CA Versailles, 12e ch., 19 février 2013, n° 11-04961
VERSAILLES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Intervalle (SA)
Défendeur :
Michelin Travel Partner (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Rosenthal
Conseillers :
Mmes Poinseaux, Orsini
Avocats :
Mes Lissarrague, Cadiou, Jullien, Rasle
Vu l'appel interjeté le 27 juin 2011 par la société Intervalle à l'encontre d'un jugement rendu le 3 mai 2011 par le Tribunal de commerce de Nanterre qui a :
- dit que la société Viamichelin a commis une faute en rompant brutalement les relations commerciales qu'elle entretenait avec la société Intervalle et engagé sa responsabilité envers cette dernière,
- condamné la société Viamichelin à payer à la société Intervalle la somme de 200 000 euro à titre de dommages et intérêts, déboutant du surplus,
- débouté la société Intervalle de toutes ses demandes au titre de ses pertes de réseau de clients, pertes de chiffre d'affaires en produits autres Viamichelin, indemnisation de sa dépendance économique et de l'impossibilité de récupérer des investissements, de l'atteinte à son image de marque,
- débouté la société Viamichelin de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive et reconventionnelle,
- condamné la société Viamichelin à payer à la société Intervalle la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, déboutant pour le surplus, ainsi qu'aux entiers dépens,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Vu les dernières écritures signifiées le 23 janvier 2012 par lesquelles la société Intervalle demande à la cour de :
- confirmer le jugement
* en ce qu'il a accueilli la société Intervalle en son action à l''encontre de la société Viamichelin sur le fondement de l'article L. 442 6 I 5° du Code de commerce,
* en ce qu'il a constaté que la société Viamichelin n'avait respecté aucun préavis en opérant la cessation des livraisons en février 2008, soit deux mois avant la lettre de rupture portant dénonciation du contrat du 25 avril 2008,
* en ce qu'il a considéré que la société Viamichelin avait rompu brutalement les relations commerciales qu'elle entretenait avec la société Intervalle et engagé sa responsabilité envers cette dernière,
- réformer le jugement sur le préjudice et, jugeant à nouveau, dire et juger que, compte tenu de la durée des relations commerciales (six ans), de la date à laquelle Viamichelin savait interrompre sa production, de la part de marge réalisée par Intervalle avec le GPS et les autres produits commandés par les clients de la marque (25 % à 33 % selon que l'on intègre les autres produits commandés), de la date du préavis donné (le mois d'avril pour le mois de juillet), de la notoriété du produit et des usages du secteur de la distribution (négociation en octobre/novembre pour une signature et mise en œuvre en mars de l'année suivante), des investissements perdus et réalisés (réseau de clients et entrepôt), le préavis qu'aurait dû respecter la société Viamichelin était de douze mois et non de trois mois,
En conséquence,
- ordonner la condamnation de la société Viamichelin à titre de dommages et intérêts à la somme de 553 742 euros au titre de la perte de marge sur les produits Viamichelin sur 12 mois,
- condamner la société Viamichelin à titre de dommages et intérêts à la somme de 241 553 euro au titre de la perte de marge sur les autres produits commandés par les clients Viamichelin sur 12 mois,
- condamner la société Viamichelin à indemniser la société Intervalle au titre de la perte d'investissement liée à la prise à bail en 2008 d'un nouvel entrepôt pour accueillir les volumes accrus de marchandises en 2006-2007 et qui s'est retrouvé sans objet en 2008 après la rupture, soit la somme de 212 806 euros au titre de la perte d'investissement sur 12 mois,
- condamner la société Viamichelin à payer à la société Intervalle la somme de 200 000 euros au titre de l'atteinte à son image de marque
- débouter la société Viamichelin de son appel incident et de sa demande de frais irrépétibles,
- condamner la société Viamichelin au paiement de la somme de 25 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction ;
