 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées (JO L 102, p. 1, considérants 15 et 16). Voir également, au niveau national, la décision n° 00-D-82 du 26 février 2001 relative à des pratiques relevées dans le secteur des glaces et crèmes glacées industrielles sur le marché de l'impulsion, dans laquelle le Conseil a considéré qu'un taux de couverture de 47 % était insuffisant.

117 Voir notamment cotes 1932, 2425 et 2428.

118 La conclusion serait identique si la part cumulée des réseaux était calculée par rapport au nombre total de personnes assurées en 2011 (soit environ 61,1 millions de personnes) plutôt que par rapport à l'ensemble de la population (environ 65 millions de personnes). En effet, cette part cumulée n'excèderait pas 27,8 % (estimation ne tenant pas compte du taux de fréquentation des réseaux).

Notes du Tableau 6 :

- 119 Par "assurés couverts" on entend ici l'ensemble des assurés ou des adhérents des OCAM ayant accès aux réseaux concernés. Les données indiquées concernent donc le nombre d'utilisateurs potentiels de chaque réseau et non le nombre d'utilisateurs réels (lequel serait nettement inférieur aux chiffres indiqués compte tenu des taux de fréquentation annoncés par chacun des réseaux, qui varient entre 20 et 60 %).

- 120 Du fait des adhésions multiples de certains assurés à plusieurs OCAM, la part cumulée des réseaux en nombre d'assurés couverts n'est pas déterminable sur la base des informations reprises dans ce tableau. La valeur plafond retenue correspond à la situation hypothétique dans laquelle aucun assuré n'adhérerait à plus d'un OCAM à la fois. La part cumulée réelle des réseaux est donc certainement inférieure, dans les faits, aux chiffres indiqués.

- 121 Cotes 464, 873 (VNC : 886), 1035, 1336 et 1337 (VNC : 1352 et 1353).

122 Lignes directrices de la Commission européenne du 19 mai 2010 sur les restrictions verticales (JO C 130, p. 1, paragraphe 226).

123 Décision n° 03-D-37 du 29 juillet 2003 relative à des pratiques mises en œuvre dans le cadre d'une convention conclue entre la Mutuelle Générale de l'Education Nationale et le Syndicat des Spécialistes français en Orthopédie Dento-Faciale.

124 Avis n° 09-A-46 du 9 septembre 2009 relatif aux effets sur la concurrence du développement de réseaux de soins agréés, paragraphe 116.

125 Avis n° 12-A-06 du 29 février 2012 relatif aux effets sur la concurrence de l'exclusivité de la vente des prothèses dentaires par les chirurgiens-dentistes.

126 Id., paragraphe 146.

127 Ibid., paragraphe 149.

128 Cotes 458, 836, 879 (VNC : 892), 1854 et 3251. Cette disparité des taux de remise de fin d'année avait été constatée par Kalivia et est mentionnée dans le règlement de l'appel à propositions comme l'une des raisons expliquant que Kalivia n'avait pas choisi d'intégrer les remises de fin d'année dans le calcul de son référentiel tarifaire (cote 256).

129 Cotes 586 et 591.

130 Cote 824.

131 Avis n° 09-A-46 du 9 septembre 2009 relatif aux effets sur la concurrence du développement de réseaux de soins agréés, paragraphe 75.

132 Cette définition est celle donnée par le Conseil dans plusieurs de ses rapports annuels. Elle a été reprise par l'Autorité à de nombreuses occasions (voir, par exemple, décision n° 09-D-14 du 25 mars 2009 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la fourniture de l'électricité et décision n° 09-D-36 du 9 décembre 2009 relative à des pratiques mises en œuvre par Orange Caraïbe et France Télécom sur différents marchés de services de communications électroniques dans les départements de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Guyane).

133 Cotes 820, 874 (VNC : 887), 1037, 1756 (VNC : 1764), 1848, 1851, 1888 et 2428.

134 Cotes 1933 et 1923.

135 Voir notamment décision n° 03-D-42 du 18 août 2003 relative à des pratiques mises en œuvre par Suzuki et autres sur le marché de la distribution des motocycles ; décision n° 04-D-28 du 2 juillet 2004 relative aux pratiques mises en œuvre par la société Henkel-Ecolab dans le secteur des lessives industrielles ; décision n° 06-D-16 du 20 juin 2006 relative à des pratiques mises en œuvre par les Nouvelles Messageries de la Presse Parisienne (NMPP) sur le marché de la distribution de la presse pour la vente au numéro et des marchés d'activités connexes ; décision n° 09-D-02 du 20 janvier 2009 relative à une demande de mesures conservatoires présentée par le Syndicat National des Dépositaires de Presse ; décision n° 09-D-21 du 23 juin 2009 relative à des pratiques mises en œuvre par la société RTE sur le marché de travaux de lignes aériennes haute tension et décision n° 10-D-08 du 3 mars 2010 relative à des pratiques mises en œuvre par Carrefour dans le secteur du commerce d'alimentation générale de proximité.

136 Décision n° 03-D-42 du 18 août 2003 relative à des pratiques mises en œuvre par Suzuki et autres sur le marché de la distribution des motocycles, paragraphe 51 in fine.

137 Décision n° 10-D-08 du 3 mars 2010 relative à des pratiques mises en œuvre par Carrefour dans le secteur du commerce d'alimentation générale de proximité, paragraphe 165.

138 Ces termes sont ceux repris par l'Autorité dans la décision n° 09-D-21 du 23 juin 2009 relative à des pratiques mises en œuvre par la société RTE sur le marché de travaux de lignes aériennes haute tension, paragraphe 87.

139 Cotes 346, 898 (VNC : 4972), 1056, 1298, 1342 (VNC : 1358) et 1758 (VNC : 1766).