Vu les dernières écritures signifiées le 21 mars 2012 aux termes desquelles la société Michelin Travel Partner (anciennement Viamichelin) prie la cour, au visa des articles L. 442-6 I 5° du Code de commerce et 1382 du Code civil de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a, compte tenu de la durée de la relation commerciale, et du défaut de justification par la société Intervalle des faits par elle invoqués à l'appui de sa demande tendant à voir fixer ce délai à douze mois, jugé raisonnable un préavis d'une durée de trois mois,
- infirmer le jugement en ce qu'il a dit que la société Michelin travel partner, anciennement Viamichelin, avait rompu brutalement ses relations commerciales avec la société Intervalle et l'a condamnée à lui payer, à titre de dommages et intérêts, l'équivalent de cinq mois de perte de marge brute,
- dire et juger que la société Michelin travel partner, anciennement Viamichelin, a, le 24 janvier 2008, manifesté par écrit à la société intervalle de façon non équivoque son intention de ne pas poursuivre leurs relations commerciales, et que cette annonce constitue le point de départ du préavis,
En conséquence,
- dire et juger que la société Intervalle a bénéficié en l''espèce d'un préavis suffisant,
- dire et juger que la société Intervalle ne démontre ni l'existence des divers préjudices qu'elle prétend avoir subi du fait de l'insuffisance de préavis par elle alléguée, ni l'existence d'un lien de causalité entre ces préjudices et l'insuffisance prétendue ;
- débouter la société Intervalle de l'ensemble de ses demandes, fin et conclusions ;
- condamner la société Intervalle à payer à la société Michelin Travel Partner une somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et malicieuse et une somme de 25 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction ;
Sur ce, LA COUR,
Considérant que, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, il est expressément renvoyé au jugement entrepris ainsi qu'aux écritures des parties ; qu'il sera seulement rappelé que :
- la société Michelin Travel Partner (société Michelin), anciennement société Viamichelin, commercialise des systèmes de navigation portables et accessoires associés ainsi que des logiciels de navigation pour assistants numériques personnels ;
- elle a mis sur le marché, à partir de novembre 2005, un appareil de navigation GPS "autonome" dit PND (personnel navigation device),
- la société Intervalle exerce en tant que grossiste une activité d'achat, vente, importation et exportation de tous matériels électriques, électroniques et informatiques,
- le 15 mai 2006, la société Michelin a signé avec la société Intervalle un contrat "grossiste" lui confiant la distribution et la commercialisation de ses produits de navigation personnelle auprès d'un portefeuille de clients revendeurs, contrat conclu pour une durée indéterminée et pouvant être dénoncé à tout moment par l'une ou l'autre des parties, par lettre recommandée avec accusé de réception, moyennant le respect d'un préavis de 3 mois ;
- par courrier recommandé avec accusé de réception du 25 avril 2008, la société Michelin a informé la société Intervalle de sa décision de dénoncer le contrat conclu le 15 mai 2006, celui-ci prenant fin à l'issue du délai de 3 mois, conformément aux stipulations contractuelles ;
- estimant la rupture brutale, la société Intervalle, par acte d'huissier de justice du 17 novembre 2008, a assigné la société Michelin en paiement de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé, le fait par tout commerçant de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ;
Sur la durée de la relation commerciale
Considérant que la société Intervalle soutient que l'ancienneté de ses relations commerciales avec la société Michelin doit être calculée en tenant compte de ses relations commerciales avec les sociétés Kirrio et SWI, fournisseurs d'accessoires et de logiciels de cartographie et de navigation, avec lesquelles elle a signé en avril 2002 et en juillet 2003 des contrats en vue de la distribution d'outils de navigation, ancêtres des GPS, ces sociétés ayant été rachetées par la société Viamichelin ; qu'ainsi, à la date de la rupture notifiée en avril 2008, elle était en relation commerciale avec la société Michelin depuis 6 ans ;
Considérant que la société Michelin oppose que la société Intervalle n'est restée en relation avec la société SWI que quelques mois et que la société Kirrio ne commercialisait pas des produits de même nature que le "GPS Viamichelin" ;
Qu'elle soutient que sa relation commerciale avec la société Intervalle pour la vente des "PND Viamichelin" n'a débuté que par la signature du contrat du 15 mai 2006 ;
Considérant que la société Intervalle a conclu le 12 avril 2002 un contrat de distribution, pour une durée d'un an tacitement renouvelable, avec la société Kirrio qui concevait, faisait fabriquer et commercialisait des outils et accessoires (récepteurs GPS et systèmes de fixation amovibles) permettant d'utiliser un PDA (assistant personnel numérique) comme système de navigation GPS ;
Qu'elle a conclu en juillet 2003 un contrat de distribution avec la société SWI, société ayant créé et édité un logiciel permettant d'utiliser un PDA comme système de navigation ;
Qu'il est établi et non contesté que les sociétés Swi et Kirrio ont été rachetées par la société Michelin en juillet 2003 pour la première et juillet 2005 pour la seconde ;
Que si le contrat avec la société SWI a effectivement été résilié par la société Intervalle à compter du 16 septembre 2003, les relations entre la société Intervalle et la société Kirrio se sont en revanche poursuivies sans discontinuer, la société Intervalle n'ayant pas cessé de distribuer les produits de marque Kirrio avant de distribuer les produits objets du contrat du 15 mai 2006 ;
Qu'il résulte de ces éléments qu'au moment de la rupture, les sociétés Intervalle et Michelin entretenaient des relations commerciales stables et suivies, et par suite établies, au sens de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce depuis environ 6 années et ce, peu important que les ventes de produits Kirrio aient été inexistantes en 2007 et 2008, période pendant laquelle était en cours le contrat du 15 mai 2006, ou que les produits commercialisés dans le cadre du contrat signé avec la société Kirrio n'aient pas été strictement identiques aux produits objet du contrat du 15 mai 2006, étant observé qu'il s'agit dans les deux cas d'outils d'aide à la navigation ;
Sur la date de la rupture
Considérant que la société Intervalle soutient que la société Michelin, qui a signifié formellement la résiliation du contrat, par courrier du 25 avril 2008, avait, en réalité, rompu de facto toute relation commerciale avec elle dès le mois de février 2008, de sorte que la rupture s'est faite en l'absence de tout préavis ;
Qu'elle conteste que le communiqué de presse du 24 janvier 2008 diffusé par courriel par la société Michelin à tous ses clients puisse constituer l'annonce de la fin des relations commerciales avec notification d'un préavis et relève l'attitude ambiguë de la société Michelin qui l'a entretenue dans la croyance d'une poursuite des relations commerciales, soit directement soit par l'intermédiaire de la société Navigon ;
Qu'elle fait valoir que si, comme le prétend la société Michelin, la rupture avait été formalisée de manière claire et non équivoque dès le 24 janvier 2008, cette société n'aurait pas eu besoin de lui notifier la résiliation du contrat par courrier du 25 avril 2008 ;
Considérant que la société Michelin oppose que, par courriel adressé à la société Intervalle le 24 janvier 2008, elle a annoncé sa décision d'arrêter la fabrication du seul produit sur lequel portaient leurs relations, demandant à cette société de retransmettre cette information à ses équipes et à ses clients et la remerciant du partenariat qu'elles avaient eu ensemble ;
Qu'elle soutient qu'elle a ainsi manifesté par écrit, de façon claire et non équivoque son intention de ne pas poursuivre leurs relations commerciales et que cette manifestation est constitutive d'un préavis ;
Qu'elle soutient que c'est la société Intervalle qui a cessé de lui passer des commandes en cours de préavis et précise que la lettre de dénonciation du contrat adressée à la société Intervalle le 25 avril 2008 ne constituait que la régularisation et la formalisation sur le plan contractuel de la fin de leur relation commerciale annoncée par écrit dès le 24 janvier précédent ;
Considérant que, contrairement à ce que soutient la société Michelin, ni le courriel qu'elle a adressé le 24 janvier 2008 à ses revendeurs dont la société Intervalle, ni la note qui lui était annexée ne traduisent sa volonté claire et non équivoque de mettre un terme à ses relations commerciales avec la société Intervalle ;
Qu'en effet, si ce courriel renvoie à une "note officielle annexée" concernant "l'arrêt de l'activité GPS", il précise que cette même note contient également des informations sur "la continuation de l'activité On Line et des services Viamichelin" ;
Que la "note officielle annexée" est un document de 3 pages intitulé "Viamichelin accélère le développement de ses activités d'aide à la mobilité sur Internet" dans lequel la société :
- annonce qu'elle concentre son savoir-faire sur, d'une part, ses activités Internet et la fourniture de contenus tels que les informations touristiques et, d'autre part, l'information trafic sur divers types de supports numériques (téléphones portables, systèmes GPS),
- confirme sa volonté de faciliter les voyages et les déplacements en faisant bénéficier le plus grand nombre de consommateurs de ses services d'aide à la mobilité et en nouant pour ce faire des partenariats dans les domaines de l'Internet, de l'automobile de la téléphonie mobile et du GPS ;
- informe de l'évolution à venir, avec offre de services enrichie, du site Internet grand public et des offres de géolocalisation pour entreprise ;
- indique que Viamichelin continue de commercialiser ses tout derniers GPS mais ne développera pas de nouvelle gamme, et qu'elle continuera de supporter ses clients actuels et futurs et maintiendra la garantie de 2 ans, le support en ligne, le dispositif service après-vente et la mise à jour des radars ;
- contient des informations sur "les cartes", "les radars et le Guide Michelin", "l'information trafic" et la "maintenance des GPS Viamichelin" ;
Que les messages délivrés par ces documents adressés le 24 janvier 2008 à la société Intervalle sont ambigus ; qu'ils n'annoncent pas la fin mais au contraire la poursuite de la commercialisation des GPS et ce pour une durée qui n'est pas précisée ; que si l'arrêt de "l'activité GPS" est annoncée, la société Viamichelin met, en même temps, l'accent sur sa volonté de nouer des partenariats dans le domaine des GPS, information de nature à entretenir la société Intervalle dans la croyance d'une poursuite des relations commerciales et ce, d'autant plus, que les articles parus dans la presse courant janvier 2008 faisaient état d'un partenariat possible avec la société Navigon, fabricant allemand de GPS, pour la production de terminaux GPS sous la marque Viamichelin, partenariat qui aurait entraîné la poursuite de la commercialisation des GPS Viamichelin ; que la société Michelin confirme dans ses écritures qu'elle projetait alors de lancer sur le marché un GPS (PND) "Navigon-Viamichelin" et avait entrepris des négociations avec la société Navigon ;
Qu'il ne peut dès lors être déduit du courriel du 24 janvier 2008 et de la note jointe l'annonce par la société Michelin de son intention de ne pas poursuivre ses relations commerciales avec la société Intervalle et c'est dès lors à bon droit que le tribunal a retenu que ces documents n'ont pas eu pour effet de faire courir le délai de préavis ;
Considérant que c'est, en revanche, à tort que le tribunal a retenu que la société Michelin avait brutalement et avant tout préavis cessé ses relations commerciales avec la société Intervalle à la fin du mois de février 2008 ;
Que les pièces produites par la société Michelin démontrent en effet qu'en février, mars et avril 2008, la société Intervalle a pu continuer de se faire livrer des produits Viamichelin, sans se heurter à un refus de la part de la société Michelin ;
Considérant que ce n'est que par courrier du 25 avril 2008 que la société Michelin a informé la société Intervalle de sa décision de dénoncer le contrat du 15 mai 2006 et de rompre ses relations avec elle, à l'issue d'un préavis de 3 mois, étant observé que ce courrier, qui ne fait aucune référence au courriel du 24 janvier précédent ni ne confirme une décision de rupture qui serait déjà intervenue, ne se borne pas, contrairement à ce que soutient la société Michelin, à "régulariser ou formaliser" une rupture déjà annoncée ;
Sur la durée du préavis
Considérant que la société Intervalle soutient qu'elle aurait dû bénéficier d'un préavis de 12 mois, compte tenu :
- de la durée de ses relations commerciales avec la société Michelin,
- de la date à laquelle la société Michelin savait qu'elle allait interrompre sa production, soit le 31 décembre 2007,
- de la part de chiffre d'affaires et de marge qu'elle réalise avec le "GPS Viamichelin" et les autres produits commandés par les clients de la marque, soit entre 25 et 33 %,
- de la notoriété du produit "GPS Viamichelin",
- des investissements réalisés perdus,
- des usages du secteur de la distribution,
Considérant que la société Michelin oppose qu'un préavis de 3 mois est suffisant eu égard à la brièveté de la relation commerciale qui a duré moins de deux ans, le contrat de grossiste ayant été signé le 15 mai 2006 et en tout état de cause, moins de 6 ans, s'il fallait tenir compte des relations entre la société Intervalle et la société Kirrio ;
Qu'elle conteste la dépendance économique invoquée par la société Intervalle et affirme que la distribution de GPS sur laquelle portait seule sa relation commerciale avec cette société ne représentait qu'une part limitée de son activité et que la société Intervalle avait la capacité de se diversifier et d'étendre son activité ; qu'elle conteste les autres critères avancés par la société Intervalle pour justifier d'une augmentation de la durée du préavis ;
Considérant que la durée du préavis doit être appréciée au regard de la durée de la relation commerciale, en l'espèce 6 ans, et des autres circonstances de fait, au moment de la notification de la rupture ;
Qu'il résulte des pièces produites que le chiffre d'affaires de la société Intervalle, dont l'activité porte sur la distribution de différents matériels électriques, électroniques, informatiques et télécom, est passé de 25 077 323 euros en 2007 à 14 324 000 euros en 2008, le résultat net passant sur la même période de 234 000 euros à 320 000 euros
Qu'il est établi que la société Intervalle réalisait 23 % de son chiffre d'affaires avec la société Michelin, dans le cadre du contrat du 15 mai 2006, lequel ne comportait aucun engagement d'exclusivité ;
Que si la notoriété de la marque Viamichelin dont se prévaut la société Intervalle n'est pas contestable, la société Intervalle n'est toutefois pas fondée à se prévaloir d'une perte de chiffre d'affaires de 33 % en soutenant, sans en apporter la démonstration, que l'arrêt des ventes de produits Viamichelin lui aurait fait perdre la vente d'autres produits ;
Que c'est en vain que la société Intervalle invoque, à l'appui de sa demande de fixation du délai de préavis à 12 mois, les investissements en location d'entrepôts qu'elle dit avoir dû réaliser en 2007 pour accueillir la marchandise Viamichelin, alors que le chiffre d'affaires réalisé avec la société Michelin en 2007 est inférieur à celui réalisé en 2006 et qu'aucune information n'est donnée sur le volume des stocks des produits Viamichelin par rapport à celui des nombreux produits que distribue la société Intervalle, étant observé en outre que le contrat de distribution du 15 mai 2006 n'impose aucune quantité minimale de stocks ;
Que les investissements réalisés par la société Intervalle, grossiste, pour constituer son réseau de revendeurs ne sont pas de nature à justifier une augmentation du délai du préavis alors que ces investissements sont au contraire de nature à faciliter sa diversification et la recherche de nouveaux fournisseurs ;
Que la société Intervalle ne justifie pas davantage de la nécessité d'augmenter le préavis afin de tenir compte de "cycles de production" dans l'activité qui est la sienne alors que, dès le mois de mai 2008, elle a commencé à distribuer des produits des fabricants Harman Becker, Philip et Shogo dont elle dit s'être rapprochée après la perte de son contrat avec la société Michelin, réalisant un chiffre d'affaires de 750 890 euros avec le premier de mai à décembre 2008 ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société Intervalle aurait dû bénéficier, compte tenu de la durée de ses relations commerciales avec la société Michelin et de la nature et des caractéristiques de celle-ci, d'un préavis de 6 mois, afin de lui permettre d'assurer la protection de ses intérêts économiques et commerciaux et de retrouver d'autres partenaires ;
Sur la réparation
Considérant que la société Intervalle invoque un préjudice de 553 742 euros au titre de la perte de marge sur les produits Viamichelin sur 12 mois, 241 553 euros au titre de la perte de marge sur les produits annexes aux produits Viamichelin commandés par ses clients, 212 806 euros au titre de la perte d'investissement liée à la prise à bail en 2008 d'un nouvel entrepôt et 200 000 euros au titre de l'atteinte à son image de marque ;
Considérant que la société Michelin s'oppose à ces demandes en soutenant que la société Intervalle a bénéficié d'un préavis suffisant et qu'en tout état de cause, elle ne démontre ni l'existence des divers préjudices, ni l'existence d'un lien de causalité entre ces préjudices et l'insuffisance de préavis qu'elle allègue ;
Considérant que la société Michelin doit réparation du préjudice résultant de la brutalité de la rupture des relations commerciales avec la société Intervalle qui doit être indemnisée de la perte de la marge brute qu'elle aurait dû réaliser durant la période de préavis dont elle a été privée ;
Que la distribution de produits Viamichelin par la société Intervalle ayant cessé postérieurement au préavis donné le 25 avril 2008, celui-ci a été privé d'effet et le préjudice effectif subi par la société Intervalle, qui n'est pas responsable de la cessation de l'activité, doit dès lors être calculé en référence à la marge brute perdue sur 6 mois ;
Qu'au vu des pièces produites par la société Intervalle, notamment les attestations de son commissaire aux comptes, en vain critiquées par la société Michelin, et sur la base de la marge brute moyenne réalisée par la société Intervalle sur les produits Viamichelin au titre des années 2006 et 2007 et des premiers mois de l'année de 2008, le préjudice subi par la société Intervalle du fait de la perte de marge sera fixée à la somme de 280 000 euros ;
Considérant qu'en revanche la demande au titre de la perte de marge sur les autres produits commandés par les clients en même temps que les GPS Viamichelin sera rejetée, la société Intervalle ne démontrant ni le phénomène de massification dont elle fait état, ni le lien de causalité entre la perte du contrat avec la société Michelin et la réduction des commandes d'autres produits ;
Qu'il n'y a pas lieu en outre, pour les raisons déjà exposées, et faute en outre pour la société Intervalle de justifier de ce chef de préjudice d'indemniser cette société au titre de la perte d'investissement alléguée ;
Que la société Intervalle ne justifie pas davantage de l'atteinte à l'image qu'elle allègue, les circonstances vexatoires de la rupture qu'elle invoque n'étant au demeurant nullement établies ;
Que le préjudice résultant de la rupture brutale de la relation commerciale établie doit dès lors, au vu des pièces produites et de l'ensemble des éléments dont dispose la cour, être fixée à la somme de 280 000 euros ;
Que la société Michelin sera condamnée à payer cette somme à la société Intervalle à titre de dommages-intérêts, le jugement étant infirmé quant au montant de l'indemnité allouée ;
Sur les autres demandes
Considérant que la demande de dommages-intérêts formée par la société Michelin sera rejetée, cette société ne démontrant pas l'abus de la société Intervalle dans l'exercice de son droit d'agir en justice ;
Que l'équité commande de faire partiellement droit à la demande de la société Intervalle fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile, la demande à ce titre formée par la société Michelin étant rejetée ;
Par ces motifs : Statuant par arrêt contradictoire, Confirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a condamné la société Viamichelin à payer à la société Intervalle la somme de 200 000 euros à titre de dommages et intérêts, Statuant de nouveau du chef infirmé et y ajoutant Condamne la société Michelin à payer à la société Intervalle la somme de 280 000 euros à titre de dommages et intérêts ; Déboute la société Michelin de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ; Rejette toutes autres demandes des parties ; Condamne la société Michelin à payer à la société Intervalle la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Rejette la demande de la société Michelin sur ce fondement ; Condamne la société Michelin aux dépens qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